Sainte Béatrice de Silva Meneses
cistercienne à Tolède en Espagne († 1490)
Beatriz da Silva (1437-1492) est une aristocrate portugaise, qui a fondé l'ordre de l'Immaculée Conception, avec l'appui de la reine Isabelle la Catholique, dans l'Espagne de la Reconquista.
Elle a été canonisée par Paul VI en 1976.
Sa fête se célèbre le 17 août.
Biographie
Premières années
Beatriz de Silva y Meneses est née à Campo Maior, dans la province de l'Alentejo.
Ses
parents sont don Ruy Gomez de Silva et doña Isabel de Menezes, comtesse
de Portalegre, laquelle est apparentée aux familles royales de Portugal
et de Castille.
Mariés depuis 1422, ils ont quitté Ceuta en 1434 pour s'établir à Campo Mayor, où le père occupe la fonction d'alcaide mayor.
La famille compte onze enfants, dont l'éducation sera confiée aux franciscains.
Deux
d'entre eux entreront chez les frères mineurs : Juan et Amadeo, qui
deviendra le confesseur du pape Sixte IV et créera une branche
franciscaine réformée (les Amadéites).
Quant
à Beatriz, elle aurait, toute petite, servi de modèle à une madone
représentée les yeux clos, entre François d'Assise et Antoine de Padoue.
A Tordesillas
L'Immaculée Conception, pareille aux visions de Beatriz (par Zurbaran)
En
1447, Beatriz fait partie de la suite de l'infante Isabelle de
Portugal, qui va s'unir en secondes noces au roi Jean II de Castille,
dans la cité de Madrigal de las Altas Torres.
Le
couple royal se rend ensuite à Tordesillas, où résidait alors la cour,
et Beatriz se retrouve dans un milieu gouverné par l'intrigue et dominé
par la frivolité.
Aux
environs de 1451-1453, pour une raison inconnue (probablement signe
annonciateur de la démence complète qui frappera la reine quelques
années plus tard), Isabelle la prend en grippe, au point de l'enfermer à
double tour dans un coffre et de l'y laisser, trois jours entiers, sans
manger ni boire.
Sans l'intervention de Juan de Meneses, oncle de la jeune fille, celle-ci y perdait la vie.
Cependant, l'obscurité étant propice aux initiations mystiques, ces journées de réclusion ont donné lieu à une manifestation de la Vierge Marie, qui jouera un rôle décisif sur les choix futurs de Beatriz.
En
effet, la reine du Ciel est venue la consoler et lui annoncer qu'elle
fonderait, par la suite, un ordre marial, dont les moniales porteraient
un habit blanc et bleu, pareil à celui de l'apparition.
A Tolède
Des religieuses conceptionnistes (par Carreno de Miranda)
Trois
jours après sa libération, Beatriz quitte le palais, avec la permission
du roi, pour se rendre au monastère des dominicaines de Tolède.
En
chemin, elle rencontre deux franciscains, et ceux-ci lui tiennent des
propos si encourageants pour l'avenir qu'elle voit en eux François
d'Assise et Antoine de Padoue.
Arrivée à destination, elle se retire au couvent Santo Domingo el Real, en compagnie de deux servantes.
Sans être religieuse, elle passera en ces murs trente années vouées au silence, à la solitude et à la prière.
Mais sous son front perpétuellement voilé mûrit le rêve d'une congrégation dédiée à l'Immaculée Conception.
Or, en 1474, la fille d'Isabelle de Portugal et de Jean II, monte sur
le trône de Castille ; et Béatrice a jadis connu fillette celle que l'on
surnommera Isabelle la Catholique ; outre les souvenirs de Tordesillas,
les deux femmes ont d'ailleurs en commun une fervente dévotion à la
conception immaculée de Marie.
Elles
reprennent contact en 1479, lorsqu'Isabelle vient à Tolède accomplir
son vœu de bâtir une église à saint Jean l'Evangéliste, en remerciement
de l'heureuse issue de la bataille de Toro.
La
paix entre l'Espagne et le Portugal vient d'être signée, et la reine
attribue ce succès à l'intervention de Dieu et de la Vierge.
La situation semble donc favorable : Beatriz fait part à Isabelle de
son projet, d'autant plus que la vision de Tordesillas s'est répétée,
avec plus d'insistance encore...
La
prophétie se réalise en 1484, quand la reine cède à Beatriz une maison,
qui faisait partie des palais royaux de Galina, près de la muraille
nord de la ville, mais aussi une chapelle, dédiée à sainte Foy, sous le
patronage de laquelle Isabelle désire mettre la reconquête de Grenade.
Maison
et chapelle formeront un monastère cloîtré, où Beatriz et douze
compagnes choisissent d'employer leur existence à servir Dieu et Marie
dans le mystère de son immaculée conception, selon le charisme du nouvel
institut.
Dernières années
Tombeau de sainte Béatrice au monastère de la Conception de Tolède
Le
30 avril 1489, grâce au soutien d'Isabelle la Catholique, la communauté
reçoit l'approbation d'Innocent VIII dans la Bulle Inter universa, et
l'érection canonique du monastère a lieu le 16 février 1491.
Les
religieuses ont adopté la Règle cistercienne et un vêtement conforme à
celui de l'apparition : tunique et scapulaire blancs, ceinture de laine
blanche et cape bleu azur, le scapulaire et la cape étant ornés d'une
image de la Vierge.
D'étranges
récits entourent l'obtention de la Bulle : la sainte l'aurait reçue à
Tolède de l'archange Raphaël lui-même, au moment où elle était signée à
Rome, ou bien le document aurait coulé au fond de la mer avec le navire
qui l'apportait, mais la sainte en aurait trouvé un exemplaire dans un
coffre du monastère.
Inventées
après coup, ces histoires cherchent à annoncer symboliquement les
difficultés que rencontrera la jeune fondation à la mort de Beatriz.
Celle-ci décède, en effet, le 16 août 1492, après une ultime visite de la Vierge, quelques jours auparavant, durant laquelle les futures tribulations de son ordre lui aurait été prédites.
Au
cours de sa paisible agonie, des témoins ont observé l'éclat surnaturel
du visage de la sainte tandis que l'onction lui était administrée, et
l'apparition d'une étoile sur son front, demeurée après la mort.
L'iconographie ultérieure conservera le souvenir de ces grâces célestes.
Postérité
Approbation de l'ordre
Maison-mère de l'ordre : le monastère de la Conception à Tolède
Il
semble que les difficultés aient commencé dès le décès de la
fondatrice, lorsque les moniales de Santo Domingo sollicitent pour leur
chapelle la dépouille mortelle de Beatriz, et proposent une fusion des
deux communautés.
Cette
querelle du pot de fer contre le pot de terre, nécessite l'intervention
des franciscains, dont un certain Juan de Tolosa, à qui la sainte
serait apparue à Guadalajara.
En
janvier 1495, une autre fusion est envisagée : avec les bénédictines de
San Pedro de las Dueñas, cette fois ; mais l'abbesse conceptionniste,
Felipa da Silva, nièce de la fondatrice, préfère abandonner son
monastère et trouver refuge, avec les reliques de sa tante, chez les
dominicaines de la Madre de Dios.
Il
faudra attendre 1496 pour que la situation se débloque, époque à
laquelle l'archevêque de Tolède Jiménez de Cisneros obtient du pape
Alexandre VI une Bulle autorisant les conceptionnistes à adopter la
Règle de sainte Claire et à fonder d'autres établissements.
En
1501, l'archevêque réformateur installe les religieuses dans un couvent
franciscain désaffecté, qui deviendra le monastère de la Concepción,
maison-mère de l'ordre.
À l'extérieur de Tolède, d'autres monastères s'ouvrent, comme à Cuenca en 1504 et Torrijos en 1507.
Mais
surtout, le 17 septembre 1511, par la Bulle Ad statum prosperum, le
pape Jules II reconnaît aux conceptionnistes une Règle propre, et les
place sous la juridiction des franciscains.
Calquée
sur celle de sainte Claire, cette règle admettait cependant la
propriété en commun et mitigeait les jeûnes; en revanche, elle
établissait une clôture très stricte et mettait fortement l'accent sur
la vocation contemplative.
Le
texte sera mis au point par un franciscain, Francisco de los Angeles
Quiñones, qui prépara également les premières Constitutions, en 1514,
avant que Léon X ne concède aux conceptionnistes tous les privilèges des
clarisses, en 1520.
Approbation du culte
Les
restes mortels de la sainte ont suivi les sœurs au gré des différentes
affectations tolédanes : inhumés à Santa Fe, ils sont passés par San
Pedro de las Dueñas, puis par Madre de Dios, avant d'intégrer
définitivement le monastère de la Concepción, où ils sont conservés
aujourd'hui encore, non sans avoir été profanés en 1936, durant la
guerre civile.
Quelques
années auparavant, en 1924, le pape Pie XI avait confirmé le culte
immémorial dont Béatrice faisait l'objet, et béatifié celle-ci. Continué
sous Pie XII, le procès se conclut avec la canonisation officielle,
réalisée par Paul VI, le 3 octobre 1976.
Spiritualité
L'Immaculée Conception, toute de blanc et de bleu vêtue (par Murillo)
Les conceptionnistes font à présent partie de la famille franciscaine.
Écrite
et réécrite après les événements, la biographie de la fondatrice est
parsemée d'interventions de saints ou de religieux appartenant à cet
ordre.
Mais
surtout, la dévotion de la sainte à l'Immaculée Conception la situait
d'emblée dans la zone d'influence du franciscanisme, puisque depuis le
début du XIVe siècle, celui-ci
considérait le culte de l'Immaculée, justifié par le théologien Duns
Scot, comme faisant partie de son patrimoine spirituel.
Par
ailleurs, Beatriz n'a laissé aucun écrit : il faut se reporter aux
ouvrages de Marie d'Agréda pour se faire une idée de la spiritualité de
son ordre, transposée dans la mentalité de la Contre-Réforme.
Cependant, elle aura marqué d'une empreinte durable l'histoire de l'art et de la représentation religieuse.
En effet, à l'époque de Beatriz, les vêtements de la Vierge sont peints en rouge pour la robe et en bleu pour le manteau.
Ce sont d'ailleurs les couleurs que choisira, pour ses religieuses
annonciades, sainte Jeanne de Valois, reine de France répudiée,
contemporaine de Beatriz et, comme elle, proche des franciscains.
En
exigeant, sur base des apparitions dont elle a été gratifiée, le blanc
et le bleu pour le costume des conceptionnistes, Beatriz fait donc
montre d'originalité.
Or, ce choix marginal va s'imposer comme la norme dans l'Espagne du XVIIe siècle,
précisément parce qu'à partir de 1631 on s'intéresse à nouveau aux
visions de la sainte, et que Francisco Pacheco, représentant officiel du
Saint-Office, va préconiser, en conséquence, l'emploi de la tunique
blanche et de la cape bleue dans l'iconographie de l'Immaculée
Conception, ce dont, à l'époque, témoignent particulièrement les
célèbres représentations de Murillo, peintre des franciscains de
Séville.
L'apparition de la Vierge
En 1480, la Vierge Marie lui apparaît.
Elle lui apparaît une seconde fois, 10 jours avant sa mort.
En savoir plus :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire