La Sainte Face de Laon
L'icône de la Sainte Face de notre Seigneur Jésus-Christ est un symbole du christianisme de l'Occident et de l'Orient.
Son intérêt archéologique et spirituel est considérable.
Elle nous vient des pays slaves.
Elle date de la fin du XIIème siècle ou du début du XIIIème siècle.
Cette icône a été peinte sur deux planches de cyprès rajustées, couvertes d'une mince couche de plâtre.
Elle mesure 44 cm de haut sur 40 de large.
Madame Suzanne Martinet la décrit ainsi :
"La tête du Christ apparaît sur une surface monochrome de teinte ivoirée. La pâleur du fond en accentue les couleurs sombres, où dominent les bruns et le vert olive. La masse des cheveux est sillonnée de lignes ondulées quasi parallèles brunes et noires. Le visage du Seigneur, sans cou, ni épaules se détache sur un large nimbe crucifère, entouré d'un damassé doré. Une inscription rouge en caractères slaves est inscrite dans le bas du tableau. Une frange rouge et bleue délimite la peinture".
Nous devons la présence de cette icône à un prêtre -Jacques de Troyes- né en cette ville vers 1185.
Il fut archidiacre de Laon dans les années 1240 puis évêque de Verdun. Il devint pape en 1261 sous le nom d'Urbain IV.
Il avait été appelé à Rome par Innocent IV en raison de ses dons de conciliateur, et il fut envoyé en diverses légations. C'est ainsi qu'au cours d'une mission -peut-être à Bari (Sud de l'Italie)- cette icône lui fut dit-il "accordée par des hommes pieux", probablement des moines Serbes ou des représentants du clergé orthodoxe.
En 1249, il l'envoya en présent à sa sœur Sybille, abbesse de l'abbaye cistercienne de Montreuil en Thiérache.
Depuis cette date, elle est vénérée dans notre région.
Pendant la révolution, son sort fût plusieurs fois mis en jeu.
Elle fut heureusement dissimulée pendant deux ans par l'administrateur du district de Laon, le citoyen LOBJOY, avant d'être transportée en 1795 à la cathédrale Notre-Dame, où elle est conservée depuis ce temps.
Elle a été classée parmi les monuments historiques le 3 septembre 1908. C'est la ville de Laon qui en est propriétaire.
Le
caractère sacré de cette icône est souligné par l'inscription en slavon
qui se trouve au bas du tableau et qui signifie "Image du Seigneur sur
le linge".
L'église orthodoxe souligne le sens mystique de ce type d'icône, image "non faite de main d'homme", le mandylion.
La vénération de cette icône a traversé les siècles.
C'est ainsi qu'elle fut pendant la guerre de 1914-1918, le centre de la prière quotidienne pour la paix de la part de ceux qui, au cours de longs mois, entendaient les canons du Chemin des Dames.
Les visites des pèlerins Slaves témoignent de l'intérêt qu'ils lui portent, intérêt que les animateur de l'association "Icône" ont voulu manifester en lui donnant, alors qu'elle était en cours de restauration, la place d'honneur dans l'exposition réalisée en 1988 à la fondation Bismark à Paris, dans le cadre des manifestations organisées pour célébrer le millénaire du baptême de la Russie.
Lettre de Jacques de Troyes à sa sœur Sybille
Rome 3 juillet 1249
Aux vénérables et dévotes sœurs chéries dans le Seigneur, à l'abbesse et ses religieuses du couvent de Montreuil en Thiérache, Jacques de Troyes, archidiacre de Laon, chapelain de notre Saint Père le Pape, Salut.
Puissiez-vous jouir intégralement et parfaitement dans une claire vision d'un bien ardemment désiré.
A la demande de ma sœur très chérie, nous avons compris combien votre désir était ardent de voir et posséder près de vous le visage et les traits de notre Seigneur, que nous avons en garde, tel qu'il a été vu sur la terre, lorsqu'il demeurait parmi nous, Lui, le plus beau des enfants des hommes, afin que par la contemplation de son visage, vos âmes accèdent à une plus grande dévotion et vos pensées à une plus grande pureté.
Nous, donc, qui voulons vous procurer avec une très grande joie, toutes les choses, qui puissent vous faire acquérir la grâce de Dieu en ce monde et la gloire éternelle dans le futur, désirant, autant qu'il nous est possible, accéder au saint désir de ma sœur chérie, nous vous envoyons la Sainte Face par dessus tout célébrée.
Ne vous arrêtez pas, lorsque vous la découvrirez noircie et fanée, car ceux qui résident dans un climat tempéré et froid, et vivent continuellement dans des lieux agréables, ils ont la peau blanche et délicate, mais au contraire, ceux qui restent perpétuellement dans les champs, l'ont brûlée, noire et altérée.
Ainsi, en fut-il pour la Sainte Face, ternie par les ardeurs du soleil et de la chaleur et, comme le dit le Cantique des Cantiques, Notre Seigneur a travaillé dans les champs de ce monde pour notre rédemption. C'est pourquoi, avec insistance, nous vous prions de la recevoir, avec toute la révérence que mérite celui qu'elle représente, à l'imitation de sainte Véronique, comme sa vraie image et sa ressemblance. Traitez-là avec piété, douceur et honneur, afin que sa contemplation vous rende meilleures.
Souvenez-vous de nous dans vos saintes prières et méditations, et croyez bien qu'il fut jugé bon de la traiter avec le maximum d'honneur et de vénération par les hommes de pieux, qui me l'ont accordée".
Lettre disparue en 1940.
La Sainte Face de Laon
La cathédrale de Laon possède une remarquable icône de la Sainte Face, avec une inscription slave.
Cette très ancienne image, entourée d'un cadre moderne, s'élève au-dessus de l'autel d'une chapelle latérale installée dans la salle du trésor. Elle fait l'objet d'une dévotion spéciale. C'est actuellement la plus grande curiosité de la célèbre cathédrale.
Description de l'icône
L'icône est peinte sur deux minces planches de pin rajustées, dont l'une est tendue dans le sens de la longueur. Deux bandes de toile, collées au revers, protègent cette fente, ainsi que le joint entre les deux planches. Cette restauration est moderne. Le revers est lisse et ne porte ni dessins, ni inscriptions. L'avers est creusé au milieu en forme de cuvette, entourés de bords surélevés. L'icône mesure 44 cm de hauteur sur 40 cm de large ; l'épaisseur des planches est de 2 cm à l'intérieur de la cuvette, et de 2,5 cm au cadre.
La face de l'icône -y compris le cadre- est recouverte d'une très mince couche de plâtre qui porte l'empreinte des contours sommaires de l'image, tracés à l'aide d'un poinçon. A l'intérieur de ces contours, et notamment sous les cheveux du Christ, on distingue les tâches jaunes de la première couche des couleurs. C'est ce "ton local" probablement qui, transparaissant à travers la couleur blanche du fond autour de la tête du Christ, forme une sorte d'auréole, d'un jaune déplaisant et d'une forme irrégulière (voyez le frontispice).
La tête du Christ se détache sur une surface monochrome blanche (avec une nuance jaunâtre, couleur d'ivoire) qui comprend le nimbe et le cadre.
La pâleur de ce fond accentue les couleurs sombres de la tête du Christ, où dominent le brun et le vert-olive. Le vert des ombres passe imperceptiblement dans le brun des demi-ombres superposées qui, à leur tour, pénètrent dans le rouge des joues où le blanc des lumières. C'est surtout du côté gauche (du spectateur) qu'on remarque les ombres vertes (à savoir entre l'œil et les cheveux, sur la joue). Le vert apparaît, en outre, sous les yeux, sous le nez et, enfin, à droite (sic), le long du nez. Exception faite de cette dernière tache d'ombre verte, à côté du nez, ce sont les demi-ombres brunes qui dominent du côté droit du visage ; des tâches de la même couleur remplissant les enfoncements entre les yeux et les sourcils.
Un trait rouge très mince est tiré sur le dos du nez (en suivant le contour du côté gauche) ; il est en partie dissimulé par des tâches blanches de lumières superposées.
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