Neuvaine à Notre-Dame de Chartres

Neuvaine à Notre-Dame de Chartres

Notre-Dame de sous terre

Cette neuvaine, offrant pour chaque jour une lecture et prière différentes, applicables à l'un des divers besoins de la vie, peut, par conséquent, servir à autant de neuvaines particulières.
Par exemple, la personne qui prie pour le rétablissement de sa santé, répétera pendant toute la neuvaine la lecture et la prière du huitième jour : celle qui invoque la Mère de Jésus pour son enfant, répétera le cinquième ou le sixième jour ; etc.

PREMIER JOUR.
Notre-Dame tutèle de Chartres.
Toujours la très-sainte Vierge fut la dame et la protectrice de Chartres ; nos pieux ancêtres croyaient même que le roi Priscus, un siècle avant la naissance de cette Vierge auguste, l'avait instituée l'héritière de son royaume et de ses domaines. Cette naïve croyance, qui se perd dans la nuit des temps, fut toujours chère aux habitants de Chartres. De son côté, la sainte Mère de Dieu regarda la vieille cité des Carnutes comme sa ville favorite : c'est en faveur des Chartres qu'elle multiplia surtout ses bienfaits et ses miracles. Aussi nulle autre ville n'a tant multiplié les monuments de sa piété et de sa reconnaissance envers Marie ; aucune autre ne s'est unie à cette tendre Mère par un culte plus dévoué et plus filial. Chartres est par excellence la cité de la Vierge : autrefois, de quelque côte que l'on sortit de la ville, en quelque sens qu'on la traversât, partout s'offraient des chapelles et des images de la Mère de Dieu.  L'incomparable basilique de l'auguste Dame de Chartres, dit Mgr Pie, voit se grouper autour d'elle un essaim de souvenirs pieux. A peine peut-on faire quelques pas dans la cité et dans ses alentours, sans y retrouver, sous mille formes, le nom de Marie. Les huit portes du mur d'enceinte, celles qui séparaient les divers quartiers de la ville, ou qui fermaient le cloître, étaient toutes ornées d'une statue de Notre-Dame, surmontée ordinairement de la légende Carnutum Tutela, Protectrice des Chartrains. La porte Guillaume, la porte Morard, et le porche septentrional du cloître, qui restent seuls debout, conservent encore leur tutèle. De nombreuses Madones étaient distribuées çà et là au coin des rues, sur les ponts, et au frontispice des maisons particulières. La rue Chantault, la rue Muret, la ruelle de la Barre des prés, le Bourg-neuf, le faubourg de la Grappe, le carrefour Saint-Brice, etc., nous offrent encore de ces petits monuments domestiques ; mais la lampe, qui brûlait ordinairement devant eux, s'est éteinte.
Le pont de l'Ave Maria a triomphé du nom de Pont de la fédération que la République lui avait imposé ; et le pont des Trois Ave garde sa statue avec l'inscription du quatrain de Pibrac :
Si l'amour de Marie,
En ton cœur est gravé,
En passant ne t'oublie
De lui dire un ave.
« Les prés des Recalés, la porte des Epars redisent depuis neuf siècles les prodiges de Celle qui est plus forte qu'une armée rangée en bataille. Les jeunes filles, après les pieux cantiques du Rosaire, vont encore par troupes, le dimanche soir, déposer leurs prières avec les bluets des champs autour de Notre-Dame de Vaux Roul. — Cent neuf églises conventuelles ou paroissiales étaient dédiées à la sainte Vierge, au 15° siècle, dans l'étendue de l'ancien territoire de Chartres (1). »
(1) Notice historique sur Notre-Dame de la Brèche, par Mgr. Pie, évêque de Poitiers. Chartres, 1843, pages 1 et 2.
Ne sont-ce pas là autant d'émanations de l'amour du peuple chartrain pour sa bonne et sainte Dame, et autant de fruits de la piété filiale d'une cité que la Reine des cieux a toujours protégée ? C'était un culte de reconnaissance que Chartres avait voué à sa première suzeraine. Ce culte sort triomphant aujourd'hui des nuages dont quelques années désastreuses l'avaient environné. Oui, recueillons, comme un précieux patrimoine, cette dévotion de nos pères : elle prend sa source dans le sentiment le plus noble et le plus pur du cœur humain, dans la reconnaissance. Qu'elle devienne un bien de famille à transmettre de père en fils !
MIRACLE.
Jean le Marchant, chanoine de Chartres au 13° siècle, nous raconte une vision dont fut favorisée une dame de Soissons nommée Gondrée. Cette dame était attaquée du mal des ardents, et elle était devenue un objet d'horreur et de dégoût pour tous ceux qui l'entouraient. Elle fut subitement guérie, après avoir invoqué la sainte Vierge avec une entière confiance ; elle montra une si vive gratitude envers sa divine bienfaitrice, qu'elle mérita de la voir devant elle. « Elle lui  dit : 0 sainte Dame, je vous rends grâces de ce que vous avez daigné me guérir du mal affreux qui me rongeait. Mais, ô très-douce Dame, que pourrai-je dire à ceux qui me demanderont par qui j'ai été délivrée de mes cruelles souffrances ? Et la Dame lui répondit : C'est la Dame de Chartres qui t'a guérie ; tu n'en saurais douter, car elle possède à Chartres sa maison favorite ; elle veut qu'à Chartres l'on recourre vers elle, comme à son palais royal ; elle veut qu'on l'en regarde comme la Reine et la protectrice ;
A Chartres est sa maître-église,
Qui si noblement est assise
Que la Dame tient sous sa main
Et tout Chartres et tout chartrain. » (1)
(1) Poème des miracles de Notre-Dame, par Jehan le Marchant, page 10. — Ce poème a été traduit du latin en vers romans par ordre de l'évêque Macé ou Mathieu ; il offre donc toutes les garanties nécessaires pour être cité. C'est de ce poème que nous tirerons presque tous les miracles de cette neuvaine.
PRIÈRE.
Serait-ce sans dessein, aimable Mère, gracieuse Tutèle de Chartres, que vous auriez donné à notre ville, depuis plus de dix-huit siècles, tant de marques d'une tendre affection ? Je ne le saurais croire. Vous avez eu un but, celui de nous convaincre que vous preniez à jamais notre ville sous votre protection invincible. Nos désirs se rencontrent avec votre amour. Si vous êtes assez bonne pour vouloir en tout temps vous montrer notre force et notre Tutèle, nous sommes, nous, trop heureux de recevoir vos faveurs. Nous applaudissons à ce que nos pères ont fait, nous voulons suivre leurs traces et vous continuer leurs pieux hommages. Nous voulons mettre en vous, après Dieu, toute notre espérance, vous conjurant, ô bénigne Dame de Chartres, d'agréer, avec l'offrande de nos cœurs, cette nouvelle protestation de dévouement. Recevez donc nos vœux, auguste Souveraine, souriez à nos désirs, entérinez nos suppliques et exaucez nos prières. Amen.
SECOND JOUR.
Notre-Dame de Chartres, secours des guerriers.
Le Seigneur est le Dieu des armées et des combats. Marie, son auguste Mère, est la reine des Victoires. C'est ce que les plus vaillants guerriers chrétiens ont compris, ceux de nos jours comme ceux du moyen âge. Nos braves, qui combattent pour l'honneur de la France dans la Crimée, nous en fournissent une preuve touchante : tous, depuis le général en chef jusqu'au dernier tambour, portent, au feu, sur leur noble poitrine, l'image protectrice de Marie. On l'a trouvée sur le maréchal de Saint-Arnaud et sur le porte-drapeau de la bataille de l'Alma ; c'était sous cette sainte cuirasse que battaient ces cœurs vaillants.
La Vierge semble surtout présider aux exploits de la cité chartraine. Au 10e siècle, elle est invoquée par nos pères ; aussitôt elle vient à leur secours : elle repousse loin de leurs murs les terribles Normands conduits par Rollon. C'est elle qui fléchit Louis-le-Gros voulant à la tête d'une armée raser leur ville. Plus tard, en 1568, elle leur donne une mémorable victoire sur les Huguenots ; terrible comme une armée rangée en bataille, elle fait trembler ces hérétiques qui portaient avec eux l'incendie, le sacrilège et la mort. « Les Huguenots, dit un de nos historiens, s'étant approchés pour entrer dans la ville par la brèche qu'ils avoient faite, il se trouva qu'il se présenta, sur la dite brèche, à leur opposite, une grande Dame tenant un enfant dans ses bras, contre laquelle ils se mirent à tirer et à redoubler avec grandes décharges de paroles injurieuses, sans qu'ils pussent l'atteindre ni la frapper aucunement : au contraire les balles qu'ils tiraient, tombaient sans effet ni force aux pieds de la muraille, et eux pensant entrer se trouvaient reculés : ce que les Chartrains ayant reconnu, et que c'était la sainte Vierge qui avec, son cher Fils prenaient visiblement la défense de la ville en main, les ecclésiastiques et sexe féminin se mirent en prière, et les hommes en état de porter les armes s'assemblèrent et firent sortie sur les assiégeants qu'ils repoussèrent vigoureusement. »
Reine de la cité, Notre-Dame de Chartres n'en sera pas moins accessible aux prières que nous lui offrirons pour la patrie, pour cette France qui est son domaine bien-aimé. Oui, le royaume des lis sera toujours protégé par celle dont la beauté immaculée fleurit comme le lis entre les épines.
MIRACLES.
Nous devons déjà raconté, ci-dessus, le miracle qui préserva de la mort un vaillant guerrier du 13e siècle. Nous avons dit aussi comment la sainte Dame de Chartres invoquée par Philippe-Auguste, rendit les champs de Bouvines témoins d'une victoire à jamais célèbre dans nos annales, et préserva le roi des terribles dangers du combat. En 1554, un capitaine fut garanti d'un coup du mousquet par une chemisette de Chartres bénite qu'il portait sur soi. » En 1697, le baron du Brueil vint offrir à la Vierge de Chartres le boulet de canon dont il avait été frappé, sans être blessé.
PRIÈRE.
0 sainte et puissante Dame de Chartres, aimable Reine de la Victoire, impénétrable Bouclier des braves, regardez-nous avec bonté. Vivant dans un siècle rempli d'alarmes, nous venons nous abriter sous votre manteau maternel. Accordez à nos vœux ce qu'ils vous demandent instamment : la victoire et la paix pour la France, votre protection et une foi pratique pour ses vaillants défenseurs. Faites que, fécondant par leurs fatigues celte patrie terrestre, ils achètent par leurs vertus la patrie immortelle, où vous régnez dans les splendeurs du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
TROISIEME JOUR.
Notre-Dame de Chartres préservant de l'hérésie.
Marie a toujours été Celle qui a détruit à elle seule toutes les hérésies de l'univers. Aussi a-t-elle conservé sa ville favorite dans une fidélité inviolable au Saint-Siége, et dans un amour constant pour la foi catholique. Jamais l'erreur ni l'hérésie n'ont pu s'y implanter. L'hérésiarque Béranger ne trouva pas à Chartres un seul écho de ses erreurs, quoiqu'il y comptât plusieurs amis. Quelque temps après, un autre hérétique nommé Roscelin, ayant voulu venir dogmatiser à Chartres, le bienheureux Ives lui écrivit : Ne venez pas dans notre ville, car nos concitoyens pourraient bien avoir recours aux pierres contre vous. C'est ainsi que les Chartrains étaient attachés à fa foi de l'Église de Dieu. Les Bulgares, les Vaudois et les Albigeois ne parvinrent jamais à y faire un seul prosélyte ; ce fut même un évêque de Chartres, Geoffroi de Lèves, que le Souverain Pontife choisit pour travailler à la conversion de ces hérétiques. Ce fut également aux pieds de Notre-Dame de Chartres que le célèbre Simon de Montfort puisa ce courage calme, cette bravoure invincible qui en fit le Machabée de la France. Au 16° siècle la doctrine de Calvin ne put pas davantage pénétrer dans la cité chartraine, qui demeura obstinément catholique, malgré la protection accordée aux hérétiques par laduchesse Renée, et malgré l'orthodoxie équivoque d'un de ses évêques, Charles Guillard. Alors on vit les Chartrains réparer par de solennelles processions l'injure faite à Notre-Dame Blanche ; on les vit déchirer et livrer aux flammes les placards blasphématoires affichés au coin des rues, et poursuivre à coups de pierres, jusque dans le carrosse de l'évêque, un moine des Vaux de Cernai, qui avait avancé des propositions hérétiques dans la chaire de Notre-Dame.
MIRACLE.
C'est en 1568 que Marie protégea surtout sa ville bien-aimée contre tous les efforts et la haine de l'hérésie. Nous laissons parler Mgr Pie ; toutefois nous abrégeons son récit : « Le 1er mars 1568, la ville se trouva investie. Elle était défendue au dedans par Anthoine de Linières. Les efforts des assiégeants se portèrent principalement du côté de la porte Drouaise. Ce fut le 6 mars que les protestants ouvrirent le feu contre la porte Drouaise avec cinq pièces de canon, tandis que quatre autres, placées en arrière des Filles-Dieu, prenaient en flanc les défenses. Le lendemain, un pan du mur de vingt pas de long était renversé ; l'ennemi s'était emparé du ravelin qui couvrait la porte, et dont l'occupation rendait la prise de la ville inévitable.
« Si le Ciel n'avait inspiré dans ce moment une résolution courageuse, le triomphe des hérétiques était assuré. Mais le gouverneur apprend le danger ; il appelle ses capitaines, échange avec eux la promesse de vaincre ou de mourir, et après leur avoir serré la main, il s'élance à leur tête sur deux planches jetées en travers du fossé à la place du pont détruit parle canon. Quarante volontaires le suivent et leur attaque est si impétueuse, qu'après avoir perdu deux cents des siens, l'ennemi est chassé de cette position qu'il ne put jamais reprendre. En même temps échouait, du côté de la porte Saint-Michel, une tentative d'escalade.
« Comprenant qu'il fallait revenir vers la porte Drouaise, le prince de Condé chargea ses batteries et les dirigea contre la tour des Herses et les murailles adjacentes. Le feu de l'artillerie dura, le 9 mars, depuis six heures du matin jusqu'à neuf heures du soir. Une brèche de trente pas de long fut ouverte, et la tour des Herses fut renversée au milieu de l'Eure. Mais déjà Linières, aussi actif qu'intrépide, avait élevé en arrière un retranchement si formidable, que les assiégeants n'osèrent donner l'assaut ; et après une nouvelle et inutile attaque du ravelin, ils abandonnèrent les fossés où ils étaient écrasés par le feu de la huguenote. C'était une forte pièce de canon enlevée aux protestants.
« Le 12 mars, une hostilité d'un nouveau genre commence : la rivière ayant été détournée, les moulins à bras ne suffisent pas pour approvisionner la ville, qui redoute la famine et plus encore la réduction ; chacun frémit à l'idée des meurtres, du pillage, des profanations dont on est menacé : quand, au grand étonnement de tous, un message arrive, annonçant la suspension d'armes, et le 15 au matin l'ennemi se retire. Les protestants avaient perdu 3,300 hommes, tandis qu'il n'en était mort que 250 du côté de la ville. Nos pères ne balancèrent pas à reconnaître là le doigt de Dieu, la protection de la Vierge, patronne et Dame de leur ville.
« En effet, tandis que toute la population était en prières, et que la sainte Grotte souterraine regorgeait d'hommes, de femmes, d'enfants qui ne cessaient d'implorer la glorieuse et puissante Dame de Chartres, quelque chose de merveilleux se passait. Une statue de la Vierge surmontait la porte Drouaise, avec l'inscription : Carnutum Tutela. Les Hugenots "se gabans que Marie pouvait autant en icelle ville que Diane en Ephèse, » et prenant ladite image pour objet de leur rage et fureur, tirèrent contre icelle tant de coups de canons et artillerie, que tout ce qui était à l'entour demeura foudroyé jusqu'à quatre doigts près, selon que les vestiges y sont ores récents : néanmoins ils ne purent jamais atteindre ladite sainte image... »
C'est ainsi que la Vierge glorieuse défendit cette ville, qu'elle reconnait comme sienne, contre ses haineux et de son Fils, et qu'elle la préserva de toute hérésie.
De nos jours encore, l'invincible Tour de David peut nous défendre et contre l'indifférence religieuse qui envahit tant d'âmes, et contre l'incrédulité qui les endurcit, et contre l'immoralité qui les aveugle et les tue, en un mot elle peut nous défendre contre l'action délétère d'un siècle sans foi, sans prévoyance et sans amour. Qui donc, parmi les chrétiens, n'a pas un pécheur à recommander à Marie ?
Prière.
Aurore brillante du Soleil de justice, vous qui portez dans les cœurs une douce lumière qui les dispose à recevoir le grand jour de la vérité, daignez jeter un regard sur l'âme pour laquelle je vous invoque, sur cette âme qui m'est chère, qui est mille fois plus chère encore à votre divin Jésus. Par vous, ô glorieuse et puissante Dame de Chartres, l'Église à triomphé de toutes les hérésies ; par vous, elle peut encore recouvrer tant d'enfants que la lâcheté, le respect humain, le sophisme et l'erreur éloignent de son sein maternel. Vous savez pour qui je prie, vous savez quel est celui que je désire voir revenir à la foi, à l'amour, aux saintes pratiques de notre auguste religion. Ah ! je vous en conjure, ô Mère de bonté, accueillez ma prière et daignez l'exaucer ! Amen.
QUATRIÈME JOUR.
Notre-Dame de Chartres illustre par tes miracles.
Les miracles opérés par la sainte Dame de Chartres sont innombrables. Par elle, par sa puissante intercession, la santé est rendue aux malades, la vue aux aveugles, la parole aux muets, l'ouïe aux sourds, la vie aux morts ; les pécheurs endurcis sont réconciliés avec leur Dieu ; les âmes scrupuleuses retrouvent la paix et le calme ; tous les maux du corps, toutes les misères de l'âme reçoivent une heureuse guérison aux pieds de son image bénie.
Que signifient les miracles ? Quand ils ont pour objet une conversion ou une guérison corporelle, on doit les envisager comme des témoignages d'une faveur insigne, d'une bienveillance particulière. Mais ils sont surtout une manifestation du Ciel à la terre, un langage sublime qui s'adapte à toutes les positions, qui se modifie suivant les besoins. De là la variété des miracles.
Ainsi, à la naissance de Jésus-Christ, on voit deux prodiges éclatants, mais d'un genre différent. Les pasteurs veillent auprès de leurs troupeaux ; un ange leur apparaît, et leur annonce la naissance du divin Sauveur. En même temps parait dans le ciel un signe, qui parle aux sages d'Orient, habitués à lire la majesté de Dieu dans les astres qu'il a formés. Ils le voient ; c'est l'étoile de Jacob, disent-ils, c'est le signe du grand Roi ; allons le reconnaître et l'adorer. Ils partent, suivent l'étoile, et trouvent le Messie, comme les bergers l'avaient trouvé. Ainsi Dieu parle à chacun selon ses facultés, ses besoins, ses désirs, et se conforme, avec une touchante bonté, aux nécessités et à l'intelligence de ses enfants.
Les miracles opérés par l'intercession de Notre-Dame de Chartres ont aussi leur langage, langage de la plus tendre des mères à des fils reconnaissants et soumis. C'est un engagement céleste qu'elle prend envers nous, en se faisant ainsi notre appui dans nos misères, notre santé dans nos maladies, notre secours dans nos besoins, « Habitants de Chartres, nous dit-elle, de ma ville privilégiée, j'agrée vos hommages, je vous adopte pour mes enfants : soyez fidèles à mon culte ; je vous aimerai toujours, et ces miracles que vos prières ont demandés et que j'ai obtenus pour vous, sont le gage immortel de mon amour et de ma protection. »
MIRACLE.
Parmi cette multitude de prodiges, nous choisirons la guérison miraculeuse d'une pieuse habitante de Prunai-le-Gilon ; nous ne faisons que traduire en français les vers romans de Jehan le Marchant.
« A Prunai vivait une jeune femme mariée qui était atteinte de paralysie ;
Si que ni de pied ni de main
Ne pouvait faire nul office
Ne pouvait aller ni venir,
Ni aux mains rien prendre et tenir.
Il y avait déjà plus d'un an qu'elle souffrait de cette triste maladie. En outre elle était si pauvre qu'elle ne pouvait recourir à la médecine. Privée de toute assistance humaine, elle plaça son espoir de guérison dans la sainte Dame qui guérit tous les mortels qui l'appellent de cœur. Elle la supplia de vouloir bien regarder son humble servante si malade et si triste, de la délivrer de son mal ou de la faire mourir. Sa prière fut exaucée. Une nuit la gracieuse Dame apparut à la jeune femme, et lui dit : Si tu veux être guérie, fais-toi mener à Chartres dans mon église ; car là, si tu as ferme confiance, tu recevras la santé que tu désires. A cette promesse, la jeune femme se réjouit beaucoup ; quand il fit jour, elle appela son mari, et lui dit ce qui lui était advenu. Celui-ci en fut ivre de joie ; il fit aussitôt mener sa femme à Chartres. C'était un samedi. Arrivée près de l'église de Notre-Dame , on la descendit de voiture, et on la porta devant l'autel de la sainte Vierge. Là, cette pauvre paralytique fit sa prière avec foi et dévotion ; et à l'instant elle fut guérie : tout son mal avait disparu ; l'usage de ses pieds et de ses mains lui était rendu.
Au ciel en haut ses mains tendit,
A Dieu grez et grâces rendit,
Et à sa Mère glorieuse
Par qui elle était saine et joyeuse.
PRIÈRE.
0 Vierge trois fois bénigne, sainte et douce Dame de Chartres, vous nous avez manifesté la pensée intime de notre cœur ; vous n'avez pas envoyé un ange pour nous dire : « Je veux être votre mère,» mais vous avez écrit cette ravissante promesse autour de votre image miraculeuse et de votre Colonne. Vos miracles multipliés nous disent, ô notre tendre Mère, que votre cœur nous appartient, que voire puissance est à nous, que votre charité envers voire peuple béni ne tarira jamais. Soyez toujours notre vie, notre douceur et notre espérance ; protégez du haut de votre Colonne bien-aimée, ceux dont la plus douce jouissance est de remercier le ciel des faveurs dont il vous a comblée. Amen.
CINQUIÈME JOUR.
Notre-Dame de Chartres conservant les enfants qui lui sont consacrés.
Le Seigneur Jésus chérissait les petits enfants ; il les faisait venir à lui ; il les bénissait et les embrassait. Marie est semblable à son divin Fils : tendre et compatissante aux douleurs des mères, elle protège d"une manière spéciale les petits enfants que la piété maternelle lui consacre en les vouant au blanc ou au bleu, ou qu'elle vient porter aux pieds de son Image miraculeuse. Que les mères chrétiennes continuent donc le pieux usage établi de temps immémorial dans la ville de Chartres : si elles veulent conserver leur enfant, qu'elles mettent Notre-Dame dans leurs intérêts, et qu'elles invoquent avec confiance celle qui porta dans son sein le Tout-Puissant ! Elles seront exaucées, si elles prient avec amour et confiance.
MIRACLE.
A Chamblée dont l'évêque est sire, dit Jehan le Marchant, une femme avait une petite fille qu'elle allaitait. Sortie un jour
Pour aller en une sienne affaire
Qu'elle allait ou avait à faire,
elle laissa son enfant à garder à une jeune fille inexpérimentée ; le petit enfant au berceau se mit a crier ; sa gardienne ennuyée de l'entendre crier et pleurer lui donna un morceau de verre ; elle s'imaginait que l'enfant cesserait de pleurer quand il verrait luire le morceau de verre.
L'enfant tint le verre à la main,
Ainsi comme ce fut chair ou pain
Mit le verre dedans sa bouche.
Malheureusement il tomba dans l'arrière bouche,
Et lui coula en la gorgette
Qui était étroite et petite.
Bientôt l'enfant fut étouffé, et ne donna plus signe de vie.
Alors la jeune fille qui le gardait, se mit à crier, à se lamenter si haut que les voisins l'entendirent et accoururent tout effrayés. La mère de l'enfant accourut aussi en tremblant, et en disant : 0 Dame de Chartres, je vous consacre mon petit enfant que j'ai laissé dans son berceau ; ô Vierge pure et immaculée, je vous recommande ma petite fille ; ô douce Dame, ayez pitié de moi. Cependant elle entra dans sa maison, courut au berceau, et trouva son enfant pâle, sans vie. A cette vue, la pauvre mère se lamente, se déchira le visage, s'arrache les cheveux. Mais tout à coup elle prend sa petite fille entre ses bras, sort de sa maison et prend la route de Chartres pour aller porter son enfant aux pieds de Notre-Dame.
Mais ses voisins et ses amis
En tour s'assemblent et viennent,
Et par paroles la retiennent.
Et la blâment
Et lui disent :
Où veut-tu aller, folle chétive ?
Vois bien, ta fille n'est pas vive ;
Porte-la à l'église paroissiale, et fais-la enterrer. Crois-nous, et ne va point à Chartres ; ton voyage serait inutile ;
Fais à ton enfant sépulture
Et souffre en paix cette aventure.
La pauvre mère ne les écoute pas, et vers Chartres s'achemine,
Criant comme une désespérée :
Dame de Chartres débonnaire,
Dessus vous mets toute mon affaire ;
Dame, à mes cris entendez,
Et ma fillette me rendez.
La malheureuse mère marchait de la sorte vers l'église de Notre-Dame ; lorsque tout-à-coup l'enfant rejeta par la bouche deux gros caillots de sang, au milieu desquels se trouvait le morceau de verre ; et à l'instant on le vit respirer et ouvrir les yeux. 0 sainte Dame de Chartres, s'écria la mère, soyez bénie à jamais, car vous m'avez rendu ma petite fille ; à Chartres je veux aller vous la présenter et vous rendre mes actions de grâces.
A son enfant se déporta
La pièce de verre porta
à Chartres en l'église,
Sur l'autel son offrande a mise ;
A Notre-Dame son enfant
Présenta joyeux et vivant,
Qui sans vie avait été un moment.
PRIÈRE POUR UN ENFANT MALADE.
0 douce Dame de Chartres, secourable à toutes les mères, daignez écouter les vœux que nous apportons au pied de cette Image qui a vu tant de larmes essuyées, tant de douleurs profondes calmées comme par un saint enchantement, de cette Image qui nous atteste à la fois votre pouvoir et votre bonté. Vous êtes la tendre mère de Celui qui ne voulut pas que la veuve de Naïm pleurât plus longtemps son fils unique ; dites-nous aussi, à nous qui craignons pour notre enfant, dites-nous cette suave parole : Ne pleurez pas ! et nos larmes se changeront en des cantiques d'allégresse, par lesquels nous célébrerons à jamais le pouvoir que votre divin Jésus a remis entre vos mains pour la consolation et le bonheur des hommes. Amen.
SIXIÈME JOUR.
Notre-Dame de Chartres, santé des malades.
Le sanctuaire de Notre-Dame de Chartres a été et est encore semblable à cette piscine de Siloé, où les malades venaient chercher la guérison de leurs maux, le terme de leurs langueurs. Depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, des guérisons inespérées, éclatantes, miraculeuses enfin, y viennent attester et la puissance de Marie et la foi de ses pieux enfants. Marie, disait saint Ephrem, est la solide santé de ceux qui ont recours à elle ; salus fuma recurrentium ad eam. "Ainsi, ajoute saint Alphonse de Liguori, quiconque a recours à Marie, trouve non-seulement le remède, mais encore la santé et la vie, comme elle le promet elle-même à ceux qui la cherchent : Qui me invenerit, inveniet vitam, et hauriet salutem à Domino. Non, cette Mère céleste ne se refusera point à guérir celui qui met sa confiance en elle. »
Recourons donc à elle dans nos maladies, elle sera notre santé ; recourons aussi à elle pour la guérison de ceux qui nous sont chers ; à leur tour ils reviendront guéris et consolés, et ce seront des voix de plus dans ce chœur immense qui, sur toute la terre, célèbre les bontés de Marie.
MIRACLE.
Voici comment Jehan le Marchant raconte la guérison miraculeuse d'un certain Guillaume de Chartres.
Ce Guillaume avait une rupture qui le rendait boiteux et le faisait marcher tout courbé ;
Un bâton en sa main tenait
Dont son faible corps soutenait,
A peine se pouvait lever.
Il était pauvre ; et chaque jour il allait péniblement à la cathédrale,
Non point tant pour le service
Que pour quérir sa soutenance,
Et a sa pauvreté allégeance.
Voyant chaque jour des miracles éclatants, il ne put s'empêcher de crier en pleurant : O douce Dame, vous êtes remplie de bonté et de miséricorde pour les pèlerins étrangers ; ne ferez-vous rien pour un de vos fidèles chartrains ? » Marie l'exauça,
Car ses prières entendit
Et pleine santé lui rendit ;
Par sa grande débonnaireté,
De toute son infirmité
Le guérit et de sa rupture
Le fit aller droite allure.
De sorte qu'il se retrouva droit et ferme comme aux jours de sa jeunesse.
Quand ce miracle fut vu
Et parmi la cité su,
Tous furent de joie avivés,
car Guillaume était aussi connu dans Chartres que le boiteux guéri par saint Pierre à la porte spécieuse du Temple, était connu à Jérusalem.
Cependant il y avait alors dans la cathédrale une multitude de malades qui y demeuraient, et que l'on voyait couchés dans les bas-côtés de l'église ; ils attendaient tous la guérison de leur maladie. Guillaume, par reconnaissance envers la Mère de Dieu, résolut de servir ces malades,
Et leur vie et leur nourriture
Leur pourchassa diligemment,
Et leur départit loyalement
Ce qu'il leur avait pourchassé ;
ce qu'il fit jusqu'à la fin de sa vie. »
PRIÈRE.
0 sainte et miraculeuse Dame de Chartres, souvenez-vous que votre Fils bien-aimé, durant son passage sur la terre, ne se refusa jamais à user de sa toute-puissance pour guérir les malades, les infirmes que l'on apportait à ses pieds. Moi aussi, rempli de confiance en votre bonté, je viens auprès de vous, languissant et malade, comme un enfant auprès de sa mère, pour demander du soulagement, et je vous conjure, ô Mère du Dieu sauveur, de vouloir bien user, en ma faveur, de ce pouvoir admirable dont votre Fils vous a revêtue. J'ose vous demander la santé, comme un bien nécessaire à l'accomplissement de mes devoirs sur la terre, et mettant en vous seule ma confiance, j'attends ma guérison de votre maternelle bonté. Mais si la volonté de Dieu exigeait que je le servisse au milieu d'une langueur continuelle, je soumets mes vœux à ses adorables desseins, et je vous prie alors, ô Marie, de daigner m'obtenir l'esprit patient, pénitent, intérieur, dont j'ai besoin pour unir mes souffrances à celles de Jésus, afin que cette croix devienne pour moi la voie du salut et des bénédictions éternelles. Amen.
SEPTIÈME JOUR.
Notre-Dame de Chartres honorée par les pèlerins.
Nous avons déjà dit combien fut grande la multitude des pèlerins qui, de temps immémorial, sont venus honorer la sainte Dame de Chartres. Mais nous rappelons ce fait, afin de l'envisager comme un généreux stimulant pour les Chartrains, que depuis plus de dix-huit siècles, Marie a si particulièrement protégés et chéris.
Si des étrangers l'aiment et l'invoquent, s'ils quittent leurs villes, leurs familles, les occupations, les affaires, les nécessités de chaque jour, pour venir lui témoigner leur respectueux amour, que n'a-t-elle pas droit d'attendre de nous, nous parmi lesquels elle a fixé sa demeure, nous dont elle a conservé, défendu, soutenu les aïeux, nous qui avons été les témoins de ses miracles, et les objets constants de sa prédilection ! Ils viennent de loin et sous l'ardeur du jour ; ils se réjouissent, disant : Nous allons en la maison du Seigneur ; In domum Domini ibimus ; et nous, nous n'avons que quelques rues à traverser, peut-être quelques pas à franchir, pour venir en ce sanctuaire béni, où tant de prières ont été exaucées, tant de larmes essuyées ; pour y venir rendre à Marie un tendre et filial hommage ! Ah ! qu'une sainte émulation nous anime et que, profitant des bénédictions qui nous sont offertes et que tant d'autres viennent chercher de si loin, nous ne laissions jamais désertes cette Colonne consolatrice, cette maison plus que maternelle, maison chérie où le Sauveur habite, et où il se plaît à répandre, par les mains de la Reine des miséricordes, les richesses de l'inépuisable trésor de ses grâces et de ses faveurs.
MIRACLE.
Notre-Dame de Chartres a fait de nombreux miracles en faveur de ses pieux pèlerins ; on le verra par le fait suivant :
Les habitants de Pithiviers en Gatinais prirent la résolution de faire un pèlerinage à Chartres, et d'y apporter leur offrande ;
Un char qui fut grand et fort
Firent faire et ouvrer forment,
Et le chargèrent de froment
Qu'à l'œuvre de Chartres mener
Le voulaient et eux peiner
Et travailler en tel voyage
Pour faire leur pèlerinage.
Ils s'attelèrent tous au charriot ; et tant le tirèrent qu'ils arrivèrent près du Puiset.
Ceux du Puiset grands et menus,
Hommes et femmes, jeunes et chenus
Tous de la ville sortirent
Aussitôt que les pèlerins virent,
Et à leur rencontre allèrent ;
Les voyant fatigués, ils leur dirent : donnez-nous vos colliers et vos cordes, nous vous aiderons, et pour vous à ce chariot nous tirerons ;
De chaud et de travail suez.
Vous avez de repos métier
Et nous sommes frais et entiers ;
reprenez haleine un moment, puis vous continuerez votre pèlerinage. Les pèlerins de Pithiviers répondirent : Nous ne pouvons vous octroyer votre demande ; nous voulons seuls tirer notre chariot ;
Ne voulons pas être repris
Que pour un petit avantage
Perdions notre pèlerinage ;
De votre aide vous mercions.
Quand les habitants du Puiset virent la dévotion de ces fervents pèlerins, ils en furent émus profondément, et leur dirent :
Seigneurs, quand prendre ne daignez
Notre aide, au moins prenez
Un autre don.
Acceptez un tonneau de bon vin pour étancher votre soif : de grâce ne nous faites pas essuyer un second refus. Les pèlerins acceptèrent. Le tonneau leur est apporté ;
Chacun son hanap fortreit
Souventes fois et à grand tract
Du vin qu'ils avaient tant cher
Burent pour leur soif étancher.
Quand le tonneau fut vide, ils remercièrent les bons habitants du Puiset, et ils continuèrent leur route vers Notre-Dame de Chartres.
Quand ils se furent mis à la voie ;
Dieu qui tous biens donne et envoie,
Monstra illec apertement
Beau miracle, à l'exaucement
De sa douce Mère Marie.
En effet le tonneau vidé par les pèlerins, fut trouvé rempli
De vin clair, fort et adorable ;
Ce fut bien chose merveillable
Et miracle bien apparent.
Les pèlerins furent rappelés ; ils rebroussèrent chemin.
Ceux du Puiset à liesse chère
Dirent : Seigneurs, voyez merveille
Si grande que oncques sa pareille
En votre vie ne vites,
Que Dieu a fait pour vos mérites ;
Pour le vin que avez bu
Nouveau vin est survenu.
Quand ce miracle espert virent
Tous ensemble grande joie firent,
Dieu et sa Mère mercièrent.
Du saint vin tirèrent et goûtèrent
Et burent non pas gloutonnement,
Mais comme vin sanctifié,
Comme s'ils eussent communié.
Quelques malades burent aussi de ce vin miraculeux ; aussitôt ils
Furent guéris et respassés
De mainte griève infirmité.
Cependant les pèlerins
Au char se mirent de rechef
Pour leur besogne tirer à chef,
Comme ils l'avaient commencée ;
Ils ont tant leur voie avancée
Qu'à Chartres vinrent a grande joie.
PRIÈRE.
O bonne et gracieuse Dame de Chartres, nous sommes tous étrangers et voyageurs sur la terre, comme l'ont été nos pères ; mais dans ce désert du monde que nous devons traverser, une étoile nous luit, et nous levons les yeux vers Vous avec confiance, sûrs de trouver asile et protection. Priez pour nous, aimable guide, menez-nous, en nous tenant par la main, au port heureux de l'éternité, et confondez dans votre maternelle protection ceux que nous confondons dans nos prières, ces étrangers, ces pèlerins, qui viennent encore révérer votre autel, et unir leurs vœux à ceux que nous élevons vers Vous, à Reine bien-aimée, glorieuse Tutèle des Chartrains. Amen.
HUITIÈME JOUR.
Notre-Dame de Chartres recevant des EX-VOTO
Dans tous les sanctuaires particulièrement honorés par les faits miraculeux qui s'y sont accomplis, nous voyons des ex-voto, pieux témoignages d'une confiance que justifia l'événement, utiles souvenirs d'une grâce demandée et obtenue ; et rien peut-être n'augmente autant la ferveur des nouveaux suppliants que la vue de ces dons laissés par des malheureux au Protecteur céleste qui les a consolés. Cet usage remonte, du reste, à la plus haute antiquité, et tout cœur bien placé doit approuver cette pratique de la plus noble des vertus, de la reconnaissance. Ne rougissons donc pas de suivre avec simplicité les traces de nos ancêtres dans la foi, et de consacrer à notre céleste Protectrice quelque légère offrande en retour de ses bienfaits. C'est un juste et saint emploi de la fortune que de la consacrer à orner ces autels, si souvent pauvres et dénués, au milieu des villes les plus opulentes et les plus luxueuses ; et ce doit être un besoin pour toute âme chrétienne que de faire participer la maison de Dieu notre Père, la chapelle de Marie notre Mère, à ces richesses que le ciel nous a confiées. Que la générosité des païens pour des temples vides où n'habitaient que de muettes et stupides idoles, que le respect profond des Hébreux pour un temple où tout n'était que figures, symboles, promesses, soit éternellement la leçon des chrétiens, des enfants de Notre-Dame de Chartres !
MIRACLE.
Les habitants de Bonneval, près de Châteaudun, exhortez comme les autres, par fréquents prosnes et prédications, d'aller contribuer de leurs moyens , à la réfection de l'église de Chartres, chargèrent sur quelques charrettes grande quantité de chaux. Partis qu'ils furent en temps beau et serein, comme ils se virent un peu avant, aperçurent de loin l'air se troubler : de grosses et épaisses nues commencèrent à offusquer le soleil ; un grand vent éleva telle poussière, qu'à peine pouvaient-ils de près se reconnaître les uns les autres : à l'instant ils entendirent gronder le tonnerre, force éclairs brillants dedans leurs yeux, un grand ravage de pluie tout à l'instant, qui les contraignit de dételer promptement leurs chevaux, et se garer çà et là, quittant et délaissant leurs charrettes et leur chaux, avec une pauvre femme paralytique, qu'ils avaient mise dessus, pour faire son vœu à Chartres.
L'orage passé, la pluie cessée, et l'air rassereiné, les pèlerins sétant recueillis des cachots où ils avaient pu se mettre à l'abri (eux ne pen sant rien moins que de voir leur chaux toute consommée par l'eau, et la pauvre percluse brûlée dessus), furent étonnés en étant venus près, qu'ils virent leurs charrettes se mouvoir toutes seules deux ou trois fois ; puis les ayant atteintes, furent davantage ébahis du miracle, quand ils aperçurent que leurs sacs et charrettes n'avaient aucunement été humectés de la pluie ; ains que tout y était sec et aride, et la pauvre percluse, saine et entière dessus.
Incontinent avec allégresse, ils rattelèrent leurs chevaux et harnais, tirèrent droit à Chartres ; là remercièrent la Vierge des grâces à eux faites ; là exposèrent la pauvre paralytique, qui reçut guérison, et là livrèrent leur chaux, pour en bâtir l'église. »
PRIERE
0 Dame de Chartres, ô notre Tutèle bien-aimée, voici le huitième jour que nous venons à vos pieds, dans cette splendide demeure que vous vous êtes fait construire ; nous vous demandons la continuation de votre amour sur ce peuple, longtemps l'objet de vos complaisances maternelles. Nous voici auprès de vous pour faire une douce violence à votre cœur, afin d'obtenir de votre bonté que tous les habitants de Chartres, réunis en une même foi, vous servent comme leurs pères vous ont servie ! Accordez-nous, par vos prières toujours écoutées, cette inestimable faveur ; amenez au bercail du divin Pasteur toutes les brebis de son troupeau, afin que ne formant qu'une même famille religieuse, tous les Chartrains vous servent, vous aiment, vous révèrent, vous bénissent à jamais, dans ce monde périssable et dans la bienheureuse éternité ! Amen.
NEUVIÈME JOUR.
Notre-Dame de Chartres secours des chrétiens.
Marie est toujours et partout notre secours le plus assuré. Elle nous a sauvés, par sa maternité divine, des horreurs d'une perte éternelle ; revêtue d'un pouvoir admirable, elle nous sauve encore tous les jours dans les maux du corps, dans les périls de l'âme. Elle nous sauve, quand, d'un souffle de sa bouche virginale, elle écarte loin de nous l'ange déchu, notre antique ennemi ; elle nous sauve, quand elle invoque pour nous le cœur miséricordieux de son divin Jésus, quand elle obtient la lumière aux pécheurs, la force au faible, la consolation à l'affligé ; elle nous sauve, quand, dans les détresses de la vie, elle se montre près de nous une Providence maternelle ; elle nous a sauvés mille fois, à notre insu , et malgré nous peut-être sa main délicate a versé sur nos plaies l'huile et le vin, et ce n'est que lorsque les ombres de la vie auront fait place au jour radieux de l'éternité, que nous connaîtrons tous les soins de sa vigilante tendresse. Que ceux-là qui n'ont jamais reçu de secours de Marie, qui n'ont pas vu invoquer son Nom sur leur berceau par une mère pieuse, qui n'ont pas imploré eux-mêmes ce Nom protecteur dans les orages du monde, alors que tout sombrait autour d'eux, que ceux-là s'asbtiennent de visiter son sanctuaire de Chartres.... Mais nous qui proclamons avec joie sa suzeraineté, qui réclamons à toute heure sa puissante protection, venons, invoquons-la dans sa maison préférée ; offrons lui tous les jours l'encens de la prière et le tribut d'une tendresse filiale, trésor sans prix à ses yeux, monnaie précieuse qui achète au chrétien les tabernacles de la vie éternelle.
MIRACLE.
Nous rapportons ici diverses marques de protection miraculeuse que Notre-Dame voulut bien donner à des chrétiens qui eurent recours à elle. Nous copions le récit de Vincent Sablon :
Robert de Jouy avait une fistule à la jambe, qui était incurable et qui le remplissait d'ulcères ; il pria si dévotement la sainte Vierge de Chartres, qu'il fut entièrement guéri ; et le lendemain il vint lui en rendre ses actions de grâces.
Vers l'an 1663, un homme muet, des environs d'Etampes, vint a Chartres faire ses dévotions, et fit dire une messe à Notre-Dame, où humblement prosterné au pied de l'autel, et priant avec grande ferveur la sainte Vierge, il recouvra la parole en présence de plusieurs personnes, et s'en retourna glorifiant la Dame de Chartres.
Un nommé Fourré, du village de Mainvillier, avait un enfant malade ; il le recommanda à la sainte Vierge, fit dire une messe à son intention ; et aussitôt l'enfant fut guéri.
Madame Corbin, du Grand-Dauphin, au faubourg des Épars, avait une fille malade, et dont le corps enflé et cacochym était extrêmement contrefait ; elle ne l'eut pas sitôt recommandée à la sainte Vierge, et prié Dieu pour elle, qu'elle fut guérie, et eut le corps bien conformé et bien sain.
Une femme étant sur la Loire, dans un bateau, avec plusieurs personnes, avait un enfant à la mamelle ; le bateau venant à faire naufrage, elle se voua à Notre-Dame de Chartres, et échappa seule avec son enfant, tous ceux qui étaient dans bateau ont péri dans les ondes.
Six personnes furent rencontrées par des voleurs, qui les dépouillèrent, moins une d'elles qui s'était vouée à la Vierge de Chartres. »
PRIÈRE.
C'est bien avec raison, ô secourable Dame de Chartres, que tant de langues reconnaissantes, que tant de plumes conduites par le cœur se sont plu à célébrer vos louanges. Comblé de vos bienfaits, ayant ressenti par une heureuse expérience combien vous êtes bonne et puissante, j'unirai ma voix à ce concert unanime, où l'on se plaît à répéter ces mots si doux : Oh ! qu'elle est bonne, Marie ! Mon cœur que vous avez comblé de joie, sera dorénavant le sanctuaire de la reconnaissance, chacun de ses échos me redira le souvenir de votre bonté compatissante ; chacune de ses aspirations sera une hymne de tendresse à Jésus et à Marie ! Soyez mille fois bénie, ô douce Dame de Chartres, et puissé-je, après vous avoir louée tant de fois sur la terre, vous louer à jamais dans les splendeurs du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.


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