Notre-Dame de Fournes (Fournes en Weppes)

Notre-Dame de Fournes
(Fournes en Weppes)



Fournes est un village situé sur la route de Lille à La Bassée.

Dès la fin du XIVe siècle, l'église paroissiale de Fournes était célèbre par les faveurs que la sainte Vierge y répandait sur les fidèles.

Les registres de cette époque, vus et compulsés par le Père L'Hermite, prouvaient combien, dès ces temps reculés, le pèlerinage et la chapelle de Notre-Dame de Fournes étaient en honneur.

Les différentes donations faites au sanctuaire de Marie, en reconnaissance des grâces signalées qu'on y avait reçues, étaient nombreuses et considérables. Elles ne consistaient pas seulement en ornements artistement brodés, en vases d'or et d'argent où le talent de l'ouvrier le disputait à la richesse de la matière, mais c'étaient encore des terres, des jardins, des dîmes, de grosses rentes.

Le Père L'Hermite parle aussi d'une châsse de grande dimension contenant des cheveux de la Mère de Dieu, une partie de son habit, de son voile, le bras entier d'un martyr, et une foule d'autres reliques précieuses.

On y remarquait un peu de confusion et de désordre, résultat inévitable des troubles et des guerres dont le pays avait été le théâtre.

Souvent il avait fallu transporter au loin ces pieux trésors, pour les soustraire à l'avarice et à l'impiété des hérétiques et des rebelles.
Cependant on n'avait aucun doute sur l'authenticité de ces reliques.

L'évêque d'Arras, Herman Ottemberg, lorsqu'il visita l'église de Fournes, et un peu plus tard Paul Boudot, son successeur sur le même siége, les avaient vénérées l'une après l'autre, et en avaient autorisé le culte public.

Tant d'insignes reliques n'avaient pu s'accumuler qu'avec les siècles dans l'église de Fournes ; et leur présence attestait aussi l'antiquité du culte qu'on y rendait à la Mère de Dieu ; car cette église lui a toujours été dédiée. Nous trouvons, au reste, que Fournes existait avec son église au commencement du XIe siècle.

En 1046, Gérard l'évêque de Cambrai et d'Arras, les cédait à l'abbaye du Cateau, moyennant une redevance de quelques deniers.

Les richesses de Notre-Dame de Fournes, et la vénération dont les peuples environnaient son image, devaient être un double appât pour la rapacité et la fureur sacrilège des calvinistes de Flandre, qui s'étaient eux-mêmes surnommés les Gueux.

Aussi, en 1566, après avoir ravagé l'église d'Armentières et s'être précipités sur la campagne de Lille, ces hérétiques se dirigèrent sur l'église de Fournes. Les portes du temple furent enfoncées, les reliquaires brisés, les saints ossements dispersés. Les ex-voto sans nombre, attachés par la reconnaissance des fidèles autour de l'image de Marie, et ceux qui tapissaient les parois du sanctuaire, furent arrachés et mis en pièces.

La statue miraculeuse elle-même fut enlevée de sa niche ; mais elle n'eut pas le sort des autres images.

Les habitants de Fournes parvinrent à la soustraire aux coups des nouveaux iconoclastes.

On raconte qu'arrivés avec leur précieux fardeau à la double portée du mousquet, ils ne purent aller plus loin ; la sainte image devint tellement pesante entre les bras de ces hommes vigoureux, qu'ils se trouvèrent forcés de la laisser en cet endroit. Ce prodige manifestait bien que telle était la volonté de Marie.

L'orage passé, ces mêmes hommes vinrent reprendre l'image vénérée et la replacèrent sur son autel.

Seize ans plus tard, Notre-Dame de Fournes renouvela, en quelque sorte, ce prodige. La foudre était tombée sur le clocher de l'église ; elle y alluma un incendie si violent, que les cloches en fondirent et toute la tour fut consumée. Cinq ou six hommes des plus robustes et des plus déterminés courent à la chapelle de la sainte Vierge pour sauver son image ; mais ils réunissent en vain tout ce que leurs bras avaient de force et de vigueur ; ils ne parviennent pas même, malgré tous leurs efforts, à la remuer sur sa base. Ils comprirent par là, dit le Père L'Hermite, que la Reine des anges voulait elle-même s'affranchir de l'incendie, et s'en servir comme de flambeaux pour illustrer sa gloire. En effet, elle fut respectée des flammes.

Le détail de tous les miracles opérés par Notre-Dame de Fournes n'est point parvenu jusqu'à nous ; nous ne connaissons même, d'une manière un peu circonstanciée, qu'un petit nombre de ceux qui, arrivés depuis l'invention de l'imprimerie, ont pu échapper plus facilement à l'oubli. Je vais les raconter tels que nous les trouvons consignés dans les annalistes du pays.

En 1537, une femme d'ilIy, frappée de paralysie, se trouvait dans l'état le plus pitoyable ; son corps, privé presque de tout mouvement, était devenu pour elle un fardeau insupportable. Déjà, depuis plusieurs années, elle se voyait condamnée à garder la maison et la mort lui aurait été plus douce qu'une pareille position. Elle fait le vœu d'entreprendre le pèlerinage de Fournes, et, à l'instant, soutenue par le plus vif désir de recouvrer la santé, elle se met en route. Le village d'illy n'est guère éloigné de Fournes que d'une lieue ; mais une lieue, pour cette pauvre malade, était presque le bout du monde. Elle employa deux jours et une nuit pour franchir cette distance : tantôt elle allait se traînant sur ses pieds et sur ses mains, tantôt elle s'appuyait sur deux béquilles. Enfin, après bien des haltes, bien des efforts, et une constance inspirée et soutenue par la vivacité de sa foi, elle arrive. A peine eut-elle touché le territoire de Fournes, qu'elle sentit une douce chaleur circuler dans ses membres arides. Elle entre dans l'église : humblement prosternée devant l'image de Notre-Dame, elle prie avec ferveur, et elle ne se retire qu'après avoir obtenu toute la grâce qu'elle sollicitait. En mémoire de sa guérison miraculeuse, elle laissa ses deux appuis que l'on vit suspendus aux murailles de la chapelle, jusqu'à l'époque des désastres causés par les gueux.

En 1595, une autre femme, frappée aussi de paralysie, recourut au même moyen pour recouvrer l'usage de ses membres. Au moment où elle mit le pied sur les propriétés dont l'église de Fournes percevait la dîme, les béquilles s'échappent de ses mains et tombent. Un mouvement dont elle ne peut se rendre compte, se fait dans tout son être : non-seulement elle se tient debout sans appui, mais elle marche ; et, dans l'étonnement que lui cause son nouvel état, elle ne songe même point à ramasser ses béquilles. Cependant, revenue de sa première surprise, elle retourne sur ses pas, relève ses deux appuis, et les apporte à l'église pour en faire hommage à Notre-Dame de Fournes, comme un monument de sa guérison miraculeuse et de sa reconnaissance.

Quelques années plus tard, un homme qui avait une grande dévotion à Notre-Dame de Fournes, tombe entre les mains de quatre ou cinq scélérats qui s'acharnent contre lui. Il reçoit cinquante-deux coups de bâton, dont chacun laisse une trace, et trois cents blessures faites avec le fer. Dans cette extrémité, il appelle à son secours celle qu'il avait coutume d'invoquer, et ce n'est pas en vain. Pas un seul coup, pas une seule blessure n'est mortelle. Cet homme en est quitte pour des contusions et des plaies qui ne présentent aucun danger. Le Père L'Hermite appelait, d'une manière toute particulière, sur ce fait encore tout récent, l'attention des juges ecclésiastiques.

C'était surtout envers les femmes en travail et les enfants morts en naissant, que Notre-Dame de Fournes se montrait secourable. Pour les premières, on venait prier dans son sanctuaire de quatre à cinq lieues à la ronde, et l'on ne pourrait compter le nombre d'enfants qui, morts sans la grâce du baptême, ont recouvré la vie aux pieds de son image, et lui ont dû le bienfait de la régénération. Les cloches sonnaient souvent plusieurs fois le jour, pour annoncer ces résurrections miraculeuses ; et une personne digne de foi, chargée de conférer le baptême à ces pauvres créatures, a rendu témoignage à la réalité de ces prodiges ; cette personne vivait encore du temps du Père L'Hermite, en 1638.

Je me bornerai à rapporter deux faits que je trouve dans les annales du Père Buzelin, sous la date de 1597. Plusieurs témoins oculaires n'avaient point cessé d'exister à l'époque où cet annaliste écrivait.

Deux malheureuses filles, méprisant les avis d'un Pasteur zélé, qui cherchait en vain à les détourner des fréquentations dangereuses, étaient tombées dans l'abîme qu'elles n'avaient pas voulu éviter. Elles craignirent le déshonneur plus qu'elles n'avaient redouté l'offense de Dieu, et elles ne reculèrent pas devant un crime affreux. Elles firent mourir le fruit qui provenait de leur désordre et cachèrent les cadavres. La moins cruelle des deux, après avoir étouffé son enfant, l'avait enveloppé d'un linge, et, entrant dans une étable, elle l'avait déposé sous la litière des animaux qu'on y nourrissait. L'autre, plus furieuse dans sa honte, avait frappé son nouveau-né de douze coups de couteau. Une large blessure avait presque séparé la tête du tronc, et tout ce petit corps ne formait plus qu'une plaie. Il y avait déjà neuf jours que cette mère barbare avait enterré son enfant sur le bord d'un fossé, lorsque Dieu permit qu'il fût découvert par le magistrat du lieu. Déjà la pourriture l'avait en partie consumé, et il était noir comme un charbon. On le porta avec l'autre enfant sur l'autel de Marie ; et voilà que tout-à-coup, à la vue de nombreux spectateurs, une vie nouvelle ranime les deux cadavres. La pâleur de la mort disparaît sous des couleurs fraîches et vermeilles ; ces deux enfants remuent leurs petits bras ; on leur confère le saint baptême.

Vers le milieu du XVIIe siècle, on conservait encore, dans l'église de Fournes, un cierge qu'on allumait de temps en temps. Il était de la pesanteur d'un enfant nouveau-né, et il avait été donné par une mère dont l'enfant mort en naissant avait recouvré la vie par l'intercession de Notre-Dame de Fournes. Dans le même temps, une famille de Lille, connue du Père L'Hermite, apportait chaque année à Fournes deux couronnes de fleurs, l'une pour Notre-Dame et l'autre pour son divin Fils, en reconnaissance d'un pareil bienfait. Deux cents ans s'étaient écoulés depuis la faveur reçue ; mais les enfants continuaient de payer la dette de leurs pères ; le temps n'avait rien diminué des sentiments de gratitude dont cette pieuse famille était pénétrée.

Tous ces prodiges attiraient à Fournes une multitude de pèlerins : on accourait non-seulement des Pays-Bas, mais en temps de paix on venait même de tous les coins de la France.

Chaque année, la population de La Bassée se rendait en procession à Fournes, pour y vénérer l'image de la Mère de Dieu : la croix marchait en tête, les riches bannières flottaient au vent ; le peuple, rangé sur deux lignes, s'avançait en bel ordre, faisant retentir les airs d'hymnes et de pieux cantiques.

La ville d'Armentières offrit aussi plusieurs fois ce touchant spectacle.

Les villages d'alentour y venaient même de deux et trois lieues, à certaines époques : le clergé, revêtu de ses plus riches ornements, conduisait le peuple au son des instruments et des chants sacrés. Depuis le matin jusqu'à midi, les prêtres se succédaient au saint autel, pour satisfaire la dévotion des pèlerins dont l'église ne désemplissait pas.

L'auteur d'une histoire de Notre-Dame de Consolation, dont le manuscrit autographe se conserve dans le cabinet de M. Gentil-Descamps, nous apprend que la Vierge miraculeuse de Fournes a disparu dans l'incendie qui consuma l'église, vers 1642 ; la statue qu'on y vénère de nos jours, est celle qui a remplacé l'antique image. À l'époque de la révolution, l'église a été dépouillée de ses ornements, de ses vases sacrés, de sa chaire, de ses confessionnaux : chose étonnante ! la sainte image est restée dans sa niche ; les profanateurs n'y ont pas touché : c'est sous ses yeux, à ses pieds, qu'ils ont tenu leurs clubs et célébré les fêtes de la Raison.

Cette image est en bois : la sainte Vierge est représentée assise sur un trône ; elle est revêtue d'un manteau royal ; de la main droite elle tient un sceptre, sur le bras gauche elle porte le divin Enfant.

Avant la révolution de 1793, la chapelle de la sainte Vierge se trouvait à l'extrémité de la nef collatérale de gauche ; par suite de réparations et de constructions récentes, cette nef est devenue la nef principale, et l'image vénérée domine maintenant le maître-autel.

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