Pau
Sœur Marie de Jésus Crucifié
En
1845, Georges Baouardy et sa femme, un couple pauvre mais fervent du
petit village d’Abellin en Haute Galilée, vont en pèlerinage à Bethléem
pour demander à l’Enfant Jésus une petite fille à qui ils promettent de
donner le nom de la Vierge. Ils sont catholiques de rite grec et ont eu
jusque là douze garçons morts en bas âge. Ils sont exaucés et c’est
ainsi que Mariam naît le 5 janvier 1846.
Un petit frère, Boulos, vient s’ajouter l’année suivante à la joie de la famille.
Mais
leurs parents meurent tous deux en 1848. Mariam est recueillie par un
oncle paternel de condition aisée, lequel s’installe quelques années
plus tard à Alexandrie, en Egypte, y emmenant Mariam.
Elle possède une vie spirituelle précoce et avec joie, elle peut communier dès l’âge de 8 ans.
A
13 ans, elle refuse un mariage arrangé à son insu selon la coutume
orientale, et annonce sa décision de se donner totalement à Dieu.
Elle est alors persécutée par sa famille.
Désireuse
de reprendre contact avec son frère Boulos, elle lui écrit une lettre
qu’elle confie à un ancien domestique musulman en partance pour
Nazareth. Celui-ci, voyant la situation malheureuse de Mariam, lui
propose de passer à l’Islam ; mais elle confesse énergiquement sa foi
chrétienne.
L’homme,
furieux, lui ouvre la gorge d’un coup de cimeterre et l’abandonne dans
une rue déserte, la croyant morte. Le drame se passe dans la nuit du 7
au 8 septembre 1859. Mariam se réveille dans une grotte, “une religieuse
en bleu” à ses côtés. Elle racontera plus tard que c’était la Vierge Marie qui la soignait.
Guérie,
elle se retrouve seule et devient servante dans diverses familles,
choisissant les conditions les plus pauvres. Après Alexandrie,
Jérusalem, Beyrouth, elle aboutit à Marseille où elle fait connaissance
des Sœurs de St Joseph de l’Apparition.
Elle a le bonheur d’être admise dans cette congrégation en mai 1865.
Mais
ses dons mystiques commencent à se manifester : extases, visions,
stigmates de la Passion qu’elle revit deux jours par semaine. Cela
dérange ses supérieures et après deux ans de noviciat, on l’oriente vers
une forme de vie plus contemplative et plus cachée.
Le
Carmel de Pau l’accueille avec joie et elle reçoit le nom de Sœur Marie
de Jésus Crucifié. Elle insiste pour être sœur converse et se dévoue à
tous avec simplicité et générosité, malgré les épreuves intérieures que
lui suscite le démon. Une première possession diabolique de 40 jours
(juillet à septembre 1868) est suivie de 4 jours de possession
angélique, accompagnée de nombreux enseignements et prophéties durant
ses extases.
Après
3 ans, elle est envoyée avec un petit groupe fonder le premier carmel
en Inde, à Mangalore. La vie cloîtrée peut être inaugurée fin 1870.
Mariam affronte les travaux les plus lourds tout en étant toujours
favorisée de charismes extraordinaires. Elle est vraiment l’âme de cette
fondation. Mais des incompréhensions commencent à germer autour d’elle,
spécialement chez ses supérieures et son évêque, mettant en doute
l’authenticité de ce qu’elle vivait. Elle peut toutefois émettre ses
vœux au terme de son noviciat le 21 novembre 1871. Mais les tensions
reprennent et le démon se manifeste à nouveau, lui faisant faire certain
actes défendus par la règle, mais cela en dehors de sa propre volonté
(elle ne s’en accusera jamais).
En septembre 1872, elle doit finalement rentrer en France.
Quelques années plus tard les sœurs qui l’avaient persécutée verront clair et lui exprimeront leur repentir.
Voilà
Sœur Marie de Jésus Crucifié, la “petite arabe” comme on l’appelle
familièrement, le “petit rien” comme elle se nomme elle-même, la voilà
de retour au Carmel de Pau. C’est une période de calme où les grâces
extraordinaires prennent la forme, entre autres, de lévitations
(jusqu’au sommet des arbres !) et d’extases au cours desquelles elle
improvise dans l’élan de sa reconnaissance envers Dieu des poésies d’une
grande beauté pleines de charme tout oriental. Nombreux aussi sont ceux
qui viennent chercher auprès d’elle réconfort, conseils, prières. Il
faut bien noter que tous ces charismes sont vécus chez Sœur Marie de
Jésus Crucifié dans un climat de grande humilité et simplicité ; elle
pense même que ses stigmates sont une maladie. Son obéissance est tout
aussi remarquable.
En
suivant les inspirations du Seigneur, elle parle de la fondation d’un
Carmel à Bethléem. Les obstacles sont nombreux, mais se lèvent
progressivement grâce entre autres à une ‘fondatrice’, Berthe Dartigaux
qui lui sera toute dévouée, et à son confesseur, un Père de Bétharram.
L’autorisation de Rome étant finalement donnée, un petit groupe de
religieuses s’embarque pour cette aventure au cours de l’été 1875.
Mariam, seule à connaître l’arabe, est plus particulièrement chargée de
suivre les travaux. Elle s’attire vite la sympathie des ouvriers. La
communauté peut commencer à habiter les lieux dès le 21 novembre 1876.
Elle se préoccupe également de la fondation d’un Carmel à Nazareth, et
s’y rend pour l’acquisition d’un terrain. Elle a la grande joie de
revoir le village de son enfance, Abellin. (En fait le Carmel de
Nazareth ne sera construit qu’en 1910.)
De
retour à Bethléem elle reprend la surveillance des travaux. C’est en
portant à boire aux ouvriers qu’elle tombe dans un escalier et se brise
un bras. La gangrène s’y met très rapidement et elle meurt en quelques
jours, le 26 août 1878, à 33 ans.
On
remarque que la durée de sa vie recouvre exactement le pontificat du
bienheureux Pie IX 2 (16 juin 1846 - 7 février 1878). De fait elle avait
pour le Saint Père une piété filiale d'une grande tendresse et le
voyait dans ses extases. A diverses reprises, elle lui fit même parvenir
des messages importants concernant les intérêts de I'Eglise. Son
affection filiale se traduisait, à certains jours, d'une manière
extraordinaire, jusqu'à reproduire sur son visage les traits du Saint
Père. Un jour deux compagnes lui en font la remarque; elle répond
simplement : « Il faut bien que l'enfant ressemble à son père ! » Elle
annonça la mort de Pie IX et le nom de son successeur, le futur Léon
XIII.
Il faut encore évoquer le lien étroit qui unit Sœur Marie de Jésus
Crucifié et les Pères de Bétharram (à 15 km de Lourdes). C’est en 1835
que le Père Michel Garicoïts 2 (canonisé en 1947 par Pie XII) fonde la
Congrégation des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus pour l’évangélisation
des campagnes et l’éducation des enfants. Un des Pères est l’aumônier du
Carmel de Pau. A son retour de Mangalore en 1872, Sœur Marie de Jésus
Crucifié prend comme directeur le Père Estrate. En 1875, 12 ans après la
mort du Fondateur, elle prend connaissance dans une vision des graves
tensions qui agitent la Congrégation et reçoit les consignes du Seigneur
pour que les constitutions soient approuvées par Rome. Ce qui advient
le 30 juillet de la même année. Les Pères de Bétharram reconnaissent en
elle comme la seconde fondatrice de leur Institut. C’est encore grâce à
elle qu’une petite communauté de Pères peut s’installer, après de
nombreuses difficultés, près du Carmel de Bethléem. Mlle Berthe
Dartigaux a été dans toutes ces démarches d’un précieux secours.
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