Dijon 1430
Une hostie grattée dans un ostensoir, suinte le sang avant que le Seigneur apparaisse sur son trône.
Translation de la Sainte hostie à l'église saint Michel
La
municipalité vint à Saint-Michel avec les sergents de la ville,
escortée d'un piquet de gardes nationaux, les fabriciens, le clergé de
la paroisse l'attendaient ; une procession s'organise et se rend à la
Sainte-Chapelle. Là, la Sainte Hostie, son reliquaire et le coffre d'or
lui servant d'écrin sont remis au maire, la précieuse hostie est pour la
dernière fois exposée sur le maître-autel de la Sainte-Chapelle,
aujourd'hui à la cathédrale Saint-Bénigne, les chanoines sont tristement
rangés sur deux lignes dans la nef du sanctuaire condamné, et le
cortège prend le chemin de l'église Saint-Miche1 au chant de l'hymne
Verbum supernum prodiens. La Sainte Hostie fut portée par MM. Defay et
Garreau, mépartistes de Saint-Michel,, M. le curé Regnault suivait le
dais avec les députés de, la fabrique, les confrères de
la Sainte-Hostie et le corps municipal. La foule était nombreuse et
recueillie sur le passage de cette procession insolite. Le sentiment
général était une tristesse respectueuse et inquiète.
Arrivé
à Saint-Michel le cortège fut reçu par les fabriciens, la Sainte Hostie
fut placée sur le maître-autel, au chant de l'Ave verum. M. le curé
Regnault donna la bénédiction d'une voix que l'émotion faisait trembler,
après quoi la, Sainte-Hostie, renfermée avec son reliquaire dans le
coffre d'or, fut placée à la chapelle de la Sainte-Vierge disposée pour
la recevoir.
A
partir de ce jour, les pieux fidèles viennent nombreux prier : devant
la Sainte-Hostie essayant de réparer par leurs pieux hommages, les
fautes de ceux qui allaient déchaîner sur leur patrie les horreurs de la
persécution religieuse. Le concours des adorateurs fut si grand que par
prudence, pour contenir la foule, on plaça une grille, de fer devant la
chapelle où trois lampes, dont une d'argent, brûlaient jour et nuit.
C'est
le 8 janvier 1791 que la Sainte-Hostie fut transférée à Saint-Michel ;
le 13 du même mois, était publié et affiché à Dijon, le décret de
l'Assemblée nationale exigeant de tous les ecclésiastiques en charge une
adhésion formelle à ses vues et cela sous la forme, alors très à la
mode, d'un serment dont voici la formule : " Je jure de veiller avec
soin aux -fidèles dont la direction m'est confiée. Je jure d'être 139
fidèle à la nation, à la loi et au roi. Je jure de maintenir, de tout
mon pouvoir, la Constitution française et notamment les décrets relatifs
à la Constitution civile du clergé." Par ces derniers décrets,
l'autorité civile prétendait régler, et régler seule, des matières qui,
comme la nomination des évêques et des curés, le nombre et l'étendue des
diocèses, sont des matières ecclésiastiques que le pouvoir civil ne
peut aborder pratiquement sans un accord préalable avec le Saint-Siège.
Mais l'Assemblée nationale entraînée par son ardeur réformatrice, grisée
par l'enthousiasme avec lequel étaient accueillies les transformations
politiques les plus hardies, crut à sa toute-puissance pour tout
réglementer comme si rien n'était hors de son domaine ; elle voulut
imposer sa Constitution civile du clergé qui bouleversait l'Eglise de
France. Le serment exigé devait être prêté dans la huitaine, à l'issue
de la grand'messe, en présence d'un fonctionnaire municipal ; tout
prêtre refusant le serment était considéré comme démissionnaire et
devait être remplacé.
La dernière procession de la Sainte Hostie
Cependant
les manifestations extérieures du culte n'étaient point encore
supprimées à Dijon et la procession de la Sainte-Hostie particulièrement
intéressante pour Saint-Michel, eut lieu en 1792, à la date accoutumée,
pour la dernière fois. La municipalité ne voulant ni se risquer à
interdire une cérémonie très populaire, ni se compromettre en s'y
associant directement, avait décidé de laisser faire la procession, mais
sans v paraître, sauf à envoyer seulement deux commissaires pour
maintenir l'ordre au besoin.
Tout
se passa d'ailleurs sans incident, on eut la liberté de ne point mettre
de tentures devant les maisons, sur le passage de la procession, mais
très peu de personnes jugèrent à propos d'user de cette liberté dont
Paris avait donné l'exemple à la province. La fermeture de la
Sainte-Chapelle, l'absence des prêtres non assermentés, l'exigu‹té des
ressources de la fabrique de l'église Saint-Michel, enlevèrent beaucoup
de son éclat à la cérémonie traditionnelle.
Le reliquaire de la Sainte Hostie est envoyé à la Monnaie avec l'argenterie de l'église
Quelques
jours plus tard, le 28 novembre, on enleva de l'église Saint-Michel ce
qui restait encore d'ornements et d'objets d'orfèvrerie.
C'est
à cette date que disparurent avec la lampe d'argent, le reliquaire d'or
en forme d'ostensoir, dans lequel on exposait la Sainte-Hostie et le
coffre de même métal qui lui servait d'écrin.
Le reliquaire de la Sainte Hostie, don de la duchesse Isabelle, en 1454
Le
reliquaire plus précieux peut-être par le travail artistique que par la
valeur de l'or et des pierreries avait été offert, en 1454, par la
duchesse Isabelle de Portugal, la troisième femme de Philippe le Bon, il
pesait cinquante et un marcs, quant au coffret d'or, c'était un présent
fait, en 1659, par le due d'Epernon ; tous ces objets de haut prix
furent fondus à la Monnaie, sans grand profit pour les finances de
l'Etat.
La Sainte Hostie brûlée dans l'église Saint-Michel
Les
destructions opérées dans l'église Saint-Michel préparaient
l'installation dans ses nefs du culte de la Raison et la présence à
Dijon de Bernard, dit Pioche-Fer, fit hâter la fermeture des églises.
Nous avons vu l'attitude du citoyen Montéléon se pliant aux
circonstances, sauvegardant ses intérêts, sans rien faire pour essayer
de sauver l'église dont il avait consenti à être le pasteur mercenaire,
nous allons voir ce malheureux prêter les mains à un odieux sacrilège et
brûler la Sainte-Hostie dont il se trouvait avoir la garde, pour
laisser l'église Saint-Michel, vide de Dieu, à la disposition des
audacieux qui, dans leur orgueil, prétendaient instaurer un culte tout
humain sous prétexte d'approprier Saint-Michel à sa nouvelle
destination, d'épargner aux patriotes la vue d'emblèmes religieux
abhorrés, la rage des destructeurs et la cupidité de leurs auxiliaires
se donnèrent libre carrière, achevant de détruire ce qui restait encore
dans l'église, du mobilier et de la décoration des autels. Restait à
faire 'disparaître la Sainte-Hostie qui reposait toujours dans la
chapelle de Sainte-Vierge. En 1790, lors de la fermeture de la
Sainte-Chapelle, c'est en procession, avec l'assistance du corps de
ville, la garde nationale faisant la haie, que la Sainte-Hostie avait
été apportée à Saint-Michel, mais la Révolution qui, au début, se disait
respectueuse de la royauté et de l'Eglise, avait tué le roi, persécuté
les prêtres et, en janvier 1794, l'autorité et les fanatiques qui en
étaient dépositaires, ne voyaient plus ni où, ni comment on pouvait
conserver cette Sainte-Hostie entourée naguère 160 des adorations d'un
peuple qui la considérait comme la protectrice de la cité.
Il
ne restait qu'à la détruire, et le procès-verbal qui constate le
sacrilège prémédité, officiellement et régulièrement consommé en
présence du curé Montéléon et des officiers publics désignés à cet
effet, permet de déterminer les responsabilités. Le voici : " Ce
jourd'hui 22 pluviôse de l'an second de la république française, heure
de quatre après midi, nous soussignés, Nicolas Anvers et Michel-François
Vaillant, membres du conseil de la commune de Dijon, étant avec le
citoyen Jean-Baptiste Paillet, aussi membre du conseil, dans le bâtiment
ci-devant appelé Saint-Michel pour y vaquer aux opérations dont le
conseil de ladite commune nous a respectivement chargés par son arrêté
d'hier, le citoyen Montéléon, ministre du culte catholique, qui s'est
trouvé dans le même bâtiment, nous a observé qu'il y existait une hostie
très ancienne reconnue par différents procès-verbaux de la municipalité
de Dijon, de laquelle le vaisseau où elle était contenue ayant été
retiré pour les besoins de la république, il nous a demandé d'assister
au brulement qu'il se proposait d'en faire, à quoi déférant, ledit
Montéléon a brulé ladite hostie en notre présence et en celle de Denis
Garreau, ministre du culte catholique, de quoi nous avons dressé le
présent procès-verbal et avons signé. Charles Montéléon, ex-curé, Denis
Garreau, Michel-François Vaillant, Paillet et Anvers. "
Charles
Montéléon en prêtant serment d'abord, en s'installant ensuite comme
curé à Saint-Michel, à la 163 place du pasteur légitime, se faisait
peut-être encore l'illusion de rester catholique ; en signant le
procès-verbal du 22 pluviôse an II, il avoue avoir cessé de l'être. Il
reste comme un exemple des hontes qui attendent le prêtre assez
malheureux pour rompre avec Rome, sous prétexte d'obéir à la loi. Les
contemporains n'ont pas hésité à faire retomber sur lui la
responsabilité du sacrilège commis à Saint-Michel, et plusieurs ont vu
dans sa mort subite, survenue, la même année, le cinquième jour des
sans-culottes de l'an 11, 21 septembre 1794, un châtiment du ciel.
La Sainte-Hostie a
été brûlée le 10 février 1794 ; le lendemain, toutes les églises de
Dijon étaient fermées ; quelques jours après, le 25 février, Bernard dit
Pioche-Fer écrivait de Dijon à la Convention : " Ici plus d'églises, ni
d'évêque, ni de prêtres, le temple seul de la Raison et les discours
patriotiques suffisent aux Dijonnais. Déjà plusieurs bons habitants des
campagnes sont venus me dénoncer leurs curés et me demander de les en
délivrer. "
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