Notre-Dame de Vertigneul (Romeries)

Notre-Dame de Vertigneul
(Romeries)

 


Vertigneul est un hameau dépendant de Romeries, canton de Solesmes.
La très-sainte Vierge y est honorée depuis plusieurs siècles d'une manière toute particulière.

Ce pèlerinage était déjà fort fréquenté en 1428 : nous en trouvons la preuve dans l'histoire de Notre-Dame de Hal, par Juste Lipse.

Nous donnerons ici la traduction littérale du passage où ce pieux et savant écrivain parle de Notre-Dame de Vertigneul, et d'un miracle éclatant dont ce sanctuaire a été témoin : on peut voir à la fin de la notice le texte latin de Juste Lipse.

Non loin de l'illustre cité de Cambrai, se trouve un village peu considérable qui porte le nom de Saint-Hilaire. Là demeurait Étienne Morel, dont l'épouse s'appelait Frémine.

Cette femme lui donna un enfant qui ne devait point perpétuer sa race ; car cet enfant était mort quand il vint au monde : c'était l'avis de la sage-femme et des matrones qui assistèrent Frémine au moment de ses douleurs.

Elles avaient lavé l'enfant, elles l'avaient réchauffé dans leurs bras ; elles l'avaient approché du foyer ; enfin rien n'avait été omis de ce qu'il fallait faire pour reconnaître s'il avait vie : toutes jugèrent que non.

Il fut donc inhumé en terre profane, comme cela devait être, et bientôt personne ne songea plus à lui, personne sinon sa mère.

Cette pauvre femme était inconsolable de la mort de son enfant, et surtout d'une telle mort qui l'avait empêché de participer au bienfait du saint baptême.

Son affliction était profonde ; ses larmes ne tarissaient point, et cependant elle espérait encore en la sainte Vierge : sa confiance était d'autant plus vive qu'elle avait coutume de faire tous les ans le voyage de Hal, pour y vénérer l'image de la mère de Dieu.

Elle prie donc cette Vierge bénie ; tous les jours elle renouvelle ses vœux et ses supplications.

Déjà deux semaines s'étaient écoulées depuis la mort de son enfant, et elle luttait encore contre la nature et contre toute apparence humaine, Que dis-je ? sa confiance ne faisait que s'accroître, et bientôt elle affirme que son enfant est en vie ; elle en est certaine, dit-elle ; elle ne peut en douter ; plusieurs fois, pendant la nuit, elle en a été avertie par une vision surnaturelle.

Elle presse, elle conjure, elle supplie les femmes qui la servent de se rendre au jardin avec Etienne son mari, afin de se bien convaincre de ce qui en est.

Pour mettre un terme à ses importunités, on se rend à ses désirs.

L'enfant avait été inhumé à trois pieds de profondeur environ, et la terre avait été foulée.

On creuse et bientôt on ne doute plus du miracle : l'enfant apparaît avec un visage coloré : il est frais et vermeil comme une rose. Nul symptôme de mort ; nulle contusion sur ce petit corps ; seulement une des mâchoires paraissait un peu froissée par la terre qui avait pesé sur elle.

L'admiration de ces bonnes gens est égale à leur joie ; pourtant, ils se contiennent assez pour ne point relever l'enfant : car il était mort depuis si long-temps ! il fallait se mettre en garde contre la calomnie, et ils prennent le parti d'aller trouver leur curé.

Il se rend sur les lieux, et voyant en cet enfant des signes qui annoncent la vie, il partage l'admiration des autres. Cet enfant était sous la sauve-garde de la sainte Vierge ; le bon curé conseille donc de le porter à Vertigneul, village plus peuplé, et où la mère de Dieu était particulièrement honorée.

La sage-femme et les autres s'y rendent avec grand appareil ; et comme il commençait à se faire tard, et que Vertigneul était éloigné d'environ deux lieues, la mère de l'enfant, dans sa prévoyance, leur fait donner une lanterne où elle avait mis un morceau de cierge béni. Autre miracle ! ces femmes allaient lentement, comme c'est assez la coutume des femmes, et ce morceau de cierge, qui avait à peine une paume et demie, bien loin de venir à manquer, ne subit aucune diminution : il brûla depuis six heures du soir jusqu'au lendemain matin, sans qu'on y put remarquer aucun changement.

Troisième miracle! le chemin que devaient parcourir nos pieux pèlerins était éclairé devant eux comme en plein jour, et après leur passage il rentrait dans les ténèbres.

Cependant on arrive à Vertigneul ; là on apprend que le curé est absent ; il s'était rendu dans un château voisin, à l'invitation du seigneur qui donnait à dîner : c'était le château de Vertain.

Étienne, père de l'enfant, accompagné de l'épouse du marguillier de Saint-Hilaire s'y rend en toute hâte. Mais c'était l'heure du dîner ; les portes étaient fermées.
Étienne frappe, refrappe : personne ne vient, personne ne répond.
Que faire ? Voilà que tout-à-coup, et c'est ici le quatrième prodige, le guichet s'ouvre de lui-même et donne passage.
Étienne et sa compagne franchissent le seuil et arrivent à la seconde porte : ils frappent encore, personne ne se montre, et ce second guichet s'ouvre aussi de lui-même. Une troisième porte se présente qui s'ouvre de la même manière.

Nos gens, à l'insu des serviteurs du château entrent dans la salle du festin.
Henri Damman, seigneur du lieu, s'émeut à leur vue ; il leur demande d'un ton irrité, qui les a introduits ? s'ils sont amis ou ennemis ? Il bondit de son siège, porte la main à son épée, et apercevant le portier : Malheureux, lui dit-il, en menaçant de le tuer, voilà donc ta fidélité ! 
Le pauvre homme éperdu s'excuse : il a, dit-il, fermé toutes les portes : la fille du gouverneur l'a vu ; elle peut en rendre témoignage.
La colère de sire Damman se calme ; il voit bien qu'il n'a rien à craindre d'un homme désarmé et d'une femme, mais il ne revient pas de son étonnement.
On demande à Étienne ce qu'il veut : il raconte ce qui s'est passé, et prie le pasteur de Vertigneul de vouloir bien venir baptiser l'enfant.
En entendant un tel récit toute la compagnie se lève : tous veulent suivre le curé : ils étaient vingt, tant hommes que femmes. Le gouverneur lui-même fait amener son cheval, et veut se rendre à Vertigneul avec cinq autres cavaliers.
Il appelle sa fille, et lui commande de faire ouvrir les grandes portes, mais elles s'ouvrirent toutes d'elles-mêmes, ou, pour mieux dire, ce fut la Sainte Vierge qui les ouvrit.
En voyant ces merveilles, sire Damman fait un grand signe de croix, se met en route et arrive à l'église avec le curé.
Là, on expose l'enfant aux regards de tous, et tous peuvent se convaincre qu'il est vraiment en vie : il saigne par le nez , il ouvre et ferme la bouche, il remue les yeux , il crie, il pleure, il répand de grosses larmes qu'on pouvait facilement essuyer.
Le curé lui conféra le saint baptême en présence d'environ soixante-dix personnes. On coucha l'enfant sur l'autel de la Vierge, et il vécut encore cinq heures après son baptême : ensuite, on le vit fondre en quelque sorte comme la neige, pâlir et s'éteindre.
On l'inhuma en terre sainte, et je puis bien raconter un dernier prodige.
Ce fut seulement alors que Frémine qui était absente, et même retenue au lit, perdit son lait ; jusque là aucun remède humain n'avait pu en tarir la source.

Deux villages ont été témoins de ces merveilles ! qui donc après cela oserait malicieusement contrôler ces œuvres de la toute puissance de Marie.

Pour moi, Vierge sainte, je tombe à vos pieds, je vous vénère et je vous implore : c'est vous qui avez rappelé cet enfant de la vie à la mort, pour lui donner la vie véritable. Mère pleine de bonté, daignez jeter sur nous un regard de miséricorde, et après cette vie passagère, introduisez-nous dans la gloire éternelle, ô Vierge des Vierges et mère de Dieu ; nous vous le demandons par Celui qui est votre fils !

Nous avons eu la consolation de visiter la petite église de Vertigneul ; c'est un joli monument gothique qui parait dater au moins du XIV siècle.

La façade est plus récente ; une pierre placée au-dessus de la porte indique l'année 1558 : la tour et la fléché qui la surmonte ont été construites dans le cours du XVIIIe siècle.

La statue vénérée est en bois ; elle a environ soixante-quinze centimètres de hauteur.

La vierge est assise ; elle vient d'allaiter le divin enfant qui, debout sur les genoux de sa mère, appuie la main gauche sur l'épaule droite de Marie, et avance l'autre main comme pour entériner une requête.

Cette image a été sauvée à l'époque de la révolution par le marguillier de la paroisse.

Les fidèles visitent en foule le sanctuaire de Vertigneul pendant tout le temps du carême ; mais les Lundis de Pâques et de Pentecôte sont les jours de grande affluence.

On y arrive des lieux circonvoisins, et même des villes éloignées.

Le fait miraculeux raconté par Juste Lipse ne s'est pas effacé du souvenir des peuples : avant la révolution, c'était dans un endroit réservé du cimetière de Vertigneul, qu'on apportait, des lieux environnants, les enfants morts sans baptême. Les pauvres mères étaient moins désolées lorsque la dépouille de leurs enfants, qui n'avaient pu recevoir le sacrement de la régénération, reposait dans le lieu qu'on appelait le paradis de Vertigneul. De nos jours encore, le pélerinage de Vertigneul est surtout fréquenté par des femmes qui y apportent leurs enfants en bas âge pour les offrir à la Reine du Ciel et les placer sous sa protection puissante.
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