Notre-Dame d'Espérance
(Toulouse)
Les
religieux Carmes s'étaient établis, on ne sait trop à quelle époque, à
un des faubourgs de Toulouse, dit du château Narbonnais, et ils y
desservaient une chapelle appelée Notre-Dame de Feretra.
C'était un lieu de dévotion que les Toulousains avaient élevé en l'honneur de la Mère de Dieu, l'établissant comme gardienne des dépouilles funèbres de leurs pères.
Ce lieu avait déjà servi à recueillir les derniers restes des morts, du temps même de la domination des Romains dans les Gaules.
On y a trouvé une grande quantité d'urnes, au point, dit un ancien auteur, que leurs débris nuisaient à la fertilité de la terre.
C'était là qu'au milieu des ténèbres du paganisme, on avait brûlé les corps, et que leurs cendres avaient été déposées dans ces urnes avec une pièce de monnaie, crainte, selon la superstition païenne, que le défunt n'ayant pas de quoi payer la barque de Caron, ne fût obligé d'errer un an entier sur les bords du Styx.
On prétend même avec assez de vraisemblance que le nom de Feretra vient de ferre extra, et désignait l'usage où l'on était de porter les morts hors de la ville, et de les brûler, comme on l'a fait longtemps.
Les Toulousains avaient coutume de se rendre une fois l'an en ce lieu de deuil et de regrets, pour donner à leurs parents et à leurs amis un dernier témoignage de leur souvenir.
Devenus chrétiens, et voulant animer ces visites d'un motif religieux, ils y bâtiront une chapelle en l'honneur de la sainte Vierge, sous le nom de Notre-Dame de Feretra.
L'usage de ces visites s'est conservé à peu près jusqu'au temps de la révolution.
Cependant, dès les premières années de l'épiscopat de Raimond de Falger, élu en 1232, les Carmes songèrent à quitter cette demeure et à s'établir au centre de Toulouse.
Les motifs qui leur inspiraient une telle pensée sont exposés dans une déclaration ou supplique dressée par six de leurs bienfaiteurs, dans le but d'obtenir du Saint-Siège la faculté de faire cette translation.
C'est la distance de la ville qui met obstacle aux bons désirs de ceux qui voudraient se transporter auprès d'eux et réclamer le secours de leur ministère ; ce sont les inondations de la Garonne qui contribuaient encore à en rendre l'accès difficile et le séjour incommode ; c'était le zèle de la gloire de Dieu qui portait les bons Pères à se rapprocher des citoyens pour leur être d'une plus grande utilité dans l'affaire de leur salut éternel ; c'était enfin le désir de faire louer, bénir et vénérer la Mère de Dieu, en se fixant dans le quartier même des Juifs, dans un endroit où le nom du Seigneur et le sien avaient été si longtemps blasphémés.
L'autorisation fut accordée par le pape Clément IV, en 1264, la première année de son pontificat, par un acte qui nous a été conservé par les anciens auteurs qui ont écrit sur l'histoire du Languedoc.
Il parait même que les Carmes s'étaient déjà transportés au milieu de Toulouse, et qu'ils y avaient élevé un oratoire ou chapelle, en attendant qu'il leur fût donné d'y bâtir une grande église et d'y annexer leur monastère, puisque la supplique présentée au Saint-Siège, en 1264, parle de cette translation comme d'un fait accompli.
L'oratoire subsistait dans le quartier des Juifs ; la Providence, attentive à faire éclater la gloire du doux nom de Marie, à relever le courage des chrétiens, à confondre les juifs et à couvrir la pieuse cité d'une protection spéciale, opérait dans cet oratoire les miracles les plus visibles et les plus éclatants, rendant la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la parole aux muets, redressant les boiteux et faisant comme jaillir en ce lieu une source continuelle de bienfaits et de faveurs célestes, dont le bruit se répandant dans le diocèse et les pays voisins, donnait à la piété un nouvel essor, et, pénétrant les âmes de consolation et de confiance, appelait dans ce sanctuaire une multitude de pèlerins.
En conséquence de la dévotion qu'on avait en ce lieu, et de la sanction que le souverain Pontife donnait à la piété de six Toulousains qui, désirant, selon les expressions de la Bulle, faire un heureux échange entre les trésors de la terre et ceux du ciel, avaient donné à perpétuité à l'ordre des Carmes quelques maisons achetées d'abord aux juifs, la nouvelle église de Notre-Dame du Carmel et le monastère des religieux furent bâtis au lieu désigné.
Il paraît même que la construction se fit avec plus d'activité qu'on n'en mettait à cette époque, à de semblables ouvrages, puisque l'an 1270 Raimond, évêque de Toulouse, donna des lettres qui autorisaient les Pères du Carmel à faire consacrer le nouvel édifice par tel prélat qu'ils jugeraient à propos.
Déjà, quatre ans auparavant, le fils d'un viguier que les historiens ne nomment pas, l'avait décoré d'un beau portail, orné d'une multitude de statues, ouvrage qui a subsisté et a fait l'admiration des connaisseurs jusqu'au dernier siècle.
Le motif qui le portait à faire cette bonne œuvre était la reconnaissance et le devoir.
Un auteur ancien rapporte que ce jeune homme, dans un accès de rage que nous regardons plutôt comme un transport de folie que comme un acte d'impiété, ayant voulu mettre le feu au monastère, fut frappé de la main de Dieu et eut le visage horriblement défiguré ; mais qu'ayant conçu un vif repentir de sa faute, et fait vœu d'ajouter un beau portail à l'église, il reprit sa première figure.
L'ancien sanctuaire de Notre-Dame de Feretra ne fut pas abandonné. Un acte daté de l'an 1387, prouve qu'il était alors desservi par des ermites ; et plus tard il fut donné aux PP. de la Petite-Observance, ou Récollets.
Cependant la Mère de Dieu était l'objet d'une dévotion spéciale dans l'église des Carmes, sous le nom de Notre-Dame d'Espérance, sans qu'on puisse déterminer à quelle époque et à quelle occasion on lui avait donné ce titre.
Un évènement arrivé sur la fin du quatorzième siècle ajouta encore à sa célébrité.
L'an 1389, Charles VI se trouvait à Toulouse. En parcourant ses provinces méridionales, il semblait ne s'occuper qu'à mériter le surnom de Bien-aimé que les peuples lui donnaient à l'envi. Prendre en main leur cause contre des magistrats iniques et oppresseurs, diminuer ou supprimer les impôts, répandre avec largesse les trésors que la Providence mettait à sa disposition, étaient ses jouissances les plus douces et les plus ordinaires. Son autorité, dit un historien de Toulouse, n'était qu'une magistrature exercée au nom de cette bonté législative, l'attribut le plus auguste des princes, et celui qui les rapproche le plus de la Divinité. Le vainqueur de Darius était moins grand à Arbelles, ayant à ses pieds tous les Satrapes de la Perse, toutes les princesses du sang royal, qu'il avait fait répandre, que Charles à Toulouse, vainqueur de cette hydre terrible connue sous le nom de Partisans, consolateur sensible des orphelins et des veuves, bienfaiteur d'un peuple entier, enfin tel qu'un Dieu tutélaire, vengeur et rémunérateur.
On raconte que Charles, dit l'ancien annaliste étant un jour allé à la chasse dans la forêt de Bouconne, avec quelques seigneurs de sa cour, y fut surpris de la nuit.
Cette forêt était alors beaucoup plus grande et plus épaisse qu'elle n'est à présent.
La nuit était plus obscure qu'à l'ordinaire, et de telle manière que le roi s'égara.
Plus il marchait, plus il s'enfonçait dans la forêt, si bien qu'à la fin il s'embarrassa dans des forts (endroits touffus), d'où il lui fut impossible de se retirer.
L'horreur des ténèbres, peut-être le hurlement des loups, dont il y a eu toujours grande quantité dans cette forêt, jetèrent l'épouvante dans le cœur du jeune prince.
Il faut croire qu'elle ne fut pas médiocre, puisqu'il eut recours aux vœux.
Il y avait alors une grande dévotion à la chapelle de Notre-Dame d'Espérance, dont je viens de parler : ce fut à cette chapelle que le roi voua de donner le prix de son cheval, pour être délivré, par l'intercession de la sainte Vierge, du danger où il croyait se trouver.
Il n'eut pas sitôt fait le vœu, que la nuit s'éclaircit ; et, à la faveur de cette clarté, le roi et tous les seigneurs qui étaient avec lui se dégagèrent de ces forts et se tirèrent enfin de la forêt.
Le lendemain, Charles s'acquitta de son vœu.
Il entendit la messe dans la chapelle de Notre-Dame d'Espérance, y fit un riche présent, et distribua aux princes et aux seigneurs qui étaient avec lui à chacun une ceinture d'or, sur laquelle était ce mot : Espérance.
C'était l'insigne d'un ordre de chevalerie que Charles établissait en mémoire de ce trait de protection spéciale qu'il avait obtenue de Marie, à la suite du vœu qu'il avait fait, en l'invoquant sous ce titre.
Le pieux monarque ne s'en tint pas là. Il fit dans cette chapelle une fondation qui assurait à l'ordre naissant des prières adressées à Dieu, dans ce sanctuaire, par les mains et sous l'invocation de Marie.
Le Provincial des Carmes, le Prieur et le couvent de Toulouse s'engagèrent à faire célébrer chaque jour, par un de leurs religieux, une messe à l'intention des fondateurs : le dimanche pour les chevaliers, les lundis et mercredis pour les défunts, le mardi en l'honneur des saints Anges, le jeudi du Saint-Esprit, le vendredi de la Croix, le samedi de Notre-Dame.
Les religieux promirent de plus, en reconnaissance des bienfaits qu'ils avaient reçus du roi, des princes et des seigneurs, de chanter pour eux une messe solennelle dans la chapelle de Notre-Dame d'Espérance, à chacune de ses principales fêtes, c'est-à-dire les jours où l'Eglise célèbre les mystères de la Conception, de la Nativité, de la Purification, de l'Annonciation et de l'Assomption.
Enfin, ils leur accordent participation à toutes les messes, prières, pénitences et bonnes œuvres qui forment le trésor spirituel des mérites de l'Ordre de Notre-Dame du Carmel.
La cérémonie de ce vœu fut représentée à fresque dans le cloître de l'église des Carmes, contigu à la chapelle de Notre-Dame d'Espérance.
On y voyait Charles VI à cheval, s'inclinant devant une Image de la Vierge qui tenait l'Enfant Sauveur entre ses bras. Sept seigneurs marchaient à pied à sa suite, revêtus de leur armure complète , à l'exception du pot en terre, ou casque. Ils portaient des cottes-d'armes avec les armoiries de leurs maisons : les noms de cinq d'entre eux étaient écrits au bas du tableau, en caractères du temps ; c'étaient le duc de Tourraine, le duc de Bourbon, Pierre de Navarre, Henri de Bar et Olivier de Clisson.
Le temps avait effacé les noms du sixième et du huitième, qu'on présume avoir été Philippe d'Artois, comte d'Eu, et Enguerrand, sire de Coucy.
Tous ces personnages étaient de grandeur naturelle.
La chapelle était ogivale, avec un genre d'ornementation délié et élégant.
Au plus haut du tableau régnait une sorte de frise avec des Anges qui portaient en leurs mains des banderoles, sur lesquelles était écrit trois fois le mot Espérance. Le fond de la peinture était chargé de loups, de sangliers et d'autres bêtes sauvages qui habitent les forêts.
Cet Ordre de la ceinture d'Espérance que Charles VI établissait en l'honneur de Marie libératrice, était une imitation de celui qu'avait institué, vingt ans auparavant, Louis, duc de Bourbon, son oncle maternel, surnommé, avec tant de raison, le bon duc, prince dont la piété, la sagesse et la douceur offrent un si frappant contraste avec les travers et les excès, où l'ambition précipita les ducs d'Anjou, de Bourgogne et de Berry, et qui mirent la France à deux doigts de sa perte.
Voici quel était le langage de ce bon duc à ses chevaliers du Bourbonnais, à son retour d'Angleterre, où il avait été un des otages livrés pour la rançon du roi Jean : c'était vers les fêtes de Noël : « Je ne vous veux point remercier des biens que vous m'avez faits ; car si maintenant je vous en remerciais, vous vous en voudriez aller, et ce me serait une des grandes deplaisances que je puisse avoir... et vous prie à tous que vous veuillez être en compagnie, le jour de l'an, en ma ville de Moulins, et là je vous veux étrener de mon cœur et de ma bonne volonté, que je veux avoir avec vous. Et veux aussi que m'étreniez au plaisir de Dieu, car j'ai espérance de me gouverner par vous et par votre bon conseil es choses qui toucheront mes pays et le bien de ce royaume, èsquelles je me veux employer à mon pouvoir à votre bon aide.... Car je veux vivre et mourir avec vous, et je pense qu'aussi faites-vous, vous avec que moi. Et pour le bon espoir que j'ai en vous après Dieu, dorénavant je porterai pour devise une ceinture, où il y aura écrit un joyeux mot : Espérance.
Le bon duc gratifia de la même décoration le connétable du Guesclin, son ami. A son partir lui donna le duc un bel hanat d'or émaillé de ses armes, lui priant qu'il y voulait boire toujours pour l'amour de lui, et lui donna aussi belle ceinture d'or très-riche de son ordre d'Espérance, laquelle meist au col, dont le mercia et en fut fort joyeux.
C'était donc à cet excellent prince, qui l'avait formé lui-même à la piété et à l'art de régner, que Charles le bien-aimé empruntait l'idée de son ordre de l'Espérance, et ce fut en l'honneur de Marie et en reconnaissance d'un bienfait reçu qu'il l'institua.
L'existence de cet ordre, qui se rattache d'une manière si étroite à Notre-Dame de l'Espérance de Toulouse, a donc pour fondements, comme l'observent les auteurs que nous avons pris pour guides, non-seulement une ancienne tradition, mais encore la peinture du cloître des Carmes et l'acte par lequel les Religieux s'engageaient à offrir au ciel les vœux de la reconnaissance pour les chevaliers.
Du reste, cet ordre de l'Espérance ne tarda point à s'éteindre, sans doute à cause du triste évènement qui, deux ans après, jeta l'infortuné monarque dans un état presque habituel de démence, et qui plongea le royaume entier dans un abime de malheurs. Mais son institution et les monuments qui en sont restés rendent témoignage de la dévotion spéciale avec laquelle on invoquait Notre-Dame d'Espérance dans ce sanctuaire.
L'église des Carmes a subsisté à Toulouse jusqu'à l'époque de la grande révolution.
La chapelle de Mont-Carmel, construite vers le milieu du dix-huitième siècle, était remarquable par ses dorures et était regardée comme un des principaux ornements de Toulouse.
Cette chapelle, l'église entière et le monastère des Carmes ont trouvé leur entière destruction à une époque qui s'est fait gloire d'accumuler tant de ruines.
Il n'en reste aucun vestige aujourd'hui : l'emplacement est devenu une place publique.
Cependant la Providence a voulu que le monument élevé pour perpétuer le souvenir du vœu et de la reconnaissance de Charles VI fût préservé de la dévastation commune.
En 1809, un savant connu par son zèle pour la conservation des anciens monuments et par les précieux ouvrages qu'il a publiés pour en expliquer l'histoire, s'apercevant qu'on allait renverser le mur du cloître des Carmes sur lequel était représenté le vœu de Charles VI, eut l'heureuse idée d'acheter l'antique tableau. Il était, comme nous l'avons dit, peint à fresque ; le mortier pouvait avoir un doigt d'épaisseur. Des feuilles de papier, des planches furent appliquées sur la peinture : elle fut en grande partie enlevée du mur par morceaux détachés et numérotés, qu'il serait facile de réunir et de rétablir à peu près dans l'ancien état.
Quant à la dévotion à Notre-Dame d'Espérance, il fut un moment, aux premières années de ce siècle, où elle se ranima et sembla prendre comme une nouvelle naissance : c'était aux Cent-Jours, à une époque où le retour de ce conquérant qui, après avoir donné d'abord à l'Eglise des témoignages de dévouement, lui avait ensuite fait sentir son pouvoir oppresseur, faisait craindre pour la religion et ses pontifes de nouveaux désastres. Le souvenir de Charles VI et de son vœu vint s'offrir de lui-même, on eut recours à Notre-Dame d'Espérance.
Une société dans laquelle s'empressèrent d'entrer les âmes pieuses de toutes les paroisses de Toulouse, se forma et s'organisa en peu d'instants.
Ses membres, divisés en dizaines, devaient offrir au ciel des prières et des communions dans l'intérêt de la religion et de la légitimité, et les continuer tant que durerait la menace de l'orage qui leur semblait s'apesantir sur la France.
Louis XVIII étant monté pour la seconde fois sur le trône de ses pères, la société fixa le 8 juillet pour terminer les exercices de piété que les circonstances avaient fait entreprendre, et rendre à Dieu un hommage solennel de reconnaissance.
Il parait que les associés, non contents d'avoir offert au ciel des vœux et des prières dans le moment critique qui leur avait inspiré de se réunir, songeaient encore à se donner la stabilité que la religion assure aux œuvres qu'elle bénit et qu'elle consacre, puisqu'ils présentèrent à l'autorité ecclésiastique une demande d'approbation et lui soumirent les règlements qui devaient la régir.
Mgr Primat qui occupait, à cette époque, le siège archiépiscopal de Toulouse, applaudit au motif qui avait donné l'idée de cette association, et il l'approuva expressément par une ordonnance datée du 6 juillet 1816. Il témoigne qu'il lui a été très-agréable d'y voir une conformité de principes et de sentiments avec ceux de l'ancienne et religieuse association de ces pieux et fidèles chevaliers français qui avaient pour devise : Dieu et le Roi.
En conséquence, il érigeait la société dont le plan et les règlements lui avaient été présentés, en confrérie religieuse sons le nom de Notre-Dame de Bonne-Espérance, lui accordant, avec ce titre, les droits et les mêmes priviléges dont jouissent les confréries dûment autorisées dans l'Eglise.
Néanmoins, comme cette association avait un but trop politique, elle ne pouvait se maintenir dans un siècle où nous sommes si accoutumés à voir les trônes s'élever et s'écrouler à l'improviste.
Au milieu de ces vicissitudes humaines, de ces intérêts de parti, de ces promesses si souvent trompées, les âmes catholiques ont compris que dans leurs rapports avec le Ciel, elles ne pouvaient, en usant consciencieusement de leurs droits, et remplissant fidèlement leurs devoirs, compter, pour le succès, que sur Dieu. Mettre son espoir en l'homme, c'est appeler au secours de sa faiblesse un roseau fragile qui se brise et déchire la main qui lui demandait un appui.
Si la chapelle de Notre-Dame d'Espérance a cessé d'exister, il est une église paroissiale de Toulouse qui a recueilli en quelque manière sa brillante succession.
C'est Notre-Dame de la Dalbade. Là se trouve une chapelle, la troisième à droite en entrant, où est établie la dévotion à Notre-Dame du Carmel, dévotion qui a hérité de toutes les faveurs ou indulgences accordées jadis au couvent des Grands-Carmes : une bulle de Pie VII a établi cette translation.
Le culte rendu à la Vierge, dans cette antique église, sous le double vocable du Carmel et de l'Espérance, ne ressemble-t-il pas à un fleuve qui, ayant divisé d'abord ses eaux en deux canaux différents, les réunit ensuite dans un même lit, et poursuit majestueusement sa course à travers les campagnes qu'il enrichit du tribut de ses ondes ? Les exercices de piété qui se pratiquent à cette chapelle de la Daurade rappellent aux fidèles l'origine de ce culte et le lieu où leurs pères le rendaient à Marie.
C'est une octave célébrée avec grand concours et la plus édifiante piété ; c'est une procession annuelle qui la termine avec cette pompe et ce religieux élan qui caractérisent nos cités méridionales.
Ce qu'il y a de particulier, ce qui établit la filiation entre l'ancienne et la nouvelle dévotion, c'est que la procession défile autour de la place d'Orléans, sur le local spacieux qu'occupait autrefois le couvent des Carmes.
La statue de la Vierge, objet d'un culte spécial, non-seulement de la part des paroissiens, mais encore des fidèles de la ville et de la campagne, portée sur un brancard richement orné, s'arrête à l'endroit où était jadis l'autel de l'église des Carmes : là on la dépose sur un élégant reposoir et on entonne, en son honneur, divers chants religieux ; usage touchant qui rappelle aux fidèles d'aujourd'hui que Marie a régné par ses bienfaits en ce lieu dont les révolutions humaines l'ont dépossédée, qu'elle reçoit volontiers ailleurs leurs hommages et leurs vœux, et que, dans les temples que la pitié lui consacre, ce qu'elle ambitionne, ce qu'elle cherche pardessus tout, c'est l'amour de ses enfants.
Source : Livre "Histoire des principaux sanctuaires de la mère de Dieu, Volume 2" par Firmin Pouget
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