Zdunska-Wola (Pologne)
Saint Maximilien Kolbe
Raymond Kolbe est né le 8 janvier 1894, dans la ville de Zdunska-Wola, en Pologne.
Il a été baptisé le jour même de sa naissance en l’église paroissiale dédiée à Notre-Dame de l’Assomption.
Il était le deuxième fils de Julius Kolbe et de Maria Dabrowska, qui en auront cinq, dont trois seulement survécurent.
Les époux Kolbe étaient de pauvres ouvriers tisserands.
Maria avait désiré se faire religieuse, mais elle dut y renoncer car aucun monastère n’acceptait de la recevoir sans dot.
Après
avoir beaucoup prié, elle avait épousé, à 21 ans, Julius Kolbe,
catholique fervent et appartenant au tiers ordre franciscain, dont il
était aussi dirigeant.
Les
Kolbe avaient peu d’argent et n’en désiraient pas, car ils
considéraient la richesse comme un obstacle à la perfection, et même au
salut. Très pieux, ils avaient une grande dévotion à la Vierge Marie,
Reine de Pologne, et ils se rendirent plusieurs fois en pèlerinage à
Czestochowa avec leurs enfants.
L'apparition de la Vierge
C’est
vers l’âge de 10 ans qu’il faut situer l’épisode le plus important et
le plus extraordinaire de l’enfance de Raymond : une apparition de la
Vierge qu’il n’oubliera jamais et qui sera continuellement pour lui un
stimulant dans son futur amour chevaleresque pour l’Immaculée et dans
les fatigues de l’apostolat.
Sa mère l’a racontée :
“ Une fois, quelque chose en lui m’avait déplu, et je lui dis :
– Mon petit Raymond, qu’est-ce que tu deviendras plus tard ?
“ Après
je n’y pensai plus, mais j’observai que l’enfant changeait de telle
manière qu’on ne le reconnaissait plus. Nous avions un petit autel caché
près duquel il se rendait souvent sans se faire voir, et il y priait en
pleurant. En général, il avait un comportement au-dessus de son âge,
étant toujours recueilli, sérieux ; quand il priait, il était en larmes.
Je me demandai avec inquiétude si par hasard il n’était pas malade et
lui dis alors :
– Qu’est-ce qui t’arrive ?
“ Et je commençai à insister :
– Tu dois tout raconter à ta petite maman !
“ Tremblant d’émotion et les larmes aux yeux, il me dit :
– Maman,
quand tu m’as grondé, j’ai beaucoup prié la Vierge de me dire ce que je
deviendrais. Me trouvant ensuite à l’église, je la priai de nouveau ;
alors elle m’est apparue tenant dans ses mains deux couronnes : une
blanche et une rouge. Elle me regarda avec tendresse et me demanda si je
voulais ces deux couronnes. La blanche signifiait la persévérance dans
la pureté, et la rouge le martyre. Je répondis que je les acceptais.
Alors elle me regarda avec douceur et disparut.
“ Le
changement extraordinaire survenu chez l’enfant attestait pour moi la
vérité de la chose. Il en était pénétré en permanence et, en toute
occasion, le visage rayonnant, il faisait allusion à cette mort de
martyr qu’il désirait. C’est ainsi que j’y fus préparée comme la Vierge
Marie après la prophétie de Siméon... ”
En
octobre 1907, à l’âge de 13 ans, il entre au petit séminaire des Frères
mineurs conventuels, à Lwów, avec son frère ainé. Pendant les trois ans
où il y fait ses études, il manifeste intelligence, application, esprit
scientifique, mais aussi sensibilité, bonté, courtoisie, gaieté et
piété.
Il revêtit l’habit franciscain et reçut le nom de frère Maximilien, le 4 septembre 1910. Il a seize ans et huit mois.
Le 5 septembre 1911, il faisait sa profession simple. Un an plus tard, il était désigné pour se rendre au Collège séraphique international de Rome, en vue d’obtenir des diplômes en philosophie et en théologie. Il y restera sept ans.
C’est
pendant cette période romaine, le 1er novembre 1914, qu’il fait
profession solennelle et ajoute à son nom religieux celui de “ Marie ”,
expression significative de la note dominante de sa spiritualité, qui
s’affirme de plus en plus.
À Rome, il sera le disciple du Père Stéphane Ignudi, qui avait été lui-même le confident et le confesseur de saint Pie X.
Le
frère Maximilien recevra de lui son amour pour la Vierge Immaculée, son
esprit romain et sa vénération pour le Pape, sa volonté de lutter
contre le mal, particulièrement la franc-maçonnerie, et pour la défense
inflexible des droits spirituels et temporels de l’Église.
Le P. Ignudi notera en 1919 dans le registre journalier du Collège cette appréciation sur son disciple : sanctus juvenis (“ un jeune saint ”).
Le
20 janvier 1917, alors que le Père Ignudi lit et commente la
prodigieuse apparition de la Vierge Immaculée à Alphonse Ratisbonne et
la conversion fulgurante du jeune juif, frère Maximilien-Marie conçoit
l’institution de la Milice de l’Immaculée.
Dès
le lendemain, il confie son audacieux projet à 6 confrères parmi les
clercs les plus exemplaires du Collège. Il leur propose de fonder une
Association mariale, avec l’approbation de l’autorité ecclésiastique :
le but principal serait d’endiguer ce flot d’impiété, d’arrêter ces
mouvements hostiles à l’Église qui augmentaient sans cesse.
C’est
ainsi que le soir du 16 octobre 1917, ces 6 premiers candidats à la
nouvelle “ chevalerie ”, guidés par frère Maximilien-Marie, faisaient
leur consécration à Marie devant l’autel de l’Immaculée, dans la
chapelle du Collège séraphique. C’était trois jours après la sixième
apparition de Notre-Dame le 13 octobre 1917 à Fatima.
Les
Supérieurs demanderont au Père Kolbe de ne pas parler de sa pieuse
association, et ce, jusqu’à ce que le Pape Benoît XV lui accorde en
avril 1919 bénédictions et encouragements. Trois années s’écouleront
encore avant que la Milice de l’Immaculée reçoive l’approbation ecclésiastique définitive, le 2 janvier 1922.
Maximilien avait reçu le sacerdoce le 28 avril 1918, et célébré sa première messe en l’église Sant’Andrea delle Fratte,
à l’autel du miracle qui rappelle l’apparition de la Vierge Immaculée
au juif Alphonse Ratisbonne. C’est sous sa direction qu’il obtiendra, le
22 juillet 1919, son doctorat en théologie.
CRACOVIE (1919-1922)
Ayant
obtenu ses diplômes, le Père Kolbe rentre en Pologne à Cracovie. À
cause de sa mauvaise santé, un ministère de confessions et de petites
prédications lui est alors confié, qui lui permettra d’enrôler de
nouveaux membres dans la M.I.
Déjà,
il songe à créer un petit journal. Il aura le temps de méditer ce
projet jour et nuit durant son premier séjour au sanatorium.
En
effet, durant l’automne 1919 il est frappé de phtisie, et en janvier
1920 il est hospitalisé à Zakopane. Il y séjournera de façon
intermittente jusqu’en avril 1921, y exerçant un apostolat de souffrance
et d’évangélisation parmi les malades non catholiques. Là, il rédigera
un premier livre destiné à faire connaître la M.I. Il a à peine
vingt-six ans.
De retour à Cracovie, il lance, en janvier 1922, la publication de sa revue mariale : “ Le Chevalier de l’Immaculée ”.
Comme
les forces du mal se servent de la technique moderne, de la presse et
de la radio pour diffuser l’erreur, le P. Kolbe veut aussi utiliser ces
inventions pour la plus grande gloire de Dieu. Mais il manque d’argent.
Ses confrères craignent un échec financier et critiquent la manière dont
le bulletin est rédigé. Certains le surnomment : “ Max le naïf ”.
Mais la “ caisse sans fond de la Divine Providence ” pourvoyait à tout, et le Chevalier put se maintenir et se développer.
GRODNO (1922-1927)
Lorsqu’il
entra en possession de la première machine à imprimer, le P.
Maximilien-Marie venait d’être envoyé par son Supérieur au couvent de
Grodno. Il y demeurera cinq ans, tout occupés de ministère paroissial,
de la direction de la M.I. et de la publication du Chevalier, qui tirera bientôt à 12 000 exemplaires.
De
nombreux jeunes gens se pressèrent bientôt aux portes du couvent pour
rejoindre le Père Kolbe dans sa mission évangélique. Certains Pères
prirent ombrage de son influence sur les jeunes, de la force et de
l’originalité de son caractère, de sa fidélité à la Règle et de son goût
de la perfection. D’autre part, la présence de l’imprimerie à
l’intérieur du monastère, même dans un dessein apostolique, suscita un
certain nombre de conflits.
En 1926, le P. Kolbe est de nouveau hospitalisé pendant 6 mois, laissant la charge de la M.I. et du Chevalier à son frère Alphonse.
Ses
Supérieurs lui ayant ordonné de “ ne plus s’occuper de rien ”, il obéit
scrupuleusement, se contentant de prier l’Immaculée pour qu’Elle aide
son frère.
Celui-ci s’acquittera à merveille de sa charge, en disciple convaincu du P. Kolbe plus encore qu’en frère.
Quand le P. Maximilien-Marie revient de Zakopane en 1927, la M.I. et le Chevalier auront atteint un tel développement qu’ils ne pourront plus rester à Grodno. Le Chevalier tirait alors à 60 000 exemplaires.
NIEPOKALANÓW (1927-1930)
En juin 1927, le Chapitre provincial de Cracovie accorde au Père Kolbe la permission de fonder Niepokalanów (“ Cité de l’Immaculée ”), à une quarantaine de kilomètres de Varsovie. Le terrain lui a été offert gratuitement par son propriétaire.
Le soir du départ, le Père Maximilien-Marie avait dit aux deux Pères et aux dix-huit frères qui l’accompagnaient :
« (…) Dans
le nouveau couvent, notre sacrifice devra être total. La vie religieuse
devra y fleurir dans la plus parfaite observance, particulièrement dans
la pratique de l’obéissance. Il y aura beaucoup de pauvreté selon
l’esprit de saint François. Il y aura beaucoup de travail, beaucoup de
souffrances et de privations. La Règle et les Constitutions devront être
rigoureusement observées parce que Niepokalanów devra être un modèle de
vie régulière pour tous. (…) »
Dès
le mois d’août, il avait fait commencer la construction d’une chapelle
en bois et de pauvres baraques sur le terrain nu où trônait seulement la
statue de l’Immaculée.
Quand
la communauté y arriva le 21 novembre. L’ensemble était d’une grande
pauvreté : pas de tables, mais des planches ; pas de lit, mais de la
paille. Qu’importe le froid et les privations, tout était pour
l’Immaculée, dans la joie, la fraternité, le travail et la prière. Le 7
décembre, le couvent est béni solennellement par le Père provincial, et
érigé canoniquement.
La Cité de l’Immaculée
était fondée et elle allait connaître un essor extraordinaire grâce à
la parfaite organisation et au génie de son fondateur. Peu à peu on
verra apparaître des services de rédaction, d’impression et d’expédition
d’une haute technicité. Des ateliers de maçonnerie, menuiserie, couture
et cordonnerie, buanderie. Un corps de pompiers fut constitué, car tous
les bâtiments étaient en bois. Au centre de tout : la chapelle, avec le
Saint-Sacrement souvent exposé, autour de laquelle se trouvaient les
logements des frères, d’une grande pauvreté, et un immense réfectoire.
Devant
de tels développements et l’afflux des vocations, les Supérieurs
craignirent un échec, car le P. Kolbe n’avait aucune ressource
financière. Mais lui n’avait ni doute ni crainte. « On avait
l’impression que des assurances secrètes le soutenaient » témoignera son
proche collaborateur.
NAGASAKI (1930-1936)
En janvier 1930, le Père Kolbe demanda la permission de partir en mission au Japon, pour y fonder une Cité de l’Immaculée !
Ainsi,
au début du mois de mars 1930, frère Maximilien-Marie s’embarque pour
l’Orient avec quatre frères. Il laissait Niepokalanów aux mains de son
frère, Alphonse, en qui il avait toute confiance.
Le P. Kolbe et les quatre premiers frères partant au Japon.
Arrivés au Japon, l’évêque de Nagasaki accepta de les garder, sans enthousiasme.
Un
mois, jour pour jour, après avoir débarqué sans un sou, sans connaître
personne, sans lire ni parler un seul mot de la langue, les religieux
distribuaient dans la rue deux mille exemplaires du Chevalier japonais, le “ Seibo no Kishi ”. Malgré leur extrême dénuement, ils parviennent à se procurer les machines nécessaires à l’impression.
De
juin à août, le P. Maximilien-Marie rentre en Pologne afin de
participer au Chapitre provincial et d’obtenir la permission de fonder
une nouvelle Cité de l’Immaculée.
Le Chevalier japonais
Mais
il est obligé de repartir brusquement pour le Japon. Ses frères sont
aux prises avec d’inextricables difficultés pour l’impression et la
diffusion du Seibo no Kishi. Ses deux collaborateurs prêtres se
sont découragés. Croyant que le P. Kolbe allait à un échec certain, ils
ont décidé de retourner en Pologne.
Quant
à l’évêque, Mgr Hayasaka, ne voyant pas arriver les documents
officiels, nécessaires à la fondation canonique, se prit à douter de
cette entreprise. Il alla jusqu’à retirer l’autorisation, déjà accordée,
de célébrer la messe dans la petite chapelle privée de leur Maison.
Heureusement lorsqu’il reçut l’autorisation canonique du Saint-Siège en
octobre, Monseigneur rendait aux religieux toute sa confiance.
On
commençait, semblait-t-il, à pouvoir travailler avec un peu de
sérénité, quand brusquement, le 7 décembre 1930, arriva la nouvelle : le
Père Alphonse était mort. Qu’allait devenir Niepokalanów ? Le Père
Kolbe devait-il être rappelé en Pologne ? Fallait-il fermer la mission
japonaise ? Le Père Maximilien-Marie écrivit à ses frères :
« J’adhère
à la volonté de Dieu, et je veux la réaliser particulièrement dans les
moments les plus difficiles et les plus critiques. La croix est une
école d’amour. Les croix purifient les intentions, parce que la
souffrance nous permet d’agir uniquement par amour. »
Les Supérieurs ne rappelèrent pas le Père Kolbe et ce fut le Père Koziura qui fut désigné à la tête de Niepokalanów.
La cité marial à Nagasaki.
Pour fonder la nouvelle Cité de l’Immaculée, le Père Maximilien-Marie ne put acquérir qu’un terrain dans les faubourgs de Nagasaki, à cause de la précarité de ses moyens.
Ce
lieu était éloigné, difficile d’accès, mais de là la vue pouvait
embrasser la ville entière, et l’Immaculée rayonnerait sur tous. On ne
manqua pas de critiquer ce choix, mais le Père refusa de changer sa
décision.
Plus tard, on y verra une inspiration divine, puisque, grâce à la pente du terrain, Mugenzai no Sono fut totalement épargnée lorsque éclata la bombe atomique le 9 août 1945 !
En 1933, le Chevalier japonais tirait à plus de 50 000 exemplaires. En trois ans, il avait pris la première place parmi les périodiques catholiques.
Cet
apostolat n’était fructueux que parce qu’il était inspiré et soutenu
par l’attrait qu’exercent sur les âmes, même païennes, la Vierge
Immaculée, la pauvreté franciscaine de ses chevaliers et leur esprit
vraiment apostolique.
Les deux premières
vocations japonaises.
vocations japonaises.
En
moins de deux ans, les baptêmes se succèdent, et parmi les baptisés de
nombreux jeunes sont attirés par l’Immaculée et désirent recevoir la
bure. En août 1931, le Père ouvre un noviciat et l’année suivante il
crée un petit séminaire avec l’accord de ses Supérieurs.
Mais
tout cela ne se faisait pas sans difficultés. Le P. Kolbe les acceptait
pour l’amour de Marie, les appelant des “ douceurs ” et des
“ bonbons ”.
Sa mauvaise santé était cause des “ douceurs ” les plus ordinaires. Le médecin qui le traitait a témoigné :
« Comme
médecin, je fus convaincu qu’il avait un besoin absolu de repos. Comme
je le lui prescrivais, il me dit que les médecins européens avaient déjà
déclaré sa maladie incurable, et que, voulant faire quelque chose sur
cette terre, il ne le pourrait qu’avec de grands sacrifices. Son
activité m’apparaissait impossible à mener à bien avec les seules forces
humaines, sans une intervention spéciale de Dieu. Il avait souvent
quarante degrés de fièvre, et malgré tout son activité était vraiment
extraordinaire. »
Mais lui, il exhortait ainsi ses frères :
« Notre
tâche ici est très simple : trimer toute la journée, se tuer au
travail, passer pour fou à lier auprès des nôtres, et, anéanti, mourir
pour l’Immaculée. Étant donné que nous ne vivons pas deux fois sur cette
terre, mais une seulement, il est nécessaire par conséquent
d’approfondir au maximum chacune des expressions indiquées pour
manifester le plus possible notre amour pour l’Immaculée. N’est-ce donc
pas un bel idéal de vie que celui-là ?
Notre
espérance est toute entière dans l’Immaculée ; courage donc, frère,
viens mourir de faim, de fatigue, d’humiliations et de souffrances pour
l’Immaculée. »
LA CRUCIFIANTE DISSENSION
Entre
1930 et 1933, (…) les peines les plus amères lui vinrent de certains
confrères, venus comme missionnaires au Japon, et qui n’acceptaient pas
l’ “ esprit de Niepokalanów ”, c’est-à-dire le don sans limites à
l’Immaculée, fondement de l’activité missionnaire. Ils refusaient
également de reconnaître la médiation universelle de Marie, qui était le
point central de la spiritualité du P. Kolbe, principe moteur de son
activité, qui conférait à la Milice de l’Immaculée son caractère théologique.
Le
Père Maximilien dira n’avoir jamais eu une croix aussi lourde à porter.
Il souffrit profondément de voir qu’on condamnait une œuvre approuvée
et bénie par l’autorité ecclésiastique, et que l’on menaçait de
supprimer ou de vider de leur idéal les Cités de l’Immaculée.
LE PÈRE KOLBE EST DÉPOSÉ (JUILLET 1933)
Le
8 avril 1933, le Père Maximilien-Marie quitta Nagasaki afin de
participer en juillet au chapitre qui devait élire un nouveau Père
provincial.
Au
Chapitre provincial de Cracovie, il est démis de sa charge de Supérieur
et reçoit l’obédience de repartir pour le Japon, avec la simple charge
de professeur de philosophie et de théologie au collège, et de rédacteur
du Chevalier japonais.
Dans les trois années qui vont suivre, le Père Maximilien-Marie se montrera pour son supérieur, qui le remplace à la tête de la Mugenzai no Sono,
un collaborateur sincèrement et fidèlement soumis. Celui-ci lui confia
la direction spirituelle des frères, car il mesurait à quel point le
Père Kolbe était l’âme de ce monastère.
III. VICTIME POUR SON PEUPLE
Au Chapitre général de 1936, le Père Maximilien-Marie est rappelé en Pologne pour reprendre la tête de la Cité de l’Immaculée, où il arrive en juillet.
Au
cours de ce Chapitre, les Pères firent bon accueil à une motion qu’il
avait déposée l’année précédente pour demander la consécration de
l’Ordre tout entier à l’Immaculée. Ils fixèrent cette consécration au 8
décembre et décidèrent de la renouveler chaque année à la même date.
Ainsi,
à partir de ce 8 décembre 1936, fête de l’Immaculée Conception,
l’esprit de la M.I. pouvait officiellement pénétrer et vivifier l’Ordre
franciscain tout entier.
La communauté de Niepokalanów vers 1938, comptait près de huit cents membres.
BRUITS DE GUERRE
À
cette époque, se souvient frère Luc, le Père Kolbe disait sa messe dans
un tel “ état de grâce ” qu’il semblait “ rayonner d’une lumière
surnaturelle. ” Cette intensité de vie intérieure ne l’empêchait pas de
faire preuve d’un sens très aigu des réalités terrestres. Ainsi, dès
1936, il entrevoit, en analysant la situation politique de nos pays
d’Europe, le terrible désastre de la deuxième guerre mondiale :
« Il
va se produire quelque chose dans le monde entier, mais à nous qui
sommes consacrés à l’Immaculée, que peut-il arriver, où que nous
soyons ? Tout au plus pourra-t-on nous ôter la vie. En ce cas, alors, on
nous rendra le plus grand service, parce que nous pourrons ainsi
travailler avec une grande efficacité à la conquête du monde entier à
l’Immaculée. »
Ne
voulant rien négliger pour préparer ses “ enfants ” aux conflits
douloureux qui les attendaient, Maximilien-Marie prit l’habitude de leur
faire des sortes de causeries spirituelles deux fois par semaine et le
dimanche. Il leur montrait comment utiliser la souffrance pour leur
propre sanctification et celle d’autrui, comment demeurer dans la joie
au milieu des épreuves et des appréhensions et comment rester libre
aussi, en ne redoutant jamais rien ni personne. Il leur rappelait enfin
l’importance de l’amour et de la prière pour les persécuteurs, pour ceux
qui torturent et qui tuent.
LA “ DERNIÈRE CÈNE ”
Un jour, dans un entretien avec les frères profès, il leur révèle que le Ciel lui a été promis par la Sainte Vierge :
« C’était
le dimanche 10 janvier 1937. Après le repas du soir, la communauté
devait assister à une représentation scénique du mystère de Noël. Tout
le monde attendait avec impatience cet événement de la soirée. Le Père
Maximilien annonça la représentation au cours du repas, en laissant
cependant aux profès solennels la liberté de rester au réfectoire pour
s’entretenir avec lui. Après le repas, la majorité se rendit au petit
théâtre. Mais un certain nombre resta pour parler avec le P. Kolbe qui
leur dit en substance :
– Mes
chers fils, maintenant je suis avec vous. Vous m’aimez et moi aussi je
vous aime. Je mourrai et vous, vous resterez. Avant de quitter ce monde,
je veux vous laisser un souvenir. Comme je veux moi aussi accomplir la
volonté de l’Immaculée, j’ai demandé que ne restent que les profès de
vœux solennels qui le désirent. Votre présence est le signe que
l’Immaculée vous voulait ici. Vous m’appelez Père Gardien, et je le
suis. Vous m’appelez Père Directeur, et vous dites bien, puisque je le
suis, au couvent et à l’imprimerie. Mais qui suis-je encore ?
Je suis votre père.
Un père plus vrai encore que votre père charnel qui vous a donné la vie
physique. C’est par moi, en fait, que vous avez reçu la vie spirituelle
qui est vie divine, ainsi que cette vocation religieuse qui dépasse la
vie temporelle elle-même.
« Il
nous enveloppait tous de son regard ; il semblait maintenant préoccupé
de quelque chose de grand qu’il aurait voulu révéler, qui lui tenait à
cœur, mais qu’un sentiment d’humilité l’empêchait de dire. À la fin,
comme s’il avait vaincu une réserve pleine de pudeur, il baissa les
yeux, inclina la tête, et laissa voir sa vive émotion. L’atmosphère, à
cet instant, semblait remplie du mystère qu’il allait nous révéler. Et
il reprit :
– Mes
chers enfants, vous savez que je ne peux pas être toujours avec vous.
C’est pourquoi je désire vous dire quelque chose en souvenir de moi.
– Oui, oui, dites, Père ! s’écrièrent-ils tous ensemble, en retenant leur souffle.
– Oh,
si vous saviez, mes chers enfants, comme je suis heureux ! Mon cœur
déborde de bonheur et de paix, autant de joie et de paix qu’on peut en
goûter ici-bas. Malgré les contrariétés de la vie, une paix ineffable
demeure toujours au fond de mon cœur. Mes chers enfants, aimez
l’Immaculée, aimez-la et elle vous rendra heureux ! Ayez confiance en
Elle, une confiance sans limites. Il n’est pas donné à tout le monde de
comprendre l’Immaculée. Cela ne s’obtient que par la prière.
La
Mère de Dieu est la Mère très sainte. Nous comprenons ce que veut dire
mère... Mais Elle est la Mère de Dieu, et seul l’Esprit-Saint peut
donner la grâce de connaître son Épouse à qui il veut et quand il veut.
Je voulais vous dire encore quelque chose, mais peut-être cela suffit-il ?
« Là,
il nous regarda tous, avec une sorte de timidité, mais nous insistâmes,
et nous lui demandâmes de ne rien nous cacher et de tout nous révéler.
– Bien,
alors, je le dirai ! Ajouta-t-il aussitôt. Je vous ai dit que j’étais
très heureux et débordant de joie, et cela, parce que le Ciel m’a été
promis en toute certitude... Mes chers fils, aimez la Vierge Marie,
aimez-la autant que vous savez et pouvez le faire !
« Il le dit avec tant d’émotion que ses yeux s’étaient remplis de larmes. Un autre instant de silence, puis :
– Cela vous suffit, peut-être, d’avoir appris cela ?
– C’est peu encore ! Père, dites-nous encore d’autres choses ! Nous n’aurons peut-être jamais plus une dernière cène comme cela.
—
Puisque vous insistez tant, j’ajoute encore ceci : c’est arrivé au
Japon ! Je ne dirai plus rien, mes chers enfants, ne m’interrogez pas
davantage sur ce sujet !
« Certains
des assistants réclamaient encore qu’il entre un peu plus dans les
détails, mais tout fut inutile, il ne voulut rien ajouter sur son
secret. Quand nos questions insistantes cessèrent, il continua à parler,
paternellement.
– Je
vous ai révélé mon secret, et je l’ai fait pour vous donner la force et
l’énergie spirituelle dans les difficultés de la vie. Les difficultés
et les épreuves, les tentations et la tristesse viendront. C’est alors
que ces souvenirs vous rendront la force de persévérer dans la vie
religieuse et vous pousseront à accepter les sacrifices que l’Immaculée
vous demandera.
Mes
chers fils, n’aspirez pas à des choses extraordinaires, faites
simplement la volonté de l’Immaculée. Que sa volonté s’accomplisse et
non la nôtre ! (…) Je vous en prie, ne racontez tout cela à personne
tant que je serai en vie... Promettez-le !
– Nous le promettons ! répondirent tous ceux qui étaient là.
« Après
un silence, nous nous mîmes à poser des questions sur différents
sujets, surtout sur l’avenir. Comment agir dans telle ou telle
circonstance, comment se comporter dans telle éventualité. Le P.
Maximilien répondit à tout, clairement, avec une assurance remplie de
l’Esprit de Dieu.
« La
réunion extraordinaire était finie. Nous quittâmes le réfectoire avec
dans le cœur et sur les lèvres ces paroles qui ne pouvaient rester
secrètes : “ Aimez l’Immaculée, mes chers fils, aimez l’Immaculée ! ”
Et ce qui dominait, dans nos pensées, c’étaient ces perspectives que le
Père avait fait passer devant nos yeux, comme éclairées d’une lumière
prophétique. Des temps difficiles vont venir, des temps d’épreuve, de
tentations, de découragement. Mais le souvenir des grâces reçues sera
pour vous un soutien ferme et une force victorieuse dans les difficultés
de la vie. »
L’IMMACULÉE TRIOMPHERA...
Le Père Maximilien-Marie disait encore pendant cette année 1937 :
« Qu’en
sera-t-il dans vingt ou trente ans ? Les frères travaillent déjà en
Extrême-Orient. Si cela continue ainsi, ils travailleront dans le monde
entier. Le démon prévoit tout cela, et c’est pourquoi il se débat. Hier,
j’ai appris que les socialistes, avec les communistes sont en train de
préparer de nouvelles attaques pour en finir avec Niepokalanów. Mais
nous savons par la Sainte Écriture que l’Immaculée écrasera la tête du
serpent qui tend ses pièges : Ipsa conteret caput tuum (Gn 3, 15). Cela, ce sera toujours vrai. Nous
devons donc nous mettre à l’œuvre pour nous rapprocher toujours plus de
l’Immaculée, parce qu’on ne pourra jamais trop l’aimer. »
« L’amour
de l’Immaculée ne consiste pas seulement dans un acte de consécration
récité même avec une grande ferveur, mais dans le fait de beaucoup
souffrir de privations et de travailler pour elle sans arrêt. »
Lors
d’une conférence, à Rome, après avoir résumé l’apostolat de la M.I. au
cours de ses vingt années d’existence, son fondateur dit d’un ton
prophétique :
« Nous
ne croyons pas qu’il soit lointain, ni qu’il soit simplement un rêve,
ce jour grandiose où la statue de l’Immaculée trônera, grâce à ses
missionnaires, au cœur même de Moscou. »
... MAIS APRÈS “ L’ÉPREUVE DU SANG ”
Pour
que cela se réalisât, il y avait une condition préalable, énoncée par
le P. Maximilien lui-même. (...) Il affirma en effet, « qu’au centre de Moscou se dresserait la statue de l’Immaculée, mais qu’auparavant l’épreuve du sang serait nécessaire. »
« Le
28 août, il nous parla des trois étapes de la vie : la première, qui
consiste à se préparer à l’activité ; la seconde, qui est le temps de
l’activité ; la troisième enfin, qui est celle de la souffrance. (…) »
« Le 1er septembre
1939, la guerre éclata entre l’Allemagne et la Pologne, et en moins de
trois semaines l’armée allemande atteignait Varsovie. Niepokalanów se
trouva encerclée par les troupes de l’envahisseur et livrée à leur
caprice.
« Ce
qu’avait prévu le Père Maximilien-Marie devenait la triste réalité.
L’heure de l’épreuve avait sonné pour Niepokalanów. Les combats se
déroulèrent avec une telle rapidité que, quatre jours seulement après
l’ouverture des hostilités, le 5 septembre, la préfecture de Varsovie
ordonna l’évacuation de Niepokalanów.
« En
ce triste après-midi du 5 septembre 1939, après avoir béni ses frères
qui partaient, et les avoir salués fraternellement, il ajouta : “ Adieu,
chers fils. Pour moi, je ne survivrai pas à cette guerre. ”
« À
la mi-septembre, après un bombardement qui avait fait s’écrouler
différents édifices, des groupes de soldats de la Wehrmacht firent
irruption à Niepokalanów et saccagèrent tout ce qui leur tomba sous la
main. Niepokalanów, la “ Lourdes ” spirituelle de la Pologne, qui avait
coûté douze ans de sacrifices, n’était plus ce lieu de travail paisible
et fructueux pour les âmes ; l’occupation militaire lui faisait tout
perdre. Comme le saint homme Job, le Père Maximilien-Marie répétait : “ L’Immaculée
nous a tout donné, Elle nous l’enlève. Elle sait bien ce qu’il en est !
Le dégoût et l’inquiétude qui suivent l’échec viennent de l’amour
propre. ” »
PREMIÈRE DÉPORTATION
(septembre - décembre 1939)
Le
matin du 19 septembre, la police allemande se présente à Niepokalanów.
Rassemblement sur l’esplanade. Tous les religieux doivent partir en
déportation, sauf deux qui devront prendre soin des blessés, réfugiés en
grand nombre au monastère. Embarqués dans des camions, ils arrivent au
camp de Amtitz. Dans cet univers de haine, de souffrance et
d’humiliation, le P. Kolbe atteint les plus hauts sommets de l’amour et
de l’oubli de soi. Ses compagnons en ont témoigné.
Il
réconfortait et encourageait ses frères en les confessant, en les
réunissant pour des entretiens spirituels où il ne cessait de parler de
l’Immaculée, et en organisant des retraites.
Il leur disait : « Nous
ne savons pas ce que nous deviendrons. Essayons d’être prêts à tout ce
que l’Immaculée voudra de nous. Donnons-nous complètement à Elle, pour
qu’Elle nous guide toujours selon sa volonté. »
Ils
restèrent à Amtitz jusqu’au 9 novembre où on les fit partir pour
Ostrzesrów, en territoire polonais. (…) Et la vie reprit dans le froid,
les privations, la souffrance. Le Père Kolbe ne manquait jamais une
occasion de partager sa maigre ration avec les frères qui souffraient le
plus de la faim. La sainteté du Père réussit à conquérir le respect et
l’amitié d’un officier ennemi. Est-ce lui qui intervint auprès du
commandant du camp ? Toujours est-il que le 8 décembre 1939, le P. Kolbe
et ses frères sont libérés.
LA CITÉ DE L’IMMACULÉE DÉVASTÉE
Quand
ils arrivèrent à Niepokalanów, ce fut pour trouver un couvent saccagé.
(…) Sans se décourager, le P. Kolbe entreprit de tout remettre en état,
avec ses quarante-quatre frères présents. La statue de Notre-Dame,
restaurée, retrouva vite sa place à la grille d’entrée. Le
Saint-Sacrement rayonna à nouveau dans la petite chapelle de bois. Toute
la journée, à tour de rôle, les religieux s’y relayèrent par groupes de
six, adorant Jésus-Hostie.
Petit
à petit, les frères qui avaient fui revinrent. Ils se retrouvèrent au
nombre de 349, tandis que les autres, recherchés par la Gestapo,
devaient encore se cacher. Les autorités allemandes refusaient que le
couvent abrite plus de 70 frères. Le Père Kolbe eut donc l’idée d’ouvrir
des ateliers dont la production servirait aux populations voisines. (…)
De nombreux frères étant nécessaires à la marche de ces ateliers, il
obtint pour eux l’autorisation de résider à Niepokalanów.
Le
Père s’occupa aussi d’ouvrir un centre de Croix-Rouge pour soigner les
blessés. Malgré la grande pauvreté du couvent, il accueillait tous les
réfugiés. Ainsi, par camions entiers, les nazis débarquèrent 1 500 juifs
et 2 000 autres en une seule fois ! Pour nourrir tant de malheureux,
les frères étaient obligés d’aller mendier. En juillet 1940, une partie
des logements sera réquisitionnée en plus pour offrir un abri provisoire
à 1 500 Allemands vivant hors de leur patrie ! Le P. Kolbe manifesta
envers eux la même charité, pratiquant le commandement de Notre-Seigneur
qui demande d’aimer ses ennemis, de pardonner et de rendre le bien pour
le mal.
UN “ AUTRE CHRIST
Les témoignages nous font connaître comment il puisait dans la prière toutes les forces nécessaires :
« Le
P. Maximilien savait prier dans toutes les circonstances de sa vie ; et
c’est à cette source qu’il puisait les forces nécessaires. Plus d’une
fois Niepokalanów eut à traverser de grandes difficultés dans son
activité de Milice de l’Immaculée. Tout le monde, effrayé, se confiait
au P. Kolbe : Quel va être le sort de notre couvent ? Mais lui, en ces
moments‑là, préférait mettre le ciel en alarme. Avec une confiance sans
faille, il se jetait aux pieds de l’Immaculée de Lourdes, dans la
chapelle, saisissait à pleines mains la statue, et ainsi, quasi
immobile, il persistait à prier durant quelques quarts d’heure. Souvent
j’ai assisté à cette scène, et en moi‑même j’ai alors réfléchi : ces
prières par lesquelles le P. Kolbe “ attaque ” le Ciel, ne peuvent pas
rester sans être exaucées. »
Un autre frère témoigne : « Quand les choses allaient mal, il était encore heureux et nous disait : “ Pourquoi être triste ? L’Immaculée ne sait-Elle pas tout ? ”. »
Pour
comprendre les raisons de l’arrestation du P. Kolbe, il faut y
reconnaître l’aversion radicale du nazisme pour la religion catholique :
« En
Allemagne, de courageux évêques avaient proclamé l’incompatibilité de
l’idéologie nazie avec le christianisme. Les nazis avaient répondu par
de très dures persécutions contre la religion. Les premiers camps de
concentration furent créés pour les juifs et pour les chrétiens fidèles à
leur conscience ; y furent enfermés beaucoup de dirigeants
d’associations catholiques et de nombreux prêtres.
« C’est
donc dans la haine anticatholique que l’on doit rechercher avant tout
la cause déterminante de l’arrestation et de la mort du Père Kolbe. Il
était un représentant brillant et influent de la religion catholique ;
c’est pourquoi ils voulurent l’éliminer lorsqu’ils eurent compris qu’ils
ne pouvaient s’en faire un collaborateur. Toutes les autres motivations
–dénonciations, activités de conspirateur, publications de revues et du
quotidien – ne furent que des prétextes. »
FILS DE LA POLOGNE CATHOLIQUE
Au
cours de l’année 1940, « le Père Maximilien laissait entendre dans ce
qu’il disait qu’il ne resterait pas longtemps à Niepokalanów. Il
pressentait qu’un jour ou l’autre on allait l’arrêter.
« Et
pourtant, il aurait eu la possibilité d’éviter l’arrestation et toutes
ses souffrances, s’il l’avait voulu. (...) En optant pour la nationalité
allemande, grâce à son nom et à l’origine de sa famille. (…) “ Il
repoussa la proposition, en affirmant qu’il avait toujours été, qu’il
était et voulait rester fils de la Pologne. ” »
La
Gestapo s’intéressait de très près au couvent. Régulièrement le Père
voyait arriver ses agents pour fouiner ici ou là, interroger des
habitants ou des réfugiés.
LA TRAHISON D’UN ANCIEN FRÈRE
Dès le mois de janvier 1941, le Père ne cessa de répéter à ses fils qu’il ne vivrait pas jusqu’à la fin de la guerre.
La
Gestapo obtint un témoignage sur les “ activités subversives ” du Père
Kolbe, en interrogeant un ancien frère de Niepokalanów qu’il avait dû
renvoyer. En cachette de son supérieur, ce frère avait essayé de
fabriquer de la fausse monnaie allemande. Heureusement le Père découvrit
son trafic avant les Allemands, et chassa ce Judas.
Le
Père vit la déclaration de son ex-fils. « Il en fut rempli de
tristesse, puis il pria, non pour lui-même mais pour celui qui le
livrait. Pour ne pas inquiéter les religieux, il ne leur dit rien de ce
qui se tramait, mais on le sentait soucieux. »
L’ARRESTATION
Le Père Maximilien-Marie Kolbe a 47 ans.
« Au
matin du 17 février 1941, deux automobiles camouflées se présentèrent à
Niepokalanów. En descendirent un interprète et quatre soldats des SS
qui appartenaient à la Gestapo, laquelle, par ses méthodes brutales et
aveugles, inspirait de la crainte même aux soldats allemands. Ils
réclamèrent le P. Kolbe qui était en train de dicter à son secrétaire
ses réflexions pour un “ projet de livre ” sur l’Immaculée. Il se
présenta à la Gestapo avec gentillesse, mais sans complaisance et en
toute tranquillité. (…)
« Puis,
ils ordonnèrent le rassemblement de tous les frères – ils étaient
environ 350 – dans une cour et commencèrent une perquisition minutieuse
des bâtiments. Vers midi, sans aucune justification, le P. Maximilien et
cinq autres Pères furent arrêtés et on les fit monter à bord des
voitures des SS.
« Ils
furent conduits à Varsovie et enfermés à la prison Pawiak, où se
faisait le triage vers des camps de concentration. (…) Les gardiens, dès
la fin de 1940, étaient exclusivement des soldats et des officiers des
SS, aidés plus tard par des Ukrainiens. La haine et le mépris
anti-polonais des SS s’exprimaient par des brutalités de tous genres
envers les prisonniers ; leur férocité redoublait lorsqu’il s’agissait
de prêtres. S’ils découvraient, au cours de leurs minutieuses
perquisitions, des médailles, des crucifix ou autres signes religieux,
ils les arrachaient avec rage. Le Père Kolbe y entra vêtu de sa bure
franciscaine, ce qui l’exposa particulièrement aux mauvais traitements.
« Un
jour du mois de mars 1941, pénétra dans sa cellule, qu’il partageait
avec deux autres prisonniers, un chef de groupe des SS et, le voyant
vêtu de sa bure de frère, le crucifix pendant du chapelet attaché à sa
corde, il se jeta sur lui, saisit le crucifix et, en le secouant,
siffla :
– Tu crois à ça ? Toi ?
– J’y crois, répondit le Père avec conviction.
« Le garde SS le frappa alors avec violence. Il répéta la question avec plus de rage encore :
– Tu y crois ?
« Le Père Kolbe répondit encore :
– J’y crois !
« Les
coups redoublèrent jusqu’à ce que le gardien, rouge et écumant de
haine, sortît en claquant la porte, laissant le Père meurtri et
ensanglanté.
« Ses
deux compagnons de cellule, durant cette scène de haine sauvage,
étaient restés silencieux ; ensuite, cependant, ils exhortèrent le Père à
se défaire de sa bure franciscaine ; mais lui, avec une grande douceur,
comme si rien ne s’était passé, fit remarquer qu’il n’y avait pas lieu
de tellement se tourmenter : “ Cela, ce n’est rien du tout, c’est tout pour la Petite Mère. ” »
Le
Père Kolbe resta cent jours à la prison de Pawiak. Comme il l’avait été
à Amtitz et comme il le sera à Auschwitz, il se montra « le protecteur
spirituel et le père de tous ses pauvres compagnons de prison. Il était
très respecté des prisonniers, à cause de sa simplicité et de sa manière
de réagir aux conditions de vie souvent dures de la prison. Toute sa
personne respirait le calme, une douceur pénétrante, si bien que tous se
serraient autour de lui. »
LA MONTÉE DU CALVAIRE
Le
28 mai 1941, il est transféré au camp d’Auschwitz que les Allemands
avaient construit spécialement pour briser l’opposition des Polonais. Il
y resta 79 jours pendant lesquels il souffrit, avec la même patience et
sérénité que nous lui connaissons, la faim, le dénuement, le travail
exténuant, les injures et les mauvais traitements. Il était toujours là
pour aider, réconforter les autres.
Des
témoins racontent comment il fut spécialement victime de la cruauté de
ses gardiens : « Il y eut un jour particulièrement dur pour le Père. Le
chef sanguinaire le choisit comme victime, il le tourmenta avec une
satisfaction visible, s’acharnant sur lui comme le rapace sur sa proie
sans défense. »
Pour encourager un détenu, il lui avait dit :
«
Mon petit Henri, tout ce que nous souffrons est pour l’Immaculée.
Qu’ils voient tous que nous sommes des confesseurs de l’Immaculée. »
Épuisé,
le P. Kolbe fit un séjour de trois semaines à l’hôpital du camp, puis
il fut envoyé vers le 20 juillet au bloc 12, celui des invalides. On l’y
laissa à peine une semaine, et comme il était un peu mieux, on l’envoya
au bloc 14, occupé aux travaux agricoles... C’est là qu’il donnera sa
vie.
“ MA VIE, C’EST MOI QUI LA DONNE ” (Jn 10, 18)
Quelques
jours après son arrivée au bloc 14, un prisonnier s’évada. Le
lendemain, tous les détenus du bloc 14 durent rester au garde-à-vous
toute la journée, avec un seul repas, sous un soleil brûlant.
À l’appel du soir, dans un silence total, le commandant choisit dix condamnés qui iraient mourir dans le “ bunker de la faim ”.
L’un d’eux sanglote, le sergent François Gajowniczek : “ Adieu, adieu, ma pauvre femme, mes pauvres enfants ”.
Alors, le P. Kolbe s’avance : il est digne, droit, le visage très calme. Il s’arrête devant le commandant.
– “ Qu’est-ce que veut ce cochon de Polonais ? ”
Le Père, désignant François Gajowniczek, répondit :
– “ Je suis un prêtre catholique polonais ; je suis vieux, je veux prendre sa place parce qu’il a femme et enfants... ”
Le
commandant, stupéfait, ne put parler. (…) D’un geste, il autorisa le
Père Maximilien à prendre la place du condamné. Avec les neuf autres, il
fut conduit au bunker de la mort. La Providence permit qu’un prisonnier
polonais y fut employé par les geôliers. Grâce à lui, nous savons ce
que fut la mort de notre saint : une mort d’amour dans la louange de
Marie Immaculée.
« Je
faisais alors office de secrétaire et d’interprète dans ce souterrain.
En repensant à l’attitude sublime que cet homme héroïque a eue en face
de la mort, à l’étonnement des gardes de la Gestapo eux-mêmes, je me
souviens encore avec précision des derniers jours de sa vie. (…)
« Les
dix prisonniers du bloc 14, furent contraints de se déshabiller
entièrement, devant le bloc où se trouvaient déjà environ vingt autres
victimes d’un précédent “ procès ”. Les nouveaux arrivants furent
emmenés dans une cellule séparée. En refermant, les gardes ricanèrent :
“ vous vous dessécherez comme des tulipes ! ”
« Depuis
ce jour-là, ils n’eurent plus aucune nourriture. Chaque jour, les
gardes faisaient les visites de contrôle et ordonnaient d’emporter les
cadavres de ceux qui étaient morts dans la nuit.
François Gajowniczek, le père de famille sauvé par le P. Kolbe, en visite à la cellule de la mort.
« De
la cellule où se trouvaient les malheureux, on entendait chaque jour
des prières récitées à haute voix, le chapelet et des chants religieux,
auxquels les prisonniers des autres cellules se joignaient. Quand les
gardes étaient absents, je descendais dans le souterrain pour parler
avec eux et les réconforter. Les prières ferventes et les hymnes à la
Vierge se diffusaient dans tout le souterrain. J’avais l’impression
d’être à l’église. Le P. Maximilien commençait, et tous les autres
répondaient. Quelquefois ils étaient si plongés dans leurs prières
qu’ils ne s’apercevaient pas que les gardes arrivaient pour la visite
habituelle ; finalement, ce sont les cris de ceux-ci qui les faisaient
taire.
« Quand
on ouvrait les cellules, les pauvres malheureux sanglotaient et
imploraient un morceau de pain et un peu d’eau, ce qu’on leur refusait.
Si l’un des plus forts s’approchait de la porte, il recevait aussitôt
des coups de pied au ventre, et en retombant en arrière sur le ciment il
se tuait, ou bien on l’abattait. (…)
« Le
P. Maximilien Kolbe se comportait héroïquement, il ne demandait rien et
ne se plaignait de rien ; il encourageait les autres, persuadait les
prisonniers que le fugitif serait retrouvé et eux-mêmes libérés.
« Comme
ils étaient déjà très affaiblis, ils récitaient les prières à voix
basse. À chaque visite, tandis qu’ils étaient presque tous déjà étendus
sur le sol, on voyait le P. Maximilien debout, ou à genoux au milieu, et
son regard serein se posait sur les arrivants. Les gardes savaient
qu’il s’était proposé lui-même, ils savaient aussi que tous ceux qui
mouraient avec lui étaient innocents, c’est pourquoi ils avaient du
respect pour le P. Kolbe et se disaient entre eux : “ Ce prêtre est tout
à fait un homme d’honneur. Jusqu’à présent nous n’en avons pas eu un
comme lui ”. »
“ ET MOI, VER ET NON PLUS HOMME... ” (Ps 22, 7)
« À
la fin de la troisième semaine il en resta seulement quatre, parmi
lesquels le P. Kolbe. Les autorités trouvaient que cela se prolongeait
trop, on avait besoin de la cellule pour d’autres victimes.
« C’est
pourquoi un jour (le 14 août), on fit à chacun une piqûre intraveineuse
de poison au bras gauche. Le P. Kolbe priait, et de lui-même il tendit
son bras au bourreau. Ne pouvant supporter ce spectacle, je prétendis
que j’avais du travail au bureau, et je sortis.
« Le
garde et le bourreau partis, je revins à la cellule, et j’y trouvai le
P. Kolbe assis, appuyé au mur, les yeux ouverts, la tête inclinée sur le
côté gauche (c’était son attitude habituelle). Son visage était calme,
beau, et rayonnant. (...) »
Cérémonie de béatification du Père Kolbe à la Basilique Saint-Pierre, le 17 octobre 1971.
Ricciardi
conclut : « Le P. Maximilien mourut le 14 août 1941, veille de la
solennité de l’Assomption, cette entrée dans la gloire de celle qu’il
appelait “ Petite Mère ”. Celle qui avait été tout pour lui, le poème de
sa vie, la lumière de son intelligence et de son génie, le battement de
son cœur, la flamme de son enthousiasme, son inspiratrice et son guide,
la vie même de sa vie, l’attira au Ciel en ce jour de son entrée dans
la gloire du Ciel.
« Son
pauvre corps lui-même, martyrisé, consumé, nu, parut ce jour-là comme
transfiguré et lumineux. (...) “ Quand j’ouvris la porte de fer,
témoignera Borgowiec, il avait cessé de vivre ; mais il me paraissait
vivant. Le visage était radieux, d’une manière insolite, les yeux grands
ouverts et fixés sur un point. Tout le visage était comme en extase. Ce
spectacle, je ne l’oublierai jamais. ” »
Le
Père Maximilien avait plusieurs fois exprimé le désir de mourir un jour
de fête mariale. Comme si la Vierge Marie avait voulu exaucer son
fidèle chevalier, c’est le jour de l’Assomption, vendredi 15 août 1941,
qu’on fit les “ funérailles ” : son corps, après avoir été ôté de la
cellule mortuaire, fut placé dans une caisse de bois, porté au four
crématoire et brûlé, tandis que son âme chantait, au Paradis,
l’Immaculée triomphante.
Béatifié
par le Pape Paul VI le 17 octobre 1971, le Père Maximilien-Marie Kolbe
fut canonisé le 10 octobre 1982 par Jean-Paul II. Du haut du Ciel qu’il daigne se faire le protecteur de notre Phalange !
Source : http://www.crc-resurrection.org/Renaissance_catholique/Mystique/St-Maximilien-Kolbe.php
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