Dialogue interreligieux
Le dialogue interreligieux est une forme organisée de dialogue entre des religions ou spiritualités différentes.
À l'intérieur d'une même religion, le dialogue entre les différents courants est appelé « œcuménisme ».
Historique jusqu'à la Révolution française
Antiquité
La tolérance n'a pas existé de tout temps. Déjà Platon rêvait de brûler en place publique les œuvres de Démocrite.
Les Romains voyaient les chrétiens comme une menace par rapport à l'autorité de l'empereur.
Les premiers chrétiens de leur côté ne voyaient pas d'un bon œil les croyances des civilisations dans lesquelles ils vivaient. En témoignent les graffitis sur les monuments de l'Égypte antique, qui montrent que les premiers chrétiens du pays n'étaient pas tous tolérants envers ce qu'ils appelèrent le paganisme.
Moyen Âge et Renaissance
Ultérieurement,
chaque religion a considéré les autres religions comme n'étant pas la
vérité révélée. C'est ainsi que les premiers contacts entre l'islam et
le christianisme furent souvent difficiles, et donnèrent lieu à des
guerres impitoyables comme les croisades. Dans le monde chrétien, on
tenait les Juifs, pour responsables de la mort de Jésus de Nazareth,
autrement dit le peuple juif était considéré comme déicide, jusque dans
la liturgie catholique, et les ils étaient exclus d'un grand nombre de
fonctions dans la société.
Il y eut des exceptions aux pratiques d'intolérance :
- Le moine Gerbert d'Aurillac, fut envoyé en Catalogne afin de parfaire son éducation scientifique, et l'on raconte qu'il eut peut-être des contacts directs avec l'Espagne musulmane. Il fut néanmoins excommunié avant de devenir pape sous le nom de Sylvestre II vers l'an mil,
- Saint François d'Assise s'interposa avec succès entre les chrétiens et les musulmans lors d'une croisade.
- La République de Venise envoya des navigateurs et des explorateurs qui durent affronter la réalité de la présence d'autres religions dans les régions explorées (Moyen-Orient, Asie),
- François Xavier vécut lors de sa mission au Japon l'importance de la compréhension de la culture du pays,
- Matteo Ricci vécut longtemps en Chine et introduisit des rites catholiques spécifiques dans ce pays.
Aux
contacts entre les civilisations, existaient des formes d'échanges
culturels que l'on peut considérer comme les prémisses du dialogue
interreligieux : califat de Cordoue, Sicile à l'époque de Roger II de
Sicile.
Ces exemples de dialogue interculturel se fondaient, à partir de la Renaissance du XIIe siècle, sur un fondement philosophique clair : Pierre Abélard avait rédigé en 1142 le Dialogue entre un philosophe, un juif, et un chrétien, qui resta inachevé. Le philosophe dont il s'agissait était probablement un musulman. Abélard mit ainsi en scène trois monothéistes, pour qui il existe un Dieu unique. Il était en quête de tolérance religieuse, et chercha un noyau commun profondément ancré dans les cultures des trois religions monothéistes que sont le christianisme, le judaïsme et l'islam, permettant d'établir une véritable communication.
Abélard est l'inventeur de la scolastique, avant saint Thomas d'Aquin et les grands scolasticiens du XIIIe siècle. Il mit en évidence la force de la philosophie d'Aristote, transmise par les Arabo-musulmans au monde occidental. Cette philosophie permettait de mettre en évidence les fondements métaphysiques communs aux trois grandes religions monothéistes. La traduction des œuvres d'Aristote entre 1120 et 1190 nécessitait un travail conjoint entre Juifs, musulmans et chrétiens. Cette philosophie forma la base du savoir à partir du XIIe siècle en Occident, et fut introduite progressivement dans les universités européennes en création, au XIIIe siècle, par Albert le Grand et Roger Bacon. C'est ainsi que Paris devint la capitale intellectuelle de l'Occident (on employait peu le terme d'Europe à cette époque).
La Renaissance poursuivit cette tendance de fond.
Révolution française
La
Révolution française posa la question du statut des citoyens en
général. Cela concerna les prêtres catholiques (voir constitution civile
du clergé) mais aussi les citoyens des religions autres que le
catholicisme, et notamment des Juifs qui étaient écartés de la plupart
des fonctions.
Pourtant, l'idée d'un véritable dialogue passa difficilement dans les esprits catholiques.
Époque contemporaine
Renouvellement des sciences religieuses
Le développement des sciences religieuses fut issu de la philosophie allemande du XIXe siècle.
Il a permis la mise en œuvre d'un savoir laïc sur le phénomène
religieux qui fut perçu comme une menace par les religions. Tel fut
l'enjeu de la crise moderniste durant laquelle l'Église catholique
romaine combattit ce savoir sous le nom de relativisme ; tel est encore
l'enjeu de bien des conflits ayant à voir avec le phénomène religieux.
Sur ce point, voir Quêtes du Jésus historique, Évangile.
En 1999 fut créée une fondation pour la recherche et le dialogue interreligieux et interculturels. Le cardinal Ratzinger a contribué à la fondation de cette organisation.
Développement des échanges
Au XIXe et XXe siècles,
l'important développement des moyens de transport et de communication a
permis des échanges culturels qui, s'ils ne facilitaient pas le
dialogue interreligieux, en jetaient les bases.
Certains utopistes, comme les saint-simoniens, s'imaginèrent même qu'il suffisait de mettre en place des lignes de chemin de fer et de navigation entre Rome et La Mecque pour faire dialoguer le pape et les musulmans.
Après la Seconde Guerre mondiale, la démocratisation du voyage se fit par la méthode du voyage organisé qui permit rarement la rencontre de l'autochtone. En revanche, les échanges d'étudiants, jusqu'ici réservés aux classes supérieures des pays développés, pourraient améliorer la situation par des financements européens, tel le programme Erasmus. Il est d'autant plus difficile de comprendre un comportement qu'on n'en connaît pas les origines. C'est pourquoi l'éducation est souvent considérée comme un vecteur de tolérance.
Réflexion sur le concept de vérité
La
réflexion sur la vérité (religieuse ou autre), pourtant bien amorcée
par Michel de Certeau s.j. dans L'invention du quotidien, t. II :
manières de croire n'a été reprise par aucune religion à l'exception des
courants libéraux qui en étaient conscients depuis le XIXe siècle.
Le croyant ignore donc le sacré des autres et exige d'eux la révérence
en ce que lui croit, révérence qu'il n'est pas prêt à manifester à
l'égard de ses interlocuteurs.
Du
fait de la vocation de la plupart des religions à n'enseigner que ce
qu'elles croient« vrai » désignant par toutes variantes du « faux »
tout ce qu'elles n'ont pas exprimé elles-mêmes (méthode des épicycles
coperniciens décrite pour la première fois dans le domaine religieux par
John Hick (dans God has many names (1988) et popularisé par depuis par
Régis Debray dans Le Feu sacré : Fonction du religieux, Fayard, 2003),
on ne peut dire que la culture religieuse de l'Européen moyen ait
grandement avancé.
Sur cet aspect, voir les articles spécialisés :
- Tolérance religieuse
- Tolérance, dogme
- Christianisme : Dogmes catholiques, schisme, hérésie, apostasie dans le christianisme, œcuménisme
- Islam : hérésie, apostasie dans l'islam
Du dialogue des religions au dialogue des convictions
Au
Conseil de l'Europe, un dialogue a été initié entre des organisations
internationales non-gouvernementales (OING) se réclamant de traditions
religieuses diverses (chrétiennes, juives, musulmanes, bouddhiques), et
de membres qui ne se comprennent pas en référence à une problématique
religieuse, et qui se sont associés à partir de croyances et de
convictions communes, humanistes, philosophiques, agnostiques, ou
autres.
"Très
vite, au cours de nos échanges, nous avons compris que l’expression
‘dialogue interreligieux’ ne nous convenait pas, puisqu’il excluait
celles et ceux d’entre nous qui ne se reconnaissent pas comme
appartenant ou référés à une religion instituée : nous avons commencé à
parler de nos convictions respectives, de groupes de conviction, et à
nous comprendre comme pratiquant un ‘dialogue interconvictionnel’"
(Bernard Quelquejeu).
Ce
dialogue interconvictionnel permet de prendre en compte la pensée et
l’expérience de groupes de convictions non religieuses et de groupes de
conviction qui ont pris une certaine autonomie par rapport à leur
institution. En effet "les autorités non élues des religions
revendiquent le monopole de la parole et de la représentation des
citoyens fidèles de cette religion et seules ces autorités sont
reconnues par les États au seul titre de l’exercice du culte."
Réunis
au sein du "Groupe de travail International, Interculturel et
Interconvictionnel" appelé "G3i", les membres ont organisé au Conseil de
l'Europe deux colloques sur les thèmes suivants : "Cohésion Sociale
dans une Europe multiculturelle. Rôle et impact des courants de pensée
et des religions" (2007) ; "Devenir citoyens et citoyennes d’une Europe
plurielle" (2012).
Dialogues interreligieux
Parlement mondial des religions
Le
Parlement mondial des religions ou Parlement des religions du Monde,
est la première tentative de nouer un dialogue global
interconfessionnel. Il se réunit à Chicago du 11 au 27 septembre 1893, à
l'occasion de l'exposition universelle, à l'instigation de Swami
Vivekananda (1863-1902), un leader spirituel hindou, philosophe du
védanta et Jenkin Lloyd Jones, (1843-1918), un chrétien unitarien. Pour
la première fois se rassemblaient des représentants de religions
orientales, asiatiques et occidentales.
L'idée
en est relancée en 1988 par des disciples de Vivekananda pour fêter le
centenaire de cet événement et le Parlement des Religions du Monde
renaît en 1993 à Chicago. Il a depuis tenu assemblée en 1999 au Cap, en
2004 à Barcelone lors du Forum universel des cultures et à Melbourne en
2009.
Conférence mondiale des religions pour la paix
Créée
en 1970, Religions pour la paix est la plus importante coalition
internationale de représentants de grandes religions du monde au service
de la promotion de la paix.
Rapports entre judaïsme et christianisme
Après
les événements de la Shoah durant la Seconde Guerre mondiale, la
conférence de Seelisberg (1947) a fait sentir la nécessité de revoir
l'enseignement chrétien au sujet du judaïsme. L'historien Jules Isaac
fut à l'origine de cette prise de conscience, ainsi que plusieurs
personnalités chrétiennes.
Depuis
une trentaine d'années, de nombreuses réflexions ont porté sur la
recherche des racines religieuses de l'antisémitisme, ce que l'on
appelle quelquefois l'antijudaïsme, afin d'établir un dialogue
approfondi entre les Juifs et les chrétiens.
La
liturgie catholique du vendredi saint a été modifiée dans le missel de
1966 par Paul VI, afin de supprimer la mention offensante pour les
Juifs, qui subsistait depuis le VIIe siècle.
Articles détaillés : Relations entre judaïsme et christianisme et Oremus et pro perfidis Judaeis
Église catholique
À
la suite de la conférence de Seelisberg, organisée en 1947, pour
étudier les causes de l’antisémitisme chrétien, et sous l'impulsion de
quelques personnalités comme Jacques Maritain, les catholiques sentirent
l'urgente nécessité de revisiter de fond en comble la relation qu'ils
avaient avec les autres religions.
Le
thème du dialogue interreligieux fut, avec l'œcuménisme, l'un des
thèmes évoqués lors du concile Vatican II entre 1962 et 1965. La
déclaration Nostra Ætate est le document qui assied les nouvelles
relations entre les catholiques et les juifs, musulmans, bouddhistes et
hindous. En 2005, des chefs religieux du monde entier se sont rencontrés
pour célébrer le quarantième anniversaire de sa promulgation.
Puis, plusieurs événements ont marqué la recherche de dialogue :
- les rencontres d'Assise du 27 octobre 1986, du 10 janvier 1993 et du 28 octobre 2011 ;
- les dialogues avec les jeunes musulmans à Casablanca le 19 août 1985 ;
- la venue de Jean-Paul II à la synagogue de Rome le 13 avril 1986.
L'encyclique Redemptoris missio consacre trois paragraphes au dialogue interreligieux (n° 55, 56, 57).
Plusieurs
années avant l'an 2000, le pape Jean-Paul II a invité l'Église
catholique à se repentir pour les erreurs commises dans le passé,
notamment envers les religions non chrétiennes, et également à
pardonner.
Article détaillé : Repentance de l'Église.
Islam
Article détaillé : Relations entre l'islam et les autres religions.
Conférence « Dialogue des Religions et Symphonie Mondiales »
Le
6 janvier 2009, à Mahuva (en) dans le Gujarat le Dalai Lama a inauguré
une conférence interreligieuse appelée « Dialogue des Religions et
Symphonie Mondiales ». Convoquée par le prédicateur hindou Morari
Bapu (en), cette conférence explore « les moyens pour traiter la
discorde parmi les religions majeures », selon ce prédicateur. Les
participants incluent le professeur Samdhong Rinpoché, Premier ministre
du gouvernement tibétain en exil pour le bouddhisme, Diwan Saiyad Zainul
Abedin Ali Sahib (Ajmer Sharif) pour l’islam, le Dr. Prabalkant Dutt
pour le christianisme non catholique, le Swami Jayendra Saraswathi (en)
pour l’hindouisme et Dastur Dr. Peshtan Hormazadiar Mirza pour le
zoroastrisme.
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