Abbaye
Abbaye de Sénanque
Une
abbaye (du latin abbatia) est un monastère ou un couvent catholique
placé sous la direction d'un abbé (ou d'une abbesse ; dérivé de
l'araméen abba qui signifie « père »), lequel sert de père spirituel à
la communauté religieuse.
Les
ordres monastiques, les chapitres canoniaux (de chanoinesses surtout),
les communautés de chanoines réguliers ont vocation à fonder des
abbayes.
L'abbaye n'est donc pas nécessairement un lieu de clôture monastique.
Organisation
Le
prieuré, le couvent connaissent le même genre d'organisation que les
abbayes, mais n'ont généralement pas d'abbé ou d'abbesse à leur tête ;
ils dépendent d'une abbaye "mère" ou directement du supérieur de l'ordre
monastique.
Le
terme est assez récent par rapport à l'histoire du cénobitisme : on ne
le rencontre pas par exemple dans la Règle de saint Benoît, qui parle
simplement de monastère.
Le mot apparaît au XIe siècle
; c'est Cluny qui est à l'origine de l'évolution des dénominations et
qui définit l'organisation d'une abbaye à proprement parler, ce qui
explique pourquoi la notion d'abbaye est principalement rattachée au
catholicisme.
Les conditions pour élever un monastère au rang d'abbaye varient suivant la règle de chaque ordre.
Par exemple, chez les moines Trappistes, une maison nouvellement fondée est d'abord :
- une fondation, partie de la maison-mère ;
- un prieuré (simple ou majeur) quand elle atteint un nombre de moines (ou moniales) et une autonomie financière suffisants ;
- puis une abbaye, quand elle est pleinement autonome, que ce soit en nombre de moines (ou moniales), en bâtiments et en ressources.
Cloître de l'abbaye de Fontevraud (Anjou, France)
Historique
Les premiers temps du monachisme
Les
premières communautés chrétiennes connues consistaient en des groupes
de cellules ou de huttes regroupées autour d'un lieu commun, en général
la maison d'un ermite ou d'un anachorète réputé pour sa sainteté ou son
ascétisme solitaire, mais sans aucune organisation préalable.
Ce
type de communauté n'est pas une invention du christianisme : on
connaît des exemples antérieurs chez les Esséniens en Judée ou en
Égypte.
À
l'aube du monachisme chrétien, les ascètes vivaient généralement à
plusieurs, dans la pauvreté, non loin d'un village et de l'église
locale, subsistant par leur propre travail et distribuant le surplus aux
pauvres.
La
ferveur religieuse, favorisée par les persécutions, a conduit nombre
d'entre eux un peu plus à l'écart de la civilisation, dans les montagnes
ou au fond des déserts.
Dès
lors, les déserts d'Égypte, notamment celui de la Thébaïde, ont
littéralement fourmillé de cellules ou de huttes habitées par ces
anachorètes.
Saint Antoine, retiré dans le désert égyptien pendant la persécution de Maximin II Daïa (en 312), était le plus admiré d’entre eux pour son austérité, sa sainteté et son pouvoir d'exorciste.
Sa
renommée a attiré auprès de lui un grand nombre de disciples imitant
son ascétisme afin d'approcher la sainteté de leur maître.
Plus
il se repliait dans une région reculée et sauvage, et plus des
disciples affluaient. Ils refusaient de se séparer de leur maître et
construisaient leurs huttes autour de celle de leur père spirituel.
C'est
ainsi que naquit la première communauté monastique, composée
d'anachorètes vivant chacun dans leur propre maison, tous unis sous la
direction d'un seul. Comme le remarque Neander dans son Histoire de
l'Église,
« Saint
Antoine a, sans en avoir eu conscience, été le fondateur d'un nouveau
mode de vie en commun, le cénobitisme ». Par étapes, les groupes de
huttes se sont organisés. Les petites tentes ont été rangées en lignes
comme le long d'une rue, ce qui leur a valu le surnom de Laurae ou
Laurai (Laure en français, mot encore utilisé par les orthodoxes :
Lavra, ou Лавра, comme la Laure de Kiev) ce qui signifie « rue » ou
« chemin ».
Le
vrai fondateur du mode de vie cénobitique (de koinos qui signifie « en
commun » et bios qui signifie « vie ») dans son sens moderne est saint
Pacôme, un Égyptien du début du IVe siècle siècle. La
première communauté qu'il établit se trouvait à Tabennèse, une île sur
le Nil. Il fonda huit autres monastères dans la région au cours de sa
vie, totalisant 3 000 moines. Cinquante ans après sa mort, ils
revendiquaient 50 000 membres. Ces entités rassemblaient des villages
peuplés par des communautés religieuses d'un seul sexe et fondées sur le
travail.
Les
bâtiments étaient indépendants, humbles et de petite taille. Selon
Sozomène, chaque cellule contenait trois moines. Ils prenaient leur
repas dans un réfectoire commun ou dans une salle à manger à 15 heures,
heure jusqu'à laquelle ils restaient à jeun. Ils mangeaient en silence,
avec leurs capuches si baissées sur leur visage qu'ils ne pouvaient voir
rien d'autre que la table au-dessous d'eux. Les moines ne passaient pas
leur temps à célébrer des offices religieux ou à étudier les textes :
leurs journées étaient essentiellement consacrées au travail manuel.
Vers le IVe siècle,
Palladius, en visite dans les monastères égyptiens, trouva environ 300
membres à Panopolis sous la règle de Pacôme, quinze tailleurs, sept
forgerons, douze conducteurs de chameaux et quinze tanneurs. Chaque
communauté séparée avait son propre oeconomus (économe ou intendant)
résidant dans l'établissement principal.
Tout
le produit du travail des moines lui était confié, puis envoyé à
Alexandrie. L'argent récolté par la vente de ces produits permettait
d'acheter des boutiques destinées à soutenir financièrement la
communauté, les richesses en trop étant distribuées à des fins
charitables.
Les
supérieurs des différents coenobia se rencontraient deux fois par an au
monastère principal, sous la présidence d'un archimandrite (« le chef
du troupeau », de miandra qui signifie « berger »).
Ils devaient en outre, lors de la dernière réunion annuelle, faire le rapport de leur gestion pour l'année passée.
Le coenobia de Syrie appartenait à l'institution pâcomienne.
Nous
avons appris beaucoup de détails concernant les communautés situées
dans les environs d'Antioche grâce aux écrits de saint Jean Chrysostome.
Les moines y vivaient dans des huttes séparées, les kalbbia, formant un hameau sur les pentes de la montagne.
Sujets
d'un abbé, ils observaient la règle commune (ils n'avaient pas de
réfectoire, mais ils consommaient une nourriture commune limitée à du
pain et de l'eau à la fin de la journée de travail, allongés sur de la
paille, parfois devant leurs portes).
Ils ne se rejoignaient que quatre fois par jour pour prier et réciter des psaumes.
Dans
l'Europe occidentale, le monachisme fait son apparition à partir du
delta du Rhône : Marseille, îles de Lérins, Arles, et remontera dans le
couloir rhodanien.
De
nombreuses figures encore très populaires, ne serait-ce que dans les
noms de localités marquent ce monachisme : saint Martin de Tours, évêque
de Tours, saint Césaire d'Arles…
Ces
personnages sont caractéristiques de la première période du monachisme
où les abbés les plus fameux devenaient évêques, portant par là-même
l'abbaye idéale au rang de modèle tant dans l'architecture que dans la
morale, ou la discipline du clergé séculier, c'est-à-dire les prêtres
des paroisses.
À
dater de cette période, les évêques et les abbés sont représentés avec
les mêmes attributs : crosse épiscopale, mitre, anneau, et croix
pectorale.
Monachisme latin et monachisme oriental
Le
monachisme se divise dès l'apparition des règles de l'Irlandais saint
Colomban, et de saint Benoît entre monachisme latin et monachisme
oriental.
Chaque
abbaye, selon sa règle, est porteuse d'une architecture, d'un
coutumier, et d'une filiation qui la relie à l'abbaye dont sont issus
les moines qui l'ont fondée, et aux abbayes fondées par les moines
qu'elle a formés.
Ainsi,
peu à peu, un tissu monastique fait de solidarité entre les abbayes
prend corps, avec en plus de la solidarité, l'autonomie économique comme
principe normatif pour chaque abbaye.
Dès lors, les abbayes deviennent des foyers économiques autour desquels se regroupent des populations.
Sur ce schéma cependant, peu de variétés viennent se greffer.
Mais un vent de réforme et une nécessité de clarifier le statut juridique des personnes amènent, en 1215, le IVe concile du Latran, à réduire à cinq le nombre de règles des instituts religieux.
Les nouveaux ordres religieux doivent se greffer sur ces règles préexistantes.
Désormais,
les ordres religieux se distinguent en deux : les ordres monastiques,
avec à leur tête un abbé, qui vivent dans un monastère, devenu synonyme
d'abbaye; les autres ordres religieux, qui résident en des couvents.
Lorsqu'ils s'agit de chanoines, (prémontrés, victorins), un couvent peut porter le nom de monastère.
Dans
les ordres mendiants (dominicains, franciscains, minimes), ou
apostoliques (Jésuites), les lieux de résidence se nomment couvent, car
ces ordres n'ont pas d'abbé.
Le
symbole de la mitre et de la crosse qui est parfois porté par des
membres de ces ordres est dans ce cas le symbole de leur élévation à
l'épiscopat (cf supra).
Le
nom de monastère donné à leurs lieux de résidence indique une
occupation monastique précédente, reprise par ces ordres mendiants et
apostoliques, en conservant le nom d'usage.
Pour
toute l'histoire du monachisme et des abbayes en Europe occidentale, la
date de 1215 est capitale : elle fige les modèles juridiques,
architecturaux, théologiques et sociologiques.
Architecture des premiers monastères orientaux
La
nécessité de se défendre contre les attaques, l'économie d'espace et
les besoins de circulation au sein de la communauté ont dicté peu à peu
une disposition spécifique des pièces dans un monastère.
De larges piliers de construction étaient érigés, avec de puissants
murs extérieurs capables de résister à l'assaut de l'ennemi.
À
l'intérieur, tous les édifices nécessaires étaient disposés autour
d'une ou plusieurs cours ouvertes, généralement entourées de cloîtres.
L'exemple
typique d'un agencement oriental peut être trouvé dans le monastère de
la Grande laure (Sainte Laure, « Lavra » en copte) du Mont Athos en
Grèce, plus précisément en Macédoine de l'Est, et qui a été édifié en
961-963. (laure de saint Athanase)
Le
monastère, comme la grande majorité des monastères orientaux, est
entouré d'un solide mur blanc entourant une zone de 10 000 à 16 000 m².
Le côté le plus long fait près de 150 mètres. Il y a seulement une
entrée principale sur la face nord (A), défendue par trois portes
d'acier séparées. Près de l'entrée se trouve une grande tour (M), ce qui
est une constante des monastères du Levant. Une petite poterne se
trouve en (L). L'enceinte comprend deux grandes cours ouvertes,
entourées de bâtiments qui communiquent avec les galeries du cloître en
bois ou en pierre. La cour extérieure, plus grande, contient les
entrepôts, les granges (K) et la cuisine (H), ainsi que d'autres pièces
communiquant avec le réfectoire (G). Près de la porte d'entrée, on
trouve une hôtellerie s'ouvrant sur un cloître. La cour intérieure est
entourée d'un cloître (E) sur lequel s'ouvrent les cellules monacales
(I). Au centre de cette cour se trouve l'église, un bâtiment carré avec
une abside en croix de type byzantine et un narthex surmonté d'une
coupole. Devant l'église se trouve une fontaine de marbre (F) couverte
d'un dôme reposant sur des colonnes. S'ouvrant sur la partie ouest du
cloître, mais se trouvant en fait dans la cour extérieure, se trouve le
réfectoire (G), un vaste bâtiment en croix large de 30 mètres et long
d'autant, décoré de fresques de saints. À son extrémité, on note un
petit recoin circulaire qui rappelle le triclinium du palais du Latran à
Rome, et dans lequel est placé le siège de l'abbé. Cette pièce est
également utilisée comme lieu de réunion, les moines orientaux prenant
habituellement leur repas dans des cellules séparées.
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monastère
copte, de Lenoir, montre une église avec trois allées, des absides
disposées en cellules et deux rangées de cellules de chaque côté d'une
longue galerie.
Architecture des abbayes bénédictines
Abbaye de Tourtoirac (Dordogne)
Abbaye de Jumièges (Normandie)
En Occident, le monachisme doit en grande partie son développement à Benoît de Nursie, né en 480.
Sa règle dite « bénédictine », à partir de la fondation du Mont Cassin,
s'est diffusée très rapidement dans toute l'Europe de l’Ouest.
Partout,
on assista à l'érection de monastères qui excédaient tout ce qui avait
pu être vu jusque-là par leur taille et leur splendeur.
Rares
étaient les grandes villes d'Italie à ne pas posséder leur couvent
bénédictin, tout comme les grands centres d'Angleterre, de France ou
d'Espagne.
Le nombre de monastères fondés entre 520 et 700 est étonnant.
L'empereur Louis le Pieux ordonna à toutes les abbayes de son empire de se soumettre à la règle bénédictine.
Les abbayes bénédictines n'ont jamais formé un ordre : elles n'avaient pas de liens entre elles.
Avant
le concile de Constance en 1415, ce ne sont pas moins de 15 070 abbayes
de cette règle qui avaient été fondées ! La construction d'une abbaye
bénédictine est uniformément disposée selon un plan modifié pour
s'adapter aux particularités locales (à Durham ou à Worcester par
exemple, où les monastères sont situés sur les rives d'une rivière).
Le plan de Saint-Gall
Article détaillé : Plan de Saint-Gall
Nous ne disposons d'aucun exemple subsistant des premiers monastères bénédictins.
Nous
possédons cependant un plan élaboré du grand monastère suisse de
Saint-Gall, construit en 820, qui nous permet de connaître un peu mieux
la disposition d'un monastère de premier plan au IXe siècle.
Il
semble cependant que ce plan soit plus un dessin relativement abstrait,
représentant l'abbaye bénédictine idéale telle que définie aux conciles
d'Aix-la-Chapelle en 816 et en 817, qu'un plan topographique précis de
l'abbaye de Saint-Gall, dont les fouilles archéologiques ont d'ailleurs
démontré que la disposition médiévale ne correspond pas.
L'abbaye de Westminster
L'abbaye
de Westminster est un autre exemple de grande abbaye bénédictine,
identique dans ses grandes lignes à l'abbaye décrite ci-dessus.
Le
cloître et les bâtiments monastiques se trouvent au sud de l'église. En
parallèle à la nef, contre la face sud du cloître se trouvent le
réfectoire et ses salles de bains, près de la porte.
Du côté est, on peut trouver les restes d'un dortoir bâti avec une structure voûtée et communiquant avec le transept sud.
La maison du chapitre s'ouvre sur la même allée du cloître.
Le
petit cloître se trouve au sud-est d'un cloître plus grand, et plus à
l'est on trouve les restes de l'infirmerie avec son couloir, et le
réfectoire pour ceux qui ne pouvaient quitter leurs chambres.
La maison de l'abbé forme une petite cour à l'entrée ouest, près de la porte intérieure.
Il
reste des vestiges assez importants de cette abbaye, comme le parloir
de l'abbaye, (la « Chambre de Jérusalem », à présent utilisée pour les
Disciples du Roi de Westminster), ainsi que les cuisines et les
crèmeries.
L'abbaye d'York
L'abbaye Sainte-Marie d'York montre également la disposition bénédictine habituelle.
L'enceinte
est entourée par un solide mur fortifié sur trois de ses côtés, la
rivière Ouse donnant une protection suffisante sur le quatrième.
L'entrée se fait par une solide porte au nord.
Une
chapelle s'élevait près de la porte d'entrée, à l'endroit où se trouve
maintenant l'église Saint-Olaf, dans laquelle les nouveaux venus
payaient leurs dévotions dès leur arrivée.
Près de la porte au Sud se trouvait l'hospice.
Les
bâtiments sont aujourd'hui complètement détruits, mais il reste assez
de traces pour nous permettre d'identifier la grande église en croix, la
cour du cloître avec la maison du chapitre, le réfectoire, la cour des
cuisines et les bureaux attenants et les principaux appartements.
L'infirmerie a complètement disparu.
Le renouveau clunisien
L'histoire du monachisme est une suite de périodes de déclin et de renouveau.
Forts
d'une popularité et d'une estime grandissantes, les moines ont
également vu croître leurs revenus, les amenant à engranger des
richesses et à s'approprier des biens matériels toujours plus nombreux.
Après que les premières ardeurs religieuses se furent apaisées, la sévérité de la règle s'est peu à peu détendue jusqu'au Xe siècle.
Le
relâchement était tel que des moines français de cette époque disaient
ne pas être au courant de la règle de saint Benoît, ignorant même s’ils
étaient soumis à une règle ou pas.
Ce
laisser-aller a conduit à la formation de nouveaux ordres monastiques
avec des règles plus strictes, qui nécessitaient une adaptation de
l'architecture des abbayes.
L'abbaye de Cluny
Un
des premiers de ces ordres était celui de Cluny. Il tire son nom du
petit village de Cluny, près de Mâcon, où une abbaye bénédictine
réformée a été fondée en 909 par Guillaume Ier,
duc d'Aquitaine et comte d'Auvergne, qui l'a placée sous la direction
de Bernon, abbé de Beaume. Odon, souvent décrit comme le fondateur de
l'ordre, lui a ensuite succédé.
La
renommée de Cluny s'est étendue loin au-delà du monastère d'origine. Sa
règle rigide a été adoptée par un grand nombre de vieilles abbayes
bénédictines qui se sont affiliées à la maison mère, et les nouveaux
monastères, de plus en plus nombreux, désiraient tous se rattacher à
Cluny.
À la fin du XIIe siècle, le nombre de monastères affiliés à Cluny en Europe occidentale atteignait 2 000.
L'établissement de Cluny était un des plus grands et magnifiques de France.
On
peut se faire une bonne idée de ses dimensions grâce au pape Innocent
IV, qui a visité Cluny accompagné de douze cardinaux, d'un patriarche,
de trois archevêques, des deux généraux des Cartusiens et des
Cisterciens, du Roi Saint-Louis et de trois de ses fils, de la
reine-mère, du comte de Flandre, de l'empereur de Constantinople, du duc
de Bourgogne et de six lords.
Tous logèrent au sein du monastère avec leurs suites, sans causer le moindre dérangement aux moines.
La
quasi-totalité des bâtiments de l'abbaye, y compris l'église
monumentale, ont été vendus comme biens nationaux, puis détruits à la
fin du XVIIIe siècle.
À Cluny, l'église et le plan général de l'ensemble ressemblent de manière frappante à la cathédrale de Lincoln.
L'église Cluny III était très vaste : plus de 141 m de long sur 65 m de large.
Le chœur se termine par une abside semi-circulaire entourée de 5 chapelles également semi-circulaires.
L'entrée ouest était constituée du narthex flanqué de deux tours.
Au sud de l'église se trouvait la cour du cloître immense, placée beaucoup plus à l'ouest qu'à l'accoutumée.
Au
sud du cloître se trouvait le réfectoire, un bâtiment imposant
d'environ 30 mètres sur 20, rempli de six rangées de tables en longueur
et de trois en travers.
Il
était orné des portraits des bienfaiteurs de l'abbaye et d'objets
scripturaux. Sur le mur du fond était peint une scène du Jugement
Dernier.
Nous ne pouvons malheureusement pas identifier les autres bâtiments principaux.
Restent la maison de l'abbé, encore partiellement debout près de l'entrée, l'hospice et la très vaste boulangerie.
La première maison clunisienne en Angleterre a été fondée à Lewes par le comte Guillaume Ier de Warenne en 1077.
Il ne reste que quelques fragments des bâtiments de service.
Les abbayes clunisiennes les mieux conservées d'Angleterre sont Castle Acre, dans le Norfolk, et Wenlock dans le Shropshire.
Les
plans sont présentés dans les Antiquités architecturales de John
Britton. Ils nous montrent des différences notables avec la disposition
bénédictine.
Dans chacune d'entre elles, la maison du prieur est d'une remarquable perfection.
Toutes les maisons rattachées à Cluny étaient des dépendances françaises dirigées par des prieurs de cette nationalité.
Ils n'ont obtenu leur indépendance que sous le règne d'Henri VI.
Malgré son éclat, le renouveau clunisien a été de courte durée. Sa réputation et sa célébrité sont à l'origine de son déclin.
Après une croissance considérable de leur ordre, les moines clunisiens
sont devenus aussi riches et peu disciplinés que leurs prédécesseurs.
Une nouvelle réforme est alors devenue nécessaire.
Les cisterciens
L'abbaye de Sénanque
L'abbaye de Neuberg
Le renouveau monastique suivant a été celui des cisterciens, qui s'est développé au XIe siècle.
L'ordre a bénéficié d'une diffusion plus étendue et d'une existence plus durable.
Il
doit sa véritable origine à une communauté distincte de bénédictins
fondée en 1098 par Robert de Molesme et Étienne Harding (1060-1134),
(natif du Dorset, éduqué au monastère de Sherborne).
Son nom dérive de Cîteaux (Cistercium), une contrée de Bourgogne proche de Beaune et de Nuits-saint-Georges.
L'étymologie
de Cîteaux viendrait selon l'explication la plus communément admise, de
« cistels », roseaux qui poussent dans les régions marécageuses.
La
croissance rapide et la célébrité que connaît l'ordre sont sans aucun
doute dues en grande partie à la piété enthousiaste de saint Bernard,
abbé de la première communauté cistercienne, laquelle s'établit à
l'abbaye de Clairvaux en 1116.
La
règle rigide privilégiant l'abnégation régissait entièrement cette
congrégation, et s'est ensuite étendue aux nouvelles communautés
affiliées.
Les
deux caractéristiques centrales des abbayes cisterciennes sont donc
leur simplicité poussée à l'extrême et leur sobriété très étudiée. Une
tour centrale unique était permise et devait être aussi basse que
possible.
Les artifices superflus et les tourelles étaient également interdits.
Un triforium, de même, était à exclure.
Les fenêtres devaient être claires et non divisées, et il était interdit de les décorer avec des vitraux.
Tout ornement inutile se voyait ainsi proscrit.
Les croix se devaient d'être en bois, les chandeliers en fer.
La renonciation au monde devenait de ce fait une évidence pour tout ce que rencontrait l’œil.
Le
même souci s'observe dans l'implantation géographique des monastères,
encore de nos jours : plus un lieu est sauvage, isolé et éloigné de
toute civilisation, meilleures sont ses chances d'accueillir une
communauté.
Il
ne faut néanmoins pas seulement considérer les cisterciens comme des
ascètes, mais aussi comme des précurseurs ayant permis certains progrès.
Les
monastères cisterciens sont en effet construits dans des vallées
profondes et bien irriguées, généralement au bord d'un cours d'eau,
parfois plus en hauteur.
Ces
vallées, à présent si riches et si florissantes, présentaient un aspect
bien différent quand les frères les avaient choisies comme lieu de
retraite.
Grands
marais, marécages profonds et forêts impénétrables étaient des critères
de choix ! La « claire vallée » de Clairvaux était réputée comme une
vallée recouverte de forêts et remplie de brigands. « C'était une
solitude si morne et si sauvage, une terre si stérile qu'au début,
Bernard et ses compagnons en furent réduits à vivre sur des feuilles de
hêtres ».
Un ordre très proche des cisterciens fut l'ordre des Chalaisiens (du nom de l'Abbaye-mère de Chalais, en Isère).
On lui doit une dizaine d'abbayes au style roman "Bernardin" encore plus dépouillé que, par exemple, l'abbaye de Silvacane.
De
cet ordre, disparu assez rapidement en raison de l'absorption par les
Chartreux de l'abbaye-mère, il reste quelques abbayes dont les
principales sont Valbonne, près de Nice, et surtout Boscodon, dans les
Hautes-Alpes (près d'Embrun). Voir le Site officiel de l'abbaye de
Boscodon, http://www.abbayedeboscodon.eu.
Les chanoines augustiniens
Les
communautés de chanoines augustiniens (dits chanoines noirs à cause de
la couleur de leur habit) possèdent quelques particularités qui les
distinguent.
L'ordre
a son siège à Colchester, en Angleterre, où une maison des augustiniens
a été fondée autour de 1105 avant que l'ordre ne se diffuse très
rapidement.
Ordre
régulier du clergé occupant une position intermédiaire entre les moines
et le clergé séculier, et communauté ressemblant à une communauté de
prêtres de paroisse vivant sous une règle commune, les augustiniens ont
adopté des nefs de grande taille afin de pouvoir héberger de grandes
congrégations.
Le
chœur est généralement long, et parfois, comme à Llanthony et
Christchurch (Twynham), il est entrecoupé d'allées, ce qui n'est pas le
cas à Bolton, Kirkham ou ailleurs.
Chez
les communautés les plus septentrionales, la nef n'a souvent qu'une
aile nord, comme à Bolton, Brinkburn ou au prieuré de Lanercost.
La
disposition des bâtiments réservés à la vie monastique suivait le plan
classique. La maison du prieur était invariablement rattachée à l'angle
sud-ouest de la nef.
Abbaye Saint Augustin, Bristol
A. Église abbatiale et sacristie
B. Grand cloître
C. Petit cloître
D. Salle capitulaire ou du chapitre
E. Chauffoir et scriptorium
F. Réfectoire
G. Parloir
H. Cuisine
I. Cour de la cuisine
K. Cellules des moines
L. Salle de l'abbé
P. Porte d'entrée de l'abbé
R. Infirmerie
S. Bâtiment des convers
T. Salle du roi
V. Hôtellerie
W. Porte d'entrée de l'abbaye
X. Écuries et autres dépendances
Y. Bains
|
Ci-dessus,
le plan de l'abbaye Saint-Augustin à Bristol (aujourd'hui cathédrale de
la ville) montre la disposition des bâtiments, qui se démarque par
quelques aspects du modèle bénédictin classique. La maison des chanoines
augustiniens à Thornton, dans le Lincolnshire, est remarquable par la
taille et la magnificence de son entrée, les étages supérieurs formant
l'hôtellerie de l'établissement, ainsi que par sa maison du chapitre
octogonale.
L’ordre de Prémontré
L’église des Prémontrées dessinée par François d'Orbay
Les
chanoines réguliers de Prémontré (aussi appelés chanoines blancs)
disposaient de près de trente-cinq établissements en Angleterre, dont
les représentants les plus emblématiques se trouvent à Easby dans le
Yorkshire et à Bayham dans le Kent.
La maison principale de l’ordre en Angleterre se situait à Welbeck.
Cet
ordre était une branche réformée des chanoines augustiniens, fondée en
1120 par Norbert de Xanten à Prémontré près de Laon, dans l’actuelle
forêt de Saint-Gobain (Aisne).
L’ordre s’est largement répandu.
Alors que son fondateur était encore en vie, l’ordre possédait déjà des maisons en Syrie et en Terre sainte.
Répondant
bien aux besoins pastoraux et spirituels de l’époque l’Ordre se relâcha
par la suite (comme tous les ordres monastiques en Europe) pour se
ressaisir après le concile de Trente : il eut un nouvel âge d’or au
XVIIIe siècle.
Beaucoup d’abbayes furent supprimées (et les religieux expulsés) lors de la Révolution française.
Les
membres de l’ordre de Prémontré ont investi l’Angleterre à partir de
1140 et se sont installés à Newhouse, dans le Lincolnshire, près de
Humber.
Le
plan de l’abbaye d’Easby est irrégulier à cause de sa situation et du
tracé irrégulier de la rivière sur les bords de laquelle il est
installé.
Le cloître est dûment placé au sud de l’église, et les bâtiments
principaux occupent leurs positions habituelles autour d’elle.
Mais le cloître n’est pas rectangulaire, et les bâtiments qui l’entourent sont placés assez difficilement.
L’église
suit le plan adopté par les chanoines augustiniens dans leurs abbayes
du nord et ne possède qu’une seule allée dans la nef alors que le chœur
est long, étroit et dépourvu d’allée.
Chaque transept possède une allée à l’est, formant trois chapelles.
L’église
de Bayham était dépourvue d’allée dans la nef comme dans le chœur, ce
dernier se terminant dans une abside à trois côtés.
Cette
église est remarquable en raison de son excessive étroitesse en
comparaison de sa longueur : pour une longueur de 78 mètres, sa largeur
ne dépasse pas 8 mètres.
Les
sévères membres de l’ordre ne voulaient pas de grands rassemblements et
ne caressaient aucun rêve de prospérité : ils ont donc construit leur
église comme une longue pièce.
Les chartreuses
L'ordre
des Chartreux n'investit aucun abbé, chaque monastère étant gouverné
par un prieur; aussi aucune de leurs maisons ne porte-t-elle le titre
d'abbaye.
Établi
par saint Bruno en 1084, l'ordre des Chartreux a développé une forme
originale du monachisme occidental, associant la vie communautaire ou
cénobitique et l'idéal de vie en solitaire ou érémitique.
Ce postulat impliquait une organisation nouvelle des bâtiments, et donna naissance à une architecture propre.
Article détaillé : l'architecture des chartreuses.
Dépendances
Tous les grands monastères ont eu sous leur dépendance de plus petites fondations connues sous le nom de prieurés.
Parfois,
ces fondations ne comportaient qu'un seul bâtiment servant de résidence
ou de ferme, alors que d'autres étaient de véritables monastères
miniatures pour cinq à dix moines.
Les fermes étaient généralement exploitées par des frères convers sous la supervision d'un seul moine.
Abbés et abbesses en tant que dirigeants
Les
abbayes en règle sont dirigées par des abbés réguliers qui participent
pleinement à la communauté de l'abbaye et qui sont garants de sa
fonction religieuse.
L'abbé se choisi un prieur pour le seconder durant son abbatiat.
Fréquemment l'autorité royale a modifié le statut des monastères en abbayes en commende.
Ainsi elle nommait à leur tête un clerc non moine appelé abbé commendataire.
Ce dernier pouvait vivre en dehors de l'abbaye, voire ne jamais s'y déplacer.
Il bénéficiait de revenus liés à l'entretien de sa charge, et les abus étaient fréquents.
La
commende a entraîné le déclin de nombreuses abbayes, avec la
paupérisation de la communauté, l'abandon progressif de sa vocation
initiale religieuse, conséquence des frustrations et colères qu'elle a
engendrées chez les moines.
Certaines
villes furent dirigées par les supérieurs d'une de leurs abbayes :
c'était par exemple le cas pour Saint-Riquier, Quedlinbourg, Gandersheim
ou Fritzlar. On parle alors de prince-abbé.
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La
congrégation de Saint-Maur, souvent connue sous le nom de Mauristes,
était une congrégation de moines bénédictins français, créée en 1621, et
connue pour le haut niveau de son érudition.
La
congrégation et ses membres tirent leur nom de saint Maur (décédé en
565), disciple de saint Benoît auquel on attribue l'introduction en
Gaule de la règle et de la vie bénédictines.
Elle a été supprimée en 1790 par l'Assemblée constituante.
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