Le Saint prépuce

Le Saint prépuce


 Circoncision de Jésus
Missel, vers 1460. Bibliothèque municipale de Clermont-Ferrand

Le saint prépuce est le nom donné à ce qui serait la relique du prépuce de Jésus de Nazareth.
À certaines époques où fleurissait le culte des reliques les plus étonnantes, des églises ont prétendu détenir ce souvenir de l'Enfant Jésus, comme d'autres du même genre, tels son cordon ombilical ou ses dents de lait.
En tant que juif, Jésus a été circoncis le huitième jour après sa naissance (Évangile de Luc, II, 21 ; voir aussi Colossiens II, 11).

Contexte théologique et historique

Les Saintes reliques : Le Saint prépuce
 Circoncision de Jésus
sur le retable des douze Apôtres de Friedrich Herlin de Nördlingen, 1466

D'une manière générale, le culte des reliques relatives à la vie de Jésus débute dans le premier quart du IVe siècle avec l'excavation du tombeau supposé de Jésus sur l'ordre de l'empereur Constantin avec laquelle coïncide peut-être l'invention de la « vraie Croix », attribuée par la tradition à sa mère Hélène.
Dans le judaïsme, de manière quasi ininterrompue depuis l'Antiquité et par fidélité à un commandement biblique, l'ablation du prépuce est pratiquée sur le garçon nouveau-né huit jours après sa naissance dans une cérémonie au cours de laquelle il reçoit son nom hébreu.
En tant que Juif, Jésus a ainsi vraisemblablement été circoncis ainsi que le laissent entendre plusieurs passages du Nouveau Testament.
Mais l'idée que le prépuce de Jésus a été conservé, et que, de plus, il aurait été transmis à travers les âges n'a aucun caractère de vraisemblance historique puisque, selon la coutume, le prépuce est enterré après la circoncision.
C'est une chose qui n'a pas échappé même à la piété naïve du Moyen Âge, et qui explique le succès très variable des différentes tentatives qui ont été faites ici et là pour faire croire qu'on le possédait.
Ainsi, par exemple, l'abbaye de Conques, qui était dans ce cas, n'a réussi à devenir un centre de pèlerinage qu'après avoir récupéré à Agen les reliques de la jeune martyre sainte Foy. Le saint prépuce n'intéressait personne. Cependant, dans le doute où l'on était sur l'authenticité de ce genre de reliques, il était hors de question de les détruire, et c'est ce qui explique leur multiplicité.


Vue du revers du reliquaire de Coulombs

Cependant, à l'abbaye de Coulombs, une croyance locale prêtait au saint prépuce le pouvoir d'apporter la fécondité aux femmes stérile  et un accouchement sans difficulté aux femmes enceintes. Alors que Catherine de Valois était enceinte en 1421, son mari, le roi Henri V d'Angleterre, à qui une bulle du pape Martin V accordait le privilège de pouvoir déplacer les reliques, fit emprunter et apporter à son épouse, en Angleterre, le saint prépuce de l'abbaye de Coulombs. La relique fut ensuite renvoyée en France et exposée à la Sainte-Chapelle, à Paris. Les moines bénédictins de Coulombs durent s'adresser en 1427 au duc de Bedford, régent du jeune  Henri VI, pour la faire transférer à l'abbaye Saint-Magloire de Paris, puis en 1441 au roi de France Charles VII pour en reprendre possession, sans toutefois pouvoir lui faire quitter Paris. C'est Jean Lamirault, abbé de Coulombs de 1442 à 1446, qui fit revenir la relique à Coulombs.

Lieux de conservation

Moyen Âge

Au Moyen Âge, il y eut jusqu'à quatorze « saints prépuces » conservés dans diverses villes européennes et généralement mêlés à des collections de reliques du même genre : dents de laits de l'Enfant Jésus, saint ombilic.
La première trace d'une relique du saint prépuce est celle qui aurait été donnée au pape Léon III par Charlemagne lors de son couronnement, le 25 décembre 800. On raconte aussi que c'est un ange qui le lui avait apporté pendant qu'il priait devant le Saint-Sépulcre (alors qu'il n'a jamais quitté l'Europe).
Une autre tradition en fait un cadeau de mariage offert par l'Impératrice de Byzance, Irène l'Athénienne. Le pape l'aurait placé dans le Sancta santorum de la Basilique de Latran à Rome avec d'autres reliques. Il s'agit dans tous les cas de légendes tardives dont aucune ne s'appuie sur un document d'époque carolingienne.
En plus de Rome, d'autres lieux ont prétendu détenir le saint prépuce : en Espagne, Saint-Jacques-de-Compostelle ; en Allemagne, Hildesheim ; en Belgique, Anvers; en France Metz, Besançon, Langres, Fécamp, Chartres, ainsi que Coulombs qui se trouve aussi dans le diocèse de Chartres ; la cathédrale du Puy-en-Velay, le monastère de Conques, les églises de Charroux (où l'on faisait également remonter la donation de cette relique à Charlemagne) et de Vebret.
Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, y ajoute Compiègne, mais il se trompe, car la relique qui était conservée au monastère Saint-Corneille de Compiègne n'était que le couteau qui aurait servi à opérer la circoncision de Jésus. On avait de même à l'église romaine de San Jacopo in Borgo la pierre sur laquelle on avait circoncis l'Enfant.
Une autre liste allemande y ajoute l'Abbaye d'Andechs en Bavière (et le Quid Clermont, mais il semble que ce soit par confusion avec un morceau du saint ombilic qui y était conservé).
D'autres lieux de cultes ont revendiqué la possessions d'autres éléments de la circoncision de Jésus : le couteau, conservé à l'abbaye Saint-Corneille de Compiègne et la pierre sur laquelle est supposée s'être déroulée l'opération à Saint-Jacques in Borgo de Rome.

Situation actuelle


 
Église Santissimo Nome di Gesù (du Très Saint Nom de Jésus)
à Calcata

Le village italien de Calcata mérite une mention spéciale.
En 1557, on y aurait découvert le saint prépuce, volé trente ans auparavant par un lansquenet allemand lors du sac de Rome de 1527.
Jusqu'en 1983, une procession où l'on vénérait ce saint prépuce parcourait les rues du village le 1er janvier, jour où selon une tradition, qui n'est pas antérieure au VIe siècle, Jésus aurait été circoncis.
Mais des voleurs s'emparèrent du reliquaire et de son contenu, ce qui mit un terme à cette cérémonie.
Il ne semble plus y avoir d'autres saints prépuces en Italie ; celui d'Anvers a disparu en 1566 ; mais il reste en France au moins ceux de Conques et de Vebret.

Échos suscités par le Saint Prépuce

Périodiquement le thème de cette relique a été agité pour tourner en dérision certains aspects du catholicisme.
  • Déjà Jean Calvin dans son Traité des reliques (1543) se demande comment le prépuce de Jésus a pu être conservé, et surtout comment il peut se trouver à la fois à Charroux et à Rome.
  • Dans son Traité sur la tolérance (1763), Voltaire s'est moqué de la vénération au saint prépuce, la considérant toutefois comme une superstition moins dangereuse que de détester et de persécuter son prochain. Dans son Dictionnaire philosophique (1764), à l'article « Prépuce », il remarque plus simplement « qu'il y a peut-être un peu de superstition dans cette piété mal entendue ».
  • Le libre penseur Collin de Plancy note en 1821 que les évêques catholiques eux-mêmes étaient parfois critiques ; il rapporte une anecdote où Gaston de Noailles, évêque-comte de Châlons-sur-Marne de 1695 à 1720, sous la Régence, fit expertiser puis détruire un saint prépuce conservé à la collégiale de Notre-Dame-en-Vaux. Mais il se trompe, car il s'agissait d'un saint nombril, comme il le note lui-même l'année suivante.
  • En 1887, les libres-penseurs G. W. Foote et J. M. Wheeler, dans leur ouvrage Crimes of Christianity (Les crimes du christianisme) rapportent une fable extravagante, selon laquelle un auteur catholique, Leone Allacci (1586-1669), aurait même écrit un traité Sur le Prépuce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, destiné à démontrer que lors de son Ascension, Jésus aurait vu son prépuce, monté au ciel avec lui, donner naissance aux anneaux de la planète Saturne, découverts en 1610.
  • Baudolino, dans le roman éponyme d'Umberto Eco paru en 2000, prétend avoir vu à Rome le saint prépuce et le saint ombilic en compagnie de Frédéric Barberousse.
  • Enfin, en 2007, ce type de relique a fait l'objet de divers canulars obscènes, répercutés en particulier dans un article du Guardian reproduit dans Courrier international.

Iconographie de la circoncision de Jésus

L'iconographie de la circoncision de Jésus se confond souvent avec celle de sa présentation au Temple.
Les artistes-peintres suivants ont traité de ce thème chrétien dans leurs œuvres :
  • Rubens, retable du maître-autel, église del Gesù e dei Santi Ambrogio e Andrea, centre de Gênes
  • Maître des Scènes de la vie de la Vierge, Vénitien du XVe siècle au musée du Louvre de Paris
  • Il Garofalo (XVIe siècle)
  • Il Guercino (1646) au musée des beaux-arts de Lyon
  • Federico Barocci (XVIe siècle)
  • Andrea Boscoli au Duomo di Fermo
  • Friedrich Herlin, Circoncision de Jésus sur le Retable des douze apôtres (1466), maître-autel de l'église Saint-Jacques de Rothenburg ob der Tauber,
  • Le Triptyque des Offices d'Andrea Mantegna contient un panneau représentant en même temps la Circoncision et la Présentation au temple.

Filmographie

  • Enquête sur le Saint Prépuce, documentaire 2014, États-Unis/Italie, réalisé par Edward Dallal & Bram Megellers et diffusé sur Arte le 22 août 2014 (enquête menée par le journaliste américain David Farley).

Le Saint Prépuce, avec le sang rapporté en 1150 à la Basilique de Saint Sang à Bruges, est l'une des rares reliques physiques du Christ. La sage femme de Marie aurait conservé le prépuce dans une fiole d'albâtre. Marie Madeleine l'aurait ensuite confié à Jean Baptiste.
Le pape Léon III l'offrit à Charlemagne.

Au Moyen Âge, la multiplication des prépuces bat son plein, et quatorze villes européennes font une pêche miraculeuse. Le Saint Prépuce est conservé à l'abbaye de Charroux (Vienne) et à Saint Jean de Latran à Rome. Les cathédrales du Puy en Velay et de Saint Jacques de Compostelle, Anvers, Coulombs, Besançon, Metz, Anvers, Fécamp revendiquent la possession du saint prépuce.
La Révolution française aurait détruit la plupart des reliquaires.
Le village italien de Calcata vénérera le Saint Prépuce jusqu'en 1983, date à laquelle il fut volé.






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