Notre-Dame de Tongres (Lille)

Notre-Dame de Tongres
(Lille)


Dans la même ville, l'église de Saint-Sauveur possède une antique image, vénérée sous le titre de Notre-Dame de Tongres.
On connaît le pèlerinage si fameux qui attire à Tongres, près de Chièvres en Hainaut, tant de pieux fidèles.
Voici comment le nouvel historien de Notre-Dame de Tongres en raconte la merveilleuse origine.
« L'an 1081, pendant la nuit du 1er au 2 février, les habitants de Tongres et des campagnes voisines se portaient en foule vers la demeure de messire Hector, seigneur de ce hameau. 
Son jardin venait de paraître tout-à-coup rempli d'une lumière éclatante ; l'air était délicieusement embaumé ; on entendait au loin d'harmonieux concerts : c'était le brillant cortège des anges qui venait déposer l'image miraculeuse de Notre-Dame dans l'heureux séjour qu'elle s'était choisi pour répandre de là ses grâces sur les populations de la France et du Hainaut. »
« Cette sainte image, dit un vieil auteur, paraissait majestueusement assise dans une nuée blanche comme dans un trône de gloire ; et la nue, beaucoup plus rayonnante que le soleil, éclairait tout le territoire de Tongres, comme en un beau jour et plein midi.
Ravie d'admiration, la foule, toujours plus pressée, ne se pouvait rassasier d'un si magnifique spectacle. Cette vision céleste dura près de deux heures ; et quand elle eut disparu, tous les spectateurs, les yeux fixés vers la place où s'était montré l'image de Marie, gardèrent quelque temps un religieux silence.
L'on vit alors, au lieu même de l'apparition, une petite statue de la très-sainte Vierge, que les anges y avaient laissée en remontant au ciel.
Cependant le seigneur Hector, averti de ce qui se passait, se fît conduire, aveugle qu'il était depuis trois ans, au lieu où paraissaient ces merveilles, et où déjà ses serviteurs et sujets étaient assemblés en grand nombre, tous extasiés et saintement ravis à la contemplation de cette majestueuse image et des prodigieux triomphes de son transport en ce lieu. Et là le pieux seigneur entendant ces pieux concerts et mélodies des anges, et odorant ces délices et parfums du ciel, il adorait en son cœur ce qu'il ne pouvait apprendre par les yeux.
Pour accueillir le présent du ciel avec la vénération qu'il méritait, Hector ordonna que l'image fût transportée dans ses appartements, et voulut y demeurer en prière jusqu'au matin avec toute sa maison.
Mais s'estimant indigne de posséder chez lui un si précieux trésor, il conçut bientôt la pensée d'en faire présent à l'église Saint-Martin, sa paroisse ; et dès ce jour même, qui était celui de la Purification de Notre-Dame, l'image sainte y fut processionnellement transportée, au milieu des acclamations d'un peuple nombreux, et elle fut placée sur le grand autel.
Marie cependant s'était choisi une autre demeure ; et voici qu'au milieu de la nuit se renouvelle le ravissant spectacle de la veille. Sur les onze heures du soir la sainte image sortit visiblement de Tongres-Saint-Martin, et fut transportée par les anges dans le jardin de messire Hector, avec autant de pompe et de magnificence que le jour précédent, dans une nuée blanche et lumineuse, avec tant de mélodies et de suaves odeurs que messire Hector, qui s'y fit conduire derechef, et les habitants du lieu, spectateurs de ces merveilles, pensaient déjà, par avant-goût, posséder les délices du paradis ; et ces triomphes durèrent, comme la première fois, plus d'une heure et demie.
Hector, tout ravi d'allégresse et d'admiration d'une visite si honorable, fit derechef porter l'image dans son cabinet, avec beaucoup d'honneur et de révérence, fit veiller ses domestiques et passa encore la nuit avec eux dans des indicibles sentiments dé piété et de dévotion.
Il lui vint alors-en pensée que ce retour de la céleste image n'était peut-être de la part de Marie qu'un aimable reproche ; il n'avait pas, se disait-il, reconduit cette grande souveraine avec assez de pompe.
Il forma donc aussitôt le projet de faire transporter une seconde fois la précieuse statue jusqu'à Saint-Martin avec toute la solennité possible ; mais pour la troisième fois l'image de Marie fut transportée par les anges, vers les onze heures de la nuit, dans le jardin d'Hector.
Alors il jugea bien que la Mère de Dieu lui demandait son jardin pour y être honorée ; mais pour ne rien faire qu'avec prudence et mûr avis, il trouva bon d'en avertir le révérendissime évêque de Cambrai.
Gérard II, qui gouvernait alors les diocèses d'Arras et de Cambrai, rassembla son conseil, et on fut d'avis d'envoyer promptement à Tongres quelques hommes d'une science et d'une probité reconnues, pour y faire les plus exactes recherches.
Gérard confia cette importante mission à Jean Muquet et à Pierre Dumont, tous deux auditeurs en sa cour spirituelle, qui se firent accompagner de deux notables hommes, nommés Guillaume du Château et Robert le Brun.
En arrivant à Tongres les députés trouvèrent la miraculeuse statue placée avec honneur dans le jardin du seigneur Hector, sous une tente qu'on y avait dressée en attendant la décision de l'évêque.
Pierre de Belœil, gendre d'Hector, Jean de Huissignies, illustres et généreux chevaliers, et plusieurs autres gentilshommes, grand nombre d'ecclésiastiques et une immense multitude s'y trouvaient réunis.
Les députés pensèrent que pour s'assurer une dernière fois de la volonté du ciel, il fallait transporter de nouveau, à l'église Saint-Martin, la statue vénérée, et, pour la troisième fois, Hector fit lever l'image de son jardin ; elle fut, pour la troisième fois, portée processionnellement et solennellement exposée sur le maître-autel. »
Tous, dit l'ancien auteur déjà cité, étaient ardemment désireux de voir le succès de leur attente, quand ce même jour, sur les onze heures de la nuit, voici cette auguste et vénérable image sortir visiblement de l'église de Tongres-Saint-Martin, avec musique des anges ; couronnée de lumière et de gloire ; portée en l'air, toute parfumée d'odeurs très-agréables, dans une nuée blanche, comme dans un pavillon éclairé de soleils. Les députés en l'apercevant déposée pour la quatrième fois dans le jardin d'Hector se prosternèrent humblement, et passèrent le reste de la nuit en prières. On n'entendait en ce lieu qu'étonnement et réjouissances mêlées de dévotion.
Dès que le jour parut, Hector pria instamment les députés de Cambrai d'aller au plus tôt faire au bon évêque Gérard le récit de tout ce qu'ils avaient vu.
Ils partirent, et le 17 février, dit Walrand Caoult, le saint prélat arriva à Tongres, après avoir averti les curés voisins de sa venue. Ils s'y rendirent, de leur côté, avec la croix et les gonfanons de leurs églises ; ils étaient revêtus de leurs plus riches ornements ; Gérard adressa, au peuple nombreux qui était accouru, un discours plein d'onction ; il consacra le lieu et le jardin où se trouvait la sainte image, et y célébra le saint sacrifice. Hector, de son côté, supplia le saint évêque de bénir son jardin et son château avec toutes ses dépendances ; ce que Gérard fit à l'instant même.
On ne tarda point à se porter en foule à ce nouveau sanctuaire ; les miracles nombreux qui s'y opérèrent bientôt furent de puissants attraits pour les pélerins.
Le nom de Notre-Dame de Tongres devint célèbre au loin ; la reconnaissance multiplia les chapelles dédiées sous ce titre à Marie ; et de pieuses associations se formèrent avec affiliation à celle du sanctuaire de Tongres, et avec participation aux mêmes grâces spirituelles.
Pareille faveur fut accordée à la paroisse de Saint-Sauveur ; la confrérie de Notre-Dame de Tongres y fut érigée en 1672 ; Mgr Belmas la releva en 1804 : elle compte de nos jours environ sept cents associés ; la Purification de la sainte Vierge en est la fête patronale.
Autrefois la confrérie envoyait à Tongres, chaque année, quelques-uns de ses membres, pour reconnaître d'une manière toute spéciale, par cet hommage, la souveraineté de la glorieuse Mère de Dieu.
Cette touchante coutume s'est perdue; nous formons des vœux pour la voir renaître. Si ces lignes tombent sous les yeux de quelques-uns des pieux confrères de Notre-Dame de Tongres, nous verrons bientôt qu'en concevoir l'espérance, ce n'était pas trop attendre de leur ferveur et de leur dévotion à la Mère de Dieu.





Lille

   







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