Pie XII
Eugenio
Maria Giuseppe Giovanni Pacelli (né à Rome, le 2 mars 1876 - mort à
Castel Gandolfo, le 9 octobre 1958) est élu pape le 2 mars 1939 sous le
nom de Pie XII (en latin : Pius XII, en italien : Pio XII).
Né
dans une famille de l'aristocratie du Saint-Siège, il progresse dans la
curie, en tant que juriste dans la diplomatie vaticane.
Nonce
apostolique pendant la Première Guerre mondiale en Bavière puis en
Allemagne, où il assiste à une révolte communiste et à la naissance du
parti nazi, négociateur de plusieurs concordats, il devient en 1929
secrétaire d'État et est créé cardinal par le pape Pie XI.
Il
travaille avec lui au quotidien, en particulier sur les relations avec
l'Allemagne où Hitler arrive au pouvoir avec l’appui du catholique Von
Papen, avec lequel il négocie un concordat.
Il travaille ensuite pour Pie XI à la lettre de condamnation du nazisme : Mit brennender Sorge.
Ses capacités de diplomate et la confiance de Pie XI qui meurt en 1939, en font le favori du conclave qui l'élit peu avant le début de la guerre.
Tentant
de maintenir la paix (au moins pour l'Italie), exposant sa vision du
rôle du pape dans l'encyclique Summi Pontificatus, il maintient le
Vatican dans une neutralité qui condamne les excès de la guerre (en
Pologne surtout) sans nommer explicitement le nazisme de peur,
semble-t-il, d'aggraver la répression.
Sous
la surveillance de Mussolini d'abord, puis sous celle des Allemands, il
maintient des liens diplomatiques avec tous les régimes y compris ceux
qui collaborent à l'antisémitisme et à déportation des juifs, tout en se
refusant à condamner l'alliance des alliés et de l'URSS.
Mis
au courant de l'existence des camps d'extermination, le pape condamne
les actes sans en préciser explicitement les victimes, ni les coupables
(Noël 1942).
Lors de l'occupation de Rome par les nazis, Pie XII
agit pour éviter les bombardements de la ville et pour protéger les
juifs menacés, ce qui n'empêche pas complètement leur déportation mais
lui vaut la reconnaissance de plusieurs personnalités et dignitaires
juifs après la guerre.
Après
la guerre, il s'oppose aux régimes communistes qui poursuivent la
répression des catholiques et accompagne la décolonisation par la mise
en place de clergés locaux.
Durant son long pontificat, Pie XII
exerce un magistère d'autorité, utilisant l'infaillibilité pour
affirmer le dogme de l'assomption, publiant 42 encycliques et effectuant
33 béatifications.
Il
affirme une vision hiérarchique de l'église comme un corps mystique du
Christ, insistant sur l'apostolat des laïcs et sur le rôle de la famille
chrétienne dans l'éducation.
Il
encadre les innovations liturgiques et la recherche sur les écritures
saintes, met fin à l'expérience des prêtres ouvriers, prend position sur
les questions scientifiques, la contraception ou sur les évolutions
politiques utilisant les médias modernes (radio, télévision), et les
grands rassemblements.
Après
sa mort, en particulier à partir de 1963, à la suite de la parution de
la pièce de théâtre Le Vicaire, il est l'objet d'une polémique (qui
reprend au moment de l'enquête sur sa béatification) entre ceux qui
louent son action charitable et déterminée contre Hitler et ceux qui lui
reprochent ses « silences » (en particulier sur la Shoah, le génocide
des Juifs d'Europe par le régime nazi et ses collaborateurs) et ses
ambiguïtés face aux régimes d’extrême-droite.
L'ascension du diplomate juriste
Un modèle de carrière dans la curie
Un représentant de la jeunesse pontificale
Eugenio Pacelli enfant
Le père d'E. Pacelli, avocat à la rote
E. Pacelli en 1896
Eugenio
Pacelli naît à Rome en 1876, dans une famille de la noblesse noire du
Saint-Siège fidèle à la papauté pendant la question romaine (de 1870 à
1929 accords du Latran) : son grand-père, Marcantonio Pacelli, avait été
ministre des Finances de Grégoire XVI puis secrétaire à l'Intérieur sous le pontificat de Pie IX de 1851 à 1870.
C'était
l'un des fondateurs du journal officiel du Vatican, L'Osservatore
Romano, et il avait accompagné le Pape en exil à Gaète en 1861.
Son
père, Filippo Pacelli (1837-1916), avocat à la Rote romaine puis avocat
consistorial s'était également montré défavorable à l'intégration des
États pontificaux au royaume d'Italie après 1870.
Un
oncle (Guiseppe Pacelli) est Monsignor (il le baptise à San Celso e
Giuliano), un de ses cousins, Ernesto Pacelli, est un conseiller
financier de Léon XIII, sa mère, Virginia
Graziosi (1844-1920) vient d'une famille distinguée pour ses services
rendus au Saint-Siège, enfin, son frère, Francesco Pacelli, docteur en
droit canon et juriste du Saint-Siège, allait être l'un des négociateurs
des accords du Latran en 1929.
Avec
son frère Francesco et leurs deux sœurs, Giuseppina et Elisabetta,
Eugenio grandit à Rome, va à l'école chez les religieuses puis à partir
de 7 ans, au Liceo Ennio Quirino Visconti, établissement public marqué
par un certain anticléricalisme populaire. Il est le meilleur de ses
classes.
Eugenio
Pacelli annonce dès 12 ans son intention d'être prêtre et non homme de
loi, ce qui n'étonne pas sa famille (il était fasciné par saint Philippe
Neri dont le corps était sous l'autel de l'église de la paroisse où il
servait comme enfant de chœur).
Étudiant
discipliné, sportif (natation, cheval, canot), musicien (violon),
s'intéressant à l'archéologie, il commence en 1894 sa théologie à
l'université grégorienne, comme pensionnaire du collège Capranica.
De 1895 à 1896, il effectue son année de philosophie à l'université romaine de La Sapienza.
Il
visite Paris en 1896 rejoint l'institut Apollinare de l'université
pontificale du Latran en 1899, y obtient trois licences, l'une de
théologie et les autres in utroque jure (« dans les deux droits »,
c'est-à-dire droit civil et droit canonique) avec, parmi ses
professeurs, l'Allemand Karl Julius Beloch.
Au séminaire, pour des raisons de santé, il échappe au lot commun et obtient de rentrer chaque soir au domicile parental.
Il est ordonné prêtre à Pâques le 2 avril 1899 par Mgr Francesco di Paola Cassetta, un ami de la famille.
La carrière dans la curie d'un juriste diplomate
Le père Pacelli le jour de son ordination (1899)
Le P. Pacelli est invité à travailler dans les bureaux du Vatican par Mgr Pietro Gasparri, qui est un proche de Mariano Rampolla, le secrétaire d'État du pape Léon XIII.
En
1901, fait docteur en théologie, repéré pour ses dons en langue et en
droit, il entre à la Congrégation des affaires ecclésiastiques
extraordinaires, chargée des relations internationales du Vatican, par
la recommandation d'un des frères cardinaux Vannutelli, ami de la
famille.
Il y devient minutante pour le compte du secrétariat d'état où il rencontre Merry del Val.
Il est choisi par Léon XIII pour porter les condoléances du Vatican après le décès de la reine Victoria.
Le P. Pacelli debout au côté de Merry del Val sous le portrait de Pie X. Concordat avec la Serbie en 1914
Le cardinal Gasparri dont Pacelli est le collaborateur
Le P. Pacelli assiste, en tant que minutante au conclave d'août 1903, qui voit l'empereur d'Autriche François-Joseph Ier porter la dernière exclusive contre le cardinal Rampolla et aboutit à l'élection de Pie X.
Après
cette élection, la curie est dominée par les antimodernistes et tout
particulièrement le nouveau secrétaire d'État, le cardinal Merry del
Val.
Pacelli, tout en restant le protégé du cardinal Gasparri, est identifié comme un proche de Pie X,
qui le nomme camérier secret et aurait appartenu à l'organisation
antimoderniste la Sapinière « quoique sa position ne soit pas
intransigeante.
Il était vu comme un serviteur du Saint-Siège essentiellement étranger aux conflits qui secouaient les milieux du Vatican ».
Après
avoir été intégré, le 3 octobre 1903, dans la Commission pour la
codification du droit canonique (dont il est nommé secrétaire en 1904,
par le cardinal Gasparri) il est promu prélat domestique en 1905, et
poursuit sa carrière de spécialiste comme juriste, représentant du
Saint-Siège et enseignant : il publie une étude sur La Personnalité et
la territorialité des lois, spécialement dans le droit canon, puis un
livret blanc sur la séparation des Églises et de l'État en France où il
s'est rendu l'année précédente.
Il est un des principaux préparateurs des textes qui mettent fin au droit d'exclusive qui avait marqué le conclave précédent.
Nommé
représentant du Vatican au congrès international eucharistique de
Londres (1908), il rencontre Winston Churchill et représente le
Saint-Siège au couronnement du roi Georges V en 1911.
Mgr
Pacelli, après avoir décliné de nombreuses offres de chaires de droit
canonique, aussi bien à l'Apollinaire qu'à l'université catholique de
Washington (à la demande du pape), enseigne cependant à l'Académie des
nobles ecclésiastiques, vivier de la curie romaine, puis devient
professeur de droit canon de l'université pontificale du Latran et de
l'université catholique d'Amérique en 1908. De 1909 à 1914 il est
professeur de l'Institut Sant’Apollinare. Il est également chapelain des
sœurs de l'Assomption.
Sa
carrière est une suite de promotions : le 7 mars 1911, il devient
sous-secrétaire aux Affaires ecclésiastiques extraordinaires du cardinal
Gasparri, puis en 1912, consultant pour le Saint-Office, secrétaire
adjoint, et secrétaire le 1er février 1914 (il y succède à Mgr Gasparri qui vient d'être promu Cardinal secrétaire d'État).
Dès lors, il devient un des diplomates en vue du Saint-Siège.
Il conclut un concordat avec la Serbie quelques jours avant l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche.
Après le décès du pape, son successeur, Benoît XV conserve Gasparri et Pacelli à leurs postes.
Pacelli
y promeut la politique pacifiste du pape pendant la Première Guerre
mondiale (il est chargé du suivi et des échanges des prisonniers de
guerre).
Il
tente en particulier de dissuader l'Italie d'entrer en guerre contre
les puissances centrales (Autriche-Hongrie et Allemagne) : en 1915, lors
d'un voyage à Vienne, en collaboration avec le nonce apostolique Mgr Scapinelli, il cherche à amener l'empereur François-Joseph à plus de patience à l'égard de l'Italie.
Lorsqu'il sert à Rome, considéré comme le bras droit de Mgr
Gasparri, il participe à la rédaction des projets de documents
pontificaux, souvent majeur, à l'instar des encycliques comme celle,
interrompue du fait de la Première Guerre mondiale, prévue en février
1916, il participa au passage sur la condamnation de l'antisémitisme.
Un diplomate du Saint-Siège
Le nonce apostolique en terre allemande
Mgr Pacelli en Bavière (1922)
Mgr Pacelli devant la grand quartier général allemand après avoir remis un message de paix à l'empereur Guillaume II (1917)
Le 20 avril 1917, Benoît XV nomme Pacelli nonce apostolique en Bavière : Munich est alors l'unique représentation pontificale dans l'Empire allemand.
Trois
jours plus tard, il le nomme archevêque in partibus de Sardes et le
sacre dans la chapelle Sixtine, le 13 mai 1917 (jour des apparitions de
Fátima).
Il est reçu par le roi Louis III de Bavière le 29 mai 1917.
Auprès du Kaiser Guillaume II, Pacelli tente en vain de promouvoir la note de Benoît XV du 1er août 1917, demandant la paix : le Chancelier Bethmann-Hollweg, intéressé, doit démissionner.
Pacelli
s'efforce de connaître l'Église allemande, visite les diocèses et
assiste aux principales manifestations catholiques, comme le
Katholikentag.
Il
rencontre son conseiller Robert Leiber et prend à son service, lors de
ses vacances d'été, à Rorschach au lac de Constance, l'Allemande sœur
Pasqualina, âgée de 23 ans, qui reste sa gouvernante jusqu'à la fin de
sa vie.
Après
l'effondrement de l'Allemagne, une insurrection éclate en Bavière, en
1919, et des révolutionnaires menacent le nonce apostolique de leurs
armes pour prendre sa voiture.
La
république des conseils de Bavière nationalise l'immeuble de la
nonciature, qui est rendu après la protestation officielle du
diplomate ; le nonce écrit au Vatican que ce régime — qui dura un mois —
est une « très dure tyrannie judéo-russo-révolutionnaire ».
En
1919 le Saint-Siège reconnaît la nonciature en Bavière compétente pour
l'ensemble du territoire allemand ; le 23 juin 1920, est établie une
nonciature en Allemagne que Mgr Pacelli
reçoit, en même temps que la nonciature de Prusse (double poste
purement formel puisque le personnel et l'adresse sont les mêmes). Mgr
Pacelli demeure toutefois en Bavière jusqu'à la conclusion d'un
concordat (1924) où il s'inquiète de la montée de la droite
nationaliste : une campagne, en mars 1923, assimile les jésuites, les
Juifs et les protestants à des ennemis de l'Allemagne.
Il
déconseille à cause de ce risque d'amalgame les rapprochements
œcuméniques. Il vit à Munich le putsch manqué Hitler-Ludendorff du 8 et 9
novembre 1923.
Il alerte au Vatican le nouveau pape Pie XI
(élu en 1922) contre le caractère anticatholique de ce coup d'État et,
en mai 1924, il estime que le nazisme est « peut-être la pire hérésie de
notre époque ».
Le nonce apostolique Mgr Pacelli en juillet 1924 au 900e anniversaire de la cité de Bamberg
Anniversaire de mariage de la famille royale bavaroise
Il
n'emménage à Berlin (au palais neuf de la nonciature) que le 18 août
1925 et conduit, de 1925 à 1929, les négociations d'un concordat avec la
Prusse.
L'échec d'un concordat global avec l'Allemagne provient d'une méfiance réciproque avec le gouvernement.
Hostile
aux communistes, proche du père Kaas, membre du Zentrum, il déconseille
une alliance politique du parti catholique avec la coalition
socio-démocrate/libérale de la république de Weimar.
Il
appuie toutefois les efforts diplomatiques de l'Allemagne (demande de
modération des réparations de guerre, refus de la sécession du clergé de
la Sarre souhaitée par la France, aide à la nomination d'un
administrateur papal pour Danzig et réintégration de prêtres de
Pologne).
En
août 1929, au nonce autrichien, il décrit Adolf Hitler, comme un
« redoutable agitateur politique », ajoutant : « ou bien je me trompe
vraiment beaucoup, ou bien tout cela ne se terminera pas bien. Cet
être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu'il dit et écrit
porte l'empreinte de son égoïsme ; c'est un homme à enjamber des
cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin
— je n'arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi
les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon
de ce qu'il écrit et dit. — Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce
livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu'est Mein Kampf ? ».
Son
rôle diplomatique déborde le territoire allemand : en l'absence de
nonciature auprès du régime de Lénine, Pacelli prend connaissance des
discussions entre le Vatican et l'URSS. En 1926, il consacre évêque le
jésuite Michel d'Herbigny, chargé de constituer un clergé en Union
soviétique.
Il relaie des propositions soviétiques pour l'organisation du catholicisme, jusqu'à leur échec en 1927 (arrêt par Pie XI).
Afin
de régulariser les relations entre le Saint-Siège et les autres États
et d'y défendre les activités catholiques, il négocie plusieurs
concordats avec la Lettonie en 1922, avec la Bavière en 1924, avec la
Pologne en 1925, avec la Roumanie en 1927 enfin avec la Prusse en 1929.
Le secrétaire d’État de Pie XI
Le Pape Pie XI, Guglielmo Marconi et Mgr E. Pacelli
.
Si son élévation à la dignité de cardinal par Pie XI
avec le titre de cardinal-prêtre de Saints-Jean-et-Paul (1929) ne
surprend pas, sa nomination dès février 1930, comme successeur du
cardinal Gasparri au poste de cardinal secrétaire d'État crée la
« stupeur » dans la curie.
Elle y apparaît comme la promotion d'un homme nouveau au service exclusif du pape et « une figure au-dessus des partis ».
Le cardinal Pacelli devient le principal collaborateur de Pie XI qu'il voit au moins deux fois par semaine.
Tout
en poursuivant son ascension dans la curie (archiprêtre de la basilique
vaticane (1930), grand chancelier de l'Institut pontifical
d'archéologie chrétien (1932) et surtout camerlingue de la Sainte Église
romaine en 1935), il conduit la diplomatie, la négociation et la
signature de plusieurs concordats, régissant les relations entre l'État
signataire et l'Église catholique et permettant à cette dernière de
faire fonctionner de nombreux groupes et associations (Bade 1932,
Autriche en 1933, Yougoslavie en 1935 et Portugal en 1940). Il est
associé à la protestation contre l'attitude du gouvernement mexicain
(1932), voyage en Argentine (1934), en France (Lourdes en 1935, Paris et
Lisieux en 1937), aux États-Unis à titre privé en 1936, (il y rencontre
Franklin Delano Roosevelt, Mgr Spellman et la famille de Joseph Kennedy), et en Hongrie (où il rencontre le régent Miklós Horthy en 1938).
Le cardinal Pacelli en Argentine, en 1934
L'ancien nonce en Allemagne continue à négocier en vain avec la république de Weimar un projet global de concordat.
Politiquement, il soutient avant 1933 l'idée d'une coalition entre les catholiques du Zentrum et le DNVP.
Cependant
le chancelier Franz von Papen choisit l'alliance avec le NSDAP de
Hitler, ce qui entraîne des signes de détente entre le dirigeant nazi
parvenu au pouvoir en janvier 1933 et les catholiques : un discours
rassurant de Hitler le 23 mars 1933, le retrait du décret des évêques
qui avait explicité l'incompatibilité du catholicisme et du
national-socialisme (28 mars suivant), l'ordonnance confirmant
l'existence du parti catholique Zentrum (23 avril) alors que les autres
partis sont interdits, enfin son auto-dissolution le 5 juillet 1933
permettant l'instauration du parti unique .
Signature du concordat à Rome. Mgr Pacelli entouré de Mgr
Ludwig Kaas, prélat et député allemand, chef du parti catholique
(Zentrum), Franz von Papen, vice-chancelier allemand, assis, et, à sa
gauche, debout, Mgr Ottaviani
Pie XI et Mgr
Pacelli profitent de cette phase pour signer le concordat en
préparation depuis plusieurs années et qui donne une garantie d'état au
catholicisme allemand.
Du
point de vue de Hitler, la signature permet à la fois d'éviter une
activité politique éventuelle du clergé, des organismes et des ordres
catholiques, et de rassurer l'étranger (en particulier l'Autriche,
l'Espagne et l'Italie catholiques) tout en augmentant son prestige
international.
Le 20 juillet 1933, le cardinal Pacelli signe avec Franz von Papen,
représentant le nouveau chancelier du Reich, Adolf Hitler, un concordat
avec l'Allemagne.
L'Allemagne
nazie ne respectant pas le concordat, le cardinal Pacelli envoie 55
notes de protestations au gouvernement allemand entre 1933 et 1939 (soit
9 notes par an).
En
mars 1937, il rédige à la demande du pape, avec le cardinal-archevêque
de Munich, Michael von Faulhaber, le texte de l'encyclique Mit
brennender Sorge qui renouvelle ces protestations et condamne la
divinisation de la
race et le paganisme.
C'est
la seule encyclique écrite en langue non latine. Publiée et importée
clandestinement en Allemagne elle est lue en chaire par tous les prêtres
catholiques allemands le dimanche des Rameaux de 1937.
Une vague de répression contre les prêtres allemands s'ensuivra.
En 1938, après l'approbation de l’Anschluss par l'épiscopat autrichien, Pie XI
fait intervenir Pacelli auprès du cardinal-archevêque de Vienne Theodor
Innitzer, pour qu'il revienne sur cette position par une déclaration.
Le 6 mai, celui-ci s'exécute, écrivant dans l'Osservatore Romano, au nom de tous les évêques d’Autriche :
« La
déclaration solennelle des évêques autrichiens […] n’avait pas pour but
d’être une approbation de quelque chose qui est incompatible avec la
loi de Dieu et que les gestes de sympathie de l'épiscopat autrichien à
l'égard du régime hitlérien n'avaient pas été concertés avec Rome ».
En mai 1938, lors de la visite de Hitler à Rome, Pacelli s'absente ostensiblement du Vatican avec le pape Pie XI.
Celui-ci multiplie les prises de positions contre l'alliance entre l'Italie mussolinienne et le nazisme.
Il
s'oppose à la législation antisémite italienne en déclarant le 6
septembre 1938 à des pèlerin « nous tous… sommes spirituellement des
sémites », demande aux universités catholiques d'organiser un
enseignement contre l'antisémitisme et le racisme, et souhaite
prononcer, pour l'anniversaire des accords du Latran un discours contre,
notamment, le contrôle de l'information par les fascistes. Mais il
meurt dans la nuit.
Le
cardinal Pacelli, camerlingue, conformément à l'usage ecclésial, assure
les cérémonies d'usage et détruit le texte imprimé du discours.
Article connexe : Humani generis unitas.
Le conclave de 1939 : l'élection attendue d'un pape diplomate
Couronnement de Pie XII en 1939
Sede Vacante 1939
Article connexe : Conclave de 1939.
Le pape Pie XI avait laissé entendre qu'il aurait aimé avoir pour successeur le cardinal Pacelli, dès 1937.
À
la mort de ce pape, des échanges entre les gouvernements français et
britannique montrent leur préférence pour le secrétaire d'État Pacelli ;
l'ambassadeur de France François Charles-Roux intervient activement
pour soutenir son élection.
L'ensemble
des cardinaux français semble lui apporter leur soutien en dehors du
Lorrain membre de la curie Eugène Tisserant (lui-même papabile), qui
aurait préféré Luigi Maglione qu'il considérait plus ferme vis-à-vis de
l'Allemagne.
À l'intérieur de la curie, on souhaite généralement un pape moins rugueux dans son expression que ne l'était Pie XI,
ce qui permettrait à la diplomatie allemande qui venait de réaliser
l'Anschluss de l'Autriche catholique de se satisfaire aussi du choix de
l'ancien nonce, moins agressif. Ciano et le régime mussolinien,
cependant, semblent s'opposer à un Pacelli « trop ami de la France » et
trop politique.
Soixante-deux
cardinaux se réunissent au Vatican. L'élection du cardinal camerlingue
Eugenio Pacelli ne fait guère de doute. Mais comme on pense que les
chances d'un non-italien sont meilleures qu'elles ne l'ont jamais été,
que les favoris ne sont pas toujours élus (quatre fois depuis 1823 sur
7) et qu'aucun secrétaire d'État n'a été élu depuis 1667 (ni d'ailleurs
de Romain depuis 1670), il y a d'autres papabile : le primat de Pologne
August Hlond, l'archevêque de Cologne Karl Joseph Schulte, un Français,
le camérier Eugène Tisserant, l'archevêque de Milan Ildefonso Schuster,
le patriarche de Venise Adeodato Giovanni Piazza, l'évêque de Turin
Maurilio Fossati et surtout l'évêque de Florence Elia Dalla Costa,
favori des Italiens…
Le choix est rapide (le conclave est le plus bref de l'histoire). Le cardinal Pacelli est élu pape.
Il
aurait reçu 35 votes dès le premier tour et 40 au second, les autres
suffrages se portant sur Luigi Maglione, Elia Dalla Costa de Florence,
et Jean-Marie-Rodrigue Villeneuve du Québec ; au troisième tour, il
aurait reçu une élection par acclamation (61 suffrages) peut-être après
avoir reçu exactement les deux tiers des voix nécessaires, et demandé un
scrutin supplémentaire pour confirmation (Benoît XV avait dû prouver dans les mêmes conditions qu'il n'avait pas contrevenu à l'interdiction de voter pour lui-même.
Pacelli abolit cette procédure en 1945 en portant la majorité à deux tiers plus une voix).
Le
2 mars 1939, à 17 h 30, la fumée blanche apparaît (mais elle semble un
temps noircir, ce qui conduit le secrétaire du conclave Vittorio Santoro
à confirmer l'élection à Radio Vatican).
Dans
la continuité du pontificat précédent et comme l'annonce dans l’habemus
papam Camillo Caccia Dominioni devant la foule qui entonne l'hymne
Christus Vincit, le nouveau pape choisit le nom de règne de Pie XII (Pius XII)
parce que « toute ma vie a été placée sous des papes portant ce nom, et
que c'est en particulier, un signe de gratitude en direction de Pie
XI ».
En
rentrant dans ses appartements du palais apostolique et passant devant
sa gouvernante, sœur Pasqualina, et les sœurs qui assuraient son
service, il leur dit, montrant sa soutane blanche : « Regardez ce qu'ils
ont fait de moi ! »
Le pape pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945)
Article connexe : Vatican durant la Seconde Guerre mondiale.
Au conclave, les cardinaux semblent avoir souhaité un pape plus diplomate que Pie XI. L'arrivée de Pie XII
signifie effectivement un changement de style : moins direct dans ses
condamnations, il cherche à empêcher la guerre, puis à poser le
Saint-Siège en éventuel médiateur et, en tout cas, veut rester neutre.
Bien
que les archives vaticanes ne soient publiées qu'en partie (les onze
volumes des Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde
Guerre mondiale), on peut retracer les prises de positions publiques de
Pie XII de 1939 à 45 en tenant compte de trois
éléments : la situation du Vatican, la position doctrinale du pape et
l'estimation des menaces sur les catholiques dans les zones sous
domination nazie, en particulier dans le cas polonais.
Ces
prises de position ont donné lieu pendant et après la guerre à un débat
polémique et historiographique sur « les silences du pape ».
Un pontificat qui commence par la guerre
Le cadre de la diplomatie
Une diplomatie pontificale de la neutralité
Dès son élection, Pie XII
dirige sa diplomatie dans toutes les directions pour éviter la guerre
sans paraître prendre parti : il nomme le 10 mars le cardinal Luigi
Maglione, ancien nonce à Paris réputé francophile, pour le remplacer
comme secrétaire d'État, envisage une conférence internationale, qui
trouve le soutien de l'ambassadeur britannique Francis D'Arcy Osborne (en), conseille la modération à la Pologne devant les revendications allemandes sur Danzig, reçoit Sumner Welles (en) (émissaire de Roosevelt) et conforte ses liens avec Joe Kennedy rencontré aux États-Unis.
Le
31 mars 1939, il salue la victoire de Franco obtenue avec l’aide de
l’Allemagne et de l’Italie dans la guerre civile durant laquelle des
religieux avaient été victimes du camp adverse : « Élevant notre âme
vers Dieu, Nous Nous réjouissons avec Votre Excellence de la victoire
tant désirée de l’Espagne catholique ».
Il ne s'exprime pas sur le Pacte germano-soviétique de non agression du 23 août 1939 entre l'Allemagne et l'URSS.
Il
déclare au Roi d'Italie le 24 août « rien n'est perdu avec la Paix,
tout est perdu avec la guerre » et, après la déclaration de guerre,
tente d'influencer le Roi et Ciano qu'il estime moins bellicistes que le
Duce, pour que l'Italie reste hors du conflit.
Après les lois antisémites de Mussolini, le pape engage Roberto Almagia un cartographe juif exclu de l'université de Rome.
Une neutralité sous surveillance
La politique de neutralité de Pie XII rappelle celle de Benoît XV : maintenir au Saint-Siège un centre de renseignement et d'ouverture à la négociation.
Mais
le Vatican est sous la surveillance policière de l'Italie fasciste,
puis sous la menace de l'armée nazie après l'occupation de Rome en 1943.
Les
valises diplomatiques sont fréquemment fouillées ; les lignes
téléphoniques sont mises sur écoute ; l’Osservatore Romano est censuré ;
les allées et venues des diplomates et journalistes sont étroitement
surveillées.
Pie XII
s'appuie donc surtout sur Radio Vatican pour se faire entendre même si,
comme Radio Londres, elle est brouillée par les Allemands au cours du
conflit.
Chargé de l'actif centre de renseignement sur les réfugiés et prisonniers de guerre, Mgr
Giovanni Battista Montini reçoit de nombreuses informations : le 5
novembre 1939, l'avocat allemand Josef Müller lui indique que des
officiers de l'Abwehr projettent de renverser Hitler et de faire la paix
avec les Anglais.
Pie XII en fait part au diplomate britannique D'Arcy Osborne qui en informe Lord Halifax.
La position doctrinale de l'encyclique Summi Pontificatus
Pie XII
donne le cadre théologique et diplomatique de ses prises de positions
dans sa première encyclique (Summi Pontificatus du 20 octobre 1939).
Il y confirme les condamnations de Pie XI
contre les différentes formes de racisme (et de nationalisme ou de
lutte des classes), dénonçant « l'oubli de cette loi de solidarité
humaine et de charité, dictée et imposée aussi bien par la communauté
d'origine et par l'égalité de la nature raisonnable chez tous les
hommes, à quelque peuple qu'ils appartiennent ».
Il
s'y dresse nettement, mais sans les nommer, contre le nazisme, le
fascisme mais aussi le communisme et le libéralisme sans Dieu comme
responsables de la guerre, qui n'apportera pas la solution (« l'esprit
de la violence et de la discorde verse sur l'humanité la sanglante coupe
de douleurs sans nom »).
L'encyclique cite la Pologne mais ne nomme ni Hitler ni Staline quoique l’Allemagne nazie y soit clairement visée.
Elle réagit ; l'impression et la distribution du texte y sont interdites et réprimées.
Aux États-Unis (le 28 octobre 1939, le New York Times reproduit
l'intégralité de l'encyclique et titre : « Le pape condamne les
dictateurs, les violateurs de traités, le racisme et demande d'urgence
le rétablissement de la Pologne ») comme en France, les réactions sont
positives : Albert Lebrun, président de la république et Edouard
Daladier, Premier ministre, la saluent et les forces aériennes
françaises en lâchent 88 000 copies sur le Reich.
L'attitude face aux attaques allemandes
Prises de positions sur la Pologne
Ambassadeur au Vatican, Kazimierz Papée (en), critique vis-à-vis des propositions de médiation de Pie XII avant la guerre
Polonais chassés du Wartheland (1939)
Lors
de la chute de Varsovie, le pape confie à l'ambassadeur de France en
Pologne : « vous savez de quel côté se trouvent mes sympathies. Mais je
ne peux pas le dire ».
À
partir de septembre 1939, les nazis éradiquent les élites polonaises en
particulier religieuses (politiques, enseignants, hommes de lettres…
52 000 morts dont 2 350 prêtres et religieux et des millions de Polonais
envoyés dans des camps de concentration avec 2 600 déportés dans le
baraquement des prêtres à Dachau).
L'encyclique
Summi Pontificatus, dénonce ces persécutions contre les civils : « […]
déjà dans des milliers de familles règnent la mort et la désolation, les
lamentations et la misère.
Le
sang d'innombrables êtres humains, même non combattants, élève un
poignant cri de douleur, spécialement sur une nation bien-aimée, la
Pologne […] »
Toutefois, le pape ne se joint pas à la condamnation franco-britannique de l'invasion.
D'après le ministre des Affaires étrangères du Reich, il pense ainsi protéger les catholiques allemands.
Au
représentant de Mussolini, il déclare : « Nous devrions dire des
paroles de feu contre ce qui se passe en Pologne, et la seule raison qui
nous retienne de le faire est de savoir que, si nous parlons, nous
rendrions la condition de ces malheureux encore plus dure ».
Son
message de Noël 1939 réitère sa protestation : « Nous avons dû, hélas !
assister à une série d’actes inconciliables aussi bien avec les
prescriptions du droit international qu’avec les principes du droit
naturel et même les sentiments les plus élémentaires d’humanité. Ces
actes exécutés au mépris de la dignité, de la liberté, de la vie humaine
crient vengeance devant Dieu » et le 18 janvier 1940, après la mort de
15 000 civils polonais, il déclare que « l'horreur et les abus
inexcusables commis contre un peuple sans défense sont établis par le
témoignage indiscutable de témoins oculaires ».
Il condamne parallèlement l'agression de la Finlande par l'Union soviétique le 26 décembre 1939.
Le
gouvernement d'occupation allemand en Pologne prend prétexte de ces
déclarations jugées anti-allemande quand il durcit la répression
anticatholique.
Ce refus par Pie XII
de condamner explicitement l'invasion de la Pologne est perçu comme une
« trahison » par une partie des catholiques, prêtres ou membres de la
hiérarchie polonaise comme sa réception de la nomination d'Hilarius
Breitinger (en)
en tant qu'administrateur apostolique du Wartheland en mai 1942,
ressentie comme une « reconnaissance implicite » du démembrement de la
Pologne.
L'opinion du Volksdeutsche, qui regroupait les minorités catholiques allemandes vivant en Pologne est plus mêlée.
Mgr Tardini explicite la position du Saint-Siège aux évêques polonais :
« Tout
d'abord, il ne semblerait pas opportun qu'un acte public du Saint-Siège
condamne et proteste contre tant d'injustices. Non pas que la matière
manque […] mais des raisons pratiques semblent imposer de s'abstenir.
[Une condamnation officielle du Vatican] accroîtrait les persécutions.
»
Pie XII précise lui-même :
« Nous
laissons aux pasteurs en fonction sur place le soin d'apprécier si, et
dans quelle mesure, le danger de représailles et de pressions, comme
d'autres circonstances dues à la longueur et à la psychologie de la
guerre, conseillent la réserve — malgré les raisons d'intervention —
afin d'éviter des maux plus grands. C'est l'un des motifs pour lesquels
nous nous sommes imposé des limites dans nos déclarations. »
Alerté par le Grand Rabbin de la Palestine mandataire, Isaac Herzog, de la déportation des Juifs lituaniens, Pie XII appelle Ribbentrop le 11 mars 1940 pour protester contre le traitement des Juifs, ce qui est rendu public par le New York Times.
L'attitude en mai 1940 face à l'attaque sur des pays neutres
Le cardinal Tisserant
La
diplomatie vaticane neutraliste veut protéger les non belligérants mais
sans soutenir le camp des Alliés, ni celui des régimes totalitaires.
Cette attitude est vivement reprochée au pape par Mussolini, mais elle interroge aussi le cardinal français Eugène Tisserant.
Informé par des contacts allemands, le 4 mai 1940, le Pape fait prévenir les Pays-Bas que l'Allemagne va les attaquer le 10.
Après
l'invasion des Pays-Bas, de la Belgique et du Luxembourg, États
neutres, le pape envoie un message de sympathie à la reine Wilhelmine
des Pays-Bas, au roi Léopold III de Belgique et à
la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg, en faisant mention des
malheurs qui accablent ces pays, mais sans utiliser le terme
« invasion » ni dénoncer ou condamner directement l'envahisseur.
Quand
Mussolini apprend l'existence de ces messages, il accuse le pape de
prendre parti contre les alliés des Italiens et il proteste
officiellement auprès du Saint-Siège.
Son
ministre des Affaires étrangères déclare après l'entrevue que « Pie XII
était prêt à être déporté plutôt que de trahir sa conscience » et que
« s’il avait un regret à formuler, c’était celui de n’avoir pas parlé
avec une clarté suffisante pour condamner la politique nazie contre les
Polonais ».
En revanche, le cardinal de la curie Eugène Tisserant, ancien
combattant français, déplore durement la neutralité du Saint-Siège.
Après
la défaite de la France, le secrétariat d'État refait des propositions
de paix entre l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni qui refuse.
Pie XII dans le conflit (1941-1944)
Le pape face aux questions des pays occupés et à la question juive
1940-1941 : une progressive et prudente prise de distance
Ante Pavelić avec Joachim Von Ribbentrop
Dans
la période de domination allemande sur l'Europe (fin 1940-1942), le
pape établit ou maintient des liens avec les régimes collaborationnistes
des pays occupés par l'Allemagne, Lituanie, régime de Vichy, Croatie
d'Ante Pavelić.
Il est confronté aux mesures antijuives de ces États.
D'une
façon générale, il préfère laisser agir les églises locales, plutôt que
de rendre publiques des condamnations qui risqueraient de provoquer des
réactions nazies plus fortes.
À partir de la fin 1941, Pie XII,
qui, par « neutralité », ne souhaitait pas condamner publiquement les
persécutions et avait d'abord laissé approuver le statut des lois
antijuive de Pétain, prononce des condamnations, mais ne les rend
publiques que très partiellement, sous la pression alliée.
Léon Bérard, ambassadeur de Vichy avec son chef de cabinet, François de Vial, cofondateur avec Mgr O'Flaherty du mouvement interallié de résistance, devant les Loges de Raphaël, reçus par Pie XII (1943)
L'ambassadeur
de l’État français au Vatican, Léon Bérard, s'inquiète de l'avis du
Vatican sur le statut des Juifs promulgué par le régime de Vichy en
octobre 1940.
Le secrétariat d'État du Vatican lui confirme que la législation ne s'oppose pas à l'enseignement de l’Église.
Le
nonce apostolique en France Valerio Valeri, « embarrassé » par ce
blanc-seing pontifical, vérifie auprès du secrétaire d'État Maglione qui
confirme que c'est bien la position du Saint-Siège (le pape Pie XII ne fait officiellement savoir au maréchal Pétain par son nonce en France, Mgr Valerio
Valeri, que le Saint-Siège désapprouve totalement les mesures prises
par Vichy à l'encontre des Juifs qu'en 1942, après le second statut et
les déportations).
Pour la Croatie, en avril 1941, Pie XII accorde une audience à Ante Pavelić, le nouveau dictateur croate. Cette entrevue provoque une note du Foreign Office britannique qui décrit Pie XII comme « le plus grand couard de l'époque ».
Le Vatican ne reconnaît toutefois pas le régime croate.
S'il
ne condamne jamais publiquement les conversions forcées de Serbes
orthodoxes par les Croates, il indique sa désapprobation dans un
mémorandum confidentiel daté du 25 janvier 1942 et adressé à la légation
yougoslave.
Dans
une allocution prononcée le 29 juin, Pie XII, faisant allusion aux
événements de l'Est, parle d'un « courage généreux au service de la
défense des fondements de la civilisation chrétienne » et affirme « une
espérance assurée de son triomphe ».
Toutefois,
il résiste aux demandes d'un certain nombre d'évêques des pays de l'Axe
souhaitant le voir prêcher la « croisade contre le bolchevisme ».
En septembre 1941, Pie XII s'oppose au code juif slovaque, qui, à l'opposé du statut des Juifs français, interdit notamment le mariage mixte.
En
octobre, Harold Tittman, délégué américain au Vatican demande au pape
de condamner les atrocités commises contre les Juifs ; la réponse du
pape fait état de son souhait de rester « neutre », réitérant par là la
position du Vatican exprimée dès septembre 1940.
À cette date, l'information sur l'étendue de l'entreprise d'extermination parvient au plus haut de la hiérarchie catholique.
En 1941, le cardinal Theodor Innitzer informe ainsi le pape sur les déportations commises à Vienne.
Pie XII
condamne lors de son message radiodiffusé de Noël 1941 « l'oppression,
ouverte ou dissimulée, des particularités culturelles et linguistiques »
des minorités nationales ainsi que « l'entrave et le resserrement de
leurs capacités naturelles » avec « la limitation ou l'abolition de leur
fécondité naturelle ».
Il vise ainsi la politique d'eugénisme sans exprimer de condamnation explicite.
En
octobre le visiteur apostolique Roncalli écrit que le pape se demande
« si son absence apparente de réactions aux agissements du nazisme n’est
pas mal jugée par ses contemporains. »
1942 : entre la pression alliée et la menace de l'Axe
Surveillé
par Mussolini, voulant conserver sa neutralité, le pape est informé des
déportations et s'exprime avec prudence, ce qui lui est reproché par
les Alliés.
Pie XII
qui se refuse à prendre parti, entretient des relations diplomatiques
avec tous les belligérants ; ainsi, il évoque au sujet des volontaires
franquistes de la Division bleue partis sur le front russe « un courage
généreux au service de la défense des fondements de la civilisation
chrétienne et d'une espérance assurée de son triomphe » (29 juin) mais
il ne s'oppose pas à l'entrée en guerre des États-Unis et fait même
savoir par l’épiscopat américain que la condamnation du communisme
(Divini Redemptoris) par Pie XI n'interdit pas
aux catholiques américains de soutenir le prêt-bail accordé par les
États-Unis à l'URSS, et de soutenir ainsi sa lutte soviétique contre le
Reich après l'invasion du 22 juin 1941.
En mars 1942, Pie XII établit des relations diplomatiques avec l'empire du Japon, puis avec la Chine nationaliste.
Il nomme un administrateur apostolique pour le Wartheland en mai 1942, Hilarius Breitinger (en), ce qui est perçu comme une reconnaissance implicite du partage de la Pologne.
L'ambassadeur polonais Kazimierz Papée (en) s'étonne que le pape ne condamne pas les atrocités commises en Pologne.
En
novembre 1942, alors que se prépare l'opération Torch, il intervient
pour assurer la neutralité du général Franco qui contrôle le Maroc
espagnol.
Son nonce apostolique à Madrid, Mgr Cicognani obtient de l'épiscopat espagnol qu'il adhère à la condamnation du nazisme.
Franco,
qui tient à l'appui de Pie XII pour préserver son régime, rapatrie dès
1943 la plus grande partie de ses forces engagées sur le front russe.
Pie XII est de mieux en mieux informé des déportations juives.
En mars 1942, le chargé d'affaires slovaque apprend à Pie XII que le gouvernement slovaque planifie la déportation de « 80 000 juifs » en Pologne.
Le
Vatican proteste auprès du gouvernement slovaque en « déplorant ces
mesures qui enfreignent le droit des gens, du seul fait de leur race ».
Lorsqu'en
juillet, les évêques néerlandais protestent contre la persécution des
Juifs, les Nazis organisent une fouille minutieuse des monastères et des
couvents, occasionnant une rafle des très nombreux Juifs cachés, dont
Edith Stein.
Le 18 septembre 1942, Mgr
Montini lui écrit que « les massacres prennent des proportions
effrayantes » et les diplomates américains, anglais, brésiliens,
uruguayens, belges et polonais l'avertissent que le « prestige moral »
du Vatican est sévèrement compromis par sa passivité face aux atrocités :
ils joignent le rapport du bureau de Genève de l'Agence juive pour la
Palestine pour convaincre le cardinal Maglione qui leur avait répondu
que les rumeurs n'étaient pas vérifiées.
Après
le rapport précis et accablant du Gouvernement polonais en exil à
Londres sur l'extermination des Juifs sur le sol de la Pologne occupée
du 10 décembre 1942, toutes les nations alliées, condamnent
officiellement l'extermination des Juifs par les nazis et annoncent que
les responsables n'échapperont pas au châtiment.
Harold Tittmann suggère à Mgr Maglione de faire une déclaration similaire.
Mgr Maglione lui répond que le Vatican « ne peut dénoncer publiquement des atrocités particulières ».
Toutefois, devant ces faits et ces pressions, le 24 décembre 1942, dans son long message de Noël radiodiffusé, Pie XII
évoque brièvement « les centaines de milliers de personnes, qui, sans
aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur
nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une
extermination progressive » et appelle à la paix. À la suite de ce
discours les autorités nazies déclarent que « Le Pape se fait le
porte-parole des juifs, criminels de guerre ».
Les
réactions à ce message aux États-Unis sont contrastées : si, le 25
décembre 1942, l'éditorial du New York Times note que « la voix de Pie
XII est bien seule dans le silence et l’obscurité qui enveloppe l’Europe
ce Noël…
Il
est à peu près le seul dirigeant restant sur le Continent européen qui
ose tout simplement élever la voix », en revanche, l'ambassadeur H.
Tittman indique au Pape que son message de Noël ne peut répondre aux
attentes.
Pie XII
lui répond que, d'une part, « il n'aurait pu, en parlant de ces
atrocités, mentionner les nazis sans mentionner également les
bolchéviques et, qu'à son avis, cela n'aurait sans doute pas plu aux
Alliés […] et que, d'autre part, les récits des atrocités sont certes
fondés, tout en m'indiquant par son attitude qu'à ses yeux, il y avait
quelque peu d'exagération, voulue à des fins de propagande ».
Harold
Tittmann estime toutefois dans ses Mémoires qu'il « ne peut s'empêcher
de penser qu'en évitant de parler, le Saint Père a fait le bon choix ;
il a ainsi sauvé bien des vies ».
1943 : le pape face aux réalités du conflit
L'attaque des Alliés vers Rome
Lors de l'attaque anglo-américaine vers l'Italie, Pie XII précise sa position sur les persécutions nazies contre les civils et tente d'empêcher tout bombardement de Rome.
Pie
XII s'oppose aux bombardements alliés et proteste même contre le jet de
tracts sur Rome par l'aviation britannique, certains atterrissages
violant la neutralité du Vatican.
Le
bombardement du Vatican, un temps envisagé par les Anglais est refusé
par les États-Unis qui ne veulent pas d'une réaction des catholiques
dans leurs troupes.
La progression des Alliés vers Rome est accompagnée par une évolution des prises de positions du pape.
Le 2 juin 1943 devant le collège des cardinaux, Pie XII
lance ainsi un appel en faveur du respect des lois humaines au cours
des bombardements aériens et exprime parallèlement sa « sollicitude
envers ceux qui, à cause de leur nationalité ou de leur race », sont
« livrés à des mesures d'extermination » dont il voudrait fustiger toute
l'ignominie par le détail et en des termes plus forts (ce que
confirmerait les 124 lettres écrites aux évêques allemands pendant la
guerre).
Il
justifie sa prudence : « toute parole de notre part à l'autorité
compétente, toute allusion publique doivent être sérieusement pesées et
mesurées, dans l'intérêt même des victimes, afin de ne pas rendre leur
situation plus grave et plus insupportable ».
Il
insiste sur « le sort tragique du peuple polonais… le silencieux
héroïsme de ses souffrances » espérant « sa place future dans une Europe
refaite sur des bases chrétiennes et dans une assemblée d’États exempte
des erreurs et des égarements du passé ».
Le cardinal Adam Stefan Sapieha, archevêque de Cracovie, indique qu'il n’en demande pas plus par peur des représailles.
Le
26 juin 1943, Radio Vatican dans un message à dimension religieuse
proche d'une excommunication indique que « quiconque établit une
distinction entre les Juifs et les autres hommes est un infidèle et se
trouve en contradiction avec les commandements de Dieu.
La
paix dans le monde, l'ordre et la justice seront toujours compromis
tant que les hommes pratiqueront des discriminations entre les membres
de la famille humaine. »
Pie
XII se serait plusieurs fois livré à des exorcismes à distance à
l'égard d'Hitler, témoignant de la conviction du souverain pontife que
le dictateur nazi était non seulement un criminel mais qu'il était,
au-delà, possédé par le Diable (Peter Gumpel (en) postulateur du procès en béatification de Pie XII, l'affirme en 2010).
Les Alliés appellent les Italiens à ne plus « servir Hitler et Mussolini ».
Une large conjuration à laquelle Mgr Montini a œuvré provoque le renversement du Duce par le grand conseil fasciste.
Quelques jours avant la destitution de Mussolini, les Alliés bombardent Rome (19 juillet 1943) sans viser le Vatican.
Le pape sort du Vatican et se rend en voiture, accompagné de Mgr
Montini, dans le quartier détruit de la basilique
Saint-Laurent-hors-les-Murs pour manifester sa solidarité aux victimes
de ce premier bombardement sur Rome (en).
Il en revient le vêtement blanc maculé de sang.
Article détaillé : bombardement du Vatican.
Évêque de Rome, ville ouverte
Devant les bombardements et la brusque avancée des Allemands en Italie du Nord, Pie XII
plaide en faveur de la déclaration de Rome comme ville ouverte, mais
ceci ne se produit que le 14 août 1943, après que Rome a été bombardée à
deux reprises et sans grand lien avec la demande du pape, même si les
Italiens consultent le Vatican sur le libellé de la déclaration.
L'extraterritorialité et le droit d'asile permettent d'organiser une aide aux réfugiés.
Elle
est toutefois limitée: après la capitulation italienne, le Vatican
donne des instructions strictes à la Garde suisse pour empêcher toute
personne de pénétrer dans la ville-État, en particulier les prisonniers
alliés libérés par les Italiens dont l'afflux pourrait compromettre sa
neutralité, même si certains responsables du Vatican les aident de façon
indépendante tel Hugh O'Flaherty.
En ce but un système de cartes d'identité est institué.
La
brusque occupation de Rome par les nazis met le Pape directement en
confrontation avec les mesures de mise en œuvre de la Shoah.
La
Cité du Vatican elle-même n'est pas occupée. Un débat entre historiens
demeure pour savoir si le pape envisagea en cas d'empêchement une
éventuelle démission, et si les rumeurs d'un complot pour enlever le
pape qui circulaient étaient fondées.
Durant
cette période, la principale préoccupation, au sein du Vatican, aurait
été le risque potentiel d'anarchie entre la fin de l'occupation
allemande et l'arrivée des Alliés plus que l'occupation allemande
elle-même.
Comme
évêque de Rome, le pape agit pour les juifs de sa ville. Le Vatican
passe du stade des déclarations à celui d'actions concrètes, à la portée
limitée, tardive et symbolique pour les détracteurs de Pie XII, ou significative pour ses défenseurs.
L'évêque et les Juifs de Rome
Eugenio (Israel) Zolli
À
partir de septembre 1943, devant l'arrivée des Juifs venus de l'Italie
du Nord, l'Église accorde le refuge à 477 Juifs à l'intérieur du
Vatican, à 4 238 autres dans des monastères et couvents italiens des
environs sur ordre 3 000 sont logés à Castel-Gandolfo et 400 enrôlés
dans la Garde pontificale).
Devant les atrocités commises par la Gestapo et les SS, le pape Pie XII
laisse l'Osservatore Romano exprimer l'indignation de l'Église dans son
numéro du 25 octobre 1943, saisi par les Allemands, qui menacent de
reprendre les perquisitions dans les monastères pour y débusquer les
Juifs cachés.
Selon l'historien italien Giovanni Miccoli (it)
(université de Trieste), « en octobre 1943, lorsque des rafles sont
organisées dans Rome, il fait convoquer l'ambassadeur allemand et le
menace d'intervenir publiquement.
Deux mois plus tard, l’Osservatore Romano publie un article qui incite les catholiques à protéger les Juifs ».
À la fin de 1943, le commandant des S.S. de Rome ordonne au chef de la communauté israélite de fournir 50 kg
d'or dans les 24 heures sous peine de déportation immédiate de 200
autres Juifs (une grande rafle ayant déjà eu lieu le 16 octobre 1943).
La collecte n'ayant réuni que 35 kg d'or, le grand rabbin de Rome Israel Zolli, reçoit du pape Pie XII les 15 kg manquants, collectés auprès des catholiques de Rome.
Des
filières organisées avec l'aide du clergé de Rome et des autres pays
européens et d'Amérique latine (notamment la République dominicaine du
général Trujillo), leur permettent ensuite de gagner des pays neutres ou
alliés.
Le 29 novembre 1944, une délégation de 70 rescapés vient, au nom de la United Jewish Appeal (en) (organisme dirigeant du mouvement sioniste mondial), exprimer à Pie XII la reconnaissance des Juifs pour son action en leur faveur.
Le grand rabbin de Rome se fait baptiser le 13 février 1945 avec son épouse et sa fille.
Il
prend en signe de reconnaissance le prénom de baptême du pape,
manifestant ainsi l’importance qu'a eu le pape dans sa conversion, à
commencer par son exemple de charité auprès des Juifs, même s'il a
souvent répondu qu'il ne s'était pas converti par gratitude envers le
Pape.
La fin de la guerre
Le Pape, après l'arrivée des alliés à Rome, prend des positions plus nettes.
En mars 1944, par son nonce apostolique à Budapest, Angelo Rotta, le Vatican unit sa voix à celle du Roi Gustave V
de Suède, de la Croix-Rouge, des États-Unis et de Grande-Bretagne pour
protester contre les exactions contre les Juifs hongrois.
Pie XII
envoie un télégramme le 25 juin au régent Miklós Horthy, lui demandant
d'épargner les populations qui souffrent « en raison de leur origine
nationale ou raciale ».
Les persécutions cessent le 8 juillet 1944.
En
Allemagne, les émissaires qui servaient depuis 1942 de contacts
secrets, soutiennent la logistique de réseaux qui tentent l'assassinat
de Hitler ou qui dérobent des documents à son domicile.
Le
Pape finit aussi par reconnaître la France libre après le débarquement
en Normandie : le 30 juin 1944, le général de Gaulle est reçu en
audience par Pie XII. De Gaulle exige le
remplacement du nonce en France, et des sanctions contre le clergé
collaborationniste, ce qui indispose Pie XII. De
Gaulle rend compte de cette rencontre avec un respect non dénué de
double sens : « sous la bienveillance de l'accueil et la simplicité du
propos je suis saisi par ce que sa pensée a de sensible et de puissant.
Pie XII juge chaque chose d'un point de vue qui
dépasse les hommes, leurs entreprises, leurs querelles. Mais il sait ce
que celles-ci leur coûtent et souffre avec tous à la fois. […] Pour lui
tout dépend donc de la politique de l'Église, de son action, de son
langage, de la manière dont elle est conduite. C'est pourquoi le Pasteur
en fait un domaine qu'il se réserve personnellement et où il déploie
les dons d'autorité, de rayonnement, d'éloquence que Dieu lui a
impartis. Pieux, pitoyable, politique, au sens le plus élevé que
puissent revêtir ces termes, tel m'apparaît, à travers le respect qu'il
m'inspire, ce pontife et ce souverain ».
Les
réserves papales sont encore sensibles lors de la réception de Jacques
Maritain comme ambassadeur au Saint-Siège (10 mai 1945).
Pie XII reçoit en audience le 22e régiment royal le 4 juillet 1944
Fin août 1944, Pie XII
lance un appel aux Londoniens et aux Anglais « pour les inviter au
pardon des injures et leur demander de ne pas se venger de l'Allemagne
des maux que celle-ci leur a infligés ».
Le Times publie de nombreuses lettres de protestation.
Il
insiste aussi sur le courage de reconstruire après les souffrances
liées à la guerre dans ses messages à la population romaine (janvier
1945) à des médecins alliés et dans celui du 9 mai 1945.
Après
la guerre, les communistes accusèrent le Vatican d'avoir aidé quelques
centaines de criminels de guerre oustachis à se sauver, à commencer par
leur chef, Ante Pavelić, qui vécut quelque temps à Rome avant de gagner
l'Argentine puis l'Espagne.
Le pape de l'après-guerre (1945-1958)
La question de l'anticommunisme
La politique des régimes communistes contre l'Église catholique
Le cardinal Alojzije Stepinac à son procès
Lorsqu'au
début de la guerre, les puissances de l'Axe tentent de lever le drapeau
de la croisade contre l'URSS pour légitimer leur action, Mgr
Tardini avait répondu que « la croix gammée n'[était] pas précisément
celle de la croisade », mais il soutint l'initiative de Franco (Division
bleue).
En septembre 1944, à la demande de Myron Taylor, il rassure les
catholiques américains, inquiets de l'alliance de leur pays avec les
Soviétiques.
Toutefois, ni le pape, ni Staline ne profitent de la guerre pour établir des relations diplomatiques.
Le
pape, en particulier en Pologne, souhaite l'établissement d'un régime
catholique, et soutient en 1945, les régimes catholiques et
anticommunistes d'Espagne et d'Argentine.
L'évêque chinois Kung
La fin de la guerre permet la pénétration du communisme en Europe de l'Est.
Les
rapports, inexistants durant la guerre, deviennent mauvais. Les
gouvernements liés à Moscou font fermer peu à peu les représentations du
Saint-Siège présentes dans les pays de l'Est.
Le 14 septembre 1946, le pape Pie XII donne l'audience au rabbin Phillip Bernstein qui avait remplacé le juge Simon Rifkind (en) comme conseiller américain pour les affaires juives sur le théâtre d'opérations européen.
Bernstein
demande au pape de condamner les pogroms, mais ce dernier objecte que
le rideau de fer rend difficiles les communications avec l'Église de
Pologne.
L'arrestation
brutale en 1948 du prince-primat de Hongrie, le cardinal Mindszenty,
archevêque d'Esztergom, symbolise la tension entre les régimes
communistes et l'Église catholique.
De même, Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb et primat de Yougoslavie, subit l'emprisonnement et la torture.
Mgr Beran, archevêque de Prague, se voit interdire d'exercer son ministère.
Les Églises catholiques de rite byzantin d'Ukraine et de Roumanie sont incorporées de force dans des Églises indépendantes.
Les gouvernements communistes accusent en effet le pape d'être le « chapelain de l'Occident ».
En 1952, même le maréchal Tito rompt les relations diplomatiques avec le Vatican.
Pour
l'année 1953, quatre cardinaux et 149 évêques sont touchés par la
répression politique y compris en Pologne où un dialogue avait jusqu'ici
été tenté.
En
Chine, où le Vatican avait établi des relations en 1946 avec le régime
nationaliste, dès l'arrivée des communistes au pouvoir en 1949, les
catholiques sont inquiétés par le gouvernement, qui leur refuse toute
relation avec le Vatican, considéré comme une forme de « domination
étrangère ».
De
nombreuses arrestations ont lieu, notamment en 1955, où plusieurs
centaines de personnes sont arrêtées avec l'évêque de Shanghai, Kung,
qui passe 30 années en prison.
La
rupture est consommée en 1957 quand le pouvoir chinois fonde une
association nationale, l'Association catholique patriotique de Chine.
Les catholiques chinois fidèles au pape doivent entrer dans une forme de clandestinité.
L'attitude vaticane : deux conceptions à arbitrer
D'un
point de vue doctrinal, l'idéologie communiste est athée, matérialiste
et anticléricale : elle a fait l'objet de plusieurs condamnations dont
celle de 1937 par l'encyclique Divini Redemptoris, parue quelques jours
après celle qui condamnait le national-socialisme.
Si
Pacelli avait surtout travaillé à Mit brennender Sorge son expérience
personnelle l'avait construit dans un anticommunisme marqué.
Il avait vécu la révolution spartakiste en tant que nonce en Bavière en 1919.
D'après
l'historienne communiste Annie Lacroix-Riz cet anticommunisme est une
des clefs de son pontificat, de son attitude pendant et surtout après la
guerre ; cela expliquerait par exemple une certaine implication (non
prouvée) dans les filières d'évasion catholiques des criminels de guerre
ou des collaborateurs, ou le soutien (sensible) à des prélats compromis
dans la collaboration avec des régimes pro-allemands.
Ce point reste un débat entre historiens: certains soulignent au contraire son opposition à Mgr
Alois Hudal, connu pour ses sympathies avec le national-socialisme et
son rôle dans l'exfiltration d'anciens nazis vers l'Amérique du Sud.
Le futur pape Paul VI Montini, partisan du dialogue
Dès la fin de la guerre, Pie XII analyse rapidement la fin de la Grande Alliance.
Face
à la progression des communistes en Europe de l'Est (et aussi en Italie
et en France), il balance « entre sa méfiance quasi instinctive à
l’égard du communisme athée et l’inclination du diplomate qu’il était
resté à préférer toujours le dialogue à l’affrontement ».
Dans
la curie, coexistent plusieurs sensibilités qu'on peut résumer en deux
options : l'une veut rassembler « les forces conservatrices au nom de la
défense de la chrétienté contre le communisme ».
L'autre, voudrait favoriser des « solidarités nouvelles fondées sur une
compréhension plus authentique des exigences chrétiennes dans l’ordre
politique et social ». Ce débat diplomatico-politique est lié à celui
sur le rôle des laïcs.
La
première option, autour par exemple d'Ottaviani, est la « vision
hispanique » (allusion au positionnement de l'Église dans les dictatures
ibériques et sud-américaines).
Elle
soutient un pouvoir politique autoritaire, frontalement anticommuniste,
ayant une forte composante religieuse, pour mobiliser les laïcs
(s'appuyant par exemple sur Fátima dans l'anticommunisme).
Elle a le soutien de la tradition antimoderniste de la curie.
La seconde option, autour de Mgr
Montini, privilégie l'union des actions catholiques (OIC en 1950),
voire des démocraties chrétiennes dans la recherche de contacts,
d'échanges avec les communistes, pour rechercher une politique de
troisième voie (construction européenne, doctrine sociale) acceptant
même l'alliance avec la gauche laïque modérée.
C'est
la « vision française » du cardinal Suhard ou de Maritain qui sépare
l'engagement politique des laïcs de l'obéissance à Rome.
Elle
reconstitue les options et les réseaux « modernistes » et libéraux
(voire gallicans) qui parcourt l'Église depuis au moins un siècle et
demi.
Ces
divergences ne sont toutefois pas ostensiblement conflictuelles :
l'autorité du pape est incontestée et c'est à lui seul qu'appartient la
décision (il n'a plus de secrétaire d'État depuis le décès de Maglione
et ses deux collaborateurs principaux, Montini et le fidèle Tardini, ne
reçoivent le titre de proto-secrétaire d'État qu'au moment de leur
renonciation à la barrette de cardinal).
Il déclare : « je ne veux pas des collaborateurs mais des exécutants ».
Les choix doctrinaux et diplomatiques de Pie XII
Pie XII en 1950
Pie XII veut incarner l'autorité traditionnelle et défendre la chrétienté dans le monde moderne.
S'il
accepte le dialogue scientifique y compris dans l'étude biblique, il
combat la résurgence du modernisme religieux sanctionnant les
théologiens et les dominicains français modernistes (1950) et utilise la
procédure de l'infaillibilité pontificale pour le dogme de l'Assomption
(1950), renonçant à l'idée d'un concile prônée par Riccardo Lombardi
(1948 et 1952).
Politiquement
il déclare que « si l'avenir appartient à la démocratie, une part
essentielle de son accomplissement devra concerner la religion du Christ
et de l'Église ».
Il s'oppose fortement au communisme (élections en Italie de 1946 et 1948 en particulier).
Frappé
par la répression de l'Église à l'Est en 1948/49 et heurté par des
positions individuelles de clercs qui se disent communistes (au
mouvement de la Paix 1948), il privilégie en Italie le rassemblement des
droites proposé par le professeur Gedda, et, le 1er juillet 1949, le
Saint-Office excommunie globalement les catholiques adeptes ou militants
du communisme.
Pie XII fait allusion à cette décision dans son discours de béatification d'Innocent XI, affirmant sa mission de « défense de la chrétienté ».
Mgr Adam Stefan Sapieha, Polonais créé cardinal par Pie XII et dont l'enterrement en 1951 fut une manifestation contre le régime
Eva Perón
Diplomatiquement,
cela condamne la stratégie du dialogue et de l'engagement laïc au côté
des communistes, encore tentée jusque vers 1952/54, soit par les Églises
locales, soit en direction de Moscou.
En Pologne, le primat, Mgr
Wyszyński, avait signé le 12 janvier 1950 un accord garantissant
quelques libertés à l'Église catholique polonaise, en échange de son
soutien dans la politique de défense des frontières.
Le
Vatican se montre réservé face à cet accord, mais propose à Moscou une
coexistence fondée sur le respect du droit et des libertés fondamentales
(Lettre apostolique aux peuples de Russie du 7 juillet 1952).
Le refus de Staline (l'auteur ironique du propos « Le pape, combien de divisions ? ») enterre le projet.
À l'automne 1953, Mgr
Wyszyński est arrêté, avec de nombreux autres hommes d'Église, par le
gouvernement polonais pour avoir soutenu une vague de protestations
populaires qui secouaient alors le pays.
Dès lors, quoique ne reprenant pas complètement la thèse de l’« État chrétien » prônée par Ottaviani, Pie XII,
marque un désaccord plus sensible avec le maritanisme ou la voie de
l'ouverture, craignant un risque de laïcisation de l'action catholique.
Les marques de ce choix sont nombreuses : la béatification puis la canonisation de Pie X
(pape antimoderniste à l'élection duquel il avait assisté), l'ouverture
du processus de béatification de Rafael Merry del Val, la condamnation
de Congar et celle des prêtres ouvriers.
La mise à l'écart de Mgr Montini, non promu comme cardinal contraste avec l'élévation d'Ottaviani à la barrette de cardinal.
Pie XII
ne condamne pas les hiérarchies qui soutiennent les dictatures
d'extrême droite et des concordats sont signés le 7 mai 1940 avec le
Portugal et le 7 août 1953 avec l'Espagne : ils confirment les
privilèges et le caractère de religion d'État de l'Église catholique
dans ces pays, les autres religions n'y étant que tolérées avec
d'importantes restrictions dont l'interdiction de leur culte public.
Pie XII aide la dictature argentine à enterrer clandestinement, en 1955, le corps d'Eva Perón à Milan.
Enfin,
lorsque Moscou fait une proposition de détente en 1956 dans le contexte
de la déstalinisation, il ne répond pas malgré les libérations des
évêques polonais par Gomulka : l'écrasement de Budapest en novembre lui
confirme qu'il faut refuser toute ouverture, d'où trois encycliques en
deux semaines et sa ferme condamnation à la Noël 1956.
D'un
point de vue pastoral et doctrinal, les deux dernières années du
pontificat portent toutes la marque de ce contexte de défense de
l'Église contre le communisme : lancement à Rome de la JOC
internationale qui s'oppose à la propagation dans le monde ouvrier du
« poison de doctrines matérialistes, d'attitudes faussées par
l'opposition des classes et la haine » ; dernières encycliques du pape,
sur le Sacré-Cœur, sur le pèlerinage de Lourdes (2 juillet 1957), qui
s'expriment clairement contre le matérialisme, comme Miranda Prorsus (8
septembre 1957) au sujet des média, ou surtout Ad Apostolorum Principis
(29 juin 1958), sur le communisme et l'Église de Chine ainsi que
Meminisse Iuvat (14 juillet 1958), sur les prières pour l'Église
persécutée.
La fin du pontificat
Pie XII en juin 1958
Médaille pour l'année jubilaire 1950
Si
le début des années 1950 avait été marqué par une activité pastorale
importante (question Mariale, jubilé, canonisation de Maria Goretti en
présence de sa famille et de son assassin, nombreuses annonces dont la
découverte du tombeau de Pierre, prises de position sur l'évolution de
l'église — prêtres ouvriers, rôle des laïcs) et diplomatique (soutien à
la construction européenne), la santé du pape décline brusquement en
1954 (crise de hoquet mal soignée) au point qu'il envisage la
renonciation.
De
plus en plus diminué par l'arthrose et l'anémie, soutenu par son
confesseur, le bibliste jésuite Augustin Bea, protégé par la curie et un
entourage qui s'opposent (en particulier la sœur Pascalina — la
« Papessa » — ou son médecin Riccardo Galeazzi-Lisi, auteur de
nombreuses indiscrétions dont la diffusion de plusieurs photos du pape
agonisant), il retarde les consistoires et les canonisations, et éloigne
certains de ses collaborateurs (en particulier Mgr
Montini en le nommant archevêque de Milan en 1954). Pour Yves-Marie
Hilaire « isolé, autoritaire [il] craint de déléguer ses pouvoirs ».
Il
continue de s'exprimer sur des sujets les plus variés en particulier
scientifiques pour exprimer la position chrétienne (s'inquiétant
lui-même d'une « inflation verbale », 119 et 117 messages dans les deux
dernières années).
Cette
centralisation du pouvoir et une réflexion longue contribuent, avec la
maladie, à ralentir les décisions et les nominations (en particulier
celle des cardinaux ; le sacré collège est incomplet à son décès).
Les
jugements des témoins s'en ressentent (pour un diplomate, il est
« fatigué, pétrifié dans sa gloire »), même si le pape reçoit de
nombreux témoignages d'affection et donne des entretiens le montrant
rétabli.
Tombe de Pie XII à Saint-Pierre de Rome
Dans ses dernières années, il est confronté à des visions, confiées à Mgr Tardini, dont une de Jésus citée par l'Osservatore Romano.
Elles
rappellent celles d'octobre/novembre 1950, lorsqu'au moment de la
proclamation du dogme de l'assomption, d'après le cardinal Federico
Tedeschini Pie XII aurait eu trois fois dans les jardins du Vatican la vision du miracle du soleil de Fátima (30-10/31-10, 1-11 et 8-11 à 16 h).
D'après
Jean Guitton, il aurait dit de lui-même qu’il était « le dernier Pape
Pie », l'« ultime chaînon d’une longue dynastie ».
Il
meurt (de ne pas s'être assez ménagé selon son médecin) d'une attaque
cérébrale le 9 octobre 1958 à Castel Gandolfo, résidence d'été des
papes.
Son successeur Jean XXIII
procède rapidement à un changement d'état d'esprit, par le choix de son
nom, divers gestes protocolaires, comme la fin de l'usage de manger
seul, l'appel à l'Aggiornamento et au concile Vatican II, ce qui provoque une surprise dans la curie.
Certes, un concile avait été envisagé en 1948 par Pie XII
(le précédent concile avait été suspendu en 1870) mais avec un contenu
différent (dogme de l'Assomption) et l'idée avait été écartée par Pie XII au profit du magistère de l'infaillibilité.
D'après Mgr Tardini et le jésuite Riccardo Lombardi, Pie XII l'aurait toutefois envisagée pour son successeur.
Les débats autour des « silences de Pie XII »
Une polémique sur les « silences de Pie XII » au sujet du génocide entache, dès les années 1950, l'image de Pie XII.
Elle s'accompagne d'un débat historiographique.
D'abord
positive, l'image du pape, en particulier dans la communauté juive, est
affectée en 1963, par la pièce de théâtre de Rolf Hochhuth (Le Vicaire)
qui relance la polémique sur ses silences.
À
la fin des années 1990 au moment du procès en béatification, en
particulier autour du mémorial Yad Vashem, la polémique réapparaît et
finit par se concentrer sur la question de l'ouverture des archives
vaticanes.
La question du « silence » avant la mort de Pie XII
Les reproches de Mauriac et Maritain
En
1939, le pape ne condamne ni l'invasion de la Tchécoslovaquie, ni celle
de la Pologne, ni le Pacte germano-soviétique. Dès mai 1939, Emmanuel
Mounier dénonce « les silences de Pie XII ».
Les Alliés font pression pour qu'il condamne explicitement les invasions et les exactions nazies.
Même si Pie XII
dénonce les atrocités et les persécutions du régime national-socialiste
allemand à la fin de la guerre, la faiblesse de sa dénonciation du
génocide, du nazisme et de l'antisémitisme fait l'objet de diverses
critiques dont celle des soviétiques et celle de Paul Claudel, le 13
décembre 1945, écrivant à Jacques Maritain, ambassadeur de France au
Saint-Siège :
« Rien
actuellement n'empêche plus la voix du pape de se faire entendre. Il me
semble que les horreurs sans nom et sans précédent dans l'Histoire
commises par l'Allemagne nazie auraient mérité une protestation
solennelle du vicaire du Christ. Il semble qu'une cérémonie expiatoire
quelconque, se renouvelant chaque année, aurait été une satisfaction
donnée à la conscience publique… Nous avons eu beau prêter l'oreille,
nous n'avons entendu que de faibles et vagues gémissements » »
Dans
sa correspondance, Jacques Maritain déplore cette absence de prise de
position comme François Mauriac qui s'adresse directement au pape :
« Nous n'avons pas eu la consolation d'entendre le successeur du
Galiléen, Simon-Pierre, condamner clairement, nettement et non par des
allusions diplomatiques, la mise en croix de ces innombrables « frères
du seigneur. »
Jules Isaac s'en prend à l'« enseignement du mépris » par l'Église catholique.
Il obtient de Pie XII,
après la conférence de Seelisberg, que la réforme liturgique de 1955
supprime l'« offense du geste », c'est-à-dire l'omission de
l'agenouillement lors de la prière pour les Juifs.
Les ouvrages de Léon Poliakov
L'historien
de l'antisémitisme, Léon Poliakov, publie en 1951 Le Bréviaire de la
Haine consacré aux rouages de la politique d'extermination nazie
(dernière réédition en 1993).
Préfacés
par François Mauriac qui s'y désole du silence gardé par le pape durant
la période nazie et la Seconde Guerre mondiale, ses travaux sont les
premiers à se pencher sur l'attitude du pape durant la Seconde Guerre
mondiale,
Léon Poliakov
Pour
lui, les sources disponibles (en particulier les notes de l'ambassadeur
du Troisième Reich auprès du Vatican, Ernst von Weizsäcker, qui se
félicite que « bien que pressé de toutes parts, le Pape ne s'est laissé
entraîner à aucune réprobation démonstrative de la déportation des Juifs
de Rome […]
Il
a également tout fait dans cette question délicate pour ne pas mettre à
l'épreuve les relations avec le gouvernement allemand ») accréditent la
thèse d'une indécision de Pie XII entre une opposition prudente et discrète, une neutralité gênée, et un double-jeu à la limite de la complicité passive.
Cela
tranche avec son opposition nette aux régimes communistes. Dans son
article « Le Vatican et la question juive », Léon Poliakov estime que le
pape était plutôt « diplomate » (par opposition à son prédécesseur
« militant »).
En termes de « protestations publiques et de condamnations de principe, […] rien de pareil à certaines manifestations de Pie XI
(que l'on se souvienne du célèbre « nous sommes tous spirituellement
des sémites… ») ne fut entrepris à Rome sous le pontificat de Pie XII ».
Quoique l'information sur l'étendue de l'entreprise d'extermination
soit parvenue très tôt au plus haut de la hiérarchie catholique et des
gouvernements alliés, il trouve les condamnations publiques très
mesurées.
Eugenio
Pacelli agit en tension : son rôle en tant que pape, « Vicaire du
Christ », le pousse à prendre en compte la protection des catholiques,
les enjeux diplomatiques voire économiques du Vatican, la crainte d'une
victoire du communisme, bref, l'évolution de la guerre à l'échelle
mondiale, tandis qu'en sa fonction d'évêque « payant d'exemple » il
sauve les juifs de sa ville.
« Face à la terreur hitlérienne, les Églises déployèrent sur le plan de
l'action humanitaire immédiate, une action inlassable et inoubliable,
avec l'approbation ou sous l'impulsion du Vatican » mais « l'immensité
des intérêts dont le Saint Père avait la charge, les puissants moyens de
chantage dont disposaient les nazis à l'échelle de l'Église
Universelle, contribuaient sans doute à l'empêcher de prononcer en
personne cette protestation solennelle et publique qui, cependant, était
ardemment attendue par les persécutés. Il est pénible de constater que
tout le long de la guerre, tandis que les usines de la mort tournaient
tous fours allumés, la papauté gardait le silence. Il faut toutefois
reconnaître qu'ainsi que l'expérience l'a montré à l'échelle locale, des
protestations publiques pouvaient être immédiatement suivies de
sanctions impitoyables […] Qu'aurait été l'effet d'une condamnation
solennelle prononcée par l'autorité suprême du catholicisme ? La portée
de principe d'une attitude intransigeante en la matière aurait été
immense. Quant à ses conséquences pratiques, immédiates et précises,
tant pour les œuvres et institutions de l'Église catholique que pour les
Juifs eux-mêmes, c'est une question sur laquelle il est plus hasardeux
de se prononcer ».
Des appréciations positives dans les années quarante et cinquante
Toutefois, le pape fait l'objet d'appréciations positives de la part d'autorités de la communauté juive.
Dès
1940, un an après son élection, Albert Einstein, dans le magazine Time,
déplore le silence de la presse et des universités, qu'il compare à
« la lutte de l'Église pour la liberté et la vérité ».
Au lendemain de la guerre, de nombreux témoignages de reconnaissance sont adressés au Pape.
Le grand rabbin de Jérusalem, Isaac Herzog, déclare en 1944 : « Ce que
votre Sainteté et ses éminents délégués (…) font pour nos frères et
sœurs (…), le peuple d'Israël ne l'oubliera jamais ».
En 1958, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères d'Israël, déclare à l'occasion du décès de Pie XII :
« Quand le terrible martyre de notre peuple arriva, pendant la décennie
de la terreur nazie, la voix du Pape s’éleva pour les victimes […] Nous
pleurons un grand serviteur de la paix ».
Elio
Toaff Grand rabbin de Rome déclare : « Les juifs se souviendront
toujours de ce que l'Église a fait pour eux sur l'ordre du pape au
moment des persécutions raciales ».
Pie XII complice par son silence ? La polémique des années 1960
Mais dans le contexte de la guerre froide et de Vatican II
d'une part, et de la réflexion sur la notion de devoir de mémoire
d'autre part, à partir de 1963, l'accusation est portée contre Pie XII d'avoir cautionné par son « silence » les agissements nazis.
Les ouvrages de Saul Friedländer
Saul Friedländer systématise et approfondit les recherches de Léon Poliakov en particulier dans Pie XII et le IIIe Reich (1964 au Seuil) où il « confirme scientifiquement les thèses de Hochhuth ».
Dans
L'Allemagne nazie et les Juifs, Saul Friedländer, se demandant pourquoi
Hitler n'a pas reculé dans ses plans d'extermination du peuple juif
comme il l'avait fait pour l'élimination des « aliénés ».
S'appuyant
surtout sur les documents diplomatiques allemands, il ne trouve
« qu'une seule réponse vraisemblable : Hitler et ses acolytes devaient
être convaincus que le pape ne protesterait pas ».
Début
1943, les rapports diplomatiques de Bergen, l'ambassadeur allemand au
Vatican, indiquent un entretien au cours duquel le pape s'engage à ne
pas se mêler des actions allemandes, sauf si des mesures étaient prises
qui « le forceraient à parler pour remplir les obligations de sa
charge » — Il tolérerait même quelques débordements qui seraient réglés
après la fin de la guerre, par crainte d'affaiblir l'Allemagne dans sa
lutte contre le bolchevisme.
En
février-mars 1943, dans son journal intime, Goebbels, le ministre nazi
de la Propagande, identifie à trois reprises cette opposition entre
nazisme et bolchevisme comme un atout dont son gouvernement doit se
servir dans ses rapports avec la Curie.
Le
5 juillet 1943, à son arrivée au Vatican, le nouvel ambassadeur
allemand Weizsäcker confirme que le pape lui réitère « son affection
pour l'Allemagne et le peuple allemand, […] parle de son expérience avec
les communistes à Munich en 1919 […] et condamne la formule absurde
[des États-Unis] de « reddition sans condition » exigée [de
l'Allemagne].
L'ambassadeur
voit dans le discours du pape, selon ses propres mots, « la forme d'une
reconnaissance des intérêts communs avec le Reich au moment où a été
évoqué le combat contre le bolchevisme ».
Après
la chute de Mussolini, le 23 juillet 1943, qui entraîne l'arrivée des
troupes allemandes en Italie, la peur du communisme grandit au Vatican
avec le risque que la résistance communiste prenne de l'ampleur et gagne
en popularité puisqu'elle s'oppose désormais à des forces d'occupation
étrangères.
Weizsäcker
informe ses supérieurs qu'il a eu connaissance de trois notes de la
Curie datées du jour de la chute de Mussolini, où le cardinal Maglione
assure que « l'avenir de l'Europe dépend d'une résistance victorieuse de
l'Allemagne sur le front russe. L'armée allemande est le seul rempart
possible contre le bolchevisme. Si celui-ci s'écroule, le sort de la
culture européenne est scellé ».
L'ambassadeur discute avec un diplomate bien introduit dans la Curie
qui lui affirme que « le pape condamnait tous les plans qui visaient à
un affaiblissement du Reich. Un membre de la Curie dit que, de l'avis du
pape, une Allemagne forte était absolument essentielle pour l'Église
catholique ».
À
Berlin même, le secrétaire d'État allemand Gustav Adolf Steengracht von
Moyland rapporte que le nonce Orsenigo s'est mis à disserter de son
propre chef sur la menace que le communisme fait peser sur le monde et
sur le fait que seuls le Vatican sur le plan spirituel et l'Allemagne
sur le plan matériel peuvent la contrer efficacement.
Ces
messages constamment répétés, même s'ils sont un peu embellis par les
émissaires allemands, conduisent Goebbels et Hitler, au cours d'une
discussion qu'ils ont le 7 août 1943, à considérer que Pie XII,
bien que véritable Italien et Romain, peut « être considéré à coup sûr
comme un bon ami de l'Allemagne » où il a passé quatorze ans, et qu'il
est clair qu'il préfère le national-socialisme au bolchevisme. « En tout
cas, il n'a pas tenu de propos malveillants contre le fascisme ni
contre Mussolini ».
Une pièce de théâtre rend la polémique publique
La
polémique éclate sur la place publique en 1963 avec la pièce de théâtre
Le Vicaire, œuvre du dramaturge allemand Rolf Hochhuth, jouée en
Allemagne en 1963.
La
thèse de l'auteur est avant tout que le pape aurait pu en faire plus.
L'image du pape était jusqu'alors relativement préservée mais la pièce
contribue largement à retourner l'opinion publique.
La
pièce, traduite en 20 langues, connaît en effet un grand succès
international et soulève d'innombrables questions, dont celle des
archives.
Le Vatican dit d'abord qu'il faut cinquante ans pour ouvrir les archives, puis dès 1964, Paul VI
en ouvre une partie à quatre historiens pour publier les documents
concernant l’attitude du Saint-Siège durant la Seconde Guerre mondiale.
Les travaux de l'historien Saul Friedländer reprennent encore plus précisément la thèse de la passivité de Léon Poliakov.
En 2002, le film Amen., du réalisateur gréco-français Costa-Gavras, directement inspiré du Vicaire, relance la polémique.
Cinq
ans plus tard, un officier de la DIE (services d'espionnage roumains)
passé à l'Ouest en 1978 et recruté par la CIA américaine, Ion Mihai
Pacepa, affirme que le général soviétique Ivan Agayants, chef du service
de désinformation du KGB, aurait conçu en 1963 un plan contre Pie XII.
L'idée
était de produire une pièce de théâtre s'appuyant sur de prétendues
archives afin de les discréditer lui et son action anticommuniste.
L'auteur
officiel, Rolf Hochhuth, aurait donc juste repris pour Le Vicaire un
script inventé par Agayants sur la base de documents envoyés à Moscou
par les renseignements roumains (qui auraient réussi à infiltrer les
archives du Vatican en 1960 et 1962) et ne se serait pas inspiré du
témoignage de Kurt Gerstein, pourtant personnage central de l'œuvre.
Si
le Vatican estime que l'écriture du Vicaire a fortement été influencée
par son premier metteur en scène, Erwin Piscator, et plus généralement
« par les communistes et les adversaires de l'Église », il met fortement
en doute les révélations de Pacepa, qui contiennent des erreurs
flagrantes sur la façon dont les services roumains se seraient procuré
leur documentation : selon le Vatican, une offre d'arrangement des
relations diplomatiques avec les pays de l'Est (voire un arrangement
financier) n'aurait pu donner un accès aux archives secrètes du Vatican
aux services roumains ; par ailleurs, les documents relatifs à Pie XII n'étaient pas encore aux archives secrètes mais à celles de la Secrétairerie d'État.
La polémique au moment de la béatification
Le débat sur les archives et la polémique sur la responsabilité du pape
Après la polémique sur le Vicaire, Paul VI
autorise des chercheurs internationaux à publier onze volumes
d'archives entre 1965 et 1981 (Actes et documents du Saint-Siège
relatifs à la Seconde Guerre mondiale).
En 1981, un article de L'Osservatore Romano juge qu'« il est vrai que Pie XII, accusé d'être un pape diplomate, n'a pas pratiqué la grande diplomatie.
Il
ne s'est pas adressé aux belligérants pour exiger la fin des combats
[…], il n'a pas excommunié, il n'a pas prononcé de condamnation
solennelle à l'encontre des crimes et des criminels nazis ».
Lors
du procès en béatification, la polémique sur les archives et les
silences est relancée par le document « Souvenons-nous : Une réflexion
sur la Shoah », publié à Rome le 18 mars 1998, qui demande pardon pour
« ceux qui n'ont pas été suffisamment forts pour élever des voix de
protestation », tout en soulignant « ce que le pape Pie XII fit personnellement ou par l'intermédiaire de ces représentants pour sauver des centaines de milliers de vies juives ».
Une
commission mixte d'historiens juifs et catholiques, chargée d'étudier
les archives, remet le 25 octobre 1999, un rapport où elle s'interroge
sur des lacunes flagrantes des documents disponibles et invite le
Vatican à ouvrir toutes ses archives.
Devant son refus, le 20 juillet 2001 elle suspend ses travaux sans rapport final.
Le Vatican met cet échec sur le compte de « fuites tendancieuses » de membres juifs de la commission.
Les archives du pontificat de Pie XI (1922/1939) sont rendues accessibles en 2006.
Pour celles de Pie XII, environ 16 millions de feuillets conservés aux Archives secrètes du Vatican, la publication n'aurait lieu que vers 2014-2015.
La controverse s'élargit.
Des
travaux modifient l'historiographie : l'historien israélien Pinchas
Lapide affirme que l'Église a pu, par son action charitable, sauver
d'une mort certaine environ 850 000 Juifs habitant les territoires
occupés par le Troisième Reich.
Ses
détracteurs contestent ce chiffrage, qui considère que tous les
survivants à l'Holocauste ont été sauvés par la charité chrétienne des
paroissiens, des religieux ou du pape (Lapide l'obtient en retirant du
nombre total de rescapés ceux qui ont été sauvés dans les terres
orthodoxes, et les « revendications » protestantes, comme il les
appelle. Lui-même, en 1963, n'en comptait que 150 000 à 400 000).
La défense de Pie XII
En 1999, le très défavorable Pape de Hitler de John Cornwell réactive la thèse de Saul Friedländer.
Le rabbin David Dalin répond, en 2005, par son ouvrage Pie XII et les Juifs.
Le
mythe du pape d'Hitler où au contraire, il souligne que contrairement à
ce que la photo de couverture de l'ouvrage de Cornwell laisse entendre
« jamais Pacelli n'a parlé avec Adolf Hitler ni ne l'a rencontré ». il
met en avant le rôle d'un pape « diplomate » condamnant régulièrement le
nazisme, sauvant de nombreux juifs par de nombreuses actions
diplomatiques et charitables et conclut par une demande reconnaissance
comme « justes parmi les nations » :
- « Imputer la condamnation qui revient à Hitler et aux nazis à un pape qui s’opposa à eux et était ami des juifs est une abominable calomnie. Quels que soient leurs sentiments vis-à-vis du catholicisme, les juifs ont le devoir de rejeter toute polémique qui s’approprie la Shoah pour l’utiliser dans une guerre des progressistes contre l’Église catholique » « à l'approche du 50e anniversaire de sa mort, il conviendrait pour la vérité historique et la justice morale, que Yad Vashem honore Pie XII, à titre posthume, en reconnaissant qu'il a sa place avec les « justes parmi les nations » ». Cette proposition reçoit un accueil contrasté.
En France, Serge Klarsfeld et Bernard-Henri Lévy écartent les critiques.
Ce
dernier s'étonnera, dans le magazine Le Point du 21 janvier 2010,
« pour l'heure, on doit à l'exactitude historique de préciser qu'avant
d'opter pour l'action clandestine et le secret, avant d'ouvrir donc,
sans le dire, ses couvents aux juifs romains traqués (…), le
« silencieux » Pie XII prononça des allocations radiophoniques (…) qui
lui valurent, après sa mort, l'hommage d'une Golda Meir qui savait ce
que parler veut dire, et qui ne craignent pas de déclarer : « pendant
les dix ans de la terreur nazie, alors que notre peuple souffrait à
martyrs effroyable, la voix du pape s'était élevée pour condamner les
bourreaux ».
Le
débat s'élargit au grand public (importante production d'ouvrages,
publications internet, pétitions, etc.) opposant à la « légende noire »
des détracteurs de l’Église catholique une « légende dorée » qui veut
défendre l'honneur de l'institution catholique et de ses pontifes.
D'autres
éclairages sont proposés : ainsi Michael Hesemann suppose que Pie XII
aurait été influencé par le souvenir de la contre-productivité des
courriers du pape Benoît XV auprès du sultan Mehmed V au moment du
génocide arménien qui n'avaient fait qu'empirer la situation, malgré des
promesses et quelques concessions turques comme la grâce d'une
soixantaine d'Arméniens à Alep.
Pacelli était, comme secrétaire de la Congrégation pour les affaires
extraordinaires du Secrétariat d’État, informé de toutes les
répercussions des actions papales sur le déroulement du génocide des
Arméniens.
Allant plus loin, en 2015, Mark Riebling (en)
soutient que Pie XII aurait été, dès 1939, un élément central dans
trois complots ayant tenté d'assassiner Hitler, et un intermédiaire
essentiel entre les résistants allemands et les diplomates alliés,
principalement britanniques.
Son
silence s'expliquerait alors par la volonté de ne pas engendrer de
représailles sur les résistants catholiques allemands, principalement
l'avocat bavarois catholique Josef Müller.
Cet
agent de l'Abwehr dirigé par l'amiral Wilhelm Canaris, opposé
secrètement à Hitler, aurait informé le Vatican et secrètement pris ses
instructions auprès du secrétaire particulier du pape, le jésuite Robert
Leiber, lors de ses multiples visites entre 1939 et son arrestation en
1943 par la Gestapo.
Le mémorial Yad Vashem
Symbole de cette polémique, en 2005, le musée du mémorial de Yad Vashem fait figurer la photo de Pie XII parmi « ceux dont on devrait avoir honte pour ce qu'ils ont fait contre les juifs » reprenant la thèse de sa passivité.
En 2007, le nonce, représentant du Vatican en Israël, Mgr
Antonio Franco, menace de boycotter les cérémonies annuelles pour
protester et le président du Mémorial, Avner Shalev, répond que « Yad
Vashem se dédie à la recherche historique et (…) présente la vérité
historique sur le pape Pie XII telle qu'elle est connue par les chercheurs aujourd'hui.
Yad
Vashem a dit au représentant du Vatican qu'il était prêt à continuer
d'examiner le sujet, en soulignant que si on lui y donne accès, il
étudierait avec plaisir les archives de Pie XII, afin de prendre éventuellement connaissance d'éléments nouveaux ».
Le nonce revient alors sur sa décision de boycott.
En 2009, le comité français pour Yad Vashem prend nettement position contre la béatification.
Mais
après atelier scientifique en mars 2009 avec l’Institut de théologie
salésienne des Saints-Pierre-et-Paul à Jérusalem, la direction du
mémorial confirme que sa position pourrait changer au vu de nouvelles
archives.
Le
ton change en 2011 : l'ambassadeur d'Israël auprès du Saint-Siège
Mordechai Lewy rappelle, lors de la reconnaissance comme « juste parmi
les nations » du prêtre italien Gaetano Piccinini, que les couvents et
monastères catholiques ont abrité des rescapés de la rafle du Ghetto de
Rome le 16 octobre 1943 avec l'accord et le soutien de la plus haute
hiérarchie vaticane pour conclure que « ce serait donc une erreur de
dire que l'Église catholique, le Vatican et le pape lui-même n'ont rien
voulu faire pour sauver des Juifs. C'est le contraire qui est vrai. ».
Le musée annonce le 1er juillet 2012 qu'« en suivant les
recommandations de l’Institut international pour la recherche sur
l’Holocauste de Yad Vashem, a été remis à jour le panneau relatif aux
activités du Vatican et du Pape Pie XII pendant la période de la guerre.
Cette
remise à jour reflète les recherches accomplies au cours des dernières
années et présente un cadre plus complexe par rapport au précédent » et
ajoute que ce n’est pas le résultat de pressions du Vatican.
La légende de la photographie du pape souligne alors : « La réaction de Pie XII, Eugenio Pacelli, à l’assassinat des juifs au cours de l’Holocauste est l’objet de controverses parmi les chercheurs ».
Magistère et pastorale de Pie XII
Le magistère
Encycliques de Pie XII
Pie XII a promulgué quarante-et-une encycliques au cours de ses dix-neuf années de pontificat.
Summi Pontificatus et le rôle du pape
Article détaillé : Summi Pontificatus.
Première
encyclique (octobre 1939), elle donne le ton de son enseignement
socio-politique et explique le rôle de la papauté dans la société
moderne, définissant aussi clairement la position doctrinale de l'église
face aux régimes politiques et en particulier aux États totalitaires.
Se souvenant de la consécration du genre humain au Sacré-Cœur, Pie XII
explique les malheurs des temps par l'abandon, dans les sociétés
modernes devenues matérialistes, de l'inspiration du Christ Roi.
Cette déviance les a conduites à idolâtrer, au lieu de la famille
humaine faite à l'image de Dieu, soit les faux progrès de la raison
libérale sans Dieu, soit un État survalorisant la Nation, l'Ethnie ou la
lutte des classes.
La guerre montre l'échec de l'illusion du progrès sans Dieu.
La
solution ne peut venir des armes, la loi juste ne peut venir de la
seule démocratie : la solution doit s'appuyer sur l'incarnation divine.
Le
rôle du pape est de condamner les erreurs et de proclamer depuis la
Chaire de Saint Pierre le Christ Roi, non qu'il s'agisse de gouverner le
temporel, mais bien de répandre sur la planète l'incarnation du message
de Paix et d'Amour.
Les
laïcs doivent le relayer en particulier dans l'éducation des familles.
L'État ne doit pas les dominer par une éducation sans Dieu.
Mystici Corporis Christi et l'ecclésiologie
Article détaillé : Mystici Corporis Christi.
Cette encyclique paraît le 29 juin 1943.
Pie XII y développe une théologie de l'Église comme corps mystique du Christ.
Divino Afflante Spiritu et l'exégèse
Article détaillé : Divino Afflante Spiritu.
Dans
cette encyclique publiée le 30 septembre 1943, le pape donne à
l'exégèse sa norme de liberté en distinguant les différents genres
littéraires dans l'Écriture.
Mediator Dei et la réforme de la liturgie
Article détaillé : Mediator Dei.
Le 20 novembre 1947, Pie XII
publie l'encyclique Mediator Dei, consacrée à la liturgie qui « se
développe selon les circonstances et les besoins des chrétiens ».
Ce
document insiste sur la nature de la liturgie, qui n'est pas seulement
un culte public, extérieur, mais surtout un culte intérieur qui
s'enracine dans la piété des fidèles (« que ce que nous professons dans
nos observances extérieures, s’accomplisse réellement dans notre
intérieur »).
L'encyclique
insiste ainsi sur l'importance de la coopération humaine à l'action
divine : « l’Église cherche à faire pénétrer cet esprit dans toute la
vie privée, conjugale, sociale et même économique et politique, afin que
tous ceux qui portent le nom d’enfants de Dieu puissent plus facilement
atteindre leur fin ».
Ce document marque le début d'une entreprise de réforme de la liturgie romaine.
Pour le pape Pie XII,
un tel mouvement de réforme doit se faire dans le respect d'une
certaine continuité, d'une évolution organique de la liturgie ;
l'initiative des adaptations doit en outre respecter un principe
hiérarchique fort.
Par
exemple, le pape n'exclut pas l'usage d'autres langues que le latin :
« Dans bien des rites cependant, se servir du langage vulgaire peut être
très profitable au peuple : mais c’est au seul Siège apostolique qu’il
appartient de le concéder ».
Il s'oppose en revanche à « l'excessive et malsaine passion des choses
anciennes » : « il n'est pas sage ni louable de tout ramener en toute
manière à l'Antiquité ».
Il condamne par là l'archaïsme liturgique qui, sous couleur de retour aux sources, est un procédé de rupture avec la tradition.
Pour mettre en œuvre ces idées générales, Pie XII met en place le 28 mai 1948 une commission pontificale pour la réforme liturgique.
Cette commission mena à bien une réforme du rite romain de la Semaine sainte et de la vigile pascale.
Elle poursuivit ses travaux au cours des pontificats suivants.
Humani Generis, la Nouvelle Théologie et la théorie de l'évolution
Article détaillé : Humani Generis.
Pierre Teilhard de Chardin, paléontologue chrétien évolutionniste
Dans cette encyclique publiée le 12 août 1950, Pie XII fait la critique d'un certain nombre de « fausses opinions qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique ».
Sans formuler de condamnation précise, il expose ses critiques et mises en garde contre le courant de la Nouvelle Théologie.
Il l'accuse de favoriser une forme de relativisme et d'ignorer certains enseignements traditionnels.
Le
pape expose le point de vue que les théologiens doivent se placer
d'abord au service du magistère de l'Église, dans une démarche de
développement organique.
L'encyclique
évoque également la doctrine de l'évolution : cette théorie n'entre pas
en opposition avec la doctrine catholique, « dans la mesure où elle
recherche l'origine du corps humain à partir d'une matière déjà
existante et vivante — car la foi catholique nous ordonne de maintenir
la création immédiate des âmes par Dieu ». En revanche, le polygénisme
est clairement rejeté.
Haurietis aquas in Gaudio, sur le Sacré-Cœur
Article détaillé : Haurietis Aquas.
Dans cette encyclique publiée en 1956, Pie XII produit une synthèse de référence sur le sens de la spiritualité du Sacré-Cœur.
Pie XII
y définit le mystère du cœur de Jésus comme le mystère de l'amour
miséricordieux du Christ et de la Trinité tout entière, Père, Fils et
Saint Esprit, envers l'humanité.
Utilisation de l'infaillibilité : le dogme de l'Assomption
Couronnement de la Vierge du Salus populi à Rome (1954)
Pie XII a proclamé le dogme de l'Assomption de la Vierge Marie par la constitution apostolique Munificentissimus Deus du 1er novembre 1950.
Cette initiative fait suite à un siècle d'intense réflexion théologique sur la Vierge Marie.
Elle confirme aussi officiellement la célébration du mystère de l'Assomption, présente depuis des siècles dans l'Église.
La proclamation du dogme a aussi été précédée de nombreuses demandes émanant des églises locales.
De 1854 à 1945, huit millions de fidèles catholiques ont écrit en ce sens.
Lettres auxquelles on peut ajouter les pétitions de 1 332 évêques, et de 83 000 prêtres, religieuses et religieux.
La proclamation du dogme, clôture l'année jubilaire de 1950 et est accompagnée de célébrations importantes.
Ce
dogme se définit ainsi : n'ayant commis aucun péché, Marie est
directement montée au paradis à sa mort, avec son âme et aussi avec son
corps.
En
effet, étant épargnée par le péché originel (c'est le dogme de
l'immaculée Conception défini en 1854), rien n'oblige son enveloppe
charnelle à attendre la résurrection des corps à la fin des temps.
« Nous
affirmons, Nous déclarons et Nous définissons comme un dogme divinement
révélé que l’Immaculée Mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir
achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et âme à la
vie céleste ». (Pie XII, Constitution apostolique Munificentissimus Deus, 1er novembre 1950).
En proclamant le dogme de l'Assomption, Pie XII a exercé, après consultation des évêques du monde entier, son infaillibilité pontificale.
C'est la seule fois, depuis la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale en 1870 lors du concile Vatican I, qu'un pape a procédé à une définition dogmatique couverte par son infaillibilité.
Autres prises de position
Régulation naturelle des naissances
Contrairement
à l'Église anglicane qui autorise la contraception de plus en plus
largement depuis la conférence de Lambeth de 1930, Pie XII maintient l'enseignement de l'encyclique Casti connubii de son prédécesseur Pie XI, sur la chasteté dans le mariage.
Toutefois dans son discours au congrès de l'Union catholique italienne d'obstétrique du 29 octobre 1951, il reconnaît officiellement la possibilité du contrôle des naissances en permettant la continence durant la période féconde du cycle menstruel.
Cette possibilité avait été en fait déjà reconnue au siècle précédent, mais seulement à l'occasion de questions posées à la Pénitencerie apostolique.
Dans un discours du 8 janvier 1956, il se déclare favorable aux méthodes psychologiques d'accouchement sans douleur, arguant que « tout en punissant Ève,
Dieu ne veut pas interdire, et n'interdit pas aux mères, l'utilisation
des moyens appropriés pour effectuer l'accouchement plus facile et moins
douloureux ».
Sur les premières questions de bioéthique
Dans de nombreux discours, Pie XII s'est prononcé sur les aspects moraux de nouvelles techniques médicales disponibles.
Ainsi, le 13 mai 1956, il indique que les prélèvements et greffes d'organes sont licites (en précisant des conditions de respect de la dignité humaine).
Il affirme également qu'il est « licite de supprimer la douleur au moyen de narcotiques,
même avec pour effet d'amoindrir la conscience et d'abréger la vie »,
ce qui permettra à ses successeurs de considérer légitime l'usage des soins palliatifs.
Sur la théorie du big bang
Dans un discours du 22 novembre 1951 où il fait référence à la théorie cosmologique du Big Bang Pie XII déclare :
- « Il semble en vérité que la science d'aujourd'hui, remontant d'un trait des millions de siècles, ait réussi à se faire le témoin de ce Fiat Lux initial ».
Cette position, de type concordiste (qui cherche à faire une synthèse entre la foi et la science) fut corrigée en 1952 par Pie XII, à la suite de sa rencontre avec le chanoine Georges Lemaître, un des créateurs de la théorie du Big Bang.
Sur la question des migrations humaines
Article détaillé : Position de l'Église catholique sur les migrations humaines#La constitution Exsul familia de Pie XII.
Pie XII publie la constitution apostolique Exsul familia Nazarethana le 1er août 1952.
Inscrite
dans le contexte des déplacements de population massifs consécutifs à
la Seconde Guerre mondiale, elle fait un bilan des secours apportés par
les catholiques et le Saint-Siège depuis le début de la guerre.
Surtout,
il s'agit du premier document officiel du Saint-Siège qui aborde de
manière globale et systématique le problème de l’aide en faveur des migrants.
Appliquant le principe de destination universelle des biens, un des éléments-clés de la doctrine sociale de l'Église, il reconnaît un droit naturel
des familles à l'immigration : « Il est inévitable que certaines
familles soient obligées de se déplacer, à la recherche d'une nouvelle
terre d'accueil. Alors – selon l'enseignement de Rerum Novarum – le
droit de cette famille à un espace de vie est reconnu. Lorsque cela se
produit, la migration atteint son objectif naturel, ainsi que le montre
l'expérience. Nous entendons par là la distribution la plus favorable
des hommes sur la surface de la Terre cultivée ; cette surface que Dieu a
créée et préparée pour l'usage de tous. »
La pastorale
L'apostolat des laïcs
Pie XII accueille des pèlerins
Pie XII a encouragé l'apostolat des laïcs dans le monde.
Comme Pie XI, son prédécesseur, il a soutenu les mouvements de l'Action catholique,
alors à son apogée, mais a également encouragé d'autres formes
d'apostolat des laïcs comme les instituts de laïcs consacrés, ou instituts séculiers (cf. constitution apostolique Provida mater ecclesia, 1947).
Il a aussi stimulé la vocation missionnaire des laïcs, en leur
proposant de consacrer plusieurs années de leur vie au service des
nouvelles Églises locales dans le monde (encyclique Fidei donum, 1957).
Il a ouvert le premier grand congrès mondial de l'apostolat des laïcs, en 1951 qui est suivi d'une seconde édition en 1957.
S'il
a souligné la vocation des laïcs à « collaborer à l'édification et au
perfectionnement du corps mystique du Christ » et les a encouragés à
être actifs dans l'organisation de la société, il a rappelé avec netteté
que leur place subordonnée dans la hiérarchie.
Cette réflexion sur la place des laïcs dans l'Église s'inscrit sur fond d'un débat avec des penseurs catholiques, comme Jacques Maritain, qui sont rappelés par le pape à l'obéissance.
Cette question préfigure les thèmes qui sont discutés lors du concile Vatican II durant lequel on assiste à une sensible réhabilitation des théologiens écartés par Pie XII (Henri de Lubac par exemple).
Internationalisation du haut clergé
Mgr Francis Spellman, cardinal des États-Unis
Pie XII a particulièrement veillé à aider les églises locales fondées récemment, en Chine et en Afrique notamment.
Il a levé des difficultés (en Chine, la querelle des rites est réglée dès décembre 1939), et il a suscité et accompagné la formation d'un clergé autochtone, favorisant l'ordination d'évêques issus de ce clergé local.
Il est ainsi le premier pape des temps modernes à avoir ordonné des évêques d'origines africaines (ainsi Joseph Nakabaale Kiwanuka), en 1939 et il établit la hiérarchie ecclésiastique en Chine en 1946.
L'encyclique aux missions de 1951, Evangelii præcones (en),
poursuit une évolution favorable à l'indépendance des clergés dans les
pays de mission : « L'Église doit être fermement et définitivement
établie chez les nouveaux peuples et recevoir une hiérarchie propre
choisie parmi les habitants du lieu ».
Pie XII a soutenu ces églises locales en détachant auprès d'elles des prêtres occidentaux prêtés par leurs diocèses (encyclique Fidei Donum en 1957) et mis à la disposition des évêques africains.
Anticipant
la décolonisation, il permit ainsi que l'assimilation entre l'Église
romaine et le colonisateur ne soit pas systématique.
Pie XII
a aussi contribué à l'internationalisation de la Curie romaine (en
nommant notamment parmi ses conseillers des jésuites allemands et
néerlandais, Robert Leiber, le futur cardinal Augustin Bea, et Sebastiaan Tromp (en)) et du Sacré-Collège, en créant, durant son pontificat, une majorité de cardinaux non-italiens.
Article détaillé : Liste des cardinaux créés par Pie XII.
Arrêt de l'expérience des prêtres ouvriers
Pie XII a mis un terme, en 1953-1954, à l'expérience des prêtres ouvriers.
Cette
décision a pu être motivée par la crainte du glissement de ces prêtres
vers le marxisme. Le pape a sans doute estimé aussi que cette expérience
mettait en cause la conception traditionnelle du sacerdoce.
La mission des prêtres-ouvriers pouvait occulter « la mise à part » des prêtres en vue du service de l'Église et des fidèles.
On
risquait aussi de confondre les missions respectives des fidèles laïcs,
plus présents dans la société au quotidien, et des prêtres qui doivent
rester disponible pour leur ministère et l'annonce explicite de
l'évangile.
Cette
décision du Saint-Siège n'a pas été reçue favorablement par une partie
des fidèles, des prêtres et de l'épiscopat français.
Ce dernier a alors créé les « missions ouvrières », pour coordonner l'apostolat des fidèles laïcs et du clergé en monde ouvrier.
Le pape et les médias modernes
Pie XII use, à la suite de son prédécesseur de la radio.
Durant la guerre, il adresse ainsi cinq messages radiophoniques :
Radio Vatican
- le 1er juin 1941, sur l'anniversaire de Rerum novarum ;
- à Noël 1941, sur l'ordre international ;
- à Noël 24 décembre 1942, sur l'ordre intérieur des nations : « … Ce vœu (de retour à la paix), l'humanité le doit à des centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, pour le seul fait de leur nationalité ou de leur origine ethnique, ont été vouées à la mort ou à une progressive extinction »…
- le 1er septembre 1944, sur la civilisation chrétienne ;
- à Noël 1944, sur les problèmes de la démocratie.
Il
est le premier pape à utiliser la télévision. Le 23 décembre 1950, il y
annonce la découverte de la tombe de saint Pierre, retrouvée exactement
à l'aplomb de la coupole de Michel-Ange (sous l'autel majeur) à la
suite de fouilles archéologiques.
Filmé
de façon régulière, il approuve un film, Pastor Angelicus, ou des
reportages photographiques qui le montrent dans les jardins hors de ses
apparitions officielles, dont le port maîtrisé voire hiératique et la
gestuelle ample, en particulier devant les foules, sont caractéristiques.
Une photo de lui, prise sans autorisation alors qu'il est sur son lit de mort, est publiée par Paris Match.
À
la fin de son pontificat, il précise la vision chrétienne de
l'utilisation des médias modernes, qu'il encourage dans l'encyclique
Miranda Prorsus sur le cinéma, la radio et la télévision.
L'Église doit utiliser ces moyens pour diffuser la vérité et le bien,
et doit veiller à s'opposer à la diffusion du mal (matérialisme…).
De même que son prédécesseur, Pie XI,
avait recommandé aux évêques la création d'offices catholiques
permettant d'informer les fidèles de la qualité morale des films (comme,
en France, la Centrale catholique du cinéma fondée en 1927), Pie XII
recommande aux évêques la création d'offices analogues pour la
coordination des activités des catholiques dans les domaines de la radio
et de la télévision.
Il
demande aux autorités publiques et aux groupes professionnels de
veiller au contenu moral des programmes diffusés afin de « sauvegarder
la morale publique basée sur la loi naturelle », et d'éviter
« l'abaissement du niveau culturel et moral des masses ».
L'encyclique
s'oppose à « la théorie de ceux qui, malgré les ruines morales et
matérielles évidentes causées dans le passé par de semblables doctrines,
défendent la « liberté d'expression » […] comme liberté de diffuser
sans aucun contrôle tout ce que l'on veut, fût-ce immoral et dangereux
pour les âmes ».
Elle insiste, à propos de la télévision, sur la protection de la famille et de l'enfance.
Dialogue avec les scientifiques
En 1936, Pie XI
avait fondé l'Académie pontificale des sciences pour promouvoir le
progrès des sciences mathématiques, physiques et naturelles, et l'étude
des problèmes qui leur sont liés.
Cette
académie permet au Saint-Siège, dans un dialogue avec des scientifiques
reconnus, d'approfondir la connaissance des découvertes récentes dans
différentes disciplines scientifiques, ainsi que leurs enjeux.
Pie XII a poursuivi avec intérêt ce dialogue et est intervenu lors des sessions de l'Académie à de nombreuses occasions.
Canonisations
Article détaillé : Liste des canonisations par Pie XII.
Il prononce 33 canonisations notamment celles de :
Gemma Galgani (1940)
Marie Euphrasie Pelletier (1940)
L.-M. Grignion de Montfort (1947)
Catherine Labouré (1947)
Françoise-Xavière Cabrini (1947)
Nicolas de Flue (1947)
Jeanne de Lestonnac (1949)
Jeanne de France (1950)
Maria Goretti (1950)
Émilie de Rodat (1950)
Antoine-Marie Claret (1950)
Émilie de Vialar (1951)
Pierre Chanel (1954)
Pape Pie X (1954)
Dominique Savio (1954)
Procès en béatification
Statue de Pie XII au Portugal (Braga)
La cause de Pie XII est introduite dès 18 novembre 1965, sous le pontificat de Paul VI et en même temps que celle de Jean XXIII (décédé deux ans plus tôt).
Le 8 mai 2007,
les membres du tribunal de la congrégation pour la Cause des saints
votent à l'unanimité le jugement positif et conclusif du procès en vue
d'établir « les vertus héroïques » de Pie XII. Toutefois le pape Benoît XVI décide de reporter la signature de ce décret, préférant attendre.
Deux ans plus tard, le 19 décembre 2009, le pape Benoît XVI proclame le décret reconnaissant Pie XII comme vénérable.
Cette étape précède celle de la béatification. Cette dernière est
conditionnée par la reconnaissance d'un miracle postérieur à la mort de
Pie XII et attribué à son intercession.
De plus, le Vatican laisse entendre en 2009 que Pie XII ne serait pas béatifié avant l'ouverture complète des archives de son pontificat, procédure qui requiert des années de travail.
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pie_XII
Le blog consacré à Pie XII : http://www.pie12.com/
https://www.piexii.com/
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