Abbaye de Silvacane
L’abbaye de Silvacane, dite autrefois abbaye de Sauvecanne, est une abbaye cistercienne située dans la commune de La Roque-d'Anthéron, dans le département français des Bouches-du-Rhône et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Elle a été fondée en 1144 des moines venus de l'abbaye de Morimond.
Avec Sénanque et le Thoronet, Silvacane fait partie des trois abbayes cisterciennes de Provence appelées les « trois sœurs provençales » qui témoignent du grand rayonnement de l'ordre cistercien en Provence.
C'est la plus récente des trois et la seule qui n'ait pas retrouvé une activité conventuelle.
Historique
Étymologie
L'abbaye
doit son nom aux marécages à roseaux de la Durance, au bord de laquelle
elle est implantée : « silva cannorum », la forêt de roseaux.
Construction
C'est
en 1144 que les moines s'installèrent dans cette forêt. Et c'est un
groupe de cisterciens de Morimond, sous la conduite de l'abbé Othon,
demi-frère de l'empereur Conrad III, qui remplacèrent les bénédictins en
prenant en main l'abbaye de Silvacane dès son affiliation à l'Ordre
cistercien et effectuèrent les travaux de bonification des terres
environnantes.
Protégée par les grands seigneurs de Provence, les débuts de l'abbaye furent dynamiques. En 1175, Bertrand des Baux entreprit la construction de l'église, où il est enterré. Peu après, en 1188, l'abbaye de Silvacane fonda une filiale à Valsaintes, près d'Apt.
Mais le déclin qui s'amorça dès la fin du XIIIe siècle sera irréversible. Un conflit avec l'abbaye de Montmajour éroda son aura. Le sac de 1358 par le seigneur d'Aubignan et les grandes gelées de 1364 qui anéantirent les récoltes d'olives et de vin entrainèrent le déclin et, pour conclure, les inondations de la Durance, en 1440, détruisirent le monastère. En 1450, l'abbaye fut annexée au chapitre de la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence, et les abbés de Valsaintes rétablis.
Devenue église paroissiale de la Roque-d'Anthéron au début du XVIe siècle, elle subit des dégradations pendant les guerres de religion. Lorsque la Révolution éclate, les bâtiments sont à l'abandon ; vendus comme bien national, ils sont transformés en ferme.
Devenu bien national en 1790 à la Révolution, le monastère fut divisé en lots et transformé en exploitation agricole.
Le classement sur la liste de 1840 permet à l'État d'acquérir l'église en 1845. Et, pour effectuer le remembrement de l'ensemble du site, un décret d'expropriation est signé le 3 février 1945 par Charles de Gaulle et René Capitant ministre de l'Éducation nationale. Mais les travaux de restauration n'ont pu commencer qu'en 1950.
L'église est alors restaurée par Révoil puis Formigé. Le reste a été progressivement restauré : ainsi sur des fondements découverts en 1989 ont été restitués, à l'Ouest, des bâtiments monastiques, le mur d'enceinte ainsi que l'hôtellerie des moines.
La protection des abords de l'ancienne abbaye, au titre des sites est, elle, intervenue par arrêté du 18 septembre 1943.
La propriété de l'abbaye (anciennement propriété de l'État, ministère de la culture) a finalement été transférée à la commune par convention signée le 9 juin 2008.
Liste des abbés
- 1144-1151 : Othon
- 1151-1162 : Gislebert
- 1162-1168 : Vivien
- 1168-1177 : Hugues Ier
- 1177-1193 : Raymond Ier
- 1193-1196 : Albéric
- 1196-1200 : Félix
- 1200-1207 : Bertrand Ier
- 1207-1215 : Barthélémy
- 1215-1223 : Pons de Vallis
- 1223-12?? : Michel I
- 12??-1242 : Norbert
- 1242-1269 : Guillaume Ier Arnaudi
- 1269-1285 : Guillaume II Goy
- 1285-1289 : Bernard Fabry
- 1289-1290 : Gautier
- 1290-1293 : Pierre Ier Rostaing
- 1293-1306 : Grimier
- 1306-1317 : Bermond
- 1317-1328 : Raymond II de Jonquières
- 1328-13?? : Guillaume III de Cadenet
- 13??-1348 : Bertrand II de Cadenet
- 1348-1352 : Boniface
- 1352-1359 : Pierre II Samson
- 1359-1367 : Armand de Spolète
- 1367-13?? : Pierre II Giraudi
- 13??-1400 : Girard
- 1400-1415 : Jean Ier Saisine
- 1415-1420 : Bertrand III Sereni
- 1420-1440 : Antoine de Boniface de Carcès, était en 1432 également abbé de l'Abbaye Notre-Dame de Valsaintes, sous le nom d' Antoine III de Boniface
- 1440-1443 : Jean II d’Archimbaud
- 1443-1449 : Jean III du Bouchage
- 1449-1450 : Nicolas de Brancas-Villosc
- 1450-1477 : Roger
- 1477-1483 : Isnard de Grasse
- 1483-1486 : Robert de Naucourt
- 1486-1499 : Accurse de La Pierre
- 1499-1504 : Guillaume IV de Puget
- 1504-1507 : Pierre III Baudouin
- 1507-1516 : Michel II Baudouin
- 1516-1520 : Jean IV Cotteron
- 1520-1526 : Claude Cotteron
- 1526-1552 : Jean V de Coriolis
- 1552-1579 : Michel III de Brun
- 1579-1601 : Gilbert-Charles Desbiès
- 1601-1627 : Joseph I Pellicot
- 1627-1629 : Joseph II Pellicot
- 1629-1632 : Louis I Marchier
- 1632-1638 : Boniface Pellicot
- 1638-1648 : Antoine d’Arbaud de Bargemont
- 1648-1671 : Jean VI de Chazelles
- 1671-1690 : Joseph III Figuière
- 1690-1701 : Gabriel de Cosnac d’Espeyrac
- 1702-1714 : Benjamin de Juliac de La Vergne
- 1714-1724 : François de Fargues
- 1724-1730 : Daniel-Joseph de Cosnac de Linoire
- 1730-1732 : Augustin de Cadenet de Tamarlet de Charleval
- 1732-1737 : Louis II Lauthier
- 1737-1767 : André I Bernard-Constance de Forbin d’Oppède
- 1767-1778 : André II François de Maurel de Mons de Valbonnette
- 1778-1780 : Jean-Baptiste de Gautier d’Aiguines
- 1780-1785 : Paul de Boyer d’Argens d’Eguilles
- 1786-1790 : Balthazar-Simon-Suzanne de L’Enfant
Source : Gallia Christiana
Architecture
Plan d'ensemble de l'abbaye
L'église abbatiale
Le chevet carré, sa rosace et son triplet
Le portail
L'église abbatiale est édifiée en pierre de taille assemblée en grand appareil régulier et est couverte de tuiles.
Elle constitue un excellent exemple de l'architecture cistercienne de transition roman-gothique puisqu'elle combine des éléments stylistiques romans et gothiques :
- baies en plein cintre caractéristiques de l'architecture romane ;
- voûte en berceau brisé caractéristique de l'architecture de transition roman-gothique ;
- croisée d'ogives caractéristique de l'architecture gothique.
Le chevet
L'église
abbatiale présente un chevet carré très sobre, percé d'une grande
rosace et d'un triplet constitué de deux baies en plein cintre encadrant
une baie plus haute, symbole de la Trinité.
Ce chevet est soutenu par deux puissants contreforts situés aux angles.
Le clocher
La
croisée du transept est surmontée par un petit clocher carré sans toit
percé sur chaque face de baies géminées en plein cintre séparées par une
colonnette à chapiteau et logées sous un arc de décharge.
La façade principale
La façade principale, tripartite, est segmentée par deux puissants contreforts.
La partie centrale de la façade est percée d'un portail en plein cintre à triple voussures dont l'archivolte est ornée de deux arcs toriques (boudins) reposant sur des chapiteaux encadrés de chapiteaux à feuilles d'eau, motif typique de l'architecture cistercienne que l'on retrouve à l'intérieur de l'abbatiale. Le tympan aveugle repose sur un puissant linteau.
Ce portail est surmonté d'un triplet de baies en plein cintre similaire à celui du chevet surmontées d'un grand oculus à moulures.
Les parties latérales de la façade sont chacune percée d'une fenêtre en plein cintre à simple ébrasement et d'une porte en plein cintre surmontée d'un linteau et d'un tympan aveugle.
L'intérieur
L'église abbatiale fut construite de 1175 à 1230.
La nef principale est couverte d'une voûte en berceau brisé soutenue par de puissants arcs-doubleaux prenant appui sur d'imposants piliers cruciformes.
La croisée du transept est couverte d'une croisée d'ogives mais on retrouve la voûte en berceau brisé au chœur, dans la nef et les deux parties du transept.
Il faut remarquer également les motifs d'une très grande précision qui composent ses chapiteaux carrés à feuilles d'eau, motif typique de l'architecture cistercienne.
La nef
Le chœur
Chapiteaux à feuilles d'eau
Le cloître
Baie
de la galerie nord dans laquelle trône un fac-similé d'une colonne. À
l'origine, chaque ouverture du cloître avait une colonne similaire en
son sein.
Le cloître, aux murs très épais, a été édifié au XIIIe siècle.
Comme l'église, il combine des éléments stylistiques romans et gothiques. Les galeries présentent une voûte en berceau et sont percées de baies en plein cintre. Chacune de ces baies abritait initialement une paire de baies ogivales séparées par d'élégantes colonnettes et surmontées d'un oculus mais ces baies ogivales ont été détruites : il en subsiste une reconstitution au niveau de la galerie nord. Les autres baies présentent encore, telles des cicatrices, le départ des arcs ogivaux et, dans certains cas, les pieds des colonnettes.
Le lavabo se dresse devant la porte menant à l'aile nord du cloître et au réfectoire, afin que les moines se purifient les mains avant de toucher le pain, symbole sacré. Ce lavabo en pierre, nettement plus modeste que celui de l'abbaye de Valmagne, est orné d'anneaux et de colonnettes supportant des arcatures trilobées.
La galerie nord et sa porte
La galerie ouest
Les bâtiments annexes
La salle du chapitre et la salle des moines sont du XIIIe siècle.
À l'est du cloître, la salle des moines est dotée d’élégantes voûtes gothiques du XIIIe siècle. Au nord du cloître, le grand réfectoire, reconstruit en 1423, est plus richement orné que le reste du monastère car il a été bâti à un moment où la règle de saint Bernard était respectée avec bien moins de rigueur et d'austérité.
Salle capitulaire de l'abbaye
Salle des moines ou salle du chauffoir
Lavabo du cloître
L'abbaye aujourd'hui
Rachetée
par l'État en 1846, l'abbaye a conservé en grande partie son aspect
d’origine grâce à l’intervention des architectes des monuments
historiques, qui l’ont restaurée durant près d’un siècle.
Elle accueille chaque année quelques prestigieux concerts du célèbre festival de piano de la Roque-d'Anthéron et du festival international de quatuors à cordes du Luberon.
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