Portobelo
Cristo Negro
L’origine
de cette statue, qui se trouve depuis 1814 dans l’église San Felipe de
Portobelo, n’a pas été historiquement précisée. Les chroniques de
l’époque racontent que le débarquement de l’image de Cristo Nazareno eut
lieu dans d’étranges circonstances, sans toutefois faire le choix entre
plusieurs versions possibles de l’événement que l’on situe vers le
milieu du XVIIème siècle. Retenons les deux plus répandues.
La version “échange de caisses”:
Aux alentours de 1650, les paroissiens de l’île de Taboga (côté
Pacifique de l’isthme) commandèrent en Espagne un Christ de Nazareth
tandis qu’en même temps ceux de Portobelo passaient commande d’une
statue de Santo Domingo. Probablement suite à une erreur “d’étiquetage”
chez le fabriquant, lorsque le bateau arrive et débarque les deux
caisses, celle du Cristo Nazareno reste à Portobelo alors que
l’autre est acheminée jusqu’à Taboga. S’apercevant de la méprise, les
paroissiens de l’île portent réclamation et demandent l’échange des
statues. Malgré plusieurs tentatives des Portobeleños, le
Christ ne peut être sorti de son abri pour rejoindre sa destination
prévue. On décide donc de garder le Nazareno, et un dédommagement
financier est versé à Taboga.
La version “tempête”:
A la même époque serait arrivé au large de Portobelo un galion espagnol
en provenance de Cartagena de Indias, pris dans une grosse tempête il
doit se réfugier dans la baie. Aussitôt le vent se calme, le bateau
reprend la mer mais la tempête se remet à souffler de plus belle,
l’obligeant à revenir se mettre à l’abri. L’ancre à peine mouillée, le
vent retombe. Après plusieurs tentatives durant lesquelles ce scénario
se répète, le capitaine décide d’alléger le bateau. Il fait jeter à
l’eau de lourdes caisses contenant des objets religieux destinés à
Cartagena et restées à bord par erreur. Puis il lève l’ancre, hisse les
voiles et reprend sa route sur une mer redevenue calme.
Les habitants de Portobelo, un peu surpris par le manège du bateau,
vont récupérer les objets flottants et découvrent à l’intérieur d’une
caisse le Cristo Nazareno. Ils comprennent que le scénario des sautes de vent était en fait un miracle, le Cristo voulait rester dans leur village, alors ils placent le bienvenu sur le retable de leur église.
Pour l’inauguration de la Grande Église de San Felipe, en 1814, la
statue est installée en bonne place. Peu de temps après, le clergé
abandonne le couvent de la Merced qui, vieux de deux cents ans, menace
ruine et vient officier dans la nouvelle église.
Vinrent deux années qui seront très importantes pour Portobelo et pour son Cristo Nazareno:
1820, le feu détruit l’Hospital
et, date à graver dans l’airain, le traité interdisant l’esclavage est
promulgué. La ville compte alors quelques 90% de noirs, les nouveaux
“libérés” s’ajoutant à tous ceux arrivés libres depuis le début de la
colonisation, en provenance de Saint Domingue.
1821, la Colombie et le Panama réunis obtiennent de l’Espagne leur
Indépendance. Les soldats espagnols, après deux cent trente ans de
présence militaire vont quitter Portobelo. Nombreux ceux qui sont morts
ici depuis le début de la colonisation, durant les multiples combats
mais aussi anéantis par les maladies et les fièvres tropicales. Les
administrateurs et les colons n’étaient pas épargnés non plus.
Au moment de leur départ sévissait une terrible épidémie de choléra qui
décimait la population de l’isthme, ils pensaient ne pas pouvoir
échapper à “Porto Malo” mais, miracle qu’elle attribuera à “son” Cristo Nazareno,
la population de Portobelo est épargnée. L’événement sera célébré le 21
octobre 1821, et depuis, chaque année à cette date a lieu une
procession d’action de grâce.
Le Cristo Nazareno
ne présente pas des traits négroïdes. Sa couleur foncée actuelle ne
doit pas être d’origine et sûrement due à la patine et à la fumée des
innombrables cierges qui brûlaient à longueur de temps à ses pieds.
Contrairement à son apparence, il ne s’agit pas d’une statue sculptée
entièrement dans la masse. Ces sculptures étaient très chères et fort
lourdes. Dans le cas présent, sous la tunique, le corps est un simple
tronc de bois brut, les seules parties sculptées sont celles apparentes.
Le visage est un masque de métal qui descend jusqu’au buste, les yeux,
réalisés en verre, sont fixés en arrière du masque. Il faut signaler que
le regard très étrange et captivant de l’effigie est dû au fait que
l’un des yeux s’est légèrement déplacé. La perruque est faite de longs
cheveux humains enserrés dans une couronne d’épines métallique.
Le Christ est revêtu d'une longue et lourde robe en velours, parée de
perles dorées, de dentelles et de paillettes. Le vêtement est remplacé
deux fois par an. A l'occasion de la Fête du 21 octobre il est de
couleur “lie de vin”, brodé d’or et pour la Semaine Sainte de couleur
violette brodé d’argent. Lorsqu’un généreux donateur le permet, ce sont
des paroissiennes qui avec talent et dévotion s’occupent de réaliser un
nouveau vêtement.
A la fin de la seconde Guerre Mondiale, les USA envoie cinq cents
militaires à Portobelo pour participer à la procession et rendre grâce
au Christ d’avoir fait cesser la guerre. Quelques uns furent même
autorisés à se mêler aux porteurs. Dans la foule, partageant la ferveur
générale, il est possible que des soldats de couleur aient vus un Christ
Noir et que depuis ce jour le nom de Cristo Negro soit resté. Il faut noter que les fidèles du pays préfèrent l’appeler Cristo Nazareno ou plus affectueusement Naza.
Source :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire