Lurs Notre-Dame des Anges

Lurs
Notre-Dame des Anges

Lurs, Notre-Dame des Anges

Enfin le quatrième et le plus célèbre sanctuaire de Marie est, au sud-ouest, Notre-Dame des Anges, située au milieu d'une belle plaine, dans un endroit paisible et solitaire, où, quoiqu'on ne compte plus comme autrefois dix mille pèlerins, les populations viennent cependant encore, tantôt en procession, tantôt en bandes séparées.
C'est une grande église, longue de vingt-six mètres, avec une crypte, qu'on appelle la Sainte-Chapelle, et deux ailes qui ont chacune trois chapelles.
A droite et à gauche du chœur, est un escalier de vingt marches avec balustrade, lequel va aboutira une tribune où est placé le maître-autel, et qui forme comme la chaire d'où le prédicateur parle à l'auditoire.
La sainte chapelle, qui s'ouvre de toute son ampleur dans l'église, est ornée avec tant de richesse et de goût, qu'elle inspire la piété et le recueillement.
Les principaux mystères de la Vierge y sont représentés sur des toiles ; les parois latérales et le mur du fond sont couverts de boiseries peintes ; l'autel est orné de gracieuses sculptures, et porte un tabernacle semblable à une corbeille d'or, surmonté d'une jolie statuette de Marie, sous un riche pavillon, au-dessus duquel est un tableau de la sainte Vierge, debout avec l'Enfant Jésus entre ses bras, la lune sous ses pieds et des nuages tout autour.
On appelle ce tableau le Tableau des miracles ; et c'est là le grand objet de la dévotion des fidèles, qui y entretiennent sans cesse, sur un luminaire artistement travaillé, un faisceau de cierges allumés, sans préjudice de deux lampes suspendues a l'entrée, qu'on allume tous les jours de fête.
Sur l'emplacement même où est cette crypte, fut établie, vers l'an 150 avant l'ère chrétienne, une colonie romaine, avec la station que les anciens itinéraires appellent Alaunio ; ce qui a fait donnera la chapelle le nom de Notre-Dame d'Alaunio.
Cette station était, entre les deux stations d'Apt et de Gap, sur la même voie et à l'embranchement de Gap à Aix et à Marseille ; d'où il suit que ces quatre dernières Églises ayant été évangélisées au premier siècle de 1ère chrétienne.
Alaunio, qui se trouvait sur la route de l'une à l'autre, a dû être évangélisé en même temps ; la chapelle a dû y être construite et desservie par quelque disciple de saint Lazare, et devenir ainsi le berceau de la première communauté chrétienne de la contrée.
Œuvre des premières invasions romaines, Alaunio fut détruit par les premières invasions des barbares au cinquième siècle; il n'en resta pas trace.
On en releva plus tard la chapelle, et nous la voyons, en 1150, dotée d'un domaine, a l'aide duquel elle fut desservie par un personnel de chanoines assez nombreux pour suffire aux besoins des fidèles qui y venaient en pèlerinage.
Après vingt-quatre ans de service, le comte de Forcalquier les congédia sans alléguer d'autre motif que son bon plaisir ; et une charte du treizième siècle nous y montre, à leur place, un prêtre sous le titre de diacre de la chapelle.
Ce fut alors qu'y vinrent saint Elzéar et sainte Delphine, ces deux époux vierges.
Vers le milieu du quatorzième siècle, le pèlerinage prit une grande extension, à l'occasion de la peste qui désolait la Provence.
« Alors, disent les historiens, on vit arriver de nombreuses processions dans lesquelles marchaient alternativement deux hommes et deux femmes, les hommes couverts d'un sac de pénitent, les femmes portant sur la tête une croix d'étoffe rouge, menant avec elles, a chaque sixième rang, deux petits enfants, et chantant tous ensemble d'une voix lamentable le Stabat Mater. Souvent ils se prosternaient  le front contre terre et criaient par trois fois : Miséricorde et paix. La nuit, bien avant l'aurore, à la lueur des torches, avait lieu cet émouvant spectacle. »
De là s'établit l'usage de venir en procession à la chapelle, le vœu portant qu'on y viendrait a perpétuité, chaque année, si l'on était exaucé.
Pierrerue, Niozelles, la Brillane, Volx s'y rendaient le lundi de la Pentecôte ; Lurs le dimanche de la Trinité ; Forcalquier le 2 août, jour qui clôturait toutes les neuvaines de la sainte chapelle.
Les choses duraient ainsi depuis deux siècles, lorsque les huguenots vinrent assiéger Lurs et tirent de la chapelle un amas de ruines.
Sans porte, sans fenêtres, sans toit, ce religieux sanctuaire devint le repaire des animaux, des serpents et des hiboux ; et cependant, chose providentielle, au milieu de ces décombres et de ces horreurs, le tableau des miracles se conserva, dégradé sans doute, mais susceptible encore d'être restauré, comme il le fut plus tard.
Les pèlerinages et les processions s'y continuèrent de même, sans qu'on eût le courage de relever un édifice aussi délabré.
Dieu enfin y pourvut et réveilla l'incurie des hommes par l'éclat des miracles.
En 1665, le deuxième jour du mois d'août, ce même quantième du même mois où, en 1223, Dieu avait accordé à saint François, dans l'église de Notre-Dame des Anges, à Assise, l'indulgence de la portioncule, Jeanne Valensau, de Forcalquier, percluse de tous ses membres, atteinte de douleurs affreuses, de convulsions, d'évanouissements et de défaillances, était, depuis huit jours, logée près de l'église en ruine, dans une grange, d'où un berger la portait chaque jour a la chapelle pour y réciter les litanies de la sainte Vierge avec autres dévotes prières, lorsque le neuvième jour, se rendant comme d'ordinaire à la chapelle, elle se plaignit en route que le pâtre qui la portait marchait trop lentement. Tout a coup le pâtre est soulevé de terre et emporté instantanément par une main invisible devant le tableau des miracles.
A ce premier prodige s'en joint un second : Jeanne est tout à coup guérie ; puis un troisième : les anges font entendre, à la gloire de Marie, des concerts ravissants ; et ces trois faits, affirmés par les témoins sous la foi du serment, confirmes par les anges, qui, chaque année suivante, le 2 août, renouvelèrent leurs concerts, furent réputés incontestables par tout le peuple, qui substitua au nom de Notre-Dame d'Alaunio, que la chapelle avait porté jusqu'alors, le nom de Notre-Dame des Anges.
 La nouvelle de ces prodiges s'étant vite répandue dans toute la contrée, les malades de toute espèce, les boiteux, les aveugles, les paralytiques, affluèrent de toutes parts a la sainte chapelle, s'en retournèrent guéris, et les vieux murs se couvrirent A'ex-voto.
Chose plus merveilleuse encore, Notre-Dame des Anges exerçait son influence au loin comme au près. On l'invoquait dans les incendies, dans les périls de submersion, dans les chutes mortelles, au milieu des batailles, dans les langueurs de la maladie, et l'on ressentait aussitôt sa bénigne assistance.
Ces miracles et l'affluence qu'ils provoquaient firent comprendre que quelques prêtres séculiers étaient insuffisants à desservir un lieu aussi fréquenté, qu'une communauté seule pouvait suffire à une telle œuvre ; et en conséquence, l'évêque songea à y établir des Religieux Récollets, dignes enfants de saint François d'Assise.
Il en demanda l'autorisation au Saint-Siège ; et celui ci, avant de rien statuer, exigea une enquête juridique sur l'utilité de cet établissement pour le public.
Cette enquête se fit ; et on en conserve encore les actes.
On y voit les dépositions de dix-sept témoins sous la foi du serment ; et tous déclarent l'établissement de ces Religieux nécessaire : « Vu, dit le premier témoin, le grand concours de pèlerins attirés, tant de cette province que des autres, par les miracles que Dieu y opère continuellement ; vu, dit le second témoin, que les quelques prêtres qu'on y avait mis avaient peine à subvenir à la dévotion du peuple, en raison de la grande affluence du monde ; vu, dit le troisième, qu'étant arrivés divers miracles par l'intercession de la sainte Vierge, il y a un concours si extraordinaire de peuple qu'on confesse aux champs ; vu, dit le quatrième, qu'il arrive des peuples de toutes parts sur le bruit de tant de guérisons ; vu, dit le cinquième, que les prêtres des paroisses voisines devraient quitter leurs églises s'ils voulaient subvenir à la dévotion de tant de pèlerins ; vu, dit un autre, que le grand nombre de miracles qui s'y sont opérés y ont attiré tant de monde que l'évêque s'est vu obligé d'appeler des Religieux ; vu enfin, disent tous les autres, chacun à sa manière, l'affluence des pèlerins à une chapelle si illustre en miracles. » 

Après cette enquête, les Pères Récollets furent autorisés à s'y établir ; et, dès leur arrivée, ils s'occupèrent à dresser un livre d'archives où serait consigné tout ce qui se passerait dans ce saint lieu.
Dès la première page, nous y lisons ce qui suit : « La dévotion commença à renaître en vue des miracles continuels qui s'y opéraient, et qui, à la vérité, sont si extraordinaires, si prodigieux, si nombreux, qu'à peine les pourrait-on raconter.
On y a vu des estropiés, des boiteux redressés, des aveugles éclairés, des fièvres violentes apaisées, des agonisants, des enfants expirant rendus à la plénitude de la vie. »
Les Religieux Récollets exposent ensuite les faits en détail, et une série de miracles se continue pendant cinq ans.
Les peuples s'y pressent de plus en plus, surtout le 2 août, où pouvait se gagner l'indulgence de la Portioncule, que la bulle de 1622 attachait à toutes les églises desservies par les enfants de saint François d'Assise, et où l'on célébrait le souvenir des trois éclatants miracles par lesquels, comme à Assise, Dieu manifesta sa prédilection pour cette chapelle.
Les Religieux comprenant la grande portée de ces faits et les desseins du ciel sur ce saint lieu, entreprirent d'y élever un couvent et une église dans de plus grandes proportions.
Dès l'année 1663, le gardien du couvent, architecte distingue, après avoir tracé le plan de la grande nef, trouva sur place, dans les décombres, puis dans les fouilles où gisaient enfouis des restes d'édifices romains, les matériaux et les pierres de taille nécessaires, sauf le bois de construction, que les Pères tirèrent de l'abbaye de Boscodon et de la Grande-Chartreuse.
Les offrandes des grands et des petits, jaloux de contribuer à la construction de l'édifice, vinrent ensuite fournir largement à toute la dépense.
La famille de Forbin-Janson se chargea d'une chapelle latérale, en reconnaissance de la guérison miraculeuse d'un de ses membres, capitaine du régiment d'Auvergne, tombé grièvement malade dans la guerre d'Italie.
La famille de Glandèves se chargea d'une autre pour remercier la Vierge d'avoir obtenu a un de ses membres une victoire navale contre les Turcs, et d'en avoir sauvé un autre d'une horrible tempête, et chacune d'elles y ajouta une lampe d'argent.
D'autres procurèrent des vases sacrés, des ornements, des tableaux, et, entre autres, un du célèbre peintre Miguard, des reliquaires, des statues, des couronnes d'argent pour la Vierge et l'Enfant Jésus, des ex-voto représentant les maux dont on avait obtenu la guérison ; et enfin le zèle des fidèles ajouta tout ce qui était nécessaire à la subsistance et à l'entretien des Religieux.
Après cette belle restauration, Mgr Lafiteau, évêque de Sisteron, dont Lurs dépendait alors, conçut le dessein de relever la gloire de Marie en établissant une fête collective de son époux saint Joseph, de sa cousine sainte Élisabeth, de saint Jean-Baptiste, de ses ancêtres jusqu'à David, de tous les saints patriarches jusqu'à Abraham.
Pour donner le plus d'éclat possible à cette fête de l'auguste parenté de Marie, il fit choix de l'église Notre-Dame des Anges, où le flot des populations avait son courant depuis des siècles ; et il fixa l'inauguration de la solennité nouvelle au dimanche 6 d'août 1752.
A la nouvelle de cette fête, la foule s'empresse d'accourir ; plus de huit mille pèlerins entourent la sainte chapelle, et l'on est obligé d'improviser un autel en plein air.
L'ardente et universelle sympathie que rencontra dans tous les cœurs la dévotion nouvelle engagea l'évêque à l'établir par un mandement pour l'année suivante 1753 ; et afin d'en rehausser l'éclat, il fit exécuter, dans l'église, de grands travaux de réparation et d'embellissement.
Au-dessus de la porte d'entrée, fut écrite, en grandes lettres d'or cette inscription : A l'auguste parenté de la très-sainte Vierge.
Trois chapelles furent dédiées, la première à sainte Anne, la seconde à saint Joachim, la troisième à saint Joseph.
On acheta les bustes des six principaux parents de la Mère de Dieu, avec de riches pavillons pour les couvrir ; et le port en fut confié à une confrérie de Pénitents blancs, chargés de former comme la garde d'honneur de l'auguste parenté.
A la nouvelle de ces préparatifs, et au souvenir de ce qui s'était passé l'année précédente, les populations accoururent de cent kilomètres à la ronde ; et il se trouva à la fête plus de dix mille pèlerins, tous gardant un ordre parfait et chantant avec piété les louanges de la sainte Vierge.
C'était, sur tous les visages, une joie sainte comme celle du ciel et dans tous les cœurs une piété profonde.
Les années suivantes, la fête se renouvela avec le même empressement des fidèles.
De Lurs elle passa dans le diocèse ; Sisteron eut sa congrégation, sa chapelle, son tableau et ses bustes de l'auguste parenté ; Manosque, outre sa congrégation paroissiale, eut un couvent de Religieuses sous ce vocable ; et pour encourager encore cette dévotion, le ciel opéra trois miracles à l'invocation de l'auguste parenté, l'un en 1753, à Notre-Dame des Anges, le jour même de. la fête de la décollation de saint Jean-Baptiste ; les deux autres aux deux extrémités opposées du diocèse.
Aussi la fête de l'auguste parenté de Marie se maintint jusqu'à la Révolution, si fréquentée par le concours des peuples qu'il fallut, chaque année, faire l'office en plein air.
En 1791, les Religieux furent chassés ; et si la chapelle, convertie en grange, conserva, grâce au foin dont on la remplit, son autel, sa grille, ses boiseries, plusieurs de ses tableaux, en particulier celui des miracles, on dépouilla entièrement sa grande nef et ses six chapelles ; ou arracha ses marbres, ses jaspes, la plupart de ses ex-voto ; le beau tableau de Mignard devint le tapis de pied du président du club de Forcalquier ; et ses ornements sacerdotaux furent découpés en casaques à l'usage de femmes déhontées.
On ordonna ensuite la vente de la chapelle ; mais le conseil municipal de Lurs s'entendit avec un négociant, qui s'en fit acquéreur ; et ainsi elle fut conservée au culte de la sainte Vierge.
A la réouverture des églises, les pèlerinages à Notre-Dame des Anges recommencèrent d'autant plus nombreux et plus empressés qu'ils avaient été plus longtemps suspendus, mais sans Religieux pour les desservir, sans autre office qu'une messe basse célébrée les dimanches ordinaires par un curé des paroisses voisines.
Depuis lors, la chapelle demeura déserte et pauvre ; sa voûte s'écroula et ne fut réparée que péniblement par les offrandes des fidèles.
Les témoins des anciennes gloires de la chapelle disparaissant de jour en jour, les pèlerinages baissèrent, sauf ceux du lundi de la Pentecôte et du premier dimanche d'août.
Enfin, le 2 août 1851 fit pressentir, parle nombre des pèlerins, le réveil de l'antique dévotion.
En 1853, le nombre doubla, et ce fut comme l'aurore du retour des anciens jours.
Le troisième dimanche de septembre fut plus magnifique encore : les processions de diverses paroisses se mirent en marche dès le grand matin.
Pierrerue, partie la première, se réunit à celle de Forcalquier qu'elle rencontra sur sa route ; Sigonce et Lurs se joignirent à ces deux paroisses à l'embranchement du chemin de Notre-Dame : et après la cérémonie de réception mutuelle, qui fit couler bien des larmes, les quatre processions n'en firent plus qu'une, d'environ quatre mille personnes, sans compter les spectateurs et ceux qui étaient venus en voilure. — On arrive ainsi à la sainte chapelle, où l'on est accueilli par un corps de musique ; les flots du peuple inondent l'enceinte sacrée, et toute la journée se passe en prières, prédications, assistance au saint sacrifice et chants divers. L'année suivante se ressentit de ce grand mouvement. Le lundi de la Pentecôte et le 2 août 1851 virent se renouveler les processions, et le pèlerinage grandir tant pour le nombre des prêtres que pour celui des fidèles.
1855 fut plus consolant encore ; c'était le second centenaire du renouvellement de la première dévotion : Mgr Lafiteau avait célébré le premier en 1755, le jour de la Pentecôte : on invita les peuples des paroisses voisines à célébrer le second, le 2 août suivant, en leur disant les anciennes gloires de la chapelle, son antiquité, ses miracles.
Au jour annoncé, le concours fut plus grand que jamais. Vingt-deux prêtres y offrirent le divin sacrifice et entendirent les confessions des pèlerins, à tous les angles des chapelles ; des prédications nombreuses eurent lieu tout le jour ; et la fête remplit tous les cœurs d'une sainte allégresse.
Par là, la dévotion du 2 août fut de nouveau consacrée aux yeux des populations. On y vit une année jusqu'à quinze cents pèlerins de la seule ville de Manosque ; et les ex-voto appendus aux murailles de la sainte chapelle ne tardèrent pas à annoncer à tous les regards des délivrances de dangers, de l'eau, du feu, de la foudre, des réussites improbables, des guérisons désespérées d'abcès, d'angines, de fièvres cérébrales, de gangrène, de fistules, d'infirmités ou maladies diverses, et plusieurs conversions remarquables.
Source : Livre "Notre-Dame de France, ou, Histoire du culte de la Sainte Vierge en France" Par André Jean Marie Hamon



Lurs, Notre-Dame des Anges

 - Notre-Dame de Lurs
- Chapelle Notre-Dame des Anges














Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire