Porter sa croix
Celui qui ne porte pas sa croix, et qui ne me suit pas, ne peut être mon disciple. Luc 14.27
L'Apôtre Paul écrit : "Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Église" (Col. 1.24)
Le Christ ne cachait pas à ceux qui l'écoutaient la nécessité de la souffrance.
Très clairement, il disait : "Si quelqu'un veut venir à ma suite..., qu'il se charge de sa croix chaque jour", et à ses disciples il posait des exigences de nature morale, dont la réalisation est possible seulement à condition de "se renier soi-même".
La route qui conduit au Royaume des cieux est "étroite et resserrée" et le Christ l'oppose à la route "large et spacieuse" qui, elle, "mène à la perdition".
Bien des fois, le Christ disait aussi que ceux qui seraient ses disciples et confesseraient la foi auraient à subir de nombreuses persécutions, ce qui est arrivé non seulement dans les premiers siècles de la vie de l'Église au temps de l'empire romain, mais n'a cessé de se produire au cours des différentes périodes de l'histoire, et encore à notre époque.
Voici quelques phrases du Christ à ce sujet :
"On portera la main sur vous, on vous persécutera, on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous traduira devant des rois et des gouverneurs à cause de mon nom, et cela aboutira pour vous au témoignage. Mettez-vous donc bien dans l'esprit que vous n'avez pas à préparer d'avance votre défense : car moi je vous donnerai un langage et une sagesse, à quoi nul de vos adversaires ne pourra résister ni contredire.
Vous
serez livrés même par vos père et mère, vos frères, vos proches et vos
amis ; on fera mourir plusieurs d'entre vous, et vous serez haïs de tous
à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne se perdra.
C'est par votre constance que vous sauverez vos vies !"
"Si le monde vous hait, sachez que moi, il m'a pris en haine avant vous... ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde, pour cette raison, le monde vous hait... Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, vous aussi, ils vous persécuteront... Mais tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé".
"Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J'ai vaincu le monde".
Le Christ a vaincu définitivement le monde monde par sa Résurrection ; toutefois, parce que sa Résurrection est liée à sa Passion et à sa mort, il a vaincu en même temps ce monde par sa souffrance.
Le Christ garde dans son corps ressuscité les traces des blessures causées par le supplice de la croix, sur ses mains, sur ses pieds et dans son côté.
Par la Résurrection, il manifeste la force victorieuse de la souffrance, il veut enraciner dans le cœur de ceux qu'il continue de choisir et d'envoyer, la conviction que cette force existe.
L'Apôtre Paul dira : "Tous ceux qui veulent vivre dans le Christ avec piété seront persécutés".
A travers les siècles, on a constaté que dans la souffrance se cache une force particulière qui rapproche intérieurement l'homme du Christ, une grâce spéciale.
C'est à elle que bien des saints doivent leur profonde conversion, tels saint François d'Assise, saint Ignace de Loyola, etc...
Le fruit de cette conversion, c'est non seulement le fait que l'homme découvre le sens salvifique de la souffrance, mais surtout que, dans la souffrance, il devient un homme totalement nouveau. Il y trouve une nouvelle dimension de toute sa vie et de sa vocation personnelle.
Cette découverte confirme particulièrement la grandeur spirituelle qui, dans l'homme, dépasse le corps d'une manière absolument incomparable. Lorsque le corps est profondément atteint par la maladie, réduit à l'incapacité, lorsque la personne humaine se trouve presque dans l'impossibilité de vivre et d'agir, la maturité intérieure et la grandeur spirituelle deviennent d'autant plus évidentes, et elles constituent une leçon émouvante pour les personnes qui jouissent d'une santé normale.
Cette maturité intérieure et cette grandeur spirituelle dans la souffrance sont certainement le fruit d'une conversion remarquable et d'une coopération particulière à la grâce du Rédempteur crucifié. C'est lui-même qui agit au vif des souffrances humaines par son Esprit de vérité, son Esprit consolateur. C'est lui qui transforme, en un sens, la substance même de la vie spirituelle, en donnant à la personne qui souffre une place à côté de lui. C'est lui, comme Maître et guide intérieur, qui enseigne à ses frères et à ses sœurs qui souffrent cet admirable échange, situé au cœur même du mystère de la Rédemption.
La souffrance, en soi, c'est éprouver le mal. Mais le Christ en a fait le fondement le plus solide du bien définitif, c'est-à-dire du bien du salut éternel.
Par ses souffrances sur la croix, le Christ a atteint les racines mêmes du mal, c'est-à-dire celles du péché et de la mort. Il a vaincu l'auteur du mal qu'est satan, et sa révolte permanente contre le Créateur.
A ses frères et sœurs souffrants, le Christ entrouve et déploie progressivement les horizons du Royaume de Dieu : un monde converti à son Créateur, un monde libéré du péché et qui se construit sur la puissance salvifique de l'amour. Et lentement mais sûrement, le Christ introduit l'homme qui souffre dans ce monde qu'est le Royaume du Père, en un sens à travers le cœur même de sa souffrance. La souffrance, en effet, ne peut être transformée par une grâce venant du dehors, mais par une grâce intérieure.
Le Christ, de par sa propre souffrance salvifique, se trouve au plus profond de toute souffrance humaine et peut agir de l'intérieur par la puissance de son Esprit de vérité, de son Esprit consolateur.
Le divin Rédempteur peut pénétrer dans l'âme de toute personne qui souffre par l'intermédiaire du cœur de sa très sainte Mère, prémices et sommets de tous les rachetés. Comme pour prolonger cette maternité nouvelle, spirituelle et universelle, à l'égard de tous les hommes, afin que chacun, dans le cheminement de la foi, Lui reste, avec elle, étroitement uni jusqu'à la Croix et que toute souffrance, régénérée par la force de cette Croix, de faiblesse de l'homme qu'elle était, devienne puissance de Dieu.
Un tel processus intérieur ne se développe pas toujours de la même manière. Bien souvent il commence et il s'établit avec difficulté. Déjà le point de départ est différent : c'est avec des dispositions différentes que les hommes abordent leur souffrance. On peut cependant affirmer d'emblée que chaque personne entre presque toujours dans la souffrance avec une protestation tout à fait humaine et en se posant la question : "Pourquoi ?". Chacun se demande quel est les sens de la souffrance et cherche une réponse à cette question au plan humain. Il adresse certainement maintes fois cette interrogation à Dieu, et il l'adresse aussi au Christ.
En outre, la personne qui souffre ne peut pas ne point remarquer que celui auquel elle demande une explication souffre Lui-même et qu'Il veut lui répondre de la Croix, du plus profond de sa propre souffrance. Pourtant, il faut parfois du temps, et même beaucoup de temps, pour que cette réponse commence à être perçue intérieurement.
Le Christ, en effet, ne répond ni directement ni de manière abstraite à cette interrogation humaine sur le sens de la souffrance.
L'homme entend sa réponse salvifique au fur et à mesure qu'il devient participant des souffrances du Christ.
La réponse qui vient ainsi dans cette participation, tout au long de la rencontre intérieure avec le Maître, est à son tour quelque chose de plus que la simple réponse abstraite à la question sur le sens de la souffrance. Elle est en effet, par dessus tout, un appel. Elle est une convocation. Le Christ n'explique pas abstraitement les raisons de la souffrance, mais avant tout il dit : " Suis-moi !" Viens ! Prends part avec ta souffrance à cette œuvre du salut du monde qui s'accomplit par ma propre souffrance ! Par ma Croix !
Au fur et à mesure que l'homme prend sa croix, en s'unissant spirituellement à la Croix du Christ, le sens salvifique de la souffrance se manifeste davantage à lui. L'homme ne découvre pas cette signification au niveau humain, mais au niveau de la souffrance du Christ. Mais, en même temps, de ce plan où le Christ se situe, ce sens salvifique de la souffrance descend au niveau de l'homme et devient en quelque sorte sa réponse personnelle. C'est alors que l'homme trouve dans sa souffrance la paix intérieure et même la joie spirituelle.
C'est bien de cette joie que l'Apôtre parle dans sa lettre aux Colossiens : "Je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous".
Surmonter le sentiment de l'inutilité de la souffrance, impression qui est parfois profondément enracinée dans la souffrance humaine, devient une source de joie. Non seulement la souffrance ronge intérieurement la personne, mais elle semble faire d'elle un poids pour autrui. Cette personne se sent condamnée à recevoir l'aide et l'assistance des autres et, en même temps, il lui apparaît à elle-même qu'elle est inutile.
La découverte du sens salvifique de la souffrance en union avec le Christ transforme ce sentiment déprimant. La foi dans la participation aux souffrances du Christ porte en elle-même la certitude intérieure que l'homme qui souffre "complète ce qui manque aux épreuves du Christ" et que, dans la perspective spirituelle de l'œuvre de la Rédemption, il est utile, comme le Christ, au salut de ses frères et sœurs.
Non seulement il est utile aux autres, mais, en outre, il accomplit un service irremplaçable. Dans le corps du Christ, qui grandit sans cesse à partir de la Croix du Rédempteur, la souffrance, imprégnée de l'esprit de sacrifice du Christ, est précisément, d'une manière irremplaçable, la médiation et la source des bienfaits indispensables au salut du monde.
Cette souffrance, plus que tout autre chose, ouvre le chemin à la grâce qui transforme les âmes.
C'est elle, plus que tout autre chose, qui rend présentes dans l'histoire de l'humanité les forces de la Rédemption.
Dans ce combat "cosmique" entre les forces spirituelles du bien et celles du mal, dont parle la lettre aux Ephésiens, les souffrances humaines, unies à la souffrance rédemptrice du Christ, constituent un soutien particulier pour les forces du bien, en ouvrant la route au triomphe de ces forces salvifiques.
C'est pourquoi l'Église voit dans tous les frères et sœurs souffrants du Christ comme un sujet multiple de sa force surnaturelle. Que de fois les pasteurs de l'Église ont recours à eux, précisément parce qu'ils cherchent près d'eux aide et soutien !
L'Évangile de la souffrance est écrit sans cesse, et il s'exprime sans cesse dans cet étrange paradoxe : les sources de la force divine jaillissent vraiment au cœur de la faiblesse humaine. Ceux qui participent aux souffrances du Christ conservent dans leurs propres souffrances une parcelle tout à fait particulière du trésor infini de la Rédemption du monde, et ils peuvent partager ce trésor avec les autres. Plus l'homme est menacé par le péché, plus sont lourdes les structures du péché que le monde actuel porte en lui-même, et plus est éloquente la souffrance humaine en elle-même. Et plus aussi l'Église éprouve le besoin de recourir à la valeur des souffrances humaines pour le salut du monde.
Tous ceux qui souffrent ont été appelés à devenir participants "des souffrances du Christ". De même tous ont été appelés à "compléter" par leur propre souffrance "ce qui manque aux épreuves du Christ"
En même temps le Christ a enseigné à l'homme à faire du bien par la souffrance et à faire du bien à celui qui souffre.
Source : Extraits du livre "Le sens chrétien de la souffrance" Jean Paul II, Lettre apostolique salvifici doloris 11 février 1984
En savoir plus :
https://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr/apost_letters/1984/documents/hf_jp-ii_apl_11021984_salvifici-doloris.html
Voici un extrait du livre "L'âme de tout Apostolat" de DOM J.B. CHAUTARD, abbé de la Trappe de Sept-Fons :
"Pour souffrir vraiment avec le Christ, il faut tendre à souffrir en saint. La souffrance sert alors à notre profit personnel et à l'application du mystère de la Passion sur les âmes : ce qui manque aux souffrances du Christ dans ma propre chair, je l'achève pour son corps qui est l'Église. (Coloss. 1. 24) dit saint Augustin en commentant ce texte : les souffrances du Christ étaient complètes, mais dans le chef seulement ; il manque encore les souffrances du Christ dans ses membres mystiques.
Le Christ a souffert, mais comme chef, maintenant c'est à son corps mystique de souffrir.
Chaque prêtre peut dire : Ce corps, c'est moi, je suis un membre du Christ, et ce qui manque aux souffrances du Christ, il me faut le compléter pour son corps qui est l'Église.
La souffrance dit le P. Faber, est le plus grand des Sacrements.
Ce profond théologien en montre la nécessité et en déduit les gloires.
Tous les arguments du célèbre oratorien peuvent s'appliquer à la fécondité des œuvres par l'union des sacrifices de l'ouvrier évangélique au Sacrifice du Golgotha, et ainsi par leur participation à l'efficacité infinie du Sang divin."
Source : Livre "L'âme de tout Apostolat" de DOM J.B. CHAUTARD, abbé de la Trappe de Sept-Fons.
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