Antéchrist
L'Antéchrist est une figure commune à l'eschatologie chrétienne et islamique.
Elle apparaît dans les épîtres de Jean où elle recouvre des formes variables - mais puise ses origines dans la notion d'anti-messie déjà présente dans le judaïsme.
Le terme désigne parfois un individu - souvent monstrueux -, parfois un groupe. Cette figure d'imposteur maléfique qui tente de se substituer à Jésus-Christ a nourri de nombreuses spéculations et interprétations dès les premiers développements du christianisme à travers la littérature patristique, qui se sont enrichis encore au fil des siècles, situant l'intervention de l'Antéchrist lors des dernières épreuves précédant la fin du monde.
Dans l'islam, diverses traditions prophétiques (hadiths) mettent en scène al-Dajjâl (l'Imposteur) - l'équivalent de l'Antéchrist - dont la venue est un point déterminant de l’eschatologie musulmane. Il apparaît à la fin des temps et doit être éliminé par le prophète Îsâ (Jésus) lors de son retour, pour les Chiâa c'est aussi pour prêter main forte au Mahdi, autre personnalité de l’eschatologie Chiâa. Les traditions sont nombreuses à ce sujet et varient selon les confessions et les commentateurs, cf. Pierre Lory, « La fin de l'histoire dans la tradition musulmane », 27/01/2004, article en ligne, cité par Serge Lafitte, « La fin du monde en 2012 ? », in Le Monde des Religions n° 26, 1/11/2007, article en ligne</ref>.
Nombre
de personnages, de personnalités, voire d'entités, sont assimilés à
l'Antéchrist au cours des siècles et jusqu'à nos jours, essentiellement
dans des contextes ou épisodes eschatologiques et millénaristes.
Étymologie et définition
Le
mot « antéchrist » vient du grec αντιχριστος (antikhristos) par
l'intermédiaire du latin médiéval antechristus, mot qui vient du latin
ecclésiastique antichristus. Bien que la transformation du préfixe anti-
(contre) en ante- (avant) date du XIIe siècle, on trouve la forme antichrist chez Rabelais, dans la Bible de Jérusalem (traduction du XXe siècle) et dans la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie française.
Malgré
cette transformation, le mot antéchrist signifie adversaire du Christ
et non celui qui vient avant le Christ. De même, en latin, antechristus
et antichristus sont synonymes.
Le
mot antikhristos est utilisé au pluriel dans les Épîtres de Jean,
désignant les judéo-chrétiens qui se détachent de la communauté par leur
refus de la reconnaissance de la pleine divinité du Christ ou de son
incarnation.
Par
la suite, différentes représentations de personnages mythiques
d'antéchrists seront modelés tant par l'eschatologie juive que par les
pères de l'Église.
En français, dès le XIIe siècle,
le mot a désigné tout à la fois, dans une acception populaire
péjorative, un méchant homme et, dans des acceptions didactiques, un
esprit du mal devant apparaître à la fin des temps ou encore un
adversaire du Christ, un apostat.
Les manuscrits de la mer Morte et la notion d'Antéchrist
Depuis
sa découverte et sa publication en 1947, le manuscrit numéro 2Q246
trouvé à Qumran a provoqué des controverses virulentes.
Le manuscrit évoque une prophétie d'ordre eschatologique, une personnalité dont il écrit ce qui suit :
« [...
Après nombre de tueries] et des massacres, un prince des nations [se
lèvera...], le roi d'Assyrie et d'Égypte [...], il règnera sur le pays
[...], lui seront assujettis et tous [lui] obéiront. [Son fils
également] sera appelé Le Grand, et sera appelé Fils de Dieu, ils
l'appelleront Fils du Très-Haut. Mais tels les météores que tu as
aperçus dans ta vision, tel sera son royaume. Ils ne règneront qu'un
petit nombre d'années sur le pays, tandis que les peuples piétineront
les peuples, et que les nations piétineront les nations. Jusqu'à ce que
le peuple de Dieu se lève. Alors tous se reposeront de la guerre. Leur
royaume sera un royaume éternel, et toutes leurs voies seront justes. Il
jugeront la terre avec équité, et toutes les nations feront la paix. La
guerre disparaitra du pays et toutes les nations se soumettront à
eux. »
Un
autre manuscrit, 1Qm est considéré étant lié à celui-ci, qui décrit la
guerre des fils de lumière contre les fils des ténèbres. Or, selon les
évangiles, Jésus nommait ses disciples fils de lumière.
Ce
passage évoque l'Antéchrist après une lecture attentive de Michael
Wise, Martin Abegg jr., et Edward Cook. Ils établissent un parallèle
avec des passages du Nouveau Testament dans lesquels ce titre est
attribué à Jésus (Luc 1,32-33) : « Il sera Grand et sera appelé Fils du
Très-Haut, ... et à son royaume, il n'y aura point de fin ». Ceux-ci
précisent que toute prétention humaine à la filiation divine n'a jamais
trouvé grâce aux yeux du judaïsme (Esaïe 14, 12-21) et ajoutent que,
selon Jean, c'est pour cette raison que Jésus fut accusé par ses
contemporains ; (Jean 10 : 33) : « Nous voulons te lapider pour un
blasphème, car bien que tu sois homme tu te fais dieu ».
Cependant,
un autre concept, celui de Fils de l'Homme, a été utilisé pour Jésus
dans le Nouveau Testament en conformité avec le Tanakh, et c'est
progressivement que la notion de Fils de Dieu s'est finalement imposée
de façon systématique. Selon d'autres spécialistes, Jésus lui-même se
désigne plutôt comme le Fils de l'Homme. La notion christologique d'un
Fils de l'homme humain lié au Père (Abba) précède celle de Fils de Dieu.
Quant au Coran, il réfute que Jésus aurait affirmé être Dieu ou le Fils
de Dieu, et soutient que cela est une déformation des chrétiens
postérieure à Jésus-Christ.
Apparition du mot dans le Nouveau Testament
Le
terme « antéchrist » n'apparaît pas dans le texte de l’Apocalypse, ni
dans le Livre de Daniel, ni dans les passages de Paul de Tarse sur
« l'homme du péché ». Jésus n'emploie pas le mot « antéchrist » pendant
son ministère, y compris lors de sa discussion sur les signes « de la
fin du monde » dans l'évangile selon Matthieu et ses parallèles.
Les
mots « antéchrist » et « antéchrists » (« antichrist » et
« antichrists » dans la Bible de Jérusalem) n’apparaissent que cinq fois
dans la Bible, dans deux des trois épîtres de l'apôtre Jean :
Qui
est menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Celui-là est
l'antéchrist, qui nie le Père et le Fils. » (I Jean 2:22, LS)
Petits
enfants, c'est la dernière heure, et comme vous avez appris qu'un
antéchrist vient, il y a maintenant plusieurs antéchrists : par là nous
connaissons que c'est la dernière heure. » (I Jean 2:18, LS) ... et tout
esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu, c'est celui de
l'antéchrist, dont vous avez appris la venue, et qui maintenant est déjà
dans le monde. » (I Jean 4:3, LS) Cependant, une autre version de ce
passage est conservée dans la Vulgate, chez Irénée de Lyon et Origène :
et tout esprit qui divise Jésus-Christ, n’est point de Dieu; et c’est là
l’Antechrist, dont vous avez entendu dire qu’il doit venir; et il est
déjà maintenant dans le monde. » (I Jean 4:3, Saci) Car plusieurs
séducteurs sont entrés dans le monde, qui ne confessent point que
Jésus-Christ est venu en chair. Celui qui est tel, c’est le séducteur et
l’antéchrist. » (II Jean 1:7, LS)
Le
terme semble ici décrire n'importe quel faux docteur, faux prophète ou
corrupteur de la foi chrétienne, mais il semble quelquefois indiquer une
personne précise ou un simple esprit trompeur qui suscite un faux
enseignement, et dont la présence est un signe de la fin des temps.
Cependant,
dans la compréhension populaire, beaucoup de chrétiens identifient cet
Antéchrist particulier avec l'« homme du péché, le fils de la
perdition » mentionné dans la deuxième épître aux Thessaloniciens (2:2)
et avec différentes figures de l’Apocalypse, y compris le Dragon, la
Bête, le Faux Prophète et la Prostituée de Babylone.
L'Antéchrist
est compris de diverses façons, soit comme un groupe ou une
organisation, soit comme un système de gouvernement fondamentalement
mauvais ou une religion fausse ; ou, plus généralement, comme un
individu, comme le chef d’un gouvernement mauvais, un chef religieux qui
remplace l'adoration du Christ par une fausse adoration, l'incarnation
de Satan, un fils de Satan, ou un être humain placé sous la domination
de Satan.
L’idée
que l'Antéchrist est une personne semble se combiner dans la première
épître de Jean avec celle qui en fait une catégorie de personnes. Jean y
parle de « plusieurs Antéchrists » qui incarnent l'« esprit de
l'Antéchrist », qui auraient vécu dès le premier siècle (« et qui
maintenant est déjà dans le monde », 4:3) et continueraient encore à
exister jusqu’à maintenant.
Comme
Jean l’écrit, un tel Antéchrist (l'adversaire du Christ) est quiconque
qui « nie que Jésus est Christ », « nie le Père et le Fils; » « ne
reconnaît pas Jésus » et « ne reconnaît pas sa venue ».
Des
idées liées et des références apparaissent en beaucoup d'autres
endroits dans la Bible et divers apocryphes, si bien qu’un portrait
biblique plus complet de l'Antéchrist a été créé peu à peu par les
théologiens chrétiens et la religiosité populaire.
L'Évangile
selon Matthieu met en garde contre « les faux Christs » en plusieurs
endroits et contre les trompeurs qui prétendraient être le Christ
revenu. (Mat. 24:5, 24)
Dans
la « Petite Apocalypse » de Paul de Tarse (deuxième épître aux
Thessaloniciens, 2:1-12), on s’attend à ce que « l’homme du péché »,
« le fils de la perdition » s’installe dans le temple de Dieu, sous le
prétexte qu’il est Dieu lui-même.
Cette
représentation de l’Antéchrist conserve le souvenir des actions du roi
séleucide Antiochos Épiphane, qui vers 170 av. J.-C. commanda aux Juifs
de sacrifier des porcs sur l’autel, quatre fois par an le jour du
Shabbat, pour lui rendre hommage comme au dieu suprême du royaume.
Paul
semble avertir ses lecteurs, par cette allusion à des événements
passés, qu’ils doivent s’attendre à des malheurs semblables dans
l’avenir.
Si
quelques chrétiens estiment que les événements annoncés dans ce passage
se sont produits peu après, et donc ont déjà eu lieu, beaucoup d’autres
croient au contraire que l’Antéchrist n’est pas encore paru.
Dans la théologie luthérienne
Martin Luther, à la suite de son conflit avec la papauté, vint à considérer que le Pape était l'Antéchrist.
Cette
affirmation a beaucoup influencé les relations entre protestants et
catholiques, rendant tout dialogue difficile, sinon impossible.
Toutefois, cette affirmation n'est plus défendue que par une minorité de
luthériens aujourd'hui.
Livre de Mormon
Dans
le mormonisme, le terme anti-Christ se réfère à ceux qui nient la
divinité de Jésus-Christ, nient l'Évangile, et s'opposent à sa foi. Les
Mormons généralement reconnaissent trois personnages dans le Livre de
Mormon comme anti-Christs. Ce sont Sherem, Néhor et Korihor, mais
seulement Korihor est explicitement appelé un anti-Christ. Sherem
acceptait la loi de Moïse, mais niait qu’un Christ existerait un jour.
Néhor était un prêtre qui exigeait des paiements, enseignait la
réconciliation universelle, mais estimait que le repentir est inutile.
Korihor était un athée.
Dans l'islam
Apparaissant
dans le Coran tout comme dans la tradition musulmane, il fait mention
d'une figure eschatologique appelée al-Dajjâl (le Trompeur ou
l'Imposteur) ou al-Masîh al-Daajjâl (le Faux Messie ou le Christ
imposteur) correspondant à l'Antéchrist. C'est un faux-prophète qui
apparaît à la fin des temps. Certains courants sunnites l'identifient à
la « Bête » (dâbba) dont parle le Coran qui sort de terre parmi d'autres
signes annonciateurs. Cependant, selon Malek Chebel ce sont seulement
certains exégètes qui identifient l'antéchrist à la bête. Ce personnage
ignoble et perfide est présenté avec insistance comme étant borgne
« alors que Dieu, Lui, n’est pas borgne » et doit ainsi apparaître juché
sur un âne blanc à la tête de l'armée d'« ennemis des imams » à partir
d'une terre d'Orient appelée Khorassan pour répandre l'iniquité et la
tyrannie sur le monde durant quarante jours (ou quarante ans). Il
restaurera le paganisme, l’adoration des idoles avant d'être combattu
pour l'établissement de la justice eschatologique. La plus grande partie
de ses soldats seront « des Juifs d’Ispahan », au nombre de 70 000 mais
toute son armée sera mise en déroute, « et rien de ce que Dieu a créé
ne dissimulera de Juif en ce jour sans qu’il le fasse parler : pas un
arbre, une pierre, un mur, une bête qui ne dise : ô serviteur de Dieu, ô
musulman, voici un Juif, viens le tuer ! ».
La
tradition musulmane mentionne aussi « Al-Mahdi » un autre personnage
important de l'eschatologie islamique qui viendra combattre le Dajjal,
correspondant également au douzième imam de la tradition chiite (Kitab
al-Kafi), disparu en 940. Il sera accompagné dans ce combat d'Îsâ -
Jésus - qui descendra au minaret blanc à l’est de Damas (hadith
d'An-Nawwaawee ibn Sam'âane au sujet de la sortie d'Ad-Dadjaal et de la
descente d'Îsâ). Pour la tradition sunnite, c'est Îsâ lui-même qui
combat al-Dajjâl. Chez certains sunnites, Îsâ est remplacé par le Mahdi,
le sauveur eschatologique, en effet, certains théologiens musulmans ont
tantôt réfuté l'existence du Mahdi, tantôt le retour du Messie qui,
après la mort du Dajjal, se mariera, aura des enfants et sera enterré à
côté de Mahomet au cimetière d'Al-Baqi à Médine. D'après Yûsuf al-Wâbil,
la source la plus redondante est la version où c'est Îsâ lui-même qui
tue l'Antéchrist à la porte de Lod ainsi que celle où le Mahdi a comme
principale caractéristique de combattre non pas l'antéchrist lui-même
mais son armée.
Les
deux courants sunnite et chiite s'accordent globalement sur la
description du personnage de l'Antéchrist appelé Dajjâl. Cependant, dans
le chiisme, l'Antéchrist ne possède pas la même valeur dogmatique, ni
même son opposant, al-Mahdi, ce dernier correspondant également au
dernier imam caché censé appartenir à la descendance de `Ali ibn Abi
Talib le gendre du prophète Mahomet, et quatrième calife de l'islam.
Récits traditionnels
Les
nombreuses histoires circulant sur l'Antéchrist ne concordent que sur
certains points dont le principal est qu'il apparaît avant la fin des
temps pour tenter et tromper l'humanité et lui demander de croire en
lui, accomplissant miracles et prodiges puis se prétendant être Dieu
lui-même. Diverses traditions musulmanes mettent en scène des
personnages évoquant l'Antéchrist - à l'instar d'un jeune homme juif du
nom de Ibn Sayyâd - que Mahomet rencontre dans un épisode rapporté dans
le Sahih Muslim, qui semble avoir été un prophète rival de ce dernier et
qui est parfois assimilé à l'Antéchrist - ou mis en rapport avec
celui-ci, à l'instar du chrétien converti à l'islam du nom de Tamim
ad-Dari, affirmant à Mahomet avoir, au cours d'un voyage, rencontré
l'Antéchrist, « gigantesque et le plus durement garrotté » mais bientôt
libéré et prêt à sillonner la terre entière à l'exception de La Mecque
et Médine, protégées par des anges.
Son aspect physique
Son
aspect physique est assez vague et diverge selon les commentateurs : il
est décrit physiquement tantôt comme un jeune homme, tantôt comme un
« un homme rouge, de forte corpulence », borgne d'un œil tandis que
l'autre est parfois présenté comme vêtu d'une « membrane épaisse »,
généralement présenté comme ayant des cheveux « crépus », mais comme
ayant des cheveux « lisses » selon un hadith considéré faible cheveux
décrits également comme « touffus ». Selon certains, il porte
l'inscription « kafir » (mécréant ou incroyant) entre les deux yeux que
seuls les vrais croyants peuvent lire.
Philosophie
Dans
son livre L'Antéchrist, le philosophe Nietzsche analyse l’avenir de
l’homme à la lumière de l'histoire des valeurs occidentales qui se sont
largement diffusées dans le monde. Selon lui, ces valeurs compromettent
les progrès de l'humanité car elles sont fondées sur la haine et le
fanatisme de la morale chrétienne ; la valeur essentielle de ce système
du ressentiment est la pitié qui juge la vie d'un point de vue
pessimiste (« À quoi bon ? » « Pourquoi souffrir ? » « Il y a une vie
meilleure qui justifie celle-ci ». ). L'auteur pose alors la question de
savoir s'il existe une réponse à cette interprétation dépréciatrice de
la souffrance de l'existence. Les concepts par lesquels il répond à ces
questions (volonté de puissance, éternel retour, surhomme) ne sont pas
évoqués explicitement dans ce texte et Nietzsche se concentre
principalement sur la critique contre la falsification chrétienne des
valeurs.
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