Bellancourt
Chapelle Notre-Dame de Monflières
Source photo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bellancourt
Découverte de la statue
Des inscriptions sont tracées sous les deux peintures murales qui décorent la nef de la chapelle.
Au-dessous de la peinture qui se trouve sur le mur situé à gauche du pèlerin qui entre dans la chapelle, on lit ces mots :
"Suivant
une pieuse tradition, un berger gardant son troupeau près de l'arbre
qui faisait anciennement la séparation des terroirs de Bellencourt et de
Vauchelles, trouva dans cet arbre l'Image de la Sainte Vierge révérée
en cette chapelle depuis un temps immémorial".
Au-dessous de la peinture murale de droite, on voit ce qui suit :
"Un
pieux débat s'élève entre les habitants de Bellencourt et de Vauchelles
: chacun prétend à la possession de l'Image vénérable, mais un
évènement extraordinaire décide à qui le Ciel destine ce précieux
trésor".
Cette double légende, malgré sa concision, forme cependant toute l'histoire des origines du pèlerinage de Monflières.
La statue de Notre-Dame
La
statue de Notre-Dame de Monflières est en bois de chêne : elle
représente la Sainte Vierge assise tenant l'Enfant Jésus sur les genoux ;
elle mesure quatre-vingts centimètres de hauteur ; debout la Madone
aurait un mètre de taille.
La statue a été sculptée assise sur un siège qui a disparu : le tout a été travaillé dans le même morceau de bois.
La
Madone et son divin Enfant sont vêtus d'une robe : la Vierge a de plus
un manteau ; les plis de ce vêtement sont distribués avec un certain
art, et témoignent du goût de l'artiste.
Comme
la plupart des Vierges miraculeuses, la Madone de Monflières était
enveloppée d'une longue robe bleue, de forme triangulaire, et qui ne
laissait voir que la tête de l'Enfant Jésus et de sa Mère. Mais
aujourd'hui une heureuse restauration du sanctuaire a restitué à la
statue sa forme première, en la présentant assise sur un trône,
conformément à l'idée du pieux entailleur d'images qui l'a sculptée.
L'arbre de Monflières
Au
sujet de l'arbre, à l'aspect majestueux, qui se trouve en avant de la
chapelle, il existe une opinion erronée : beaucoup de pèlerins pensent
que c'est sur cet arbre même que la statue de Notre-Dame de Monflières a
été découverte.
Il
n'en est rien ; car la tradition elle-même dit que l'arbre de
l'apparition se trouvait à la limite des deux terroirs de Vauchelles et
de Bellancourt ; elle ajoute que le chariot fut emmené dans la direction
de ce dernier village, et que la chapelle fut bâtie à l'endroit où le
chariot s'arrêta.
Cette même tradition place cet arbre auprès du sentier qui conduit de Vauchelles à Monflières et à peu de distance du hameau.
Un
document authentique confirme cette tradition : on peut voir "l'arbre
orme, appelé Bucquet Nostre-Damme" indiqué clairement sur un plan
figuratif dressé en 1748, par un arpenteur juré de Saint-Riquier, pour
régler un différend survenu entre le chapitre de Saint-Vulfran
d'Abbeville et l'abbaye de Saint Riquier au sujet du dîmage de
Vauchelles et de Bellancourt.
Au
reste, à la fin du XVIIIe, on voyait encore le tronc de l'arbre de
Notre-Dame dans la chapelle où on l'entourait d'une sorte de culte qui
alla même jusqu'à la superstition, à tel point qu'on dut le faire
disparaître.
La chapelle
Si
la joie fut grande au pays de Monflières, elle ne le fut pas moins dans
la célèbre abbaye de Berteaucourt-les-Dames, qui possédait entre autres
terres le champs sur lequel le chariot s'était arrêté.
La
Très Sainte Vierge voulait donner un témoignage particulier de son
amour aux religieuses de l'abbaye royale de Notre-Dame de Berteaucourt,
en leur demandant l'hospitalité sur leur domaine de Monflières.
La
tradition rapporte que Madame l'Abbesse, du consentement de son
chapitre, donna le terrain nécessaire pour la construction d'une
chapelle. Nous regrettons de ne pouvoir citer la charte de donation,
document qu'il serait si intéressant de conserver ; malgré cette lacune,
il n'y a pas de doute possible sur le fait rapporté par la tradition,
car une bulle du pape Alexandre III, en date du 24 avril 1176, dénomme
la chapelle de Monflières parmi les biens appartenant à l'abbaye de
Berteaucourt ; et, d'un autre côté, Flandrine II, en l'année 1184, donne
à cens, à Simon, prêtre, l'église de Monflières et la terre que ladite
église a eue par la donation d'Enguerrand, sénéchal de Ponthieu.
D'où il suit que la chapelle de Monflières était la propriété de l'abbaye de Berteaucourt.
Aux
frais de qui fut construite la chapelle ? Il serait difficile de le
dire, en l'absence de documents sur cette question. On peut bien croire
qu'il y eut pour cette œuvre de généreux concours venus de toutes parts,
et que, confondus dans un même sentiment de foi et de dévotion filiale,
seigneurs et gens du peuple ont travaillé, chacun à leur manière, à
élever un abri à la statue de la Reine du Ciel qui voulait bien devenir
la Reine du Ponthieu.
La
chapelle de Monflières n'est pas sans intérêt au point de vue
archéologique. Sans entrer dans les détails d'une description complète,
bornons-nous à dire qu'elle offre, malgré des restaurations successives,
des traces du style roman, employé à l'époque de sa construction.
En
l'examinant extérieurement, on remarque deux anciennes portes,
aujourd'hui condamnées, à la hauteur de la grille du sanctuaire : la
porte située du côté de l'épitre servait au chapelain qui habitait la
maison voisine, l'autre porte était destinée aux pèlerins.
L'intérieur
de la chapelle offre un spectacle agréable à la vue : la nef, avec sa
fraîche décoration, montre deux peintures murales qui racontent l'une la
découverte, l'autre la miraculeuse translation de la statue de
Notre-Dame.
Le
sanctuaire a reçu une décoration beaucoup plus riche, mais ses nuances
sombres et sévères lui donnent un caractère mystérieux. Faisons
remarquer que la nef et le sanctuaire de la chapelle n'ont pas le même
axe : le sanctuaire s'incline un peu du côté de l'épître, ainsi qu'on
peut le constater en comparant les panneaux des lambris à droite et à
gauche. La chapelle de Monflières est placée sous le vocable de
l'Annonciation. On sait qu'au XIIe siècle le peuple chrétien avait une
grande dévotion au mystère de l'Incarnation du Verbe.
Le trône de Notre-Dame
Le
trône de Notre-Dame est placé dans un édicule en hors-d'œuvre construit
derrière l'autel, et mis en communication avec la chapelle par une baie
ogivale.
Cette
sorte de petite abside ne ressemble aujourd'hui en rien à l'ancienne :
la statue de la Madone, appendue au mur du fond, était abritée sous un
porche un peu lourd et dépourvu de style.
La
décoration de l'abside produit une illusion dont on ne se rend pas bien
compte au premier coup d'œil. Des peintures artistement traitées
simulent un sanctuaire gothique avec vitraux d'un caractère antique ;
une perspective parfaite donne une profondeur pleine de mystères à
l'abside, dont la statue de Notre-Dame occupe le centre ; on ne saurait
rendre l'impression que cause cette vision empreinte d'un charme tout
céleste.
La
Madone de Monflières est placée sur un trône sobrement décoré ; ce
trône est une chaire gothique du XIVe siècle, sur laquelle est assise la
statue de la Sainte Vierge sculptée dans cette attitude, nous l'avons
dit. Le dossier comprend cinq panneaux sur lesquels sont peints les
écussons qui résument à grands traits l'histoire de Monflières : les
écussons de l'évêché d'Amiens, de l'abbaye de Berteaucourt, du comté de
Ponthieu, de la ville d'Abbeville et de la reine Marie-Antoinette.
Oh
! qu'elle est gracieuse à contempler sainte Marie de Monflières sur son
trône, dans sa belle et riche parure de drap d'or ! Elle rappelle la
parole du saint roi David : "Une Reine est assise à votre droite, parée
d'une robe d'or". Que sa physionomie est douce et bonne sous son diadème
royal aux reflets chatoyants ! Sa main droite tient un sceptre terminé
par une fleur de lys. Par une curieuse coïncidence, la Madone de
Monflières rappelle le sceau du chapître de Sainte Marie de
Berteaucourt, où l'on voyait : la Vierge assise, tenant à droite un
sceptre terminé par une fleur de lys, et l'Enfant Jésus assis sur ses
genoux.
Pèlerinages à Monflières
Depuis
le jour à jamais béni où la Sainte Vierge a manifesté sa puissance au
pays de Monflières, il s'est établi à la chapelle de ce hameau inconnu
une série non interrompue de pèlerinages.
Les
foules y sont venues de tout le Ponthieu implorer la protection de
Notre-Dame, qui se plaisait à prouver par des miracles son amour plus
encore que sa puissance.
"Vers
l'an 1263, dit M. Louandre, auteur de l'Histoire d'Abbeville, les
Vierges de Lheure et de Monflières étaient surtout célèbres par les
nombreux miracles qu'on leur attribuait, et le concours de peuples qui
venait les invoquer".
Nous
aimons à évoquer parmi les pèlerins de Monflières les nobles figures
des pieux comtes de Ponthieu, des vaillants chevaliers de nos contrées
revenus de Terre Sainte, des mayeurs d'Abbeville, et surtout de messire
Jean de Maupin, seigneur de Monflières.
Les
moines de Saint Riquier n'ont pas manqué assurément d'offrir leurs
hommages à la Madone qui honorait leur métairie de sa précieuse
présence.
Mais
nous aimons surtout à saluer cette foule inombrable de pèlerins de
toutes conditions qui se sont acheminés vers le sanctuaire aimé où l'on
trouve la paix et la consolation.
Des
documents certains établissent qu'à partir de l'an 1599, un pèlerinage
s'accomplissait à Monflières, le dimanche qui précédait l'Assomption, en
exécution d'un vœu fait à la suite de la cessation d'un fléau qui avait
fait périr 4000 personnes dans la seule ville d'Abbeville, et 8000 dans
les campagnes environnantes : ce pèlerinage se faisait sous la conduite
d'une Confrérie érigée en l'honneur de Notre-Dame de Monflières sous le
titre de Confrérie du quartier du roy David, et qui subsista
jusqu'après la mort du roi Louis XVI, comme le prouve le dernier
procès-verbal de la Confrérie, en date du 11 août 1793.
La paroisse de Limeux venait également à Monflières chaque année pour le même motif que les Abbevillois.
Le
P. Ignace Sanson, historien d'Abbeville, écrit ces lignes en l'année
1646 : "Il y a aussi plusieurs endroits remarquables dans l'archidiaconé
de Ponthieu, où sont des images miraculeuses de la Très Sainte Mère de
Dieu, comme à Monflières, à Bray, à Canchy, et en d'autres lieux".
En
1693, pour faire cesser un nouveau fléau, les tanneurs d'Abbeville
promettent de donner chaque année à la Madone de Monflières un cierge :
ce vœu s'accomplit fidèlement le jour de saint Laurent jusqu'à la
Révolution.
Une
épidémie de suette désolait, en 1718, une rue de la même ville. A la
suite d'un vœu fait à notre chère Madone, un pèlerinage annuel
s'accomplit, jusqu'à l'année 1790, à Monflières où l'on offrait un
cierge comme ex-voto.
Il
existe à la bibliothèque d'Abbeville une image imprimée à Lille, en
1777, et représentant Notre-Dame de Monflières entourée de divers
emblèmes qui attestent sa puissance en même temps que sa célébrité.
Au
même endroit, nous avons relevé des renseignements intéressants à ce
sujet, sur des cartes de Picardie dressées à différentes époques, en
1709, 1710, 1738, 1757, 1760, 1790 ; il convient de remarquer que toutes
ces cartes désignent Monflières par une petite chapelle ; plusieurs
portent cette mention : Monflières, pèlerinage.
Nous
pouvons donc conclure que, depuis le XIIe siècle jusqu'en 1793,
Notre-Dame de Monflières a été l'objet de pèlerinages non interrompus.
Il serait difficile d'établir que le XIXe siècle a continué la tradition des siècles passés.
Aujourd'hui le sanctuaire de Notre-Dame de Monflières est fréquenté d'une manière assidue.
"A-t-on
une grâce à solliciter, dit un pieux auteur, a-t-on un malade à
recommander, une larme à essuyer, on pense à Monflières, on court à
Monflières : en sorte qu'on a pu dire :
A Monflières, même au cœur de l'hiver, pas un jour sans pèlerins".
Les
enfants au lendemain de leur première communion, les nouveaux époux,
les familles en deuil, les âmes qui sont dans la peine, viennent au
sanctuaire de Monflières et demandent à la Sainte Vierge de bénir leurs
résolutions, de protéger leur avenir, de consoler leurs douleurs de
quelque nature qu'elles soient.
Le
second lundi de chaque mois, on chante pour les pèlerins une messe
fondée à perpétuité dans la chapelle de Monflières par Mgr Demandoix,
évêque d'Amiens le 5 mai 1809.
Toutes
les paroisses d'Abbeville accomplissent chaque année leur pèlerinage à
notre chère Madone ; beaucoup de paroisses des environs suivent cet
exemple.
Parmi
les pèlerinages des maisons d'éducation, signalons celui que le
Petit-Séminaire de Saint Riquier a accompli pendant plus de 60 années
avant sa fermeture en 1906.
Donnons
aussi une mention particulière au pèlerinage que l'école Saint
Stanislas faisait chaque année depuis sa fondation, imitant ainsi le
tendre amour de son aimable Patron pour la Mère de Dieu : cette école
est également fermée depuis 1906.
Le
sanctuaire de Monflières ne cesse donc pas d'être le rendez-vous de
toutes les joies et de toutes les douleurs, et nous pouvons en toute
vérité adresser à Notre-Dame ces belles paroles du prophète Isaïe :
"Levez les yeux et regardez autour de vous. Tous ceux que vous voyez
assemblés ici viennent pour être à vous ; vos fils viendront de bien
loin, et vos filles viendront vous trouver de tous côtés".
Source : Livret "Notre-Dame de Monflières"
En savoir plus :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire