Font Romeu, l'ermitage Notre-Dame de Font Romeu

 

Font Romeu

L'ermitage Notre-Dame de Font Romeu

 

 Vue nord de la chapelle et son clocher

Vue nord de la chapelle et son clocher

Par LeZibou — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21297187

 

 

 

L'ermitage Notre-Dame de Font-Romeu se situe sur la commune de Font-Romeu-Odeillo-Via dans le département des Pyrénées-Orientales (région Occitanie), à environ un kilomètre au nord du centre-ville, sur la route départementale 618 en direction de Bolquère.

Les façades et toitures des bâtiments de l'ermitage, la chapelle avec le décor du camaril et le retable du maître-autel ont été inscrits au titre des monuments historiques en 1999.

Historique

Construits au XVIIe siècle, puis plusieurs fois agrandis, les bâtiments actuels recouvrent un lieu de pèlerinage plus ancien, datant du milieu du Moyen-Âge.

Ils s'organisent autour d'une cour rectangulaire, fermée au nord par la chapelle Notre-Dame.

Achevée au XVIIe siècle, en 1686, la chapelle est remaniée au XVIIIe siècle.

Elle abrite trois retables, dont le plus remarquable est dédié à la Vierge Marie.

Il fut en partie réalisé par le sculpteur catalan Joseph Sunyer, entre 1704 et 1707.

Un des fils de l'artiste repose d'ailleurs dans l'église, comme l'atteste l'inscription funéraire visible dans le mur de l'édifice, face au portail d'entrée.

L'ermitage comporte un camaril très richement décoré, dans lequel est abritée la statue de la Vierge de Font-Romeu, sculpture romane datée du XIIe siècle. Cette pièce de 4 m sur 4 est accolée à l'est de l'église, dont elle est séparée par le retable du maître-autel.

Elle a été élevée à l'emplacement de l'oratoire primitif au XVIIIe siècle, et décorée par l'artiste Joseph Sunyer, certainement avant 1734. Le mobilier qui l'orne est classé monument historique depuis 1928.

Les bâtiments abritent également une fontaine, dotée d'une piscine datée du milieu du XVIIIe siècle. Elle serait à l'origine de guérisons miraculeuses, comme semblent l'attester certains des nombreux ex-votos situés dans la chapelle de l'ermitage. Cette fontaine est certainement à l'origine du nom du lieu, qui deviendra également celui de la célèbre station : « Font-Romeu » signifie en effet « fontaine du pèlerin » (le « romeu » étant à l'origine le pèlerin en route vers Rome, puis, par extension, tout pèlerin, en particulier en route pour Saint-Jacques).

La statue de la Vierge est descendue par procession (Baixar ou Despedida) le 8 septembre (ou le dimanche le plus proche) à l'église d'Odeillo où elle reste en hiver, puis est remontée (Pujar) au printemps (dimanche de la Trinité) à l'Ermitage où elle passe l'été.

Ce rite rappelle la tradition des transhumances, au cours de laquelle les bouviers et bergers montent dans les alpages où ils passent la belle saison, et redescendent ensuite pour passer l'hiver à l'abri. Il est possible que la Vierge de Font-Romeu ait à l'origine accompagné ce mouvement pastoral ; cela pourrait expliquer pourquoi son dos est creux : elle serait ainsi plus facile à transporter.

Photographies

Vue d'ensemble, du sud-est 

Vue d'ensemble, du sud-est

Par Jack ma — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27294987

 

Pignon sud de l'ermitage

Pignon sud de l'ermitage

Par Selbymay — Photographie personnelle, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18119207

 

Cour centrale et façade ouest de la chapelle

Cour centrale et façade ouest de la chapelle

Par LeZibou — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21297190

 

Arcades sur le côté ouest de la cour intérieure

Arcades sur le côté ouest de la cour intérieure

Par LeZibou — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=21297189

 

La fontaine miraculeuse, à l'extérieur de l'église

La fontaine miraculeuse, à l'extérieur de l'église

Par Jack ma — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=29948436

 

L'autel et la statue de la Vierge

L'autel et la statue de la Vierge

Par Jack ma — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=29948439

Ex-votos

Ex-votos

Par Jack ma — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=29948435

L'un des nombreux tableaux offerts en ex-voto

L'un des nombreux tableaux offerts en ex-voto

Par Original téléversé par Jeantosti sur Wikipédia français. — Transféré de fr.wikipedia à Commons par Bloody-libu utilisant CommonsHelper., CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=20387637

Encensement de la statue de Notre-Dame par Mgr Turini, évêque de Perpignan, lors de l'aplec de septembre 2016

Encensement de la statue de Notre-Dame par Mgr Turini, évêque de Perpignan, lors de l'aplec de septembre 2016

Par RSaMar — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=71120245

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ermitage_Notre-Dame_de_Font-Romeu

 

 La légende

Voici dans toute sa simplicité la pieuse légende relative à Font Romeu, telle que nous l'a conservée et transmise la tradition des anciens souvenirs.

En ce temps là, c'est-à-dire à une époque inconnue mais déjà bien loin de nous, la montagne sur laquelle nous allons implorer aujourd'hui la Vierge de Font Romeu était déserte, assez escarpée, complantée de quelques pins épars ça et là, et uniquement fréquentée par les troupeaux de bêtes à cornes ou de bêtes à laine qu'on envoyait en dépaissance sur ce point de plusieurs villages voisins. Nulle habitation ne se voyait sur ces hauteurs si l'on en excepte quelques granges ou hangars destinés à abriter les troupeaux, ce qu'on s'explique assez naturellement quand on songe que ces montagnes sont généralement couvertes de neiges pendant six mois de l'année, et conséquemment inhabitables.

Ce site agreste et abandonné fut choisi de Dieu qui répandit ses bénédictions sur ces rochers désolés et voulut les rendre attrayants en y établissant un sanctuaire en l'honneur de sa divine Mère.

Il est difficile d'assigner à la fondation de l'ermitage ou à l'évènement qui y donna lieu une époque précise et bien déterminée, toutefois il paraît que ce fut vers la fin du onzième siècle ou au commencement du douzième, car parmi les nombreux tableaux que renferme la chapelle il en est un sur lequel se voit écrite la date de 1113.

Un troupeau de bœufs paissait sur cette partie de la montagne d'Odeilló, là se trouvait une source qui jaillissait à l'endroit même où est établi aujourd'hui le maître autel de la chapelle, cette eau servait naturellement à désaltérer les troupeaux qu'on envoyait dans ces pâturages.

Un taureau s'écartait des autres têtes du troupeau et se dirigeait bien plus souvent que de coutume vers la fontaine autour de laquelle il ne cessait de piétiner et de flairer sans qu'il fût d'abord remarqué.

Cependant les allées et venues de l'animal ayant été aperçues sans être comprises par le berger, homme d'une grande simplicité, celui-ci se dirigeait vers la fontaine et ramenait le taureau indocile auprès du reste du troupeau de peur qu il ne vint à s'égarer.

Ceci dura assez long temps sans que le berger pût parvenir à découvrir le sens de la persistance du taureau qui retournait toujours auprès de la fontaine aussitôt après en avoir été chassé, et là recommençait ses mugissements et ses investigations.

Un jour enfin comme le berger impatienté accourait à la fontaine et se disposait à employer la force pour l'obliger à se tenir avec les autres têtes du troupeau, les mouvements plus prononcés de l'animal qui ne cessait d'indiquer un certain endroit firent naître dans l'esprit du pasteur l'idée de ce qui pouvait être la cause de tant de recherches et de mouvements, le taureau semblait lui indiquer un vide qui apparaissait dans la terre ou peut-être dans un roc et tout auprès de la fontaine.

Instinctivement et comme pour satisfaire notre animal, il approche, entrevoit un objet qu'il ne distingue pas bien d'abord, le considère avec une plus grande attention, et après l'avoir retiré du trou qui l'avait récélé, reconnaît une image de la Vierge en bois, bien conservée.

Désarmé, notre berger laisse tomber sa houlette et se reproche les mauvais traitements qu'il a fait subir à l'auteur d'une si précieuse découverte.

Transporté de joie, heureux d'avoir retiré la Madone de la cachette où elle était restée jusqu alors enfouie, il la dépose soigneusement et pour quelques instants en lieu de sûreté, puis court porter cette nouvelle à la paroisse d'Odeilló où bientôt une procession s'organise et se rend solennellement sur la montagne dans le but d'en rapporter la Vierge miraculeuse.

Le berger lui retourna vite à la fontaine où il était déjà revenu lorsque arriva la procession.

Le taureau se tenait tout auprès, comme pour garder et défendre la Madone qu'il avait contribué à faire découvrir et qu'il semblait indiquer à la foule rendue bientôt sur les lieux conduite par le Curé de la paroisse de Saint Martin d'Odeilló où elle fut pieusement transportée.

Cette origine de la Vierge de Font Romeu est ainsi rapportée dans la légende espagnole dont à peu de chose près nous n'avons fait que donner ici la traduction.

Quant au nom de Font Romeu, il faudrait d'après la tradition populaire la plus communément adoptée le faire dériver du mot catalan Font fontaine et de Romeu qu'on dit avoir été le nom patronymique du berger lui même. On verra mentionnée ci-après dès les premières lignes du Chapitre VI une autre étymologie qui nous a plus satisfait parce qu'elle nous paraît plus naturelle.

La légende dont nous venons de présenter le récit se trouve rappelée en quelques mots dans la troisième strophe des Goigs ou cantique catalan chanté en l'honneur de Notre-Dame de Font Romeu. Ce cantique d'où s'exhale un parfum de douce et naïve confiance envers Marie est imprimé à la suite de cette Notice avec une traduction en vers français dans laquelle M D a reproduit avec succès la touchante simplicité du chant religieux de nos pères. On ne nous sera pas moins reconnaissant d'avoir obtenu la publication d'une délicieuse poésie sur Notre-Dame de Font Romeu due à la plume d-un de nos Ecclésiastiques les plus distingués. Ces vers couronneront dignement cet écrit en l'honneur de Marie et ne pourront que contribuer à le faire agréer favorablement des lecteurs pieux. La poésie ranimera et réchauffera le zèle et la confiance que notre prose n'aura fait que suggérer ou faire naître. Dès que les habitants d'Odeilló eurent fait la conquête de l'image vénérée, ils songèrent à lui élever une chapelle et provisoirement un oratoire exposé au levant où fut placée une statuette de la Vierge qui transmit à leurs descendants le souvenir d'une si précieuse découverte. Cet oratoire fut construit à peu de frais à l'endroit même où se voit aujourd'hui le maître autel et où coulait la fontaine Quant à l'image miraculeuse la paroisse d'Odeilló en revendiqua d'abord le dépôt et elle resta pendant quelque temps dans l'église de Saint Martin de cette commune. Cependant il parait qu'un usage toujours observé depuis ne tarda pas à s'établir d'après lequel la Madone fut transportée tous les ans en procession le dimanche de la Trinité dans l'oratoire et sur la montagne où elle s'était révélée jusqu'au 2 juillet, fête de la Visitation, jour auquel l'image est rapportée processionnellement dans l'église paroissiale. Ce vieil usage d'après lequel la sainte image ne passe qu'un mois environ sur la montagne, quelques jours de plus ou de moins selon que la fête mobile de la Trinité se trouve placée au mois de mai ou au commencement de juin, nous autorise à penser que la découverte miraculeuse dut avoir lieu vers cette époque de l'année, peut-être aux environs de la Saint Jean, surtout si nous prenons la peine d'observer que le grand précurseur du Sauveur se trouve invoqué et honoré presque parallèlement avec Notre-Dame de Font Romeu. C'est là toutefois une simple conjecture appuyée sur de graves motifs de probabilité. Quoi qu'il en soit on ne pourrait persuader aux habitants de la montagne que la Vierge ne serait pas insensible à un retard apporté le jour de la Trinité à sa translation dans la chapelle de l'ermitage et ces naïfs serviteurs de la Reine des Cieux dans la simplicité de leur cœur et de leur foi racontent comme quoi ce cas s'étant présenté soit par négligence, soit peut-être à dessein pour convaincre les esprits incrédules, il fut constaté que la Madone quittait d'elle-même la paroisse et se transportait sans être vue dans son modeste sanctuaire où elle doit tenir à cœur de passer le temps pendant lequel tout porte à croire qu'eut lieu son invention miraculeuse. C'est le 2 juillet, avons nous dit que la Vierge de Font Romeu est transportée processionnellement à la paroisse de Saint Martin d'Odeilló D'où il suit que le 8 septembre jour du grand pèlerinage la Madone miraculeuse ne se trouve déjà plus depuis deux mois à la chapelle de l'ermitage où elle est remplacée par une autre plus moderne dont la riche robe ne laisse apercevoir que la main droite la tête couverte d'une belle couronne et à peine l'enfant Jésus surchargé de rubans de joyaux et de fleurs. Cette circonstance ignorée de beaucoup de personnes a induit en erreur l'auteur du Guide en Roussillon qui s'exprime ainsi page 252. Le soir venu le jour du grand pèlerinage de septembre qui a lieu le 8 et non pas le dimanche suivant le soir venu, les habitants d'Odeilló partent en procession, emportant à l'église de leur paroisse la statue de la Vierge qu'on ne laisse jamais passer l'hiver sur la montagne et qu'on y remonte de la même manière quand vient le mois de mai. Et d'abord cette dernière assertion n'est pas absolument vraie, puisque la fête de la Trinité peut tomber au mois de juin mais la première manque complètement d'exactitude ce qui du reste ne doit pas surprendre les personnes qui ne sont pas renseignées à ce sujet, étant assez naturellement portées à penser que la vraie Madone de Font Romeu se trouve dans son sanctuaire le jour du grand rendez-vous pour y recevoir les consécrations et les prières de ses enfants, il n'en est rien pourtant et ceci nous semble être un nouvel argument à l'appui de l'opinion déjà émise qui consiste à considérer le court espace de temps qui s'écoule entre la Trinité et la Visitation hors duquel la Vierge n'habite plus son sanctuaire sur la montagne, comme l'époque pendant laquelle dut avoir lieu la précieuse découverte. Cette considération nous semble à elle seule assez puissante pour expliquer d'une manière raisonnable et plausible l'absence de l'image miraculeuse à Font Romeu le 8 septembre. Au surplus s'il nous était permis d'exprimer un vœu, nous dirions qu'il serait peut-être préférable de fixer au 2 juillet le jour de la grande fête de Notre-Dame de Font Romeu, les gens pieux y trouveraient cet avantage de pouvoir visiter la Madone miraculeuse, les habitants d'Odeilló verraient le soir l'image de leur protectrice accompagnée processionnellement à leur paroisse par un plus grand nombre de fidèles, ce qui augmenterait la pompe de la cérémonie, tous enfin se rendraient au pieux pèlerinage plus joyeux et en plus grand nombre vu la saison qui déjà le 8 septembre commence à devenir rigoureuse sur ces hauteurs. La gloire de Marie et la beauté de la fête sembleraient solliciter en faveur de ce changement, sans doute il ne pourrait s'effectuer brusquement d'une année à une autre, mais l'intérêt même des visiteurs les porterait à ratifier promptement les modifications qui pourraient être adoptées à cet égard. On comprend que c'est seulement le grand rendez-vous que nous voudrions voir transporté au 2 juillet et que la fête du 8 septembre n'en serait pas moins célébrée à la chapelle de notre ermitage comme le sont aujourd'hui celles de la Trinité de la Saint Jean, de la Visitation et de l'Assomption.

L'image miraculeuse de Font Romeu est en bois doré, et représente sous des traits réguliers la Vierge assise tenant un bouquet de la main droite, dont on remarque que les extrémités sont effilées.

Sur ses genoux, elle tient assis et soutient de son bras gauche l'enfant Jésus, pieds nus et vêtu d'une tunique dorée, de sa main droite dont deux doigts sont levés en l'air, il bénit le peuple qu'il semble regarder, il tient un livre de l'autre main.

Construction et agrandissements de la Chapelle de Font Romeu, Ex-voto, Camarill, Locaux attenants

Après la découverte de l'image de la Vierge, et la construction du petit oratoire, au pied duquel coulait la fontaine, le projet d'élever une chapelle resta long temps sans recevoir son exécution, sans doute à cause de l'absence des fonds nécessaires.

Nous manquons encore ici de renseignements chronologiques précis.

Tout ce que nous pouvons avancer c'est qu'il existait déjà une chapelle en 1525, ce qui résulte de l'examen des anciens registres que nous avons eus sous les yeux.

Cette chapelle malgré son extrême exiguïté subsista et resta sans agrandissement pendant près de deux siècles, car la partie du fond de la chapelle, presque la moitié qu'on reconnaît facilement être moins ancienne que la partie septentrionale où se trouve l'autel remonte à l'année 1680, date qu'on peut lire sur un carré de granit placé dans un des murs latéraux.

Il paraîtrait même que ces travaux d'agrandissement furent interrompus ou lentement exécutés, puisque la date de 1683 se lit à la partie inférieure de la façade, et à côté de la grande porte de la chapelle actuelle.

C'est sans doute lors de cet agrandissement que dut être commise par la crainte d'une trop forte dépense d'exhaussement cette irrégularité qui choque le visiteur lorsqu'il entre dans l'église par la grande porte et qui l'oblige de gravir à deux pas du seuil et dans l'intérieur même de la nef un petit escalier de cinq ou six degrés pour pouvoir apercevoir le maître autel.

On comprend combien cette disposition bizarre enlève d'étendue au vaisseau de la chapelle puisque tout l'espace occupé par les degrés est à peu près perdu ainsi que celui compris entre le seuil de la porte et la première de ces marches d'où l'on ne peut plonger dans l'église pour peu qu'elle soit garnie d'assistants.

Voici comment on peut s'expliquer cette défectuosité. La primitive chapelle étant déjà construite au niveau de la source qu'on tenait à conserver, il fallut bien en l'agrandissant en 1680 et 1683, suivre le même niveau mais à mesure qu'on l'agrandissait du côté du fond, le terrain se trouvait plus bas et les soubassements à faire plus considérables et plus coûteux, ce qui fit reculer devant la dépense d'un complet nivellement et de l'établissement d'un perron extérieur plus convenable et plus grandiose. Nonobstant cet agrandissement, il est aisé de voir que le sanctuaire de Marie ne peut pas suffire à la foule pressée autour de celle qui ouvre à tous le sein de sa miséricorde, afin que tous pour emprunter les expressions du docteur de Marie, reçoivent de sa plénitude, le malade la santé, le captif sa rançon, le cœur triste la consolation, le juste la grâce, l'ange la joie. La chapelle de Font Romeu, ainsi construite à deux reprises et à une hauteur qui avait rendu nécessaire des murs d'une grande élévation, dont une partie se trouvait inférieure au sol de l'église fut bientôt jugée manquer de toute la solidité désirable surtout aux points latéraux. C'est pourquoi les murs de la chapelle au levant et au couchant furent flanqués de hauts contre forts ou contre murs massifs dits garaffes qui les soutiennent et les consolident. Construits en 1741, ils forment entre eux des intervalles ou enfoncements dans l'un desquels se trouve placée du côté de la grande place de l'ermitage la fontaine de Notre-Dame.

La longueur de la chapelle de Font Romeu est de 17 mètres 80 centimètres, de la grande porte du fonds à la grille qui sépare la nef du cancel ou sanctuaire sur une largeur de 6 mètres environ.

Cette grille qui est en bois et élevée de quatre ou cinq mètres au dessus du sol de l'église, est encore à une distance d'environ six mètres du retable du maître-autel.

Immédiatement après cette grille s'ouvre une abside assez vaste et beaucoup plus large que la nef inférieure où se voient deux chapelles latérales dédiées, celle de droite à saint Joseph, et celle de gauche à saint Jean-Baptiste.

Puis vient enfin le sanctuaire proprement dit, fermé par une balustrade en fer, à hauteur ordinaire. Il est une particularité qui ne doit pas être oubliée au sujet de Font Romeu, c'est que la petite porte de l'église est nuit et jour et de temps immémorial ouverte aux visiteurs, la grille en bois seule restant fermée.

Cette chapelle renferme des ex-voto à l'infini, tels que des béquilles ou potences, nous en avons compté une soixantaine, des chevelures qui se compteraient par centaines si on n'avait soin de les supprimer par respect pour la sainteté du lieu, et une quantité innombrable de cadres où se trouvent relatées des guérisons miraculeuses ou autres bienfaits obtenus par la puissante intercession de Notre-Dame de Font Romeu. Voyez ci-après le Chap VIII

Parmi les ex-voto ou pieuses offrandes que nous avons vus, deux nous ont touché plus que les autres.

L'un se compose d'une tresse de cheveux encadrée au milieu d'un tableau avec cette légende touchante : Une mère chrétienne fait offrande des cheveux de son bien aimé fils à la bienheureuse Vierge Marie. Tous les jours, Vierge Sainte, elle prie votre Fils de vouloir tenir un œil protecteur sur H.B.

L'autre se compose aussi de quelques cheveux avec cette phrase explicative : Ex-voto de la chevelure de Jean T., menuisier d'Olette, en souvenir de l'heureux sort que Dieu lui a donné. Cette promesse avait été faite le jour même du tirage à Notre-Dame de Font Romeu qu'il n'a pas implorée en vain, 7 septembre 1852.

Un autre tableau non moins remarquable, nous à frappé par le fait auquel il se rapporte. A une époque antérieure à la Révolution française, et probablement assez éloignée, le Curé ou Recteur d'Odeilló se promenait dans la campagne récitant son Bréviaire, non loin de l'ermitage, lorsque derrière lui vinrent se poster deux bandits, se disposant à ajuster le bon prêtre, tout à coup un enfant qui se trouvait en avant du Curé et tourné vers lui en même temps que vers les brigands, pousse un cri qui avertit l'homme de Dieu du danger qu'il court, le prêtre qui a compris, lève promptement les yeux au Ciel et invoque la Vierge de Font Romeu, au même instant deux faibles coups se font entendre, les deux armes avaient respecté le Pasteur de cette montagne.

Les ornements ne manquent pas sur l'autel de Marie qui dans les jours de rendez-vous est éblouissant de fleurs artificielles et étincelant de lumières. On y remarque de belles moulures encadrées dans des baguettes dorées et représentant l'heureux évènement qui donna lieu à la découverte de la précieuse image, on y voit le berger et le taureau auprès de la fontaine.

Un autre du côté de l'épître représente les habitants d'Odeilló venant processionnellement prendre la Madone miraculeuse. Le retable est aussi orné de semblables moulures.

Dans le premier sanctuaire s'ouvrent à droite et à gauche, à côté des deux chapelles latérales, deux portes dont l'une, celle de droite, aboutit à la grande sacristie de l'église. Toutes deux conduisent en outre par un escalier de douze ou quinze marches à la chapelle du Christ ou du Précieux Sang appelée le Camarill (c'est-à-dire petite chapelle) qui se trouve de plain pied avec la niche de la Vierge du maître autel et dont le plan est conséquemment beaucoup plus élevé que celui de la nef. Cette seconde chapelle qui semble former comme un second palier au fonds de l'église est peut être ce qu il y a de plus curieux à Font Romeu et sans contredit ce qu'il y a de plus remarquable sous le rapport de l'art, aussi en est-il fait mention dans le Nouveau Dictionnaire complet géographique statistique etc de la France et de ses colonies par Briand de Verzé refondu par Warin. L'œil du visiteur est frappé de voir à la voûte des fresques aussi délicates et aussi fraîches que si elles dataient d'hier. Ces peintures n'ont jamais été lavées ni touchées par un plumeau et n'en conservent pas moins l'éclat et le poli de la nouveauté, bien que cependant elles remontent à une époque très éloignée, et qu'on n'a pu déterminer. Quant aux dorures elles se maintiennent tout aussi fraiches quoiqu'elles remontent au XVIIe siècle. Il serait inutile croyons-nous de donner une description détaillée des sujets représentés sur les fresques et les peintures qui font le mérite du dôme de cette chapelle, dont la forme semi-sphérique rappelle les mosquées mahométanes. Mais les grands médaillons en bosse qui s'y font remarquer, ne sont pas moins dignes d'attirer l'attention de l'amateur qui en admirera notamment un dont le sujet est la Naissance de Jésus-Christ, et un autre en face représentant la Présentation de Notre-Dame. Ces deux médaillons soutenus chacun par deux Anges, sont placés le premier au dessus de la porte de droite du Camarill, et le second sur l'entrée de gauche, mais toujours à l'intérieur. Une petite statue représentant l'Assomption se trouve placée au-dessus et à la partie postérieure de la niche de la Vierge du grand autel en face de l'autel du Camarill où s élève un grand Christ ayant les deux Maries à ses pieds. Aux quatre coins du Camarill, l'œil est frappé par la régularité des formes et des traits de quatre Anges, de grandeur naturelle, aux ailes étendues. Le nom de l'artiste à qui nous sommes redevables des belles fresques de la voûte du Camarill, n'est pas parvenu jusqu à nous. Mais nous connaissons l'auteur des sculptures, moulures et dorures qui se voient dans l'église de Font Romeu, soit sur le maître-autel, soit dans les diverses faces intérieures du Camarill, dont les médaillons sont de petits chefs-d'œuvre. La ville de Prades est fière d'avoir à nommer un de ses enfants PIERRE SUNYER ou SUÑER mort le 29 septembre 1704, comme l'indique la pierre tumulaire placée au-dessous de la chaire de l'église de Font Romeu, sous laquelle reposent les restes mortels de cet artiste. Peut-être est-ce la signature de son fils Joseph Sunyer, que nous avons vue apposée au bas d'une quittance de 90 doubles dus à ce dernier, pour divers travaux de sculpture, cette quittance datée du 20 juin 1707 et inscrite dans un des registres de la fabrique d'Odeilló paraît se rapporter à un retable d'autel. En somme, le Camarill qui n'a pas plus de 16 mètres carrés, est un magnifique oratoire, où l'on se sent instinctivement porté à la prière et à la méditation. Là, le chrétien prosterné devant la Croix éclairée seulement de la lueur d'une lampe de cristal suspendue à la voûte, et faiblement aussi du jour, qui y pénètre par la niche de la Vierge, peut donner un libre cours à ses pensées, adorer le divin Rédempteur dans sa Passion, et dire avec saint Augustin : Toute mon espérance est dans la mort du Sauveur. Sa mort fait tout mon mérite, elle est mon unique refuge, mon salut, ma vie, ma résurrection. Je ne puis être épouvanté par la multitude de mes fautes lorsque la mort de mon Dieu s'offre à ma pensée parce que l'énormité de mes crimes ne peut aller aussi loin que sa miséricorde. Non, il n y a pas de remède plus efficace, ni plus capable d'éteindre sur le champ toute l'ardeur de la concupiscence que la pensée de la mort de mon Sauveur, dont les bras étendus semblent tout prêts à nous embrasser, invitant par là tous les pécheurs à venir recevoir le baiser de paix.

Celui qui cherchera à s'expliquer l'existence de la chapelle du Christ et la place qu'elle occupe, ne tardera pas après un instant de réflexion à en découvrir la raison. La dévotion à Marie, sans doute, est à Font Romeu la grande dévotion, mais comme il ne fallait pas que le culte de la Sainte Vierge fit oublier ou négliger l'adoration due à son divin Fils, on conçut l'idée ingénieuse d'établir un lieu de prières au divin Rédempteur, sur un second plan, mais sur un trône plus élevé d'où il semble avoir été comme le dispensateur des grâces attachées à la Vierge de ces lieux.

Disons un mot des locaux qui tiennent à la chapelle ou qui dépendent de l'ermitage. Après l'agrandissement de la primitive église et la construction de l'église actuelle, les pèlerins durent plus encore que dans les premiers temps affluer à Font Romeu. C'est ce qui ne tarda pas de faire naître l'idée de construire des bâtiments, pour recevoir les visiteurs, et des écuries destinées aux montures. Mais il fallut recueillir des fonds, aussi tandis que l'église actuelle avait été achevée en 1683, ne fut ce qu'en 1733, cinquante ans plus tard que fut construite une première aile formant une partie du bâtiment méridional garni de portiques et isolé de la chapelle. Trois ans après, en 1756, on adossa contre la partie élevée de la chapelle, une construction qui forme avec elle un angle droit, et présente sa façade sur la place de l'ermitage vis à vis la précédente. L'année 1753 vit continuer le bâtiment isolé de 1733, et l'année 1774 vit s'étendre celui qui était contigu à la chapelle. Ces divers locaux convenablement meublés, sont susceptibles de loger environ cent personnes, et il est important de retenir les appartements à l'avance pour le jour du grand rendez-vous de septembre. Les personnes surtout qui se proposent de s'y rendre la veille et d'y passer la nuit, sont intéressées à en donner de bonne heure avis à M le Curé d'Odeilló, qui du reste s'est fait une obligation de se fixer tous les ans à Font Romeu, deux jours avant le 8 septembre, afin de veiller lui-même au maintien du bon ordre, et quand il y a lieu à l'observation des lois de l'abstinence parmi les nombreux visiteurs qui ont pris des appartements dans les locaux dépendants de l'ermitage. Quoi qu'il en soit et bien que les demandes dépassent toujours de beaucoup le nombre et l'étendue des pièces à louer, il nous semble qu'il serait avantageux de s'occuper désormais non plus d'agrandissement de locaux, mais de l'exhaussement de la partie inférieure de la chapelle et de son agrandissement de ce côté.

Fontaine de Font Romeu

Il sortira de la maison du Seigneur une fontaine qui arrosera la vallée de Sélim. Joël III 18 

Aussitôt après la découverte de la Madone, la fontaine près de laquelle elle avait été trouvée, devint le but de fréquents pèlerinages, ce qui d'après nous dut lui faire donner le nom de Font Romeu ou Fontaine du Pèlerin car Romeu dans l'ancien idiome catalan signifiait exactement pèlerin comme le mot espagnol romero d'où il était visiblement dérivé et corrompu.

Les personnes pieuses n'ont pas de peine à découvrir un sens allégorique et figuré dans cette circonstance que la statue de la Vierge avait été trouvée tout auprès d'une fontaine.

Elles y ont vu l'application de cette parole du livre d'Esther que Dieu a voulu accomplir en la personne de Marie. Elle peut être comparée à une faible source qui devint un fleuve, se changea en lumière et en soleil, et se répandit en eaux abondantes chap X v 6.

La Vierge n'est-elle pas avec raison, assimilée à une fontaine, à cause de l'abondance des grâces qui découlent de sa main. C'est une source modeste, car qui n'admire l'excellence de la vertu d'humilité de la Ste Vierge ? Cette faible source devint un fleuve et répandit l'abondance de ses eaux, lorsque Marie devint la mère du divin Sauveur, qui put ainsi s'appliquer ces paroles du livre de l'Ecclésiastique ch XXIV v 41 Je suis sorti du Paradis comme le ruisseau d'un fleuve aux eaux immenses, comme l'écoulement d'une rivière, comme le canal qui conduit ses eaux. La source de Font Romeu, nous l'avons déjà dit, sourd derrière le maître-autel de l'église et sous la niche de la Sainte Vierge, qui, on l'a vu, se trouve de plain pied avec le sol de la chapelle du Christ. Il nous a même semblé en prêtant l'oreille avec attention du côté de l'épître, entendre un léger clapotement de l'eau coulant vers la partie inférieure et méridionale de la chapelle qu'elle traverse dans un conduit souterrain, après quoi elle est dirigée à travers le mur latéral vers l'extérieur de la chapelle sur la grande place où elle coule abondante et glacée, de trois tuyaux en fer dans deux auges d'assez grande dimension, d'où elle est conduite par un second canal souterrain mais presque à fleur de terre dans un bassin carré pratiqué au centre d'un appartement isolé situé à l'extrémité occidentale du bâtiment à arceaux et sur un sol inférieur.

C'est dans cette piscine où l'on descend par deux degrés de chacune des quatre faces que vont se baigner les malades conduits en ce lieu par une foi inébranlable et une vive confiance.

Ces personnes commencent assez généralement par faire plusieurs fois le tour du bassin en récitant le chapelet devant une petite image de la Vierge, placée au fond de l'appartement, puis se plongent dans l'eau, (il en est même qui n'attribuent une vertu efficace qu'à une immersion neuf fois répétée), après quoi elles se rendent à la chapelle où elles adressent leurs prières à celle qui aime à être appelée la Santé des infirmes.

Cette eau, dépouillée par la foi de toute qualité pernicieuse, est glacée comme l'attestent d'ailleurs les expressions énergiques et pittoresques du cinquième couplet des Goigs chantés en l'honneur de Notre Dame de Font Romeu (voyez ci après).

Un grand nombre des pèlerins qui se rendent à Font Romeu, en rapportent de l'eau de la fontaine.

Elle est du reste d'une limpidité et d'un goût qui la rendent parfaitement salubre et presque incorruptible.

Source : Livre "Pèlerinage à Notre-Dame de Font Romeu" de Josep Tolrà de Bordas

 

 

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