Dans une lettre du 22 décembre 1714, Mgr de Belsunce, évêque de Marseille, fait le récit suivant :
"Le
vendredi 21 du mois de septembre de cette année, le Très Saint
Sacrement étant exposé dans l'église des Religieux Observantins de cette
ville, sur les 3 heures et demie du soir, le temps étant fort couvert
et pluvieux, un peu avant que l'on donnât la bénédiction, le peuple
s'assemblant dans l'église, il parut dans le soleil mis dans la niche
au-dessus du tabernacle une figure comme relevée en bosse et sortant
hors du cristal, représentant le Sauveur du monde en buste, couvrant
toute l'hostie qui ne paraissait que des deux côtés de la tête du
Sauveur dont le visage était resplendissant, les yeux animés et
regardant fixement ceux qui le regardaient.
Les
personnes qui ont déposé n'ont pu dire précisément la couleur du
visage, ni des cheveux, ni de la barbe, ni de l'habit ; ils attestent
seulement qu'ils distinguèrent tous facilement toutes ces choses et les
traits du visage, et que, de loin comme de près, ils virent la même
chose et avec la même facilité.
Le
visage du Sauveur leur parut un peu long, d'une beauté et d'une douceur
qu'ils ne purent exprimer, les cheveux partagés sur le milieu du front,
un peu plats et flottants sur les deux épaules, la barbe courte et
partagée en deux pointes.
Le
Frère sacristain et quelques autres personnes s'en étant aperçus les
premiers, appelèrent un religieux qui passait sans y prendre garde.
Ce
religieux, surpris, et croyant d'abord qu'il y avait quelque
friponnerie (ce sont ses termes), voulut examiner les choses de près.
Il
changea plusieurs fois de place, il s'éloigna, il s'approcha de
l'autel, et, dans toutes ces situations différentes où il se mit, il vit
également, de loin comme de près, et au milieu de l'autel, la même
figure qui le regardait.
Ne
se contentant pas d'approcher de plus près, il monta et se mit à genoux
sur l'autel, ayant le visage tout contre le soleil sur la glace duquel
il vit toujours la ressemblance de Notre Seigneur ; ensuite il prit un
cierge allumé qui était à côté, et, le tournant autour de la glace du
soleil, il vit la même chose.
Ce
religieux prêtre, étant peintre, pensa d'abord à son art et voulut
prendre l'idée de ce qu'il voyait pour la dessiner ; mais lorsqu'il
voulut examiner les yeux, il n'en put soutenir les regards ; il demeura
comme immobile.
On
fut obligé de lui ôter le cierge de la main et de l'aider à descendre
de dessus l'autel, autour duquel le peuple était rassemblé dans une
sainte admiration, qui est naturelle en semblables occasions.
Le
gardien, averti de ce qui se passait, ne voulut point, à l'exemple de
saint Louis, regarder le prodige qu'on lui annonçait ni en avertir ses
religieux qui étaient au chœur de leurs stalles ; on pensa encore moins à
envoyer avertir quelqu'un de mes grands vicaires, car j'étais à
Aubagne, où est ma maison de campagne. Il ordonna même que, sans
différer davantage, on donnât la bénédiction du Saint Sacrement. Le Père
qui la donna, averti par le religieux-prêtre, vit la même chose en
descendant le soleil de la niche, et la vit toujours jusqu'à ce que le
soleil fût enfin posé sur l'autel, auquel temps lui, comme les autres,
ne vit plus que la sainte hostie à l'ordinaire.
Plus
de soixante personnes, parmi lesquelles il y a cinq ou six cordeliers,
mais gens de tout âge et de toutes professions et dignes de foi, disent
avoir vu la même chose avec les mêmes circonstances, sans qu'il y ait eu
de variation de la part de ceux que j'ai interrogés dans les formes
ordinaires et avec toute l'attention dont j'étais capable. J'oubliais à
vous dire qu'un petit enfant avertit tout haut sa mère de regarder ce
qui était si beau.
Mais
avant de procéder à l'audition juridique des témoins, j'avais commencé
par me transporter dans l'église des Cordeliers accompagné de mes grands
vicaires, promoteur et secrétaire. J'y visitai l'hostie prétendue
miraculeuse ; je la trouvai comme les autres ; on l'avait déjà examinée
après la bénédiction où se fit le prodige et on ne l'avait remise dans
le ciboire qu'après l'avoir regardée des deux côtés, et le soleil vide
resta à l'ordinaire sur l'autel, de sorte que l'on vit qu'il n'y avait
dedans aucune chose capable de produire un tel effet.
Je
me fis apporter le soleil dont je trouvais la glace épaisse, un peu
obscure, et toute taillée en facettes comme un diamant, de sorte que
toute image mise vis-à-vis aurait dû représenter autant de visages qu'il
y a de facettes. Il ne parut pas qu'aucune réflexion de lumière eût pu
être employée. Je fis mettre une hostie non consacrée dans le soleil, je
le fis mettre dans la niche, allumer les cierges comme au jour de saint
Mathieu ; je fis tirer et ouvrir les rideaux de l'église, j'examinai si
quelque tableau n'était point placé de manière à pouvoir représenter
sur le cristal du soleil le visage qu'on y avait vu ; tout cela me parut
impossible, n'y ayant dans toute l'église aucun tableau du Sauveur,
excepté un Ecce Homo couronné d'épines, assez mal fait, mais respectable
pour être l'ouvrage du roi René, comte d'Anjou et de Provence.
Enfin,
Monsieur, nous conclûmes tous, après un examen exact et fait sans
précipitation, qu'il ne pouvait y avoir rien de naturel à ce que l'on
disait avoir vu, et qu'il fallait procéder à l'audition des témoins dont
je viens de vous rendre compte.
Cette apparition dura plus d'une demi-heure."
Source : Livre "Miracles historiques du Saint Sacrement" par le P. Eugène COUET
Une
pauvre servante avait mis ses meilleurs habits en gage chez un des
nombreux commerçants juifs qui s'étaient établis à Deggendorf.
N'ayant
pas d'argent pour les racheter et voyant arriver une circonstance où
elle en aurait besoin, elle alla supplier le juif de les lui rendre pour
quelques jours seulement ; elle les rapporterait ensuite.
Le
marchand cherchait depuis longtemps le moyen de se procurer des hosties
consacrées ; il proposa à la faible femme de lui restituer gratuitement
ses habits en échange de dix hosties.
La
malheureuse accepta. Elle se rend à la petite église de Saint Martin,
voisine de l'hôtel de ville, et, se glissant parmi les fidèles, reçoit
des mains du prêtre l'auguste Sacrement, qu'elle retire aussitôt de sa
bouche pour le cacher dans un mouchoir.
Les
jours suivants, elle renouvelle son affreux commerce et, après s'être
approchée pour la dixième fois de la Table sainte, elle court porter au
juif le fruit de tant de sacrilèges.
Ses
vêtements lui sont rendus, mais, à peine a-t-elle fait un pas hors de
la maison, que, frappée de la foudre, elle tombe étendue sans vie.
Ce châtiment du ciel ne fit aucune impression sur les juifs.
Ils
s'assemblèrent la nuit suivante chez le possesseur des saintes hosties
pour assouvir leur haine contre Jésus-Christ présent dans la divine
Eucharistie.
Mais,
comme ils perçaient les hosties avec des alènes, des gouttes de sang
commencèrent à couler des piqûres ; ils voulurent alors les mettre en
pièces en les frappant avec les épines d'un rosier sauvage : les saintes
espèces demeurèrent intactes sous leurs coups ; et en même temps
apparaissait un gracieux petit enfant qui, d'un sourire mêlé d'indicible
tristesse, reprochait à ses bourreaux leur odieuse cruauté.
Les
juifs jettent alors les saintes hosties dans un four pour les consumer
par le feu : mais elles restent encore entières au milieu des flammes,
et, pour la seconde fois, les misérables voient apparaître un enfant
d'une merveilleuse beauté.
Loin
de les attendrir, cette vue redouble leur rage : les hosties sont
placées sur une enclume ; on s'efforce de les écraser à grands coups de
marteau ; peine perdue : elles n'éprouvent pas la moindre lésion, et
soudain, au milieu de rayons lumineux, se montre de nouveau le petit
enfant dont les grâces et la douleur semblent implorer pitié.
Un
effroi indescriptible s'empare alors des juifs ; pour faire disparaître
toute trace du divin Sacrement, ils essaient de manger les hosties :
mais dès qu'ils les approchent de leur bouche sacrilège, elles se
changent en un petit enfant qui se débat entre leurs mains.
Enfin,
ils remplissent un sac de substances empoisonnées, y renferment les
saintes Espèces et les jettent dans un puits qui se trouve à leur
portée.
Ils espéraient avoir anéanti tout vestige de leur crime. Ce fut en vain.
Quelques jours après, l'eau du puits était empoisonnée et causait la mort de tous ceux qui en buvaient.
Le soupçon tomba aussitôt sur les juifs, qu'on réputait capables de tous les attentats.
Dans
le calme de la nuit, des gémissements plaintifs sortaient du puits de
malédiction ; et enfin un juif, qui connaissait toute l'histoire sans en
avoir été complice, révéla les détails des barbares traitements
infligés à la sainte Eucharistie.
Les
bourgeois de la ville s'assemblèrent en toute hâte, se saisirent des
juifs, en massacrèrent une partie et chassèrent les autres de leurs
murs.
Quant aux saintes Hosties, on les retrouva intactes au fond du puits.
Une
église fut bâtie en leur honneur ; on les plaça sur un petit coussin de
soie, dans un cylindre de cristal soigneusement scellé, et on les
exposa aux hommages des fidèles qui venaient de toute part pour les
adorer.
Après
les avoir soustraites miraculeusement à la fureur des juifs, Dieu
voulut encore préserver les saintes Hosties des atteintes du temps.
Plusieurs
fois, durant les guerres qui désolèrent la Bavière, on fut obligé de
les cacher pour les préserver des outrages de l'ennemi.
En
1381, des brigands brisèrent un jour le tabernacle et s'emparèrent de
l'ostensoir qui renfermait le Sacrement miraculeux ; mais on eu la joie,
en constatant le sacrilège, de retrouver intact, dans un coin du
tabernacle, le cylindre de cristal avec les précieuses Hosties.
Aujourd'hui
encore, Deggendorf est un lieu de pèlerinage très renommé ; on y voit
des foules de 30 et 40 000 personnes, surtout à l'époque que l'on
appelle "le temps de grâce", c'est-à-dire depuis la Saint Michel
jusqu'au 4 octobre. Les dix Hosties, un peu jaunies par l'action du
temps, mais intactes, ont été examinées récemment par Mgr l'évêque de
Ratisbonne, qui a confirmé l'autorisation de les exposer à la vénération
publique.
Source : Livre "Les miracles historiques du Saint Sacrement" par le P. Eugène COUET
XIVè siècle
Une
autre vague de persécution se produisit entre 1336 à 1338. À ce
moment-là, des paysans ruinés et des bandes de voleurs errants, se
réunirent sous la direction d'un chevalier pillard, « le roi Armleder ».
Ils se nommaient eux-mêmes « les tueurs de Juifs » et ils exterminèrent
de nombreuses communautés juives en Alsace, en Souabe, en Hesse, sur
les bords de la Moselle, en Bohême et en Basse-Autriche, y compris celle
de Deggendorf, en Basse-Bavière.
Là,
les Juifs avaient, disait-on, torturé des hosties et les avaient jetées
dans un puits. Là-dessus, un moine anonyme écrivit en 1390 :
Profanation d'hosties à Deggendorf en Bavière, 1776
« Cette année [1337] on retrouva à Deggendorf le corps du Seigneur, que les Juifs avaient martyrisé, et ils furent pour cette raison brûlés en 1338 »
À
Deggendorf, l'endettement élevé (garanties, hypothèques...) des
habitants auprès des Juifs fut effacé, selon un certificat du duc Henri
IV de Bavière, par le biais de ces pogroms. L'endroit devint alors un
lieu de pèlerinage enrichi d'indulgences sur plusieurs jours, pendant
des siècles.
L'Église du Saint-Sépulcre de Deggendorf, consacrée en 1360, porte l'inscription : « Do bart Gotes Laichenam funden ». Des retables de 1725 portent l'inscription : Les
hosties consacrées ont été frottées avec des épines jusqu'à ce que
jaillît le Saint-Sang, et au milieu d'un tel martyre, il apparut un
petit enfant.
Le pèlerinage à Deggendorf se maintient pendant des centaines d'années. En 1766 à Deggendorf, plus de 60 000 pèlerins affluent.
Encore en 1800 à Regen, dans la forêt bavaroise, on jouait des pièces de théâtre où l'on montrait la profanation d'hosties.
Juifs périssant sur le bûcher pour avoir profané des hosties, P. Uccello, 1467
Soigneusement
transmises, ces légendes se maintinrent longtemps et restèrent
profondément enracinées dans la pensée chrétienne, et parfois encore
aujourd'hui.
En 1776 à Deggendorf, parut un livre de prières et de dévotions avec le titre : « Le
miracle de la foi triomphante dans le pays entièrement chrétien de Chur
en Bavière. C'est-à-dire : La relation merveilleuse... de la présence
du Divin Fils... incarné en 10 petites hosties... qui... en 1337 dans la
ville de Deggendorf, furent victimes de... violence dues aux...
Juifs... ».
Toutes
les légendes ultérieures sur des vols d'hosties suivaient le modèle de
la légende de Deggendorf. Dans leurs descriptions détaillées se
reflètent les méthodes de tortures des autorités ecclésiastiques et
laïques, et surtout de l'Inquisition. Là où l'on racontait qu'on avait
essayé de brûler une hostie, l'idée de brûler les Juifs venait
d'elle-même. Tous ces reproches imaginaires visaient souvent à effacer
les dettes contractées chez les Juifs en effaçant toute leur communauté
ou d'exproprier les communautés juives de l'endroit pour établir un
culte de l'hostie martyrisée et enrichir la localité grâce aux revenus
du pèlerinage. À cette fin, là où le méfait était censé avoir eu lieu,
on construisait des chapelles ou des églises, souvent à l'emplacement
même des synagogues, que l'on brûlait d'abord entièrement, et on y
exposait les « hosties sanglantes ».
Le pèlerinage de Deggendorf qui avait lieu chaque année était fondé sur une légende suivant laquelle des Juifs auraient profané une hostie ; il s'était ensuivi un pogrom au cours duquel la population juive avait été massacrée et brulée. Ce pèlerinage antisémite conduisait à la chapelle du Saint-Sépulcre de l'église Saint-Pierre et Saint-Paul, jusqu'à ce que l'évêque de Ratisbonne la fermât en mars 1992 en demandant pardon pour ce qui avait été fait.
Arrière-plan historique
Une source contemporaine de 1338 nous apprend que des Juifs ont été brulés à Deggendorf,
à l'automne de cette année-là. Ce pogrom meurtrier dont on ignore le
nombre de victimes était manifestement en rapport avec les dettes
énormes que les habitants de Deggendorf avaient contractées auprès des
Juifs. Les jours suivants, comme on le rapporte dans de nombreux cas
analogues, d'autres pogroms aussi meurtriers ont eu lieu en
Basse-Bavière aux environs de Deggendorf.
Par une copie de l'année 1609 nous avons un écrit signé par le duc Henri XIV de Bavière.
Il assure aux chrétiens de Deggendorf que « les garanties, les
obligations hypothécaires et les autres documents que les juifs
détenaient à leur encontre » doivent être considérés comme effacés
« pour l'éternité », et leurs auteurs libres de toute charge.
Dans
les années qui ont suivi le pogrom de 1338 on a commencé à construire
dans l'enceinte de Deggendorf une église qui, en 1361, a été placée sous
le patronage alors répandu du « Corps du Christ » et des « Saints
Apôtres Pierre et Paul ». On n'a pu encore établir si l'église était
située ou non sur l'emplacement d'une ancienne synagogue. À l'époque
Deggendorf appartenait déjà au diocèse de Ratisbonne tenu par l'évêque Nicolas Ybbs.
Deux générations seulement après le massacre, la Chronique des ducs de Bavière
(1371/1372) pour l'automne 1338 parle de pogroms dans des villes de
Bavière et/ou d'Autriche. Le motif de cette persécution est ici, sous la
réserve expresse (« fama » ou « infamia ») du
chroniqueur, le soupçon de « profanation d'hostie ». Le meurtre des
juifs est qualifié de châtiment voulu par Dieu, mais Deggendorf n'est
pas mentionné explicitement.
La
première chronique, qui établit un lien de cause à effet entre le
pogrom de Deggendorf et l'accusation de « profanation d'hostie », est l'Histoire de la fondation des monastères de Bavière,
qui fut commencée vers 1388. Il y est dit qu'en 1337 à Deggendorf une
hostie, le « corps du Seigneur », aurait été torturée par les juifs. Le résultat fut qu'un an plus tard les Juifs furent brulés. Dans La Chronique de Nuremberg de Hartmann Schedel
de 1493, au chapitre « Le sixième âge », on répète des histoires
antisémites et on représente la mise au bûcher des juifs de Deggendorf.
En 1993 une plaque commémorative a été fixée sur l’église avec le texte suivant :
« Kyrie
Eleison. En 1338, les juifs de Deggendorf ont été assassinés. Pour
justifier ce crime une légende est née une dizaine d’années plus tard,
selon laquelle les Juifs auraient profané des hosties. Entretenue
pendant des siècles, cette calomnie n'a pas seulement créé une image
déformée des Juifs du Moyen Âge, mais a entaché aussi la réputation de
leurs descendants jusque dans le passé le plus récent. Nous demandons
pardon aux Juifs, « nos frères ainés » (pape Jean-Paul II), pour
l'injustice qui leur a été faite. Deggendorf, pendant l'Avent 1993.
Manfred Müller, évêque de Ratisbonne. Ludwig J. Rösler, curé de l’église
de l’Assomption à Deggendorf.