Notre-Dame des pauvres
(Aubrac)
Vers
l'an 1022, ou 1120, selon quelques historiens, Adalard, ou Alard,
vicomte de Flandre, faisant, avec une troupe de braves, le pèlerinage de
Saint-Jacques en Galice, passa par Aubrac.
Le
pieux chevalier tomba dans une embuscade, où il se vit assailli par les
voleurs, et dans un danger tel que ni sa bravoure ni celle de ses
compagnons d'armes ne pouvait assurer sa vie.
Dans
ce pressant besoin, sa foi se réveille, il a recours au Ciel, il fait
vœu, s'il échappe au péril, de fonder, au lieu même où il se trouve, un
hospice pour les pèlerins et de chasser les voleurs de la montagne.
Animé
d'une nouvelle vigueur et fort du secours d'en haut, il combat
vaillamment, se dégage des mains des brigands et remporte sur eux une
victoire complète.
Adalard
communique aux braves chevaliers qui l'accompagnent les nobles pensées
qui l'animent et l'engagement sacré qu'il a pris avec Dieu : ceux-ci
partagent ses sentiments et applaudissent à son généreux dessein.
Ils
font le pèlerinage de Saint-Jacques, remercient le Ciel de la
protection qu'il leur a prêtée et lui en demandent la continuation.
Au retour la pieuse caravane repasse par la montagne où elle avait signalé sa valeur contre les brigands : là, son chef court un nouveau danger non moins terrible que le premier.
Un coup de vent l'emporte soudainement et le lance lui, et la mule qu'il monte, dans une fondrière de neige.
Les
yeux et le cœur du brave chevalier se tournent derechef vers le Ciel :
il renouvelle son vœu, il y ajoute la promesse de se consacrer à Dieu,
dans le lieu même, pour le reste de ses jours. Ses compagnons viennent à
son secours, et avec l'aide du Ciel ils le retirent du précipice.
La conservation d'Adalard, dans ce double danger, fut regardée comme l'œuvre du Ciel.
Une
tradition consignée dans plusieurs auteurs qui ont écrit l'histoire de
cet hospice célèbre, nous apprend que dans la dernière des deux
circonstances si critiques où se trouva le preux chevalier, le Sauveur
lui apparut, et lui faisant remarquer les périls auxquels les voyageurs
étaient exposés dans l'horreur d'un désert, théâtre de tant de violences
et de meurtres, lui suggéra lui-même la pensée, ou plutôt lui donna
l'ordre d'y bâtir une église et un hospice, où ils trouvassent un
rempart et un abri.
Cette
tradition est confirmée dans un acte fort ancien, autrefois déposé dans
les archives d'Aubrac, et qu'on regardait, quoique dressé en 1216,
comme l'acte de fondation.
L'écrivain
judicieux qui vient de publier l'histoire de l'ancien hospice (M.
Bousquet, curé de Buseins), a eu le bonheur de découvrir une copie de
cet acte. La.main du vandalisme en avait déchiré les dernières feuilles :
dans les premières, nous trouvons le témoignage manifeste du fait dont
il s'agit et des détails précieux sur l'origine de l'hospice et le but
de son institution.
Voici un fragment de la traduction de cette pièce :
«
Au nom de la sainte et indivisible Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit,
et en l'honneur de l'Annonciation de la glorieuse Marie, mère de Dieu,
et de l'autorité apostolique et confirmation de Pierre et Paul, aux
très-Révérends Pères en Jésus-Christ et seigneurs, par la grâce de Dieu,
archevêques, évêques, et à tous les prélats de la sainte Mère-Eglise,
et à tous les fidèles tant clercs que laïques, auxquels parviendra le
présent écrit, Etienne, humble ministre, quoique indigne, du saint
hôpital de la bienheureuse Marie d'Albrac et de tout le couvent, — salut
en celui qui est le vrai salut, avec participation à toutes les messes,
prières et aumônes continuelles, et à plusieurs autres biens spirituels
pour mériter l'éternelle béatitude.
Prêtres
et seigneurs, que votre bonté paternelle sache que notre Seigneur
Jésus-Christ vint au-devant et apparut à un de ses serviteurs qui
revenait d'un pèlerinage de Saint-Jacques, c'est-à-dire à Alard, vicomte
de Flandre, et lui montra, sur le chemin public, un lieu épais et
ténébreux et une caverne de voleurs, dans laquelle gisaient de vingt à
trente têtes de pèlerins qui étaient passés autrefois par ces lieux, et
qui avaient été cruellement décapités.
C'est
pourquoi le Christ Fils de Dieu, Rédempteur du monde, sauveur de tous,
appela son fils, qu'il s'était choisi, Alard, déjà nommé, homme humble,
juste, fidèle et honnête, et lui ordonna de bâtir en cet endroit une
église et un hôpital en l'honneur du Christ et de la bienheureuse Marie,
mère de Dieu, pour le salut et l'utilité de plusieurs, et après il
disparut.»
A
ces ordres, Alard fut rempli du Saint-Esprit, et il fut éclairé, et il
fut obéissant, et il ajouta foi à la parole du Seigneur, et il fit un
vœu dans le secret de son cœur, et il conserva précieusement le souvenir
de tout ce qu'il avait entendu, faisant de toutes ces choses l'objet de
toutes ses méditations, tout en poursuivant son chemin, accompagné de
trente chevaliers, jusqu'à sa patrie.
Son
pèlerinage terminé, ayant abandonné ses chevaliers et tous ses parents
et amis, avec tous ses biens, il revint plein de joie au lieu désigné,
et habitant dans ce lieu, il commença d'exécuter l'ordre que Dieu lui
avait donné.
Vous saurez, très-chers, que cette habitation est un lieu d'horreur et de vaste solitude, terrible, désert, ténébreux et inhabitable, où ne croit aucun fruit, et où on ne trouve aucune nourriture pour l'homme dans un rayon de deux ou trois lieues, et où sont les limites de trois évêchés, de Rodez, de Mende et de Clermont. Ce lieu, on le nomme Albrac.
Alard, ce très-heureux serviteur de Dieu, commença à y bâtir une église et un hôpital en l'honneur de Jésus-Christ et de la glorieuse Marie, toujours vierge, pour y recevoir, ramasser et conforter les pauvres et les infirmes, les aveugles, les faibles, les boiteux, les sourds et muets, les familiers (ou plutôt les faméliques ou affamés, selon le latin famelicos), et tous les pélerins passant là pour aller visiter les églises de la bienheureuse Marie de Roc-Amadour, et de Saint-Jacques, et de Saint-Sauveur d'Oviède, et de Saint-Dominique d'Estramadure, et de plusieurs autres Saints, ainsi que ceux qui vont visiter le Sépulcre de Notre Seigneur ; et non-seulement toutes ces personnes, mais encore plusieurs autres.... qui sont reçues avec bonté pour Dieu, dans la maison du saint hôpital à Albrac, et qui, reçues, sont visitées et servies honorablement et abondamment, dans leurs besoins et demandes, par les frères et sœurs, selon les facultés de la maison naissante, etc...
Vous saurez, très-chers, que cette habitation est un lieu d'horreur et de vaste solitude, terrible, désert, ténébreux et inhabitable, où ne croit aucun fruit, et où on ne trouve aucune nourriture pour l'homme dans un rayon de deux ou trois lieues, et où sont les limites de trois évêchés, de Rodez, de Mende et de Clermont. Ce lieu, on le nomme Albrac.
Alard, ce très-heureux serviteur de Dieu, commença à y bâtir une église et un hôpital en l'honneur de Jésus-Christ et de la glorieuse Marie, toujours vierge, pour y recevoir, ramasser et conforter les pauvres et les infirmes, les aveugles, les faibles, les boiteux, les sourds et muets, les familiers (ou plutôt les faméliques ou affamés, selon le latin famelicos), et tous les pélerins passant là pour aller visiter les églises de la bienheureuse Marie de Roc-Amadour, et de Saint-Jacques, et de Saint-Sauveur d'Oviède, et de Saint-Dominique d'Estramadure, et de plusieurs autres Saints, ainsi que ceux qui vont visiter le Sépulcre de Notre Seigneur ; et non-seulement toutes ces personnes, mais encore plusieurs autres.... qui sont reçues avec bonté pour Dieu, dans la maison du saint hôpital à Albrac, et qui, reçues, sont visitées et servies honorablement et abondamment, dans leurs besoins et demandes, par les frères et sœurs, selon les facultés de la maison naissante, etc...
Retournons donc à ce que le fondateur susdit, Alard, a exécuté avec une si grande miséricorde.
Il a établi un ordre et une règle : que tous les frères et sœurs du susdit hôpital obéissent au Ministre Majeur, qu'ils vivent avec chasteté et pauvreté et sans murmure, et récitent entièrement et dévotement toutes les heures canoniales, pendant le jour et pendant la nuit, à moins qu'ils ne soient forcés de s'en absenter par quelque fortuite nécessité, ou qu'ils ne soient occupés à quelque affaire ; et qu'ils ne fassent à aucun ce qu'ils ne veulent pas qu'on leur fasse ; mais qu'ils veuillent accomplir selon leur pouvoir, pour l'amour de Dieu et du prochain, tout ce qu'ils leur demanderont d'avantageux à leur salut ; et si par hasard quelqu'un l'ignorant pèche en quelque chose, qu'il soit pleinement puni de son ignorance, par une pénitence particulière et imposée par sentence.
De plus, il a été ordonné que le Ministre Majeur de la maison serve le premier tous les pauvres et les pèlerins, et qu'il leur présente de l'eau pour laver les mains, et qu'il les serve ; ensuite, que tous les frères et sœurs servent les susdits, dans tout es qui est convenable et dans tout ce qu'il faut. D'abord, les frères leur donnant avec joie d'abondantes nourritures et les meilleures que la maison peut avoir ; ensuite que les servent les sœurs qui sont plus de trente dans l'hôpital, toutes d'une naissance très-noble, sans compter celles qui, étant d'une extraction plus commune, doivent préparer des lits propres, et leur laver les pieds avec de l'eau chaude, et les essuyer avec des linges, et les baiser comme les membres du Christ, et même faire sécher au feu leurs habits, et laver ceux qui sont de lin, ainsi que leur linge ; et qu'ainsi certainement les frères et les sœurs les servent bien volontiers avec grand empressement, les considérant comme leurs seigneurs et les plus qualifiés de la maison, pour lesquels elle a été fondée dans le diocèse de Rodez, dont l'évêque a confirmé à perpétuité la susdite règle.
Il a établi un ordre et une règle : que tous les frères et sœurs du susdit hôpital obéissent au Ministre Majeur, qu'ils vivent avec chasteté et pauvreté et sans murmure, et récitent entièrement et dévotement toutes les heures canoniales, pendant le jour et pendant la nuit, à moins qu'ils ne soient forcés de s'en absenter par quelque fortuite nécessité, ou qu'ils ne soient occupés à quelque affaire ; et qu'ils ne fassent à aucun ce qu'ils ne veulent pas qu'on leur fasse ; mais qu'ils veuillent accomplir selon leur pouvoir, pour l'amour de Dieu et du prochain, tout ce qu'ils leur demanderont d'avantageux à leur salut ; et si par hasard quelqu'un l'ignorant pèche en quelque chose, qu'il soit pleinement puni de son ignorance, par une pénitence particulière et imposée par sentence.
De plus, il a été ordonné que le Ministre Majeur de la maison serve le premier tous les pauvres et les pèlerins, et qu'il leur présente de l'eau pour laver les mains, et qu'il les serve ; ensuite, que tous les frères et sœurs servent les susdits, dans tout es qui est convenable et dans tout ce qu'il faut. D'abord, les frères leur donnant avec joie d'abondantes nourritures et les meilleures que la maison peut avoir ; ensuite que les servent les sœurs qui sont plus de trente dans l'hôpital, toutes d'une naissance très-noble, sans compter celles qui, étant d'une extraction plus commune, doivent préparer des lits propres, et leur laver les pieds avec de l'eau chaude, et les essuyer avec des linges, et les baiser comme les membres du Christ, et même faire sécher au feu leurs habits, et laver ceux qui sont de lin, ainsi que leur linge ; et qu'ainsi certainement les frères et les sœurs les servent bien volontiers avec grand empressement, les considérant comme leurs seigneurs et les plus qualifiés de la maison, pour lesquels elle a été fondée dans le diocèse de Rodez, dont l'évêque a confirmé à perpétuité la susdite règle.
A
cause de cela, très chers et vénérables Pères et Seigneurs, nous vous
prions humblement et dévotement, par des prières réitérées, en suppliant
votre paternité et charité, pour l'amour de Dieu et en vue de la
miséricorde, que vous daigniez, s'il vous plait, accorder.. nos frères
ou à ceux que nous vous enverrons pour vous en faire la demande, des
lettres d'exhortation et d'utilité pour vos provinces, dont l'autorité
portera les fidèles à donner avec bonté des secours certains et de
pieuses aumônes, afin que par iceux ou autres bienfaits que Dieu leur
inspirant, ils nous auront faits, ils puissent mériter de jouir de la
béatitude éternelle, etc. »
Suivent encore quelques pages qui ne contiennent que les privilèges dont jouissaient les religieux d'Aubrac.
Adalard
ou Alard s'empressa, comme on le voit par cet acte, d'exécuter l'ordre
qu'il avait reçu du Sauveur et l'engagement sacré qu'il avait contracté.
Échappé
du danger qu'il venait de courir, il fit élever, pour servir d'asile
aux voyageurs, un hospice provisoire, ou, si cet hospice existait déjà,
comme nous le trouvons dans un auteur, il contribua, dès cet instant à
l'agrandir, à le régulariser, à le rendre respectable aux yeux des
brigands qui infestaient le pays.
Il semble résulter des documents réunis, qu'il continua ensuite son
voyage jusqu'en Flandre, et que ce ne fut qu'à son retour qu'il remplit
entièrement sa promesse.
Quoi
qu'il en soit de l'époque, il est certain que le brave vicomte se fixa
dans ce séjour, qu'il s'y consacra pour la vie à la gloire de Dieu et à
la défense de ses serviteurs, qu'avec l'agrément du comte de Rodez, il
jeta les fondements d'une grande maison ; et que muni de la permission
du Saint-Siège, il y établit une nombreuse communauté, chargée de
desservir l'église dédiée à la Mère de Dieu, et de servir les pauvres et
les voyageurs dans l'hospice.
Il leur donna de sages constitutions et les dota de riches revenus.
Vie
de chasteté, pauvreté volontaire, pratique d'une charité sans bornes,
assistance à l'office divin, tant le jour que la nuit, tel est l'abrégé
de ce que le pieux fondateur prescrit aux frères et aux sœurs d'Aubrac.
Il enjoint au Ministre-Majeur d'être le premier à servir les pauvres et
à imiter le Fils de l'homme qui n'est point venu recevoir des services,
mais en rendre et donner sa vie pour la rédemption de plusieurs.
Le
succès couronna l'œuvre. Sous la protection du Sauveur et de sa sainte
Mère, la communauté établie par le pieux vicomte croissait et
remplissait avec tout le dévouement qu'inspire une vraie charité, sa
grande et sublime destinée.
Le
pèlerin était à couvert du glaive du brigand, le pauvre soulagé, le
Seigneur glorifié et la pratique des plus héroïques vertus embellissait
et faisait comme fleurir un désert où naguère l'œil ne découvrait, au
milieu des horreurs d'une nature sauvage, que des traces de sang et des
monuments de barbarie.
Après une vie pleine de mérites, Adélard mourut au milieu de ses
enfants éplorés, et fut enterré, selon une vieille tradition, dans la
chapelle de l'hôpital : on ajoute que le Seigneur manifesta par des
prodiges la gloire de son serviteur.
Peu
d'années après la mort du fondateur, la communauté se composait de cinq
classes de personnes : il y avait des prêtres pour desservir l'église
et administrer les sacrements aux pauvres ; douze chevaliers pour
escorter les pèlerins, donner la chasse aux voleurs et défendre
l'hospice ; des frères clercs et laïques pour le service de la maison et
des pauvres ; des oblats ou donnés qui avaient aussi soin de l'hospice
et de ses fermes ; enfin des dames de qualité ayant sous elles des
servantes, pour laver les pieds des pélerins, nettoyer leurs habits et
faire leurs lits.
La
règle n'ayant encore d'autorité que celle qu'elle avait reçue de la
sainteté du fondateur et des coutumes établies par la ferveur primitive,
la communauté crut devoir, l'an 1162, en demander l'approbation à
Pierre II, évêque de Rodez.
Le prélat se rendit volontiers à son pieux désir, et adapta la règle de saint Augustin aux besoins et aux usages des religieux d'Aubrac.
La vie commune, le silence, l'obéissance, le soin des pauvres, la plus stricte pauvreté y sont expressément recommandés et l'on y montre une telle attention de prévenir les abus en fait de pureté, que dans l'église même les sœurs doivent être séparées des frères.
Cette règle, dont la sévérité supposait dans ceux qui s'engageaient à l'observer une volonté ferme et bien décidée d'être à Dieu, fut confirmée cette même année 1162, par le pape Alexandre III qui se trouvait alors à Montpellier.
Ce grand pontife fut si édifié de la charité que l'on exerçait à Aubrac envers les pauvres et de la régularité qui y régnait, qu'il voulut être reçu confrère et participer à tous les biens spirituels de cette sainte maison.
Six papes, ses successeurs, confirmèrent cette approbation et encouragèrent les religieux à marcher d'un pas ferme dans la sainte carrière où ils s'étaient engagés pour la gloire de Dieu et l'utilité de leurs frères.
Le bruit de l'édification que donnaient les religieux d'Aubrac et des services qu'avec le dévouement le plus héroïque ils rendaient aux pélerins, retentissant dans toute la chrétienté, attirait à cette fervente communauté les aumônes les plus abondantes.
Les rois d'Aragon, les comtes de Toulouse et en particulier Raymond VII, qui fonda, en 1246, l'entretien d'un prêtre à Aubrac pour y célébrer la messe tant pour lui-même que pour les comtes ses prédécesseurs et ses successeurs, les comtes de Rodez, de Valentinois, de Cominge, d'Armagnac ; les seigneurs de Canillac, de Castelnau, de Roquelaure, d'Eslinget grand nombre d'autres princes ou seigneurs, voulurent, par leurs fondations et leurs pieuses largesses, entrer en participation du bien qui se faisait sous la protection de Notre-Dame des Pauvres. Les Templiers et les chevaliers de Jérusalem mirent tout en œuvre pour obtenir qu'un ordre si bien doté fût réuni aux leurs ; mais leurs tentatives furent sans succès.
Le prélat se rendit volontiers à son pieux désir, et adapta la règle de saint Augustin aux besoins et aux usages des religieux d'Aubrac.
La vie commune, le silence, l'obéissance, le soin des pauvres, la plus stricte pauvreté y sont expressément recommandés et l'on y montre une telle attention de prévenir les abus en fait de pureté, que dans l'église même les sœurs doivent être séparées des frères.
Cette règle, dont la sévérité supposait dans ceux qui s'engageaient à l'observer une volonté ferme et bien décidée d'être à Dieu, fut confirmée cette même année 1162, par le pape Alexandre III qui se trouvait alors à Montpellier.
Ce grand pontife fut si édifié de la charité que l'on exerçait à Aubrac envers les pauvres et de la régularité qui y régnait, qu'il voulut être reçu confrère et participer à tous les biens spirituels de cette sainte maison.
Six papes, ses successeurs, confirmèrent cette approbation et encouragèrent les religieux à marcher d'un pas ferme dans la sainte carrière où ils s'étaient engagés pour la gloire de Dieu et l'utilité de leurs frères.
Le bruit de l'édification que donnaient les religieux d'Aubrac et des services qu'avec le dévouement le plus héroïque ils rendaient aux pélerins, retentissant dans toute la chrétienté, attirait à cette fervente communauté les aumônes les plus abondantes.
Les rois d'Aragon, les comtes de Toulouse et en particulier Raymond VII, qui fonda, en 1246, l'entretien d'un prêtre à Aubrac pour y célébrer la messe tant pour lui-même que pour les comtes ses prédécesseurs et ses successeurs, les comtes de Rodez, de Valentinois, de Cominge, d'Armagnac ; les seigneurs de Canillac, de Castelnau, de Roquelaure, d'Eslinget grand nombre d'autres princes ou seigneurs, voulurent, par leurs fondations et leurs pieuses largesses, entrer en participation du bien qui se faisait sous la protection de Notre-Dame des Pauvres. Les Templiers et les chevaliers de Jérusalem mirent tout en œuvre pour obtenir qu'un ordre si bien doté fût réuni aux leurs ; mais leurs tentatives furent sans succès.
Outre
la maison d'Aubrac, il s'était établi, dans le Rouergue, un grand
nombre de commanderies ou hôpitaux, desservis par des religieux de
l'ordre, sous l'inspection du Dom ; diverses églises des environs
dépendaient aussi d'Aubrac et étaient administrées par des religieux de
la Domerie ; le souvenir des services rendus, depuis tant de siècles,
aux infortunés de tout genre par les enfants d'Adalard, ceux qu'ils ne
cessaient de rendre partout où ils paraissaient, avaient popularisé leur
nom dans le pays et donné à la maison principale d'Aubrac une célébrité
que le temps et les désastres n'ont pu faire oublier.
On aurait de la peine à croire les trésors d'aumônes que distribuait la charité des Pères d'Aubrac.
Tous les ans, les pauvres de huit paroisses voisines recevaient a eux 750 setiers de seigle et 3,000 fr. d'argent.
Au portail de la Dommerie, on donnait à quiconque se présentait.
L'ancien historien de la vie du B.François d'Estaing, évêque et comte de Rodez, disait en 1656 :
« Il s'y pratique une charité, et il s'y fait une aumône des plus amples, des plus générales et des mieux réglées du royaume. Le Dom (Jean-Pierre d'Estaing ) le menait ordinairement (François d'Estaing, plus tard évêque de Rodez) à la visite des appartements destinés aux passants et aux pèlerins ; et toujours il voulait qu'il assistât à la distribution générale du pain qui se faisait à la barrière, à cause de la foule des pauvres qui y abordent de tout le voisinage, outre les étrangers qui n'y sont que de passade.
Le bon seigneur s'y trouvait d'ordinaire et y faisait venir ses deux neveux, Antoine et François, et voulait qu'en sa présence, ils donnassent les pains de leurs mains propres, en même temps que le syndic de l'hôpital en distribuait de l'autre côté.
Il arrivait souvent que ces innocents aumôniers départaient de leurs petites mains jusqu'à cinq et six mille pains dans un seul jour. »
Dans les dernières années, les aumônes s'élevèrent quelquefois à la somme annuelle de quinze mille livres.
On aurait de la peine à croire les trésors d'aumônes que distribuait la charité des Pères d'Aubrac.
Tous les ans, les pauvres de huit paroisses voisines recevaient a eux 750 setiers de seigle et 3,000 fr. d'argent.
Au portail de la Dommerie, on donnait à quiconque se présentait.
L'ancien historien de la vie du B.François d'Estaing, évêque et comte de Rodez, disait en 1656 :
« Il s'y pratique une charité, et il s'y fait une aumône des plus amples, des plus générales et des mieux réglées du royaume. Le Dom (Jean-Pierre d'Estaing ) le menait ordinairement (François d'Estaing, plus tard évêque de Rodez) à la visite des appartements destinés aux passants et aux pèlerins ; et toujours il voulait qu'il assistât à la distribution générale du pain qui se faisait à la barrière, à cause de la foule des pauvres qui y abordent de tout le voisinage, outre les étrangers qui n'y sont que de passade.
Le bon seigneur s'y trouvait d'ordinaire et y faisait venir ses deux neveux, Antoine et François, et voulait qu'en sa présence, ils donnassent les pains de leurs mains propres, en même temps que le syndic de l'hôpital en distribuait de l'autre côté.
Il arrivait souvent que ces innocents aumôniers départaient de leurs petites mains jusqu'à cinq et six mille pains dans un seul jour. »
Dans les dernières années, les aumônes s'élevèrent quelquefois à la somme annuelle de quinze mille livres.
L'industrieuse
charité des religieux d'Aubrac avait pourvu à la conservation des
voyageurs, qui, surpris par les brouillards, la neige ou les ténèbres,
s'égaraient fréquemment dans ces lieux sauvages et couraient risque de
périr misérablement. Ils avaient placés sur la plus haute tour de
l'église une grosse cloche, nommée la cloche des Perdus, et qui avait
pour inscription : Errantes revoca.
Tous les soirs on la sonnait pendant deux heures.
Combien de fois de pauvres étrangers, égarés dans le désert, transis de froid, privés de toute espérance de revoir leur famille, tressaillirent à ce son comme à une parole de salut descendue du ciel, et bénirent Notre-Dame des Pauvres qui les rappelait à la vie !
Tous les soirs on la sonnait pendant deux heures.
Combien de fois de pauvres étrangers, égarés dans le désert, transis de froid, privés de toute espérance de revoir leur famille, tressaillirent à ce son comme à une parole de salut descendue du ciel, et bénirent Notre-Dame des Pauvres qui les rappelait à la vie !
Pour
se faire une idée de l'utilité de l'établissement d'Aubrac, il suffit
de jeter les yeux sur le tableau qu'un auteur judicieux en a tracé.
Ce qu'il dit d'Aubrac, sous le gouvernement de Jean Pierre d'Estaing ,en 1485, ne doit pas se borner à cette époque ; les dons généreux que la charité avait coutume d'y faire, étaient comme les eaux de ces fleuves nourriciers qui portent, sans s'épuiser jamais, leur tribut d'abondance et de fertilité dans les campagnes :
Ce qu'il dit d'Aubrac, sous le gouvernement de Jean Pierre d'Estaing ,en 1485, ne doit pas se borner à cette époque ; les dons généreux que la charité avait coutume d'y faire, étaient comme les eaux de ces fleuves nourriciers qui portent, sans s'épuiser jamais, leur tribut d'abondance et de fertilité dans les campagnes :
«
Cette maison était alors dans toute sa splendeur ; située au milieu
d'une montagne déserte et couverte de frimats pendant la plus grande
partie de l'année, elle était comme une place forte où veillaient sans
cesse de nobles chevaliers chargés de conduire les pèlerins et les
voyageurs et de les protéger contre les brigands qui infestaient le
pays.
Durant
les longues nuits d'hiver, les malheureux, transis de froid et perdus
au milieu des neiges, se ralliaient au son de la cloche du couvent ; le
jour, ils apercevaient de loin ses tours noires et crénelées, et ils
trouvaient à Aubrac une hospitalité vraiment royale.
Ce
n'est pas tout, grâce à la munificence du pieux fondateur et des
seigneurs du Rouergue qui voulurent plus tard concourir à une si belle
institution, Aubrac était encore un asile assuré pour tous les pauvres,
les infirmes et les vieillards qui voulaient y fixer leur séjour ; et
tel était l'esprit de cette œuvre éminemment catholique, qu'ils étaient
considérés comme les premiers et les seigneurs de la maison.
Les
frères d'Aubrac, prêtres et laïques, faisaient profession de n'être là
que pour les servir avec joie et leur prodiguer tous les secours. On
faisait encore à la porte d'abondantes aumônes, et les pauvres y
accouraient en foule de toute la contrée. Voilà pourquoi cette maison
fut appelée Notre-Dame des Pauvres. »
Les
informations faites en 1694 et présentées à Louis XIV par l'évêque de
Rodez, nous donnent une idée de ce qu'était l'église de Notre-Dame des
Pauvres.
Nous y trouvons les paroles suivantes :
«Autour
du bas-cloître et vers le septentrion, est l'entrée du vestibule de
l'église, appelée le Chapitre où l'on monte par sept marches ; belle
voûte à quatre arêtes, soutenue d'un gros pilier au milieu et d'un petit
pilier vers l'entrée. Au devant dudit chapitre, il y a un autel ; et à
côté, sous une voûte, un jet d'eau avec un bassin en pierre assez élevé.
De
ce vestibule, on entre dans la nef de l'église, bien bâtie, sans
piliers, avec une chaire et un certain nombre de stalles ; à côté de la
chaire, un confessionnal. Elle est éclairée par trois longs vitrages et
une belle rosace, sous lesquels une porte qui va au cimetière des
pélerins. Deux autels sous le jubé qui sépare la nef d'avec le chœur, et
ce jubé, en pierre blanche, d'une magnifique sculpture. Un orgue
au-dessus du jubé.
Le
chœur contenant en sol douze pas de longueur et neuf en largeur, avec
seize stalles au haut et onze au bas de chaque côté. Le maître-autel,
orné d'un tableau, d'un tabernacle et d'une croix sur laquelle sont
peints en relief un crucifix, une Vierge au pied de la croix, et quatre
chérubins. A chaque côté de l'autel, il y a deux piliers de laiton,
portant chacun un adorateur tenant un chandelier. Derrière les piliers,
on a fait deux retranchements ; l'un, du côté de l'Evangile où sont les
archives et un confessionnal, et l'autre, du côté de l'Epître, pour une
petite sacristie. Trois longs vitrages pour éclairer le chœur ; et au
milieu du chœur, un lutrin, avec huit vieux livres de chant sur vélin et
en lettres gothiques.
Au bout de l'église et joignant icelle du côté de l'Epître, est le clocher, dans lequel il y a quatre cloches, bâti en forme de tour carrée, en pierre de taille, médiocrement élevé. Enfin, dans une petite tour, au bout de l'appartement de M. le Dom, une horloge, frappant sur une cloche assez grande. »
Ces informations qui nous donnent une idée de l'église d'Aubrac vers la fin du dix-septième siècle, avaient été prises par ordre de Louis XIV, sur les plaintes de relâchement qui s'était, dit-on, glissé dans l'hospice.
Pour y remédier, des Genovéfains furent introduits parmi les religieux d'Aubrac ; mais, comme ils ne purent se faire à la rigueur du froid, on leur substitua des religieux de Chancelade, célèbre abbaye à côté de Périgueux.
On fit des pensions aux anciens hospitaliers, et les nouveaux firent refleurir la piété sur la froide montagne. Ils se regardaient comme les enfants d'Adelard.dont ils reproduisaient l'esprit et les œuvres, et le peuple leur donnait toujours le nom d'hospitaliers.
Depuis longtemps il n'y avait plus de sœurs, et l'ordre des chevaliers fut alors supprimé, parce qu'on n'avait plus à craindre les brigands.
Au bout de l'église et joignant icelle du côté de l'Epître, est le clocher, dans lequel il y a quatre cloches, bâti en forme de tour carrée, en pierre de taille, médiocrement élevé. Enfin, dans une petite tour, au bout de l'appartement de M. le Dom, une horloge, frappant sur une cloche assez grande. »
Ces informations qui nous donnent une idée de l'église d'Aubrac vers la fin du dix-septième siècle, avaient été prises par ordre de Louis XIV, sur les plaintes de relâchement qui s'était, dit-on, glissé dans l'hospice.
Pour y remédier, des Genovéfains furent introduits parmi les religieux d'Aubrac ; mais, comme ils ne purent se faire à la rigueur du froid, on leur substitua des religieux de Chancelade, célèbre abbaye à côté de Périgueux.
On fit des pensions aux anciens hospitaliers, et les nouveaux firent refleurir la piété sur la froide montagne. Ils se regardaient comme les enfants d'Adelard.dont ils reproduisaient l'esprit et les œuvres, et le peuple leur donnait toujours le nom d'hospitaliers.
Depuis longtemps il n'y avait plus de sœurs, et l'ordre des chevaliers fut alors supprimé, parce qu'on n'avait plus à craindre les brigands.
Tel fut Aubrac au dernier période de son existence.
Semblable à un soleil d'été, qui, en quittant l'horizon, dilate son disque et se couronne de nouveaux feux, l'établissement d'Adelard, brilla du plus vif éclat à ses derniers moments et laissa après lui de longs regrets.
En 1793, on distribuait encore la miche à la porte du monastère.
Aux solennités de Pâques, l'ouvrage de tant de siècles fut détruit ; les religieux furent arrachés de force et chassés de leur maison.
Depuis ce jour de douloureuse mémoire, a écrit le P. Niel l'un d'eux, nous allâmes de cabane en cabane, dans les dangers des maladies, des chemins, des faux frères, et les terreurs de la mort.
Au mois d'août 1797, une lueur d'espérance en fit rentrer quelques-uns dans cet asile chéri de paix et de charité. Que demandaient-ils ? de se dévouer, comme autrefois, pour l'amour, de Dieu et de Notre-Dame, au service des pauvres. Cette consolation leur fut refusée, et au mois de novembre suivant, expulsés pour toujours de leur antique demeure, ils eurent à gémir jusqu'à la fin de leur carrière et sur leurs propres maux et sur ceux de leurs frères qu'ils ne pouvaient plus soulager.
En ces jours mauvais, quatre cloches furent enlevées d'Aubrac et devinrent la proie de la révolution. Celle dite des Perdus fut d'abord respectée, et elle continua d'appeler les voyageurs dans un asile d'où la charité avait disparu avec la religion.
En 1798, la commune de Saint-Chély s'en empara et la transporta au clocher de son église. C'est là qu'elle est demeurée plusieurs années, au préjudice des voyageurs dont plusieurs ont péri, dans l'intervalle, saisis par le froid et les neiges ou dévorés par les loups.
Nous apprenons cependant (1843) que cette cloche vient d'être rapportée à Aubrac et, à la grande satisfaction de la province, rendue à sa destination primitive.
Semblable à un soleil d'été, qui, en quittant l'horizon, dilate son disque et se couronne de nouveaux feux, l'établissement d'Adelard, brilla du plus vif éclat à ses derniers moments et laissa après lui de longs regrets.
En 1793, on distribuait encore la miche à la porte du monastère.
Aux solennités de Pâques, l'ouvrage de tant de siècles fut détruit ; les religieux furent arrachés de force et chassés de leur maison.
Depuis ce jour de douloureuse mémoire, a écrit le P. Niel l'un d'eux, nous allâmes de cabane en cabane, dans les dangers des maladies, des chemins, des faux frères, et les terreurs de la mort.
Au mois d'août 1797, une lueur d'espérance en fit rentrer quelques-uns dans cet asile chéri de paix et de charité. Que demandaient-ils ? de se dévouer, comme autrefois, pour l'amour, de Dieu et de Notre-Dame, au service des pauvres. Cette consolation leur fut refusée, et au mois de novembre suivant, expulsés pour toujours de leur antique demeure, ils eurent à gémir jusqu'à la fin de leur carrière et sur leurs propres maux et sur ceux de leurs frères qu'ils ne pouvaient plus soulager.
En ces jours mauvais, quatre cloches furent enlevées d'Aubrac et devinrent la proie de la révolution. Celle dite des Perdus fut d'abord respectée, et elle continua d'appeler les voyageurs dans un asile d'où la charité avait disparu avec la religion.
En 1798, la commune de Saint-Chély s'en empara et la transporta au clocher de son église. C'est là qu'elle est demeurée plusieurs années, au préjudice des voyageurs dont plusieurs ont péri, dans l'intervalle, saisis par le froid et les neiges ou dévorés par les loups.
Nous apprenons cependant (1843) que cette cloche vient d'être rapportée à Aubrac et, à la grande satisfaction de la province, rendue à sa destination primitive.
En quel état est aujourd'hui Notre-Dame des Pauvres ?
Hélas ! les yeux se baignent presque de larmes lorsqu'on lit ces lignes d'un écrivain distingué, qui termine ainsi l'esquisse historique qu'il en a tracée :
« Depuis (l'orage révolutionnaire), la maison d'Adalard a été démolie presque entièrement pierre par pierre : il ne reste que quelque appartement à demi-ruiné, la petite chapelle qui servait aux pauvres de l'hôpital, et la grande église dont la voûte sans piliers et depuis long-temps découverte, résiste encore à l'action dissolvante des longues pluies et du mauvais temps : mais on y cherche en vain les beaux ouvrages qui ornaient l'intérieur, l'orgue, les stalles, les superbes candélabres de bronze et le jubé de pierre blanche qui séparait le chœur de la nef. Le voyageur ne trouve à Aubrac que quelques chétives habitations et une méchante hôtellerie pour asile. »
En attendant une restauration si désirée, nous nous joindrons au peuple religieux de ces montagnes, nous pénétrerons avec lui dans la chapelle que le digne pasteur d'Aubrac vient de bénir dans l'intérieur de l'antique tour carrée et de dédier à la Vierge sainte, et nous prierons pour les pauvres et les pèlerins qui n'espèrent plus de secours que du Père qui est dans les cieux, et de la Mère de miséricorde, dispensatrice de ses trésors sur la terre.
Hélas ! les yeux se baignent presque de larmes lorsqu'on lit ces lignes d'un écrivain distingué, qui termine ainsi l'esquisse historique qu'il en a tracée :
« Depuis (l'orage révolutionnaire), la maison d'Adalard a été démolie presque entièrement pierre par pierre : il ne reste que quelque appartement à demi-ruiné, la petite chapelle qui servait aux pauvres de l'hôpital, et la grande église dont la voûte sans piliers et depuis long-temps découverte, résiste encore à l'action dissolvante des longues pluies et du mauvais temps : mais on y cherche en vain les beaux ouvrages qui ornaient l'intérieur, l'orgue, les stalles, les superbes candélabres de bronze et le jubé de pierre blanche qui séparait le chœur de la nef. Le voyageur ne trouve à Aubrac que quelques chétives habitations et une méchante hôtellerie pour asile. »
Le
couvent d'Aubrac, pour lequel on ne devait avoir que des bénédictions
et des actions de grâces, avait déjà été exposé aux orages des passions
humaines, déjà il avait éprouvé, en diverses circonstances, le ravage et
la désolation.
En
1461, François de Montmorency, gouverneur du Gévaudan, l'assiégea avec
deux mille hommes de pied, nombre de cavaliers et trois pièces
d'artillerie ; la maison fut prise et livrée au pillage.
En
1595, les chevaliers qui avaient cru devoir, dans l'intérêt de la
religion, embrasser le parti de la ligue, se virent de nouveau assiégés
par de Fosseuse, gouverneur du Gévaudan : ayant succombé dans une lutte
inégale, ils eurent la douleur de voir tous les meubles, tant de
l'hôpital que de l'église, les tableaux, les statues, les ornements
devenir, dans la cour, la proie des flammes.
Mais
ces désastres partiels n'avaient qu'obscurci pour un temps sa
splendeur, Aubrac avait bientôt réparé ses pertes, et repris sa première
mission de consoler et de soulager l'infortune.
Aujourd'hui le désastre est complet ; la source qui portait au loin
l'abondance est desséchée, l'arbre qui produisait de si beaux fruits a
été coupé dans sa racine ; les dons de la charité ont été détournés de
leur destination, et ils suivent un cours qu'il ne leur sera plus donné
de quitter.
Un souffle divin remuera-t-il de nouveau les ruines d'Aubrac ? La
solitude sera-t-elle changée en un lieu de délices ? De fréquents
miracles s'opèreront-ils comme autrefois dans l'église de Notre-Dame des
Pauvres ?... C'est un secret dont celui qui voit tout s'est réservé la
connaissance.
Si
le sanctuaire chéri, si la maison des pauvres doivent sortir de leurs
ruines, ah ! que nous joignons volontiers notre voix à celles de tant
d'infortunés pour hâter cet heureux moment, à celles de tant de
charitables hospitaliers qui, après n'avoir vécu que pour eux sur la
terre, continuent encore à prier dans les deux pour leur soulagement et
leur bonheur.En attendant une restauration si désirée, nous nous joindrons au peuple religieux de ces montagnes, nous pénétrerons avec lui dans la chapelle que le digne pasteur d'Aubrac vient de bénir dans l'intérieur de l'antique tour carrée et de dédier à la Vierge sainte, et nous prierons pour les pauvres et les pèlerins qui n'espèrent plus de secours que du Père qui est dans les cieux, et de la Mère de miséricorde, dispensatrice de ses trésors sur la terre.
Source : Livre "Histoire des principaux sanctuaires de la mère de Dieu" par Firmin Pouget
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