Marie-Amice Picard
Marie Amice Picard sortait du peuple.
Elle était de la paroisse de Guiclan, au diocèse de Léon, où sa mémoire est restée en odeur de sainteté.
Elle garda d’abord les troupeaux et prit ensuite le métier de tisserande.
À
l’âge de 7 ans, elle entendit un sermon où le prédicateur exposait les
mérites de la virginité et du martyre, et l’enfant se sentant embrasée
d’amour pour Notre-Seigneur Jésus-Christ demanda aussitôt trois grâces à
Dieu : la première de faire en tout sa volonté, le seconde de vivre et
de mourir vierge, la troisième de souffrir les tourments des martyrs.
Elle fut merveilleusement exaucée.
À
mesure qu’elle grandit, Amice Picard répondit toujours aux aspirations
divines, dans les plus cruelles épreuves imaginables ; elle repoussa
toutes les demandes en mariage que ses parents voulaient lui imposer ;
elle résista victorieusement toute une nuit aux tentatives criminelles
d’un scélérat qui, l’ayant rencontré sur la grand’route, au retour d’un
pèlerinage, essaya de la déshonorer, le couvrit de blessures et faillit
la tuer ; enfin, après une vision affreuse de l’enfer, abîme de feu
ouvert au centre de la terre, où les pécheurs tombaient comme grêle,
elle offrit héroïquement à Dieu, pour leur conversion, toutes les peines
de corps et d’esprit auxquelles il voudrait la soumettre.
À
l’âge de 34 ans, elle commença d’éprouver, aux jours de leurs fêtes,
tous les tourments successifs des martyrs ― 7 août 1635 ― et, pendant 18
ans qu’elle vécut miraculeusement, au milieu de ces supplices dont un
seul aurait dû terminer sa vie, elle ne prit d’autre nourriture que la
sainte Eucharistie. Elle rejetait les aliments qu’elle essaya parfois
d’avaler, par obéissance à son confesseur.
L’autorité
ecclésiastique la fit transporter à Saint-Pol-de-Léon, où elle fut
soumise aux examens, aux contradictions et à la persécution des hommes,
comme la chose devait arriver, privée même des sacrements, mais reconnue
enfin comme une extatique très loyale et très chrétienne, après
informations juridiques de l’évêque, Mgr Cupif.
Le
vénérable P. Munoir, le missionnaire breton, a écrit sa vie
extraordinaire qui n’a pas encore été publiée : c’est le témoignage d’un
saint. Celui du vénérable Michel Le Nobletz, l’Élie de cet Élisée,
l’avait précédé, de vive voix, en plus d’une circonstance remarquable.
Amice
Picard endurait donc sensiblement les souffrances inexprimables des
martyrs, au fur et à mesure de leurs anniversaires, de sorte qu’on a pu
l’appeler un martyrologe vivant.
Le supplice commençait la veille des fêtes, à l’heure des premières
vêpres. La patiente se sentait disloquée dans tous ses membres, comme
sur un chevalet, flagellée, écorchée vive, criblée des flèches aiguës,
brûlée sur un gril, plongée dans l’huile bouillante, décapitée même,
comme un saint Cyriaque, un saint Barthélemy, un saint Sébastien, un
saint Laurent, un saint Jean l’Évangéliste, un saint Jean-Baptiste.
On compta sur son corps jusqu’à 117 blessures, à l’occasion d’une fête de saint Sébastien ― 1641.
Dans
la nuit qui précéda la messe des saints Marcellin, Pierre et Erasme,
elle fut frappée de fouets plombés, roulée ensuite sur des verres
cassés, bouillie dans une chaudière pleine d’huile et de résine.
On trouva, le matin, tout son corps écorché et enduit de ces matières : ses vêtements en étaient imprégnés ― 1er juillet 1641.
Amice
participait même à la Passion du Fils de Dieu et, le vendredi saint
1639, au rapport du V. P. Maunoir, « tous ceux qui étaient dans sa
chambre, entendaient les coups, comme si l’on eût fiché des clous dans
du bois », et ils voyaient « le sang ruisseler sur son front et sur son
corps ». Une demi-heure avant midi, elle parut crucifiée, les brans et
les jambes allongés, immobiles et raides. Le sang sortait des plaies de
ses mains, en forme d’écume. La nuit du jeudi saint au vendredi saint ―
1649 ―, elle demeura tout le temps les bras en croix, avec des
extensions incroyables, le visage meurtri et enflé.
Ordinairement
le jour même de la fête, elle était délivrée de tous ces maux, et,
après la communion, elle tombait en extase et contemplait le bonheur des
saints. C’était la guérison miraculeuse et la récompense.
Elle avait aussi un céleste consolateur, saint Jean l’Évangéliste.
Il
la guérissait de ses blessures mortelles, il l’encourageait contre les
assauts des démons qui étaient ses bourreaux, il la soutenait dans ses
peines, il la reprenait de ses fautes légères, il lui rappelait la
pensée du sacrifice pour la conversion des pécheurs et la gloire de
Dieu.
La
veille de sa fête ― 5 mai 1641 ―, « elle fut jetée dans une chaudière
d’huile bouillante où elle sentit des souffrances intolérables, mais son
consolateur les supprima en un instant et, le lendemain, elle fut ravie
en extase, pendant deux heures. Saint Jean lui présenta deux couronnes,
l’une de rayons éclatants et l’autre d’épines douloureuses, la priant
de choisir, comme autrefois son ange présenta une couronne de roses et
une couronne d’épines à sainte Rose de Lima. Sainte Rose choisit la
couronne d’épines : mais Amice Picard répondit qu’elle voulait seulement
ce qu’il plairait à Dieu de lui donner, et Dieu lui fit entendre
qu’elle devait supporter d’abord la couronne d’épines pour avoir la
couronne de rayons ».
Amice Picard avait des visions admirables du paradis, du purgatoire et de l’enfer.
La
veille de la Toussaint ― 1638 ―, elle endura, pendant dix heures,
quelques-unes des peines du purgatoire et entrevit celles de l’enfer qui
la remplirent d’horreur et d’effroi. Le jour même de la fête elle resta
sept heures en extase et contempla la félicité des bienheureux.
Le
19 mai 1641, jour de la Pentecôte, elle vit le ciel ouvert et, dans
cette large ouverture, une foule de petits anges resplendissants qui
portaient des roses blanches, et ces roses répandaient un parfum
enivrant. Puis il tomba des nues quantité de lumières et de flammes,
comme la neige en hiver, sur les habitants de la terre : les uns les
recevaient sur la tête, les autres sur la poitrine, les autres sur les
bras ou les mains. Et parfois ces feux mystérieux se retiraient
brusquement, au moment d’atteindre les parties qu’ils visaient et ils
retournaient d’où ils étaient venus. La voyante reconnaissait des
personnes qui étaient mortes, dans le purgatoire et au ciel. Elle vivait
d’ailleurs autant au ciel que sur la terre, et même davantage, puisque
le pain des anges lui suffisait comme nourriture, et qu’elle vivait en
Dieu et de Dieu à l’instar des martyrs, au milieu de toutes les tortures
et de toutes les épreuves possibles.
M.
de Trébodennic, archidiacre de Léon, fut son hôte, son directeur et son
protecteur pendant la moitié de sa vie, et durant son séjour à
Saint-Pol : mais elle eut encore, les derniers temps, pour sa
sauvegarde, un ange gardien terrestre sous la figure d’un enfant de
quatre ans, nommé Yves Lucas, filleul de l’archidiacre, d’une innocence,
d’une piété et d’une intelligence surhumaine qui découvrait les mauvais
anges, bourreaux d’Amice, et les chassait avec la croix ou l’eau
bénite. Tout devait être extraordinaire et surnaturel dans la vie
d’Amice Picard et dans sa mort elle-même.
Elle
mourut, le jour de Noël 1652, dans une extase, après avoir souffert
plusieurs jours d’avance une agonie qui rappelait celle de
Notre-Seigneur Jésus-Christ au Jardin des oliviers, car elle était en
proie à une tristesse, un délaissement intérieur et une frayeur du
jugement inexplicable.
Elle
reçut les derniers sacrements avec une sainte ardeur. Sur sa demande,
Mgr Henri de Laval du Bois-Dauphin, le nouvel évêque de Saint-Pol, vint
lui donner sa bénédiction, escorté de ses chanoines, en sortant de la
grand’messe, et présida lui-même ses obsèques, avec tout le clergé
séculier et régulier de la ville, au milieu d’un concours innombrable de
peuple, accouru de toutes parts.
Le corps de la sainte fut inhumé à la cathédrale, dans la chapelle de Notre-Dame de Caël.
Ainsi,
l’autorité religieuse la plus haute du diocèse consacra autant que
possible le souvenir de ses vertus et de ses actes surnaturels.
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