Chartreux
L'ordre des chartreux est un ordre religieux contemplatif à vœux solennels, de type semi-érémitique, fondé en 1084 par saint Bruno et six compagnons (quatre clercs et deux laïcs).
Il
prend son nom du massif de la Chartreuse, au nord de Grenoble, situé
sur la commune de Saint-Pierre-de-Chartreuse dans l'Isère, où ils se
sont établis près de l'actuel monastère de la Grande-Chartreuse.
La communauté de la Grande Chartreuse
La
vie, les coutumes et l'histoire de l'ordre sont indissociables de
celles de sa maison-mère, le monastère de la Grande Chartreuse
(Saint-Pierre-de-Chartreuse, département de l'Isère, France), dont le
prieur est chef d'ordre et dont la communauté joue un rôle fondamental
dans la vie et l'évolution de l'ordre. Le Père général est son
supérieur. Elle l'élit de concert avec les membres du chapitre général.
Ses membres peuvent être élus au définitoire du chapitre général ; ils
assistent directement le Révérend Père dans l'administration de l'ordre.
Ils jouent surtout à l'égard de l'ordre un rôle exemplaire tacite.
Jusqu'à une période relativement récente, la communauté de Chartreuse ne
faisait pas l'objet de visite canonique.
Devise, blason, sigle
Emblème et devise de l'Ordre des Chartreux
La devise informelle de l'ordre des Chartreux, apparue tardivement, est « Stat Crux dum volvitur orbis » (La croix demeure tandis que le monde tourne). Elle n'a aucun caractère officiel.
Le blason de l’ordre, attesté dans des documents dès le XIIIe siècle, est beaucoup plus ancien que la devise. Il comporte un globe surmonté d’une croix entourée de sept étoiles. Par humilité, les étoiles sont parfois placées sous le globe. Elles symbolisent Bruno et ses 6 compagnons dont l’arrivée à Grenoble fut annoncée par un songe prémonitoire où l’évêque saint Hugues rapporte avoir vu sept étoiles.
L'abréviation O.Cart. pour Ordo cartusiensis est utilisée par les personnes étrangères à l'Ordre pour désigner l'ordre cartusien ou ses membres. Cet usage, venu d'Amérique au cours du XXe siècle, est contraire à la tradition diplomatique de l'Ordre des Chartreux qui signent simplement "fr. N. Chartreux" en toutes lettres. La diplomatique ecclésiastique du Saint-Siège l'ignorait encore en 1965[1]. Dans l'Annuario pontificio de l'année 2000, on trouve néanmoins le double sigle "Certosini" et "O. C.".
Gouvernement de l'ordre
L'ordre
cartusien est, avec celui de Cîteaux, un des premiers ordres
centralisés de l'histoire de l'Église catholique. Il est gouverné par le
chapitre général qui se réunit actuellement tous les deux ans (tous les
ans au Moyen Âge et à la période moderne).
Le prieur de la Grande-Chartreuse a reçu - ou pris - divers titre au cours de l'histoire :
- "Prior Cartusiae" (Prieur de Chartreuse) : d'après les cartes (décisions) du chapitre général au Moyen Âge ;
- "Donnus Cartusiae" (Monsieur de Chartreuse) : cartes du chapitre général au Moyen Âge ;
- "Orateur de Chartreuse" (du latin orare, prier) : Dom Innocent Le Masson, prieur de la Grande Chartreuse au XVIIe s. ;
- "Révérend Père" ou "(Révérendissime) Père général", sans autre qualificatif ; par exemple : comme l'a dit le Révérend Père,... (sous entendu : général).
Assisté
d'un Conseil (ou Conseil privé, composé de moines de la Grande
Chartreuse et de quelques prieurs), il gouverne l'ordre au nom du
chapitre général, qui lui délègue ses pouvoirs entre les sessions. La
tradition est qu’il ne quitte pas les limites du désert de la
Grande-Chartreuse pour donner à l'ordre l'exemple de la stabilité
monastique. Il est assisté par un conseil et des Visiteurs qui visitent
en son nom chaque maison de l'ordre, une année sur deux, entre les
chapitres. Depuis 1376, il est représenté auprès du Saint-Siège par un
procureur général dont le lieu de résidence, après avoir été Avignon
(Chartreuse de Val de Bénédiction) puis Rome, est actuellement à la
chartreuse de Serra San Bruno (Calabre).
Chaque maison est dirigée par un prieur, élu par la communauté ou désigné par les instances supérieures de l'ordre. Les supérieurs ne sont pas élus pour une période donnée, mais ils doivent démissionner (« demander miséricorde », selon la formule propre à l'ordre) à chaque chapitre général qui décide de les reconduire ou non dans leurs charges ; ils peuvent aussi être déposés par les visiteurs canoniques de leur maison, mandatés par le Chapitre général. En conséquence, chaque moine qui exerce une fonction, de la plus humble à la plus élevée, peut rester en charge indéfiniment s'il exerce sa fonction à la satisfaction de tous, ou peut être déposé à tout moment en cas de problème grave. Aucun autre système de gouvernement ne permet autant de souplesse et de liberté et l'équilibre des pouvoirs. (Il n'y a pas d'abbé en Chartreuse. Il est donc inapproprié de parler d'abbaye à propos des maisons de l'ordre.)
Règle, Coutumes, Statuts
Les Chartreux ne suivent pas la Règle de saint Benoît, mais les dispositions d'un corpus coutumier évolutif, qualifié de Statuts. Seule l'organisation de la liturgie des Heures suit d'assez près la Règle bénédictine.
Mises par écrit pour la première fois par Guigues, vers 1127, les Consuetudines Cartusiae ou Coutumes de Chartreuse
furent adaptées au fil des chapitres généraux et des exigences du droit
canonique, et rééditées sous des formes et avec un contenu très
différents, à plusieurs reprises. Voir article connexe
La version actuellement des Statuts de l'ordre cartusien fut approuvée par le Chapitre Général de 1987.
Les Statuts de l'ordre des Chartreux sont composés traditionnellement de deux parties :
- le Statut proprement dit qui décrit le propos cartusien, son mode de vie, le gouvernement de l'ordre.
- l'Ordinaire qui décrit tous les rites et la liturgie de l'Ordre.
Traits fondamentaux de la Chartreuse
Cet
ordre est un des plus austères : les religieux observent une clôture
perpétuelle, un silence presque absolu, de fréquents jeûnes et
l'abstinence complète de viande. Ils ne reçoivent la visite de leur
famille que deux jours par an. Ils portent une robe de drap blanc,
serrée avec une ceinture de cuir, et un scapulaire avec capuce du même
drap, appelé cuculle. Ils portent en permanence
le cilice maintenu à la taille par une corde appelée lombar. A
l'extérieur des limites des maisons, ils portent une chape noire avec
capuchon pointu, identique à celle que portent les novices pour les
exercices conventuels.
La famille cartusienne
Dès
1084, le groupe des fondateurs était composé de prêtres et de laïcs qui
donnèrent naissance à deux formes distinctes et complémentaires de vie
cartusienne qui se sont perpétuées avec sagesse jusqu'à nous. Des
familiers clercs ou laïcs leurs furent rattachés à certaines périodes de
l'histoire de l'ordre. La tendance du gouvernement de l'ordre a
toujours été de les assimiler progressivement à l'un ou l'autre des
groupes initiaux (pères ou frères convers).
Les Chartreux peuvent donc être
- moines du cloîtres : ce sont les Pères qui sont tous prêtres ou appelés à le devenir.
Aujourd'hui,
tout chartreux est prêtre ou appelé à le devenir. Au Moyen Âge, tout
moine du cloître était clerc ou appelé à le devenir. Il faut noter que
jusqu'au début du XIVe siècle au moins ce statut n'impliquait pas
nécessairement la réception du sacrement de l'ordre par tous et encore
moins la célébration régulière de la messe par tous. Jusqu'à cette
période, les chartreux étaient connus pour célébrer la messe moins
souvent que les séculiers et religieux des autres ordres (voir Jacques
de Vitry).
- frères : ce sont les frères laïcs, répartis aujourd'hui en deux catégories :
- les frères convers
Depuis
les origines, ils font une profession de type monastique. Jusqu'aux
réformes postérieures au concile Vatican II, ils portaient tous la
barbe. Leur habit est le même que celui des Pères.
- les frères donnés
Leur
vie est la même que celle des convers, mais ils portent un habit plus
simple (habit de choeur blanc, sans bandes pour relier les pans de leur
cuculle, autrefois brun avec un scapulaire plus court); ils ont le
visage rasé ; leurs jeûnes sont moins sévères que ceux des convers; ils
ne sont pas astreints au lever de nuit quotidien)
S'y ajoutaient autrefois :
- des prébendiers: cette catégorie de religieux a été supprimée avant la Révolution française.
- des clercs rendus : cette catégorie de religieux a été supprimée avant la Révolution française.
Dès
le XIIIe siècle, on rencontre en Chartreuse une catégorie de frères
appelés "clercs rendus". C'étaient des religieux tonsurés, certains
pouvant accéder à la prêtrise, qui n'étaient pas liés par la profession
monastique, mais menaient une existence intermédiaire très proche de
celle des Pères du grand cloître. Ils se distinguaient surtout par une
obligation moins stricte à la solitude qui permettait de leur confier
des missions à l'extérieur des limites des maisons. Cette forme de vie
plus souple fut supprimée à cause des abus qu'elle entraîna
inévitablement, mais il ne faut pas oublier les services insignes
qu'elle rendit à l'ordre et surtout le secours spirituel qu'elle permit
d'apporter à des tempéraments épris de la vie cartusienne mais trop
actifs pour la garde stricte et permanente de la cellule, ou encore
doués pour des activités utiles à l'ordre mais incompatibles avec la
stricte stabilité de la cellule.
Un érémitisme accompagné
La vie des Chartreux est la recherche d'un équilibre entre l’érémitisme
et le cénobitisme. Au sein de leur monastère, les Pères partagent leur
vie entre la solitude d'une maisonnette appelée cellule où ils dorment,
mangent, travaillent et prient seuls, et des moments de vie commune
consacrés à la célébration du culte divin et à certains moments de
détente. Ils se rassemblent tous les jours pour la messe et les vêpres
ainsi que pour l'office des matines chanté au milieu de la nuit. Les
dimanches et jours de fête, ils mangent ensemble à midi seulement et ont
une récréation commune. Une fois par semaine, ils ont une promenade
communautaire durant laquelle ils cheminent deux par deux et parlent
librement. Cette solitude face à Dieu et à soi-même requiert des
dispositions peu communes, une grande abnégation et un équilibre
psychologique approprié. Les moines Frères s'adonnent essentiellement
aux travaux manuels nécessaires à l'entretien du couvent et à la
subsistance matérielle des Pères. Ils participent également à une
liturgie adaptée à leur état.
Tendu
vers Dieu seul, le moine chartreux mène une vie contemplative à l'écart
du monde. Intégralement ordonnés à la prière d'intercession,
d'adoration et de louange, il ne prêche pas et refuse les
correspondances spirituelles ou l'accompagnement spirituel des personnes
de l'extérieur. Il s'abstient même de toute activité pastorale, sociale
et intellectuelle autre que la prière et ce qui y conduit. Ces éléments
ne sont pas des fins en soi, mais le revers d'un attachement privilégié
à Dieu. Par son détachement du monde et son union à Dieu, le moine
entend proclamer sa foi en un Dieu tellement transcendant qu'il peut
appeler des hommes à ne vivre que pour lui. Il se veut ainsi signe et
moyen d'une communion avec tous par l'union avec Celui qui est créateur
et sauveur de tous. Autrement dit, la vie cartusienne est l'expression,
radicale et quelque peu marginale, d'une certaine conception chrétienne
des rapports du monde avec Dieu qui insiste plus sur la foi en la
transcendance et en la Toute puissance du divin que sur l'implication
temporelle du croyant. Elle ne peut cependant se comprendre
indépendamment de la complémentarité des vocations et des formes de vie
qui s'équilibrent dans l'organisme du corps tout entier de l'Eglise.
Activités solitaires
L'ordre,
au cours de son histoire, n'a cessé de chercher la mesure d'une
activité intellectuelle épanouie qui permette à ses moines de poursuivre
un voyage, sans chemin et parfois sans lumière, dont Dieu, en sa
transcendance, est l'unique horizon. Une certaine vie d'étude est
préconisée, orientée vers l'approfondissement des vérités de la foi par
la lecture de l'Écriture sainte, des Pères de l'Église et des
théologiens, de l'histoire ecclésiastique, selon les goûts et capacités
de chacun .
Mais ce serait un leurre de penser que la Chartreuse soit propice à la
recherche intellectuelle et aux publications, même entrepris en vue du
bien d'autrui. Les fatigues de l'observance, l'absence de stimuli et
d'échanges, l'impossibilité de disposer d'une bibliographie renouvelée
et suffisante rendent bien souvent illusoire la possibilité comme la
pertinence de bien des travaux. Les impératifs du silence et de la
solitude, radicalisés depuis Vatican II, autant que les exigences
contraires de la formation scientifique et intellectuelle modernes,
invitent à la recherche de nouveaux équilibres. Si le but naturel de la
science et des études est de travailler pour les autres, le propos de
vie cartusien, tel qu'il est actuellement défini, se refuse par principe
à ce que cette utilité soit autre que surnaturelle et rejette, par
conséquent, toute réalisation temporelle, même religieuse, pastorale ou
intellectuelle extérieure à l'ordre.
Activités caritatives de l'ordre
Les Statuts de l'ordre font un devoir à tout supérieur de pratiquer abondamment l'aumône à l'égard des plus pauvres . Jusqu'au milieu du XXe
siècle, les distributions de vivres aux portes des monastères,
l'entretien d'hôpitaux, d'écoles et d'orphelinat n'étaient pas rares.
Jusqu'aux expulsions de 1904, la Grande Chartreuse hébergeait et
nourrissait de nombreux hôtes chaque jour, imitée par les maisons de
l'ordre qui en avaient les moyens. Aujourd'hui les Chartreux préfèrent
agir de manière plus discrète. Un père est chargé de distribuer des
aumônes conséquentes au nom de l'ordre entier pour soutenir des
activités ecclésiales, sociales ou caritatives d'envergure partout dans
le monde.
Vie spirituelle : solitude et silence
Les
Chartreux n'ont pas de doctrine spirituelle propre. C'est leur genre de
vie et leur liturgie, célébrée selon un rite propre, le rite cartusien,
qui structurent leur vie spirituelle.
Article connexe : rite cartusien.
Aucun
auteur ou livre particulier ne résume l'intégralité de celle-ci, sinon
peut-être les éditions des Statuts postérieures au Concile Vatican II.
Ils contiennent en effet plusieurs principes de vie spirituelle d'une
grande profondeur.
Le
maître-mot de la spiritualité des Chartreux est SOLITUDE, c’est-à-dire
consécration totale et absolue à Dieu seul, sous la forme du renoncement
aux contacts sociaux ordinaires, autant que le permet l'équilibre des
personnes et la charité chrétienne.
Le
SILENCE en est le corollaire ; il n’est pas vécu en Chartreuse de
manière absolue (le Chartreux parle à ses confrères, à ses supérieurs,
lorsque la vie matérielle, le travail ou l’âme le demandent) mais comme
une exigence intérieure qui appelle à l’écoute de Dieu seul, dont
l’Absolu transcende tout discours humain et s’exprime dans une seule
Parole qui est son Fils, homme comme nous, mort et ressuscité. Cette
écoute est donc plus l’imitation d’un modèle de vie, Jésus-Christ
adorateur du Père et vie donnée pour le salut du monde, que l’analyse
d’un discours intellectuel qui se traduirait dans les paroles d'un
enseignement.
L'austérité
des observances monastiques n’est que l’expression institutionnelle et
la traduction anthropologique de cet idéal, en particulier à travers le
renoncement aux déplacements, aux visites (seuls les proches parents
sont reçus deux jours par an), aux journaux, à la radio et à la
télévision, au téléphone, à internet (sauf pour les supérieurs et dans
des buts biens précis), aux conversations libres, à la correspondance,
même spirituelle, à la musique instrumentale, etc. Son interprétation
extrême va jusqu'à voir dans l'écriture et le travail intellectuel un
danger possible pour une simplicité monastique conçue en dépit du
réalisme anthropologique tel qu'il est ordinairement compris par la
société moderne.
Silence
et solitude cartusiens n’ont de sens que comme voies vers l'acceptation
pauvre et patiente du mystère de Dieu. Sa transcendance, irréductible
aux données de l'expérience et de la pensée humaines, s’impose au moine
d’abord comme une absence douloureuse puis comme une présence
insaisissable. Associé à la déréliction du Fils sur la Croix, confronté
comme tout homme à l’absence de Dieu – « Ou est-il ton Dieu? » (Ps. 41,
4) « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Ps. 21, 2) – le
chartreux trouve dans la vie de Jésus, synthèse de tout ce que Dieu
entend dire à l’homme et de tout ce que l'homme a à dire à Dieu,
l’unique parole nécessaire à sa traversée du désert et au repos de la
terre promise.
Le
chemin de la vie mystique consiste alors à s’acclimater au silence de
Dieu, revers de sa transcendance, au fil d'un difficile dépouillement
sensible, et surtout psychique, dont le fruit est la Paix.
Ce
dépouillement renvoie l'homme à lui-même, à la simple existence commune
à tout être humain dans sa pauvreté de chaque jour, prise en tenaille
entre espoir, joies - simples - et souffrances - qui le sont un peu
moins - spécialement lorsque les moyens ordinaires de la religion
(liturgie, prière vocale, chant, amitié humaine, bonne parole des
confrères et même lecture pieuse ou lectio divina, soutient sensible des
sacrements etc.) ne sont plus vécus que dans la nudité de la foi nue,
préservée par l’observance monastique des dérivatifs qui soutiennent
parfois la condition humaine mais ne lui ôtent pas ses limites. Un jour
le moine découvre que le fruit de cet effort n'est pas au bout du
chemin. Il est dans la poussière qu'il foule aux pieds, le soupir de son
voisin, le chant des abeilles dans les fleurs du pommier ; ils ont pris
soudain pour lui le visage du Dieu qui les fait être et qui suffit à
son bonheur, tellement simple qu'il en est invisible.
La journée d'un Chartreux
L'essentiel
de la vie du Chartreux se passe dans l'espace clos de la cellule
individuelle qui est sa joie, sa croix et son chemin. Les murs qui
l'entourent dessinent son unique horizon: le Ciel.
Les Pères
Les
horaires varient selon les latitudes et les maisons, selon les époques
aussi. Le lever de nuit, par exemple, ne s'est pas mis en place avant
les premières décennies du XVe siècle. Il n'est possible de donner ici
qu'un horaire-type qui correspond aux usages du dernier quart du XXe
siècle et ne reflète que peu l'organisation de la vie cartusienne
antérieure au Concile Vatican II .
Sa fragmentation est relative, dans la mesure où il arrive que les
activités des uns et des autres au service de la communauté obligent à
dégager des tranches horaires plus continues. En dehors du cadre fixe
des offices liturgiques et des exercices conventuels, travail manuel,
étude et prière mentale sont organisés et proportionnés par chacun de
manière libre et responsable.
L'horaire-type
des années de formation demeure néanmoins pour tout chartreux la
garantie d'un équilibre. Il n'est pas rare que de vieux moines, après
des décennies passées dans l'exercice de charges conventuelles
accaparantes, reviennent au soir de leur vie à la régularité des
horaires de leurs premières années de formation religieuse.
Semaine
- 05h30 : cellule : lever
- 05h45 : cellule : "prime de l'office de la Vierge suivi de l'office du jour"
- 06h15 : cellule : angélus et oraison mentale
- 06h45 : église : messe conventuelle chantée
- 07h45 : "messe lue" en solitude dans une des chapelles de la maison (jamais en cellule)
- 08h30 : retour en cellule, action de grâce, exercices spirituels (oraison, prières de dévotion, chapelet, etc. selon les goûts de chacun)
- 09h00 : cellule : "tierce de l'office de la Vierge suivi de l'office du jour"
- 09h15 : cellule : étude, lecture
- 10h00 : cellule : travail manuel fort (préparation du bois de chauffage, jardin, tour à bois)
- 10h30 : cellule : "sexte de l'office de la Vierge suivi de l'office du jour"
- 10h45 : cellule : repas
- 11h45 : cellule : détente, ménage, petits travaux simples
- 12h00 : cellule : angélus, poursuite de la récréation
- 12h30 : cellule : "none de l'office de la Vierge suivi de l'office du jour"
- 12h45 : cellule : étude
- 13h45 : cellule : travail manuel fort (préparation du bois de chauffage, jardin, tour à bois)
- 14h45 : cellule : "vêpres de l'office de la Vierge"
- 15h00 : église : vêpres de l'office du jour chantées
- 15h30 : retour en cellule, lecture spirituelle
- 16h15/16h30 : cellule : repas du soir (un plat chaud, salades, fruits et fromage, de Pâques au 13 septembre) ou simple collation (pain et boisson chaude, du 14 septembre à Pâques)
- 17h00 : cellule : détente (comme après le repas de midi)
- 17h30 : cellule : oraison mentale, examen de conscience (en cellule), confession sacramentelle (dans la cellule du confesseur au moins une fois par semaine)
- 18h00 : cellule : angélus, "office de complies"
- 18h30/19h00 : coucher
- 22h30 : cellule : lever de nuit
- 22h45 : cellule : matines de l'office de la Vierge, prière silencieuse, chapelet, selon les goûts
- 23h15 : église : office des matines du jour, intégralement chanté
- 01h15/02h00 (selon le degré des fêtes) : retour en cellule, "office des laudes" (office de la Vierge)
- 01h35/02h15 : coucher
Nota
bene : le lundi ou le premier jour libre de la semaine, entre 12h et
15h30 a lieu le 'spaciement' ou promenade conventuelle hors clôture ; le
repas et none sont anticipés de 3/4 d'heure et les vêpres sont
repoussées d'une heure environ.
Dimanches et fêtes chômées
- 22h30 : cellule : lever de nuit
- 22h45 : cellule : "office des matines" (office de la Vierge), prière silencieuse, chapelet, selon les goûts
- 23h15 : église : office de matines" (office du jour), intégralement chanté
- 01h45/02h30 (selon le degré des fêtes) : retour en cellule, "office des laudes" (office de la Vierge)
- 02h30/03h00 : coucher
- 05h45 : cellule : lever
- 06h00 : cellule : "office de prime" (office de la Vierge suivi de l'office du jour)
- 06h30 : cellule : angélus
- 06h35 : chapelles : "messe lue" en solitude dans une des chapelles de la maison
- 07h30 : cellule : tierce de l'office de la Vierge, oraison mentale
- 08h00 : église : office de tierce du jour, suivi de la bénédiction de l'eau ('Asperges me'), messe conventuelle
- 09h00 : cellule : action de grâce, "office de sexte" (office de la Vierge)
- 09h45 : église : sexte du jour
- 10h00 : réfectoire : repas
- 10h30 : cellule : "office de none" (office de la Vierge)
- 10h45 : cellule : détente
- 12h00 : cellule: angélus
- 12h30 : église : office de none
- 12h50 : chapitre : lecture de l'évangile ou des Statuts, du martyrologe et du nécrologe conventuel
- 13h00 : cellule : détente, lecture
- 13h45 : récréation commune en clôture
- 15h15 : cellule : "office des vêpres" de l'office de la Vierge
- 15h30 : église : office de vêpres de l'office du jour
- 16h00 : retour en cellule, lecture spirituelle
- 16h15/16h30 : repas du soir en cellule (un plat chaud, salades, fruits, fromage (sauf pendant l'Avent et le Carême)
- 17h00 : détente (comme après le repas de midi)
- 17h30 : oraison mentale, examen de conscience (en cellule), confession sacramentelle (dans la cellule du confesseur au moins une fois par semaine)
- 18h00 : angélus, "office de complies"
- 18h30/19h00 : coucher
Les Frères
Les
journées des frères se caractérisent par des offices liturgiques
allégés et une plus grande part donnée au travail manuel. Les horaires
varient selon les maisons de l'ordre. On peut cependant relever les
traits généraux suivants:
En semaine, depuis la suppression des correries, les frères n'assistent qu'à l'office de matines et se retirent dans leur chambre, également qualifiée de cellule, pour une oraison mentale solitaire déjà prévue par les Coutumes de Guigues.
Lorsqu'ils
participent à l'office au chœur, les frères ont aujourd'hui le choix
entre diverses formes de participation, selon leurs goûts et leurs
aptitudes :
- participation silencieuse et prière personnelle
- récitation des offices de Pater selon l'ancienne tradition de l'ordre
- participation au chant choral (ceux qui le peuvent chantent leçons et répons et imposent leurs antiennes comme les moines du cloître)
Le
matin et le soir, ils ont un office commun en langue vernaculaire dans
la 'chapelle de famille' (voir ci-dessous architecture). Depuis Vatican
II, la plupart assistent à la messe conventuelle chantée, mais
auparavant ils assistaient à une messe dite spécialement pour eux par le
Procureur ou un autre Père désigné à cet effet, toujours dans la
'chapelle de famille'. En semaine, ils n'assistent pas aux Vêpres
conventuelles des Pères. Ils passent la journée à travailler dans leurs
'obédiences' ou ateliers répartis dans la maison.
Le
dimanche, ils assistent à tous les offices conventuels et ont en plus,
généralement après les Vêpres, une conférence spirituelle donnée par le
Procureur ou un religieux désigné. Avant Vatican II, leur chapitre comme
leur réfectoire étaient distincts de ceux des Pères. Depuis l'adoption
de la langue vernaculaire pour les lectures de table et les sermons de
chapitre, toutes la communauté est réunie pour ces occasions.
Ne
bénéficiant pas de la même solitude que les Pères, les frères n'ont de
promenade commune qu'une fois par mois. Ils ne se joignent aux
récréations et spaciements des Pères qu'à quelques occasions de l'année.
Subsistance matérielle
La solitude n'a jamais permis aux Chartreux l'exploitation de grands domaines agricoles, comme leurs cousins cisterciens.
Au
fil des siècles, les revenus économiques des Chartreux ont varié en
fonction des circonstances sociaux économiques et du contexte propre de
chaque maison. Après avoir été pastorale et forestière, l'économie
cartusienne traditionnelle a beaucoup bénéficié de l'exploitation des
forges. Depuis la fin du XIXe siècle,
les moines tirent une partie de leur revenus de la commercialisation
d’une liqueur qui porte leur nom (Chartreuse), mise au point à la Grande
Chartreuse. Seuls deux moines du monastère en connaissent la recette
secrète qui a suscité jusqu'au cours du XXe siècle bien des convoitises
(vols, confiscations, chantages, y compris de la part de membres de
l'ordre, etc.) Actuellement, l'exploitation de la liqueur est confiée à
une société privée laïque, située à Voiron (Isère).
Chaque
maison de Chartreux essaie autant que possible de vivre de revenus
propres (dons, fermages de terres, forêts, vignes, artisanat, etc.).
Mais le peu de temps consacré au travail manuel, les besoins internes de
la vie quotidienne, la raréfaction des vocations et le primat de la vie
contemplative interdisent toute activité économiquement rentable de la
part des moines et des moniales.
L'entretien
des bâtiments est une source de dépenses considérables. En cas de
besoins, les revenus capitalisés de la liqueur permettent aux autorités
de l'Ordre d'accorder certains subsides aux maisons les plus
défavorisées.
L'hospitalité cartusienne
La conception cartusienne de l'hospitalité est conditionnée par le propos de solitude radicale qui caractérise cet ordre.
Ermites
et cénobites à la fois, mais ne suivant pas la Règle de saint Benoît,
les Chartreux n'ont jamais adopté les principes de l'hospitalité
monastique propres à la famille bénédictine. Leur accueil des personnes
extérieures ont considérablement varié au cours des siècles, en fonction
des moyens financiers, du recrutement des maisons, des conditions
locales et politiques et des relectures que les générations successives
de Chartreux ont faites de leur propre idéal.
Ils
ne pouvaient pour autant s'abstraire des devoirs de la charité
chrétienne. Depuis le temps de Guigues - dont les Coutumes (c. 19)
parlent déjà de la "frequentia" des hôtes reçus au monastère - les
moines avaient toujours fait bon accueil aux personnes qui se
présentaient à la porte de la Grande Chartreuse, mais dans la mesure de
leurs ressources, dans celle surtout du respect de leur propos de
solitude, principes qui obligeaient déjà à une certaine "discrétion"
dans l'accueil réservé aux "étrangers" (les hôtes dans le langage
cartusien).
En la matière, la Grande Chartreuse fonctionne comme modèle pour le reste de l'ordre.
Jusqu'à
la Révolution française, l'accroissement des ressources et celui du
personnel de la Grande Chartreuse eurent pour conséquence celui de
l'hospitalité, apparemment sans dommage pour la solitude, les religieux
se déchargeant sur un personnel laïc d'une grande part de ce travail. En
1687, Dom Le Masson apprend qu'on logeait jusqu'à 80 hôtes extérieurs à
la fois à la Grande Chartreuse et que le nombre de personnes nourries
chaque jour avoisinait les deux cents à certaines périodes de l'année.
En 1785, on a pu avancer avec "grande exactitude" le chiffre de cinq à
six mille personnes par année, soit une moyenne de 16 personnes par
jour, en constante augmentation jusqu'à la Révolution française. Après
la restauration de 1803, cet état de fait se prolongea encore.
Proportionnellement, il en allait de même dans les autres maisons de
l'ordre, à proportion de leurs ressources et de leur rayonnement. Depuis
la Seconde guerre mondiale, cette attitude fit l'objet de plus en plus
de réserves de la part des visiteurs canoniques, jusqu'à être
radicalement stoppée dans plusieurs maisons dans le courant des années
1960-1970. Comme toujours, la Grande Chartreuse fut la première à mettre
des limites strictes au flot des visiteurs, dès le retour d'exil dans
les années 1950.
Les
femmes ne sont jamais autorisées à pénétrer en clôture, même pour
assister aux offices de profession ou de sépulture, à l'exception des
membres de la suite de chefs d'Etats ou de souverains. Cette observance
qui frappe les imaginations est pourtant commune à tous les ordres
monastiques, bien qu'en général la nef des églises conventuelles y soit
placée hors clôture et que des exceptions y sont parfois pratiquées avec
plus de libéralité qu'en Chartreuse.
Architecture
Le
propos de vie cartusien, associant cénobitisme et érémitisme, donna
naissance à une architecture et à une organisation originales des
bâtiments conventuels. Cette structure, fixée probablement dès les
reconstructions postérieures à l'avalanche de 1132 qui détruisit les
bâtiments de bois de la Chartreuse primitive, a été adoptée par tous les
établissements cartusiens à travers l'Europe.
Malgré
cette uniformité de structure, il n'existe pas de chartreuse modèle. A
chacune,surtout en zone montagneuse ou dans les terrains accidentés, la
configuration des lieux a imposé des caractéristiques particulières. Les
maisons préexistantes, adaptée à la vie cartusienne après affiliation à
l'ordre, ou réadaptée à la suite de suppressions temporaires,
présentent également des originalités (par exemple Trisulti ou
Sélignac). Viollet-le-Duc a décrit la
chartreuse idéale à partir du plan de la Chartreuse de Clermont qu'il
avait pu observer avant sa destruction. La chartreuse de Bosserville est
un bon exemple, lisible et visitable, des maisons de plaine construites
au XVIIe siècle. La chartreuse de la Transfiguration aux États-Unis,
construite dans les années 1970, offre un exemple original
d'architecture moderne cartusienne.
Sur
l'architecture cartusienne, cf. Dom Augustin Devaux, L'Architecture
dans l'ordre des Chartreux, 2 vol., Sélignac, 1998 (Analecta Cartusiana
146).
Structure générale des bâtiments
Tous
les moines doivent vivre dans l'absolue solitude et le silence,
garantis par l'espace géographique du désert et les murs de la clôture.
À
l'image de la communauté qui les habite, les bâtiments de la vie
cartusienne occupent deux espaces distincts, l'un abritant les pères
(cellules et grand cloître) et l'autre les frères (bâtiments des frères,
obétiences ou ateliers). Tous deux sont regroupés autour des bâtiments
de la vie commune (église, chapitre, réfectoire, cimetière). Cet
ensemble est caractérisé par la simplicité et la sobriété propres à
l'ordre.
Chaque
père du cloître occupe une petite maison reliée aux autres par un
couloir ou cloître commun, qui permet la circulation à l'abri des
intempéries et relie le quadrilatère des cellules (grand cloître) à
celui de la vie commune (petit cloître, appelé aussi "galilée") autour
duquel sont disposés l'église, le réfectoire, le chapitre.
D'après
les Coutumes primitives, les lieux de la vie cartusienne se
répartissaient entre maison haute, où vivent les pères, et maison basse
où vivent les frères, enclos dans l'espace d'un même désert.
Maison basse et bâtiments des frères
La communauté des laïcs (ou convers)
vivait, travaillait et priait dans les bâtiments de la maison basse (ou
« correrie »),située à la Grande Chartreuse, à deux kilomètres en aval
de la maison haute abritant les cellules des Pères, à proximité des
routes fréquentées, mais à l'intérieur de l'enceinte du désert (voir
cliché). Dans les autres maisons de l'ordre, lorsque les conditions de
solitude devinrent insuffisantes, la distinction entre maison haute et
basse fut progressivement supprimée, d'abord dans les nouvelles
fondations, puis dans les anciennes maisons. Dès lors, les frères
occupaient des bâtiments réservés à l'intérieur de la clôture de la
maison haute, et proches de leurs ateliers ou "obédiences", mais
suffisamment séparés des cellules pour ne pas en troubler le silence.
L'église conventuelle et les lieux de culte
Chaque chartreuse comprend plusieurs églises et chapelles :
L'église conventuelle
L'église
conventuelle est le centre du monastère ; c'est une construction
souvent étroite et dépourvue de nefs latérales. L'église cartusienne est
divisée en quatre parties :
- Le sanctuaire
Il
comprend l'autel et le tabernacle. À droite de ceux-ci, la piscine est
une armoire pratiquée dans l'épaisseur du mur où se rangent les vases
sacrés et se préparent les oblats pour l'offertoire selon le rite
cartusien. Également sur la droite en faisant face à l'autel, est fixée,
contre le mur et perpendiculairement à l'autel la cathèdre ou siège du
célébrant.
- Le chœur des moines
Il
occupe environ les deux tiers de la nef. Chaque mur est bordé d'une
rangée de stalle simples et d'une rangée de 'formes' ou long prie-Dieu
d'une pièce qui longe toute la rangée des stalles et sur lequel sont
posés les livres liturgiques pendant les offices. Au milieu, dans le
tiers inférieur, au centre de la nef, est placé le 'lectoire' ou pupitre
destiné aux lectures de l'office de nuit, au chant de l'épître de la
messe et des oraisons de Laudes et Vêpres.
- Le chœur des frères
Il
est séparé du chœur des moines par un jubé, parois de bois, fermée par
une porte à double battant qui est ouverte durant la messe et les
offices. Les frères s'y rassemblent pour assister à une partie de
l'office de nuit, à la messe et à certains offices communs. Depuis le
concile Vatican II, il leur est loisible de participer aux offices dans
le chœur des Pères et de se joindre à eux par le chant, s'ils en ont le
désir et les capacités. Au jubé, surmonté d'une croix, sont adossés,
dans le chœur des frères deux autels, de part et d'autre de la porte du
chœur des Pères.
- La tribune
Une
tribune en hauteur, au-dessus du chœur des frères, permet d'accueillir
les étrangers à la communauté admis à participer aux offices. Il n'y a
jamais d'orgues dans les églises cartusiennes.
À
l'origine, comme dans les constructions récentes, les églises
cartusiennes ne comprennent qu'un seul autel. Au XIIIe siècle seulement
il y fut autorisé la construction de deux autels secondaires, édifiés
contre le jubé qui sépare le chœur des Pères de celui des frères.
Trois
portes sont pratiquées dans les murs des églises cartusiennes. L'une
permet la circulation entre le petit cloître et le chœur des Pères.
C'est par elle qu'ils entrent à l'église pour les offices. En face
d'elle se trouve la porte du 'vestiaire' où le prêtre revêt les
ornements sacerdotaux pour la messe et par laquelle il fait son entrée
au sanctuaire pendant le chant de l'introït de la messe. En Chartreuse,
le terme de sacristie, et sa fonction ordinaire, sont plutôt réservés à
la cellule du religieux chargé de cet office (Dom Sacristain). Une
troisième porte est pratiquée sous la tribune, au fond du chœur des
frères; elle leur permet d'accéder à l'église. Selon la disposition des
lieux, les processions de sépulture passent également par cette porte
pour entrer à l'église après la levée de corps ou pour se rendre au
cimetière après la messe de sépulture.
Enfin
un clocher abrite les cloches qui scandent la vie du monastère. Il est
ordinairement situé à l'aplomb de la croisée de la nef et du sanctuaire,
à l'entrée du chœur des Pères qui sonnent la cloche à tour de rôle au
fur et à mesure de leur arrivée à l'église avant les vêpres et les
petites heures du dimanche. Le messe et l'office de nuit sont sonnés par
le sacristain seul.
Le chapitre
Le
chapitre, généralement pourvu d'un autel consacré, abrite la
célébration du chapitre conventuel le dimanche après prime et none (la
célébration de prime à l'église, les dimanches et fêtes a été supprimée à
la suite du concile Vatican II, mais non l'office qui continue d'être
célébré en cellule. Néanmoins le chapitre de prime a également été
supprimé à cette occasion.) Le chapitre abrite également diverses
cérémonies liturgiques (sermons, lavement des pieds le Jeudi-Saint,
etc.) et peut également servir à la célébration des messes lues.
La "chapelle de famille" ou de la maison basse
Les
Chartreux appellent "chapelle de famille" la chapelle des frères laïcs.
Primitivement c'était l'église de la maison basse. Depuis la
suppression de celles-ci, les frères ont un lieu de culte propre, à
proximité de leurs quartiers. Ils y prient en commun matin et soir. Le
procureur y célèbre la messe pour les frères qui ne peuvent assister à
la messe conventuelle. Lui-même ou un père désigné par lui y fait
également une conférence spirituelle hebdomadaire aux frères.
La chapelle des reliques
Chaque
maison ancienne abrite une chapelle des reliques, particulièrement
ornée et équipée de vitrines ou d'armoires pour abriter les reliques
conservées dans le monastère. La communauté peut s'y rassembler chaque
année pour écouter la nomenclature des reliques conservées au monastère à
l'occasion de la fête de la Toussaint (1er novembre). Au
Moyen Âge, ces reliques faisaient l'objet d'une fête solennelle le 8
novembre. Dans plusieurs maisons, un banc parcourt donc son pourtour
pour permettre à la communauté de s'asseoir durant cette lecture. Son
autel peut être utilisé le reste de l'année pour la célébration des
messes lues.
La chapelle extérieure
La
chapelle extérieure a son sanctuaire situé en clôture et sa nef hors
clôture, séparée du sanctuaire par une grille à guichet. La messe y est
célébrée pour les familles, les femmes - qui ne peuvent entrer en
clôture - et les gens des environs.
Les chapelles intérieures
Les
chapelles intérieures sont exclusivement destinée à la célébration des
messes lues, le matin après ou avant la messe conventuelle. Elles
constituent sans doute l'élément le moins connu et le moins étudié de
l'histoire de l'architecture cartusienne. Elles se multiplient en même
temps que les Chartreux adoptent, tardivement au cours du XIIIe siècle,
la pratique des messes lues quotidiennes. Disséminées dans les
bâtiments, leur implantation varie totalement d'une maison à l'autre. On
évite généralement de multiplier le nombre des autels latéraux des
églises conventuelles. A la chartreuse de Vauvert (Paris), des chapelles
latérales sont construites le long du mur extérieur gauche de la nef,
mais elles sont séparées de l'intérieur de l'église par des portes
pleines et les autels y sont disposés contre le mur extérieur.
La
décoration des chapelles intérieures est souvent tributaire (et
représentative) de l'esprit des temps et de leurs usagers. Bien que très
sobre, elle mériterait une étude attentive. Leur nombre est indéfini,
généralement voisin du nombre total de prêtre qui peuvent être abrités
dans une maison.
Exemple de cellule de Chartreux
Les cellules
Chaque
cellule ouvre sur le grand-cloître. La porte donne d'abord sur un
passage ou un couloir appelé promenoir qui permet de prendre de
l'exercice durant la mauvaise saison. La cellule comprend trois pièces :
1° une antichambre appelée Ave Maria, à cause de la prière que le moine
y récite avant d'entrer dans le cubiculum lorsqu'il revient de
l'extérieur ; elle servait primitivement de cuisine, actuellement son
usage n'est pas défini ; elle sert souvent d'atelier pour de petits
travaux manuels ; 2° un cubiculum (chambre principale, chauffée par un
poêle de fonte ou un fourneau, avec un lit, une table, un banc, une
bibliothèque, et un oratoire) ; 3° un atelier pour le travail manuel.
Entre la cellule et la galerie du cloître se trouve un guichet disposé
dans l'épaisseur du mur par lequel le moine reçoit ses repas sans avoir à
sortir de cellule. Un jardin clos est disposé devant la cellule. Il est
cultivé par l'occupant à sa guise. Selon la disposition des terrains et
les habitudes locales, les cellules sont construites sur un ou deux
étages, les pièces hautes étant alors réservées à l'habitat.
La
place de l'hygiène dans les cellules a évolué avec la société. En
principe, l'isolement de la cellule permet une hygiène personnelle qui
était, au Moyen Âge et à la période moderne, de qualité supérieure à
celle des ordres cénobitiques. Une légende circulait même selon laquelle
il n'y avait pas de puces dans les cellules des Chartreux. Celles de la
première Chartreuse étaient parcourues par une canalisation qui
permettaient une hygiène personnelle peu commune à l'époque. Mais après
l'avalanche de 1132, les cellules de la nouvelle maison haute, comme
celles de la plupart des maisons de l'ordre, ne bénéficiaient déjà plus
de ce système. Aujourd'hui encore toutes les cellules du grand cloître
de la Grande Chartreuse ne bénéficient pas de l'eau courante. Dans
plusieurs maisons, l'eau est tirée à des fontaines disposées dans les
galeries du cloître. Ailleurs, l'eau courante a été progressivement
installée. En hiver l'eau peut être tempérée sur le poêle, mais il n'y a
pas d'eau chaude courante. Les douches se sont introduites à la fin du
XXe siècle, disposées dans des lieux divers des bâtiments conventuels,
susceptibles de fournir de l'eau chaude. Leur usage est souvent
réglementé (une douche hors de cellule par semaine). Il a fallu attendre
les fondations récentes d'Amérique du Sud pour voir des cellules
équipées de douches individuelles. Selon l'architecture des maisons, les
latrines individuelles prennent place en divers lieux des cellules. Il
s'agit souvent d'un cabinet installé à l'écart du cubiculum, tantôt à
l'étage, tantôt au rez-de-chaussée. Les fouilles archéologiques
conduites dans les fosses de déjections des cellules de certaines
maisons en ruine (La Verne par exemple) ont permis des découvertes fort
intéressantes sur les objets de la vie courante des anciens Chartreux :
rosaires, poteries, menus objets divers.
Chartreuses de montagnes, chartreuses urbaines et chartreuses nécropoles
Les
premières chartreuses furent fondées en zones montagneuses au climat
rude et furent marquées jusque dans leur mode de vie par ce contexte
géographique. Le nombre statutaire de cellules, fixé par les Coutumes de
Guigues en 1127, était de douze cellules, auxquelles il faut ajouter
une maison basse destinées à abriter 16 frères. Le domaine initial de la
Grande Chartreuse ne permettait guère en effet de nourrir une
communauté plus nombreuse.
Cependant,
à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, la fondation de
chartreuses urbaines (la première fut la Chartreuse de Paris, 1257)
entraîna des modifications structurelles importantes.
A
partir de 1290, à la suite de dons importants, les chapitres généraux
permirent de doubler le nombre des cellules de certaines maisons (Paris,
puis Gaming en Autriche, et la Grande Chartreuse, en 1332 D'où le nom
de 'chartreuse double' qualifiant les maisons de 24 cellules (par
exemple Farnetta (Italie : Lucca). A la Chartreuse de Clermont, décrite
comme la chartreuse idéale par Eugène Viollet-le-Duc, dix-huit cellules
entouraient le grand cloître, toutes arrangées sur le même plan. A la
Grande Chartreuse comme à la Valsainte (jusqu'aux travaux de 2006), 34
Pères pouvaient être hébergés.
En
outre, tant que les Chartreux demeuraient implantés dans des zones de
montagnes difficilement accessibles, leur solitude était garantie par le
cadre géographique isolé (désert). Avec l'arrivée dans les villes, le
développement démographique et le rapprochement des zones habitées, la
solitude devint plus fragile et entraîna l'édification de murs de
clôture et la préservation de la solitude individuelle par la
construction de murs de séparation empêchant l'accès des étrangers aux
cellules et enfermant les moines dans l'espace clôt de leur jardin,
primitivement ouvert sur la campagne environnante. En outre, la
simplicité primitive des chartreuses urbaines a parfois été troquée, en
certains cas demeurés exceptionnels, contre la magnificence de la
décoration voulue par les bienfaiteurs comme en Italie à Pavie,
Florence, ou en Espagne à Miraflorès près de Burgos, qui reste à peu près identique à ce qu'il était en 1480, Aula-Dei, etc.
Expansion et déclin
La rigueur de la vie solitaire excluait une expansion analogue à celle des cisterciens ou des franciscains.
Il fallait une vocation fervente et une nature vigoureuse pour essayer
et pour persévérer. Au début du XIIIe siècle, il n'y a que 46
chartreuses (pour 530 abbayes cisterciennes), chiffres faibles par
comparaison avec d'autres Ordres et qui révèlent que le nombre
statutaire des Pères est dépassé en certaines maisons, que celui des
Frères n'est pas atteint. Le développement de l'Ordre fut tardif mais
brillant, dans les siècles où semblaient diminuer le monachisme.
Au
XIVe siècle, on dénombre plus de cent fondations, certaines près des
villes: Valenciennes en 1288, Abbeville en 1301, Noyon en 1308, Troyes
en 1326, Beaune en 1328, Cahors en 1328, au XVe une quarantaine. En
1371, 150 maisons se répartissaient en 17 provinces couvrant en Europe.
Le maximum fut atteint à la veille de la Réforme protestante: il y avait
alors 2300 Pères et 1500 Frères; à la fin du XVIIIe siècle, 2200 Pères
et 1250 Frères. Tous les pays de la Chrétienté avaient accueilli les
fils de Saint-Bruno, comme représentants exemplaires de l'ascétisme et
de la mystique. Au XVIIIe siècle, pas une fondation et dans les deux
dernières décennies, 128 suppressions. Il y eut encore 35 suppressions
au XIXe siècle et 24 fondations.
Maisons actuelles
Actuellement,
18 maisons de moines et 4 maisons de moniales hébergent sur trois
continents 335 religieux dont 170 prêtres (ou Pères) et quarante-huit
moniales (statistiques au 24 décembre 2004 d'après l'Annuario Pontificio
2006).
Moines
- Brésil : Mosteiro Nossa Senhora Medianeira, à Ivora (RS, code postal 98160-000)
- Allemagne: Kartause Marienau, Bad Wurzach (code postal 88410)
- Argentine : Cartuja de san José, à Deán Funes (code postal 5200, Cordoba)
- Corée : Notre-Dame de Corée
- Espagne: Cartuja de Aula Dei, Saragosse (Code postal 50192)
- Espagne: Cartuja de Santa Maria de Miraflores, à Burgos (code postal 09080)
- Espagne: Cartoixa de Santa Maria de Montalegre, à Tiana (code postal 08391, Barcelone)
- Espagne: Cartuja Santa Maria Porta Coeli, à Porta Coeli, (code postal 46117, Valence)
- France: Grande Chartreuse, à Saint-Pierre-de-Chartreuse (38380)
- France: Chartreuse de Montrieux, F-83136 Méounes-lès-Montrieux
- France: Chartreuse de Portes, F-01470 Bénonces
- Italie: Chartreuses des Saints Etienne et Bruno, siège du procureur général de l'ordre près le Saint-Siège (I-89822) Serra San Bruno (VV, Calabre)
- Italie: Certosa di Farneta, à Maggiamo, frazione de Lucques, (LU, code postal 55050)
- Portugal: Cartuxa Santa Maria Scala Coeli, à Évora (code postal 7000)
- Royaume-Uni: Saint Hugh's Charterhouse, Partridge Green, à Horsham, dans le Sussex de l'Ouest
- Slovénie: Kartuzija Pleterje, à Sentjernej (code postal 8310)
- Suisse: Chartreuse de la Valsainte, à Cerniat (code postal 1654)
- USA : Chartreuse de la Transfiguration, à Arlington, Vermont (05250-9315)
Moniales
La
branche féminine de l'ordre cartusien est apparue au milieu du XIIe
siècle, suite à la demande des moniales de Prébayon en Provence,
adressée à Jean d'Espagne, alors prieur de la chartreuse de Montrieux.
Les chartreux adaptèrent leurs Coutumes au tempérament féminin en leur
proposant un genre de vie plus cénobitique que celui des Pères (pas de
cellule individuelle ; office de nuit récité et non chanté, sauf pour
les fêtes ; réfectoire quotidien). Ce n'est qu'à la suite du concile
Vatican II que les moniales obtinrent progressivement la possibilité de
mener une vie monastique strictement identique à celle des pères, à
l'exception bien sûr de la cléricature. Depuis 1971, suite à la
rédaction d'un Statut des moniales rénové selon les principes du Concile
Vatican II, et après plusieurs essais 'ad experimentum', elles tiennent
un chapitre général propre, indépendant de celui des pères. Ce chapitre
a lieu tous les deux ans à la Grande-Chartreuse, à la suite du chapitre
des pères, sous la présidence du Révérend Père prieur de la
Grande-Chartreuse.
Leur nombre et leur proportion sont toujours demeurés inférieur à ceux des hommes.
L'ordre compte actuellement une cinquantaine de moniales, dont une vingtaine en France.
- Corée : Notre-Dame de Corée (fondation en cours)
- Espagne: Cartuja Santa Maria de Benifaça, Puebla de Benitasar por Vinaroz (Code postal 12599), Castellón de la Plana
- France: Chartreuse de Nonenque, Marnhagues-et-Latour (code postal 12540)
- France: Chartreuse Notre-Dame, Reillanne (code postal 04110)
- Italie: Certosa della Trinità, à Dego (SV, code postal 17058)
- Italie: Certosa di Vedana, à Sospirolo (BL, code postal 32037)
Centre laïc d'inspiration cartusienne
Tentative
d'ouverture aux laïcs, pour des séjours limités, d'une ancienne
chartreuse tenue par des laïcs non chartreux, mais sous le contrôle des
supérieurs de l'ordre :
- France : Maison Saint-Bruno (ancienne chartreuse de Sélignac).
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Chartreux
Le site internet : http://www.chartreux.org/fr/frame.php
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