Tours
La basilique Saint Martin
La basilique Saint-Martin de Tours est un édifice religieux situé à Tours (Indre-et-Loire), dont la crypte abrite le tombeau de Martin de Tours.
L'ancienne église collégiale Saint-Martin de Tours, qui datait essentiellement du XIe siècle, fut désaffectée, vandalisée et transformée en écurie en 1793, puis démolie à la suite de l'effondrement des voûtes en 1797, seules deux tours étant conservées.
La basilique actuelle, nettement plus modeste, a été construite entre 1886 et 1902 dans le style néo-byzantin par l'architecte Victor Laloux (inauguration dès 1890).
C'est un bâtiment en calcaire, granite et marbre, couvert d'ardoises.
Pour les peintures murales, l'architecte s'adressa à Pierre Fritel, et les travaux de décoration furent exécutés avec l'aide de l'artiste-peintre et décorateur Adrien Lavieille, fils d'Eugène Lavieille.
Une statue monumentale de saint Martin, en bronze, destinée à orner le dôme, fut commandée au sculpteur Jean-Baptiste Hugues (prix de Rome en 1875). L'édifice a été consacré comme basilique le 4 juillet 1925.
Les vestiges de l'ancienne collégiale (la Tour Charlemagne, la Tour de l'Horloge et une galerie de cloître) avaient fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1840.
La statue de saint Martin qui en couronne le dôme, fragilisée par les tempêtes du début 2014, a été déposée le 17 février 2014 pour être restaurée ; son socle a été consolidé et la statue a été remise en place le 15 octobre 2016, en prévision de la saint Martin, fêtée chaque année le 11 novembre.
Le président de la République française porte le titre honorifique de chanoine (ad honores) de la basilique.
Histoire de l'édifice
La basilique du Ve siècle
Carte postale du tombeau de Saint Martin
Tombeau reconstitué de saint Martin de Tours, dans la crypte de la basilique : vide, il ne contient que quelques reliques et les intentions de prière déposées par les fidèles.
Le corps de saint Martin, mort à Candes, fut transporté jusqu'à Tours et modestement inhumé le 11 novembre 397, trois jours après son décès, dans un cimetière chrétien à l'extérieur de la ville, au bord de la voie romaine partant vers l'ouest. Selon Grégoire de Tours, l'évêque Brice (lat. Brictius) fit construire en 437 un édifice en bois pour abriter le tombeau et le manteau (chape) de Martin, appelé pour cette raison chapelle. Constatant le rayonnement de ce sanctuaire, l'évêque Perpétuus fit construire à la place la première basilique hébergeant le tombeau de Martin, dont la dédicace eut lieu le 4 juillet 470, quatre-vingt-dix-neuf ans jour pour jour après l'accession de saint Martin à l'épiscopat de Tours. Grégoire de Tours en donne la description suivante :
« L'évêque Perpétuus […] fit construire la grande basilique qui subsiste encore aujourd'hui, et qui est à cinq cent cinquante pas de la ville. Elle a cent soixante pieds de long et soixante de large. Elle a en hauteur, jusqu'à la voûte, quarante-cinq pieds. Elle a trente-deux fenêtres du côté de l'autel et vingt dans la nef qui est ornée de quarante-et-une colonnes. Dans tout l'édifice, il y a cinquante-deux fenêtres, cent vingt colonnes, huit portes, trois du côté de l'autel et cinq dans la nef […] Comme la boiserie de la première chapelle était d'une structure élégante, le pontife ne crut pas à propos de détruire cet ouvrage : il fit bâtir, en l'honneur des apôtres Pierre et Paul, une autre basilique dans laquelle il fit placer cette boiserie ».
Le corps de Martin fut inhumé dans un sarcophage derrière le maître-autel de la nouvelle basilique. Un grand bloc de marbre surplombant le tombeau, don de l'évêque Euphronius d’Autun (472-475), en marquait l'emplacement aux fidèles assemblés derrière cet autel et, selon Werner Jacobsen aux pèlerins installés sur l’atrium de la basilique qui, contre l’usage, se trouvait derrière l'église, c'est-à-dire du côté de l’abside, le bloc étant visible depuis une fenestrelle du mur d'abside.
En 508, c'est dans l'église de l'évêque saint Perpet que Clovis, au lendemain de sa victoire sur les Wisigoths à la bataille de Vouillé, reçut les insignes de consul des mains des ambassadeurs de l'empereur Anastase, à la suite de quoi il parcourut à cheval la distance entre la basilique et la cathédrale de Tours en jetant de l'argent au peuple. L'église subit un grave incendie en 558. Elle était desservie par une communauté religieuse dirigée par un abbé dont parle déjà Grégoire de Tours et qui y pratiquait le rituel de la « laus perennis » (plus tard, deux cents religieux se relayant par groupes de vingt). Le statut de cette communauté, très enrichie par le pèlerinage, devint problématique à partir des réformes de Pépin le Bref, qui voulut imposer la règle de saint Benoît à tous les monastères du royaume franc (741). La communauté, forte de ses anciennes traditions, résista. Un établissement bénédictin fut fondé en 791 à Cormery par l'abbé Ithier pour ceux qui voulaient suivre la règle, et développé par son successeur Alcuin, abbé de Saint-Martin de 796 à 804. Finalement un concile tenu à Aix-la-Chapelle en 817 sous l'impulsion de Benoît d'Aniane imposa impérativement la règle bénédictine à toutes les communautés qui s'intitulaient « monastères » ; les « clercs » de Saint-Martin durent choisir entre le statut de « moines » et celui de « chanoines » et adoptèrent le second. À compter de cette date, le sanctuaire de Saint-Martin n'est plus considéré comme un monastère, mais comme une collégiale desservie par des chanoines. Le chef de la communauté s'appelle encore « abbé de Saint-Martin », mais à partir de 844 c'est un laïc (en 860, c'est le prince Louis, héritier de Charles le Chauve ; en 866, c'est Robert le Fort, comte de Tours et ancêtre des Capétiens).
C'était le principal lieu de pèlerinage chrétien au Ve siècle (saint Martin était en tout cas le saint protecteur de la Gaule). Le concile de Chalon (-sur-Saône) en 813 donne à ce pèlerinage la même importance qu'à celui de Rome.
La basilique médiévale (IXe siècle - 1802)
Tour de l'horloge (vestige)
L'église fut incendiée par les Normands le 8 novembre 853, puis à nouveau le 30 juin 903, à la suite de quoi le sanctuaire fut entouré d'une enceinte fortifiée, distincte de celle de Tours, achevée en 918. Il y eut un grand incendie accidentel en 994, ce qui entraîna une reconstruction, sous l'impulsion d'Hervé de Buzançais, alors trésorier de Saint-Martin, et une nouvelle consécration en 1014. Un sinistre eut encore lieu en 1096, et on procéda à une grande reconstruction romane avec l'hypothèse d'un emprunt, dans un sens ou dans l'autre avec saint Sernin de Toulouse et un remaniement complet d'une vaste entreprise de revoûtement de l'édifice entre 1175 et 1180, les berceaux plein cintre furent remplacés par des voûtes sur croisées d'ogives angevines : c'était alors une étape importante sur la Via Turonensis du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le sanctuaire était l'une des cinq églises de pèlerinage majeures (avec Sainte-Foy de Conques, Saint-Martial de Limoges, Saint-Sernin de Toulouse et Saint-Jacques-de-Compostelle). Plusieurs chantiers eurent encore lieu du XIIIe au XVe siècle (chœur agrandie et reconstruit sur le modèle de la cathédrale de BOURGES et chapelles latérales de la nef ajoutées). La basilique était le centre d'une ville distincte de Tours, appelée Châteauneuf ou parfois « Martinopolis », qui fut réunie à Tours par une seule enceinte en 1356.
Au XVe siècle, la basilique bénéficia de la munificence du roi Louis XI, qui habitait au château royal du Plessis-du-Parc-lèz-Tours10 et la soutint grandement. Aussi ses obsèques y eurent-elles lieu le 2 septembre 1483.
Pendant la guerre de religion de 1562, la châsse de saint Martin fut brûlée par les protestants et seuls furent conservés un morceau du crâne et un os du bras. L’ancien édifice survécut jusqu’à la Révolution, mais dans des conditions de grand délabrement dû au manque d'entretien depuis bien avant 1789.
En 1793, la basilique fut transformée en écurie pour y loger dix cens chevaux et pendant 4 ans elle fut l'écurie Martin.
En 1797, un rapport constate que les chaînages qui maintenaient l'édifice ont été en partie volés ; les voûtes du déambulatoire (dites voutes saint Perpet) s'effondrent au mois de novembre et, par mesure de sauvegarde pour les habitants, la municipalité ordonne donc la démolition complète de l'édifice.
L’orgue monumental de JBN Lefevre (5 claviers, double 32'), expertisé par le célèbre facteur Dom Bédos de Celles, disparut également à cette époque. Il convient de préciser que pendant tout le XVIIIe siècle, beaucoup de rapports d'architectes avaient prévenu les autorités religieuses de délabrement de la basilique, à tel point que le rapport de restauration présenté à Louis XVI était de 400 000 livres.
De tout ceci, seules subsistent la Tour Charlemagne (à moitié effondrée en 1928, restaurée en 1963), la Tour de l'Horloge et le quartier des maisons canoniales du cloître Saint-Martin , une galerie du cloître Renaissance. Le tombeau des enfants de Charles VIII, installé au début du XVIe siècle dans la nef de la basilique, fut transféré en 1834 dans la cathédrale Saint-Gatien de Tours où il est toujours visible. Un pavage au sol dans la rue des Halles permet de visualiser l'emplacement des piliers de la nef originelle, mais une autre possibilité de visualisation pourrait se réaliser dans l'avenir, par la possible réalisation d'une crypte archéologique sous la rue des halles.
En effet, suite aux fouilles entreprises par Charles LELONG dans les années 1970, qui a constaté que la basilique romane était enterrée de près de trois mètres par rapport au sol actuel (il fallait descendre plus de 12 marches au droit du portait du change pour attendre la nef). Il note les choses ainsi dans le Bulletin Monumental (T. 133, année 1975, page 225). Les plans du XVIIIe siècle le montraient. On peut aussi le constater aujourd'hui au pied de la tour Charlemagne.
Lors de la démolition de la basilique, les fondations et les piliers de la basilique romane ont été conservés en grande partie sur une hauteur de près de trois mètres non seulement sous la rue des halles mais aussi sous les maisons de la rue des halles, pour servir de structures de soutien aux constructions qui devaient s'élever au-dessus, à tel point qu'à l'angle de la rue des Halles et de la rue des Trois pavés ronds, à quatre mètres de profondeur, se trouve la chapelle saint Nicolas qui était la chapelle basse sous la vieille tour dont la demande de classement a été sollicités en 1973 sans suite.
Articles détaillés : Tour Charlemagne et Tour de l'Horloge (Tours).
L’édifice actuel
Inscription
au fronton de l'édifice actuel : «La ville de Tours se réjouit à jamais
d'avoir Martin pour patron (Paulin de Périgueux)»
La charité de saint Martin (Henri Varenne)
Les deux tours subsistantes furent classées « Monument historique » en 1840, classement confirmé à l'Inventaire en 1858, puis 1862. Le militant catholique Léon Dupont (avec l'aide du comte Pèdre Moisant et de Stanislas Ratel) annonça la redécouverte du tombeau de Martin de Tours le 14 décembre 1860, ce qui permit de rétablir le culte martinien et de relancer un projet de restitution du site grandiose. Le projet de l'architecte Alphonse Baillargé fit l'objet d'une longue et ardente controverse, ses partisans souhaitant un édifice à l'emplacement et avec les dimensions de l'ancien, ce qui supposait la suppression de la rue des halles, importante artère commerciale de la ville percée après la démolition de 1802. L'écrivain René Boylesve fit de cet épisode de « la guerre des basiliques » l'argument principal de son roman Mademoiselle Cloque. Finalement un compromis fut trouvé en 1884 entre la municipalité et l'archevêché : le nouveau bâtiment, plus petit que l'ancien, lui serait perpendiculaire (orienté nord-sud) et ne partagerait avec lui que l'emplacement de l'ancien chevet, au-dessus du tombeau de saint Martin. Les travaux commencèrent en 1886, la crypte avec le tombeau fut inaugurée en 1889, l'église en 1890, et l'ensemble de la maçonnerie fut achevé en 1902, permettant d'ouvrir l'édifice au culte l'année suivante. Le cardinal Maurin consacra l'édifice comme basilique le 4 juillet 1925, et l'aménagement du parvis fut terminé en 1928.
La statue de saint Martin
Avant restauration
Après restauration
Le
17 février 2014, la statue de saint Martin (statue de bronze sur
structure d'acier, haute de plus de quatre mètres et pesant 2,4 tonnes,
réalisée en 1875 par Jean-Baptiste Hugues) située au sommet du dôme de
la basilique est déposée en raison d'un risque de chute dû aux
intempéries hivernales. À cette occasion, une boîte en plomb contenant
un os attribué au saint, relique placée en 1889 dans le bras droit de la
statue, y est découverte ; la boîte renferme également des reliques de
trois autres évêques de Tours (saint Brice de Tours, saint Perpet et
saint Grégoire de Tours.
Le 10 mars 2015 est le jour du lancement de la souscription publique pour la rénovation de la basilique et de la statue afin de financer une partie des 1 700 000 € HT nécessaires à son aboutissement. Le 2 juillet 2016 (année de jubilé du saint pour le 1700e anniversaire de sa naissance), la statue restaurée est exposée au public dans la cour de l'hôtel de ville. Contrairement au projet municipal initial qui voulait une dorure intégrale, la statue est en bronze patiné, seul le pallium, la couronne et la crosse du saint sont dorés. Le 15 octobre, la statue est hissée sur le dôme de la basilique.
Compléments
Une
institution religieuse, Les Petits Clercs de Saint-Martin de Tours, fut
fondée dans les années 1920 par le chanoine Rutard, prêtre diocésain.
Séminaristes venant des autres régions françaises "riches" en vocation
pour le diocèse de Tours, ils assuraient également le service religieux
quotidien à la Basilique Saint-Martin. Pensionnaires, les Petits Clercs
de Saint-Martin suivaient leur formation scolaire sur place, puis
suivirent leurs cours dans divers collèges de Tours (collège Saint
Grégoire, collège Notre-Dame La Riche). L'institution, vivant en
particulier de la générosité des tourangeaux, s'installa à l'ombre de la
Basilique (3 rue Baleschoux) jusqu'en 1970, date de sa disparition. Les
Petits Clercs de Saint-Martin donnèrent environ 300 prêtres au diocèse
de Tours.
Abbés connus de Saint-Martin de Tours
- Léon (devient évêque de Tours en 526)
- Égiric ou Agiric (devient évêque de Tours en 614)
- Guntramnus ou Gontran (signalé en 720, peut-être le même que Gontran II, évêque de Tours en 724)
- Gundolaicus (abbé sous l'évêque Gontran II, c'est-à-dire entre 724 et 732)
- Autlandus (successeur de Gundolaicus, institua la mense)
- Teutsind (avant 734-742, abbé de Saint-Martin et de Fontenelle)
- Vulfard (signalé comme abbé en 757 ou 763, † 775)
- Ithier (775-796)
- Alcuin (796-804)
- Gulfard (nommé dans un seul acte)
- Frédegis ou Fridugise (v. 804-834)
- Teuto († 834, tué dans la même bataille que le comte Eudes d'Orléans)
- Adalard (v. 834-844)
- Vivien (844-851, le « comte Vivien », premier abbé certainement laïc, également abbé de Marmoutier)
- Hilduin (851-860, abbé laïc)
- Louis, fils de Charles le Chauve (860-862, abbé laïc)
- Hucbert (862-864, abbé laïc, également abbé de Saint-Maurice en Valais)
- Ingelvinus (864-866, diacre du palais de Charles le Chauve)
- Robert le Fort (866, abbé laïc, comte de Tours)
- Hugues l'Abbé (866-886, sous-diacre et titulaire de plusieurs grandes abbayes, comte de Touraine)
- Eudes (886-893, comte de Paris, roi des Francs en 888, abbé laïc)
- Foulques (893-898, archevêque de Reims, également abbé de Saint-Bertin)
- Robert (898-923, comte de Paris, élu roi des Francs en 922, abbé laïc)
Après
lui, le titre d'abbé laïc de Saint-Martin se transmet de père en fils
chez les Robertiens, puis Capétiens, et est porté par les rois de France
depuis Hugues Capet jusqu'en 1789.
Manuscrits de Saint-Martin de Tours
L'abbaye de Saint-Martin de Tours a eu un scriptorium important qui a produit plusieurs manuscrits enluminés carolingiens :
- Évangiles de Lothaire, entre 849 et 851 ;
- Évangiles de Saint-Martin de Tours, entre 796 et 804 ;
- Évangiles dits de Charles IX, 2e moitié du IXe siècle ;
- Évangiles de Meaux, entre 820 et 843 ;
- Évangiles dits de Du Fay, vers 843-851 ;
- Deux manuscrits ou fragments de manuscrits, vers 820 ;
- Bible, vers 796-801 ;
- Bible de Vivien, dite première Bible de Charles le Chauve, vers 845-851 ;
- Bible de Saint-Maur-des-Fossés ou Bible de Rorigon, IXe siècle ;
- Homéliaire dit de Paul Diacre, avant 850 ;
- Martinellus, avant 835-837 ;
- Saint Augustin : De Doctrina christiana, première moitié du IXe siècle ;
- Évangéliaire d'Hildegarde, IXe siècle ;
- Évangiles, IXe siècle ;
- Grégoire d'Elvire : commentaires, première moitié du IXe siècle.
Source :
Carte postale de Tours, la basilique Saint Martin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire