La croix celtique
La croix celtique ou croix nimbée
est une croix dans laquelle s'inscrit un anneau. Elle est le symbole
caractéristique du christianisme celtique. Les branches de la croix
dépassent toujours de l'anneau, et sur les représentations les plus
détaillées, le cercle est en retrait par rapport à la croix.
L'utilisation
chrétienne combine une croix latine (croix à jambe inférieure plus
longue que les autres) avec le cercle, tandis que les autres
utilisations (symboliques, politiques, etc.) sont basées sur une croix
régulière (chaque branche de la croix a une longueur identique).
Le
nom de croix celtique appliqué au dessin symbolique composé d'un cercle
et d'une croix (les branches de la croix dépassant les bords du cercle)
tient au fait que l'on trouve couramment des monuments de la sorte dans
les cimetières d'Irlande et partout dans la campagne irlandaise. Elle
est aussi appelée croix eucharistique dans les milieux catholiques, le
cercle symbolisant la Sainte Hostie.
Cette
représentation de croix est utilisée pour les hautes croix, populaires
en Irlande et dont quelques exemplaires existent en France (Normandie,
Limousin, etc.). L'utilisation du cercle semblait initialement destiné à
consolider les branches de la croix, avant de devenir un motif
décoratif en lui-même.
Historique des croix
Muiredach's High Cross (Monasterboice, Irlande)
Croix la plus ancienne du cimetière et sans doute aussi de toute l'Irlande (Monasterboice, Irlande)
Croix celtique (cimetière du Père-Lachaise)
En Grande-Bretagne et en Irlande
Beaucoup de croix en pierre avec un cercle en son centre ont été érigées dès le début du VIIIe siècle
en Irlande et sur l'île de Bretagne (aujourd'hui appelée
"Grande-Bretagne"). Hormis l'Irlande, on en rencontre donc en Écosse, au
Pays de Galles et en Cornouailles, bien que dans cette dernière région,
le modèle de croix diffère généralement, le cercle étant généralement
plus large que la croix. Les plus connues sont celles d'Irlande, avec la
croix de Kells (comté de Meath) et celle de Monasterboice (comté de
Louth), qui est aussi probablement la plus ancienne, même si la date
exacte où ces croix ont été érigées n'est pas connue avec précision. La
plus vieille croix hors d'Irlande est probablement celle de Bewcastle
(Cumberland, aujourd'hui en Angleterre).
En
Grande-Bretagne, des croix celtiques continuent d’être érigées jusqu'à
la fin du Moyen Âge. La Réforme signe la fin de l'époque des croix
celtiques. Une des dernières croix à être mise en place est la croix
dite "de MacLean" sur l'île écossaise de Iona ; elle date d'environ
1515.
Dans
les années 1850, un mouvement culturel panceltique, le "Celtic Revival"
(le Renouveau Celtique) redécouvre et réutilise la forme et la graphie
des croix celtiques, notamment en bijouterie et dans les représentations
picturales. De cette époque datent les bijoux représentant d'abord des
réductions des hautes croix d'Irlande puis des créations en forme de
croix celtique mixant les entrelacs traditionnels avec des symboles plus
contemporains.
À la fin du XIXe siècle,
les croix celtiques commencent à apparaître sur des tombes
individuelles, notamment sur celles des émigrants d'origine irlandaise
ou écossaise comme signe de reconnaissance de leurs origines. Le même
phénomène arrive en Irlande au début du XXe siècle
et se développe principalement après la création de l'État d'Irlande
dans les années 1920. Le mouvement se répand en Grande-Bretagne où les
cimetières regorgent de croix celtiques sur des tombes appartenant à des
familles bien britanniques. Bien que plutôt présente dans les églises
catholiques, la croix celtique est présente aussi dans certaines églises
protestantes, particulièrement celles qui se réfèrent à leur origine
irlandaise ou écossaise.
En France
En
dehors de l'Irlande, des Îles britanniques et des pays où ont émigré
leurs habitants, ce dessin de croix est rarement utilisé. Une telle
croix culmine, par exemple, sur la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans. On
la trouve souvent en Normandie : sur le littoral du pays de Caux
(Veules-les-Roses, Saint-Pierre-en-Port, le Tréport,
Anglesqueville-la-Bras-Long, etc.), utilisée comme croix sommitale sur
le pignon d'une église ou dans un cimetière. Dans le Cotentin, il y a
plusieurs exemplaires de cette croix gravés dans des murs d'église ou
sur des tombes. On en trouve quelques unes aussi en Bretagne, comme sur
l'île de Saint-Cado ou à Lanvallay.
Elle
jalonne aussi les chemins et marque certains villages en Limousin et en
Angoumois, voire en Auvergne (ex : Chambon-sur-Lac), sans qu'on puisse y
associer un quelconque symbolisme celtique. Le cercle semble destiné à
consolider les branches de la croix, tout en respectant l'harmonie et la
symétrie du dessin de la croix. En Anjou, on retrouve une variante de
ce modèle de croix, appelée croix de Saint-Maur au monastère de
Glanfeuil.
On retrouve ce thème très souvent en gravure sur les pierres tombales, notamment en Cotentin.
Croix nimbée de Veules-les-Roses (Normandie) XVe siècle
Croix nimbée de Saint-Pierre-en-Port (Normandie)
Croix nimbée de l'île de Saint-Cado (Bretagne)
Détails de la croix nimbée de Chambon-sur-Lac (Auvergne)
Croix nimbées au sol de l'église de Flamanville (Normandie)
Historique du terme croix celtique
Le
qualificatif de « celtique » s'est peu à peu substitué dans la
terminologie populaire à celui plus descriptif et plus neutre de
« nimbée », voire « cerclée ».
Dans
les Îles britanniques, le terme semble utilisé pour la première fois
par le mouvement culturel panceltique Celtic Revival dans la deuxième
moitié du XIXe siècle. Ses
membres le préféraient au terme plus ancien de "croix irlandaise" parce
qu'il associait de fait toutes les communautés celtiques : Irlandais,
Écossais, Gallois et Cornouaillais (de Grande-Bretagne).
Le terme mettra du temps à franchir la Manche. En France, Françoise Henry publie en 1932 deux volumes sur La sculpture irlandaise dans les douze premiers siècles de l'ère chrétienne, réédités par les Éditions Zodiaque en 1964 en trois volumes sous le titre L'art irlandais.
C'est la première étude sur les premières représentations de ce
symbole. L'appellation de « croix celtique » dans les descriptions de
ces monuments n'apparaît pas.
Charbonneau-Lassay donne une interprétation du symbolisme de cette croix dans la revue Le Rayonnement intellectuel (1934-39), réédité par Gutenberg reprints en 1986. Il n'utilise pas non plus le terme de « croix celtique ».
Le
père Doncœur l'appelait la « croix cadet » et la diffusa chez les ainés
du scoutisme catholique. Il semble que le premier usage de la
dénomination « croix celtique » apparaisse dans le règlement intérieur
des équipes nationales édité en janvier 1944 (les Équipes nationales
sont créées pour faire participer les jeunes volontaires à la protection
et au secours des populations victimes de la guerre).
Pierre Sidos prend le terme "croix celtique" quand il décrit le symbole en 1947. Depuis le mot s'est imposé en France.
Symbolisme
Il
n'existe pas de représentation de la croix celtique, c'est-à-dire avec
les branches dépassant le cercle, avant les croix irlandaises
chrétiennes. On trouve des symboles antiques de représentation proche
(un cercle avec une croix à 4 branches inscrite dans ce cercle,
c'est-à-dire que les branches s'arrêtent au cercle) ; ces symboles,
appelés roues solaires, apparaissent dès le néolithique (6000 av. J.-C.)
et dans des Gravures rupestres de Suède.
Un
symbole graphiquement semblable a aussi été utilisé dans d'autres
traditions non chrétiennes. On le retrouve chez les Indiens des plaines
d'Amérique. Il était très couramment utilisé et servait à orienter
l'espace avant chaque cérémonie, comme l'explique Élan noir dans Rites secrets des indiens Sioux, Le mail, 1992.
On le retrouve dans l'héraldique japonaise. Sur les blasons (Mon), il représente alors un mors de cheval. La roue solaire est aussi un symbole de la divinité bouddhique Vairocana.
Dans la symbolique chrétienne, la croix cerclée est une représentation du signaculum domini,
c'est-à-dire les cinq plaies du Christ en croix. Par extension, c'est
aussi une image du cœur qui est d'un symbolisme plus fort que celui du
soleil ou du pôle car le cœur ne se contente pas de recevoir mais donne
la vie dans un échange constant (les prières des hommes et les grâces de
Dieu). Le symbole est répandu dans l'Église catholique aussi bien pour
les sculptures que les vêtements liturgiques ou le culte privé (croix
des cimetières, ex-voto). On le retrouve aussi autour de la mer Baltique
et en Russie.
Le
symbole a été repris par des organisations politiques suite à l'usage
qu'en a fait le père Doncœur (1880-1961). Ancien combattant, orateur de
la Fédération nationale catholique du général de Castelnau, et fondateur
des routiers, il utilisait la croix celtique comme emblème personnel.
Elle est reprise par les mouvements scouts puis par les équipes
nationales sous le régime du maréchal Pétain. C'est précisément cette
représentation qui est adoptée par Pierre Sidos quand il crée le
mouvement politique Jeune Nation pour s'opposer au général de Gaulle et à
sa croix de Lorraine. La guerre d'Algérie voit le symbole récupéré par
d'autres mouvements nationalistes. L'usage politique de la croix
celtique va alors se généraliser dans les mouvements d'extrême-droite,
avec un graphisme simplifié par rapport aux croix celtiques
historiques : un rond barré d'une croix régulière, sans jambage allongé.
La croix celtique en politique
Emblème de l'Œuvre française
Années 1940-1950
La
croix celtique fit son entrée politique en France "écourtée" ,
c'est-à-dire que toute la partie basse de la croix est supprimée et que
celle ci tient dans un carré. Après la Seconde Guerre mondiale, utilisée
comme emblème par les mouvements Jeune Nation puis l'Œuvre française,
tous deux animés par Pierre Sidos. Le symbole fut, à partir de cette
période, couramment associé à des mouvements d'extrême droite et
néofascistes, en France puis dans d'autres pays européens comme
l'Italie.
Emblème de Jeune Nation, Ordre Nouveau et autres mouvements néofascistes
Années 1960-1970
Cet insigne fut repris par beaucoup de mouvements nationalistes de diverses tendances (catholiques comme païens).
Elle
fut surtout utilisée, au début des années 1970, par le mouvement Ordre
nouveau, puis, après la dissolution de celui-ci en juin 1973, par les
différents mouvements de jeunesses liés au Parti des forces nouvelles
comme le Front de la jeunesse ou le Groupe union défense.
Années 1980-2000
Un
troisième mouvement issu du Parti des forces nouvelles, le Renouveau
nationaliste, a également utilisé la croix à partir de 1981.
En revanche, le symbole fut rejeté par les mouvements parlementaires tel le Front national de Jean-Marie Le Pen.
Heraldique
La croix celte ou celtique est un meuble peu fréquent, qui n'est toutefois pas synomyme de croix nimbée, laquelle croix est très rare. "Nimbé" se dit d'une figure accompagné d'un disque plein
placé derrière la partie haute (la tête s'il s'agit d'un humain ou d'un
animal.) Un blason comportant la figuration d'une croix nimbée au sens
non héraldique devra donc dans le blasonnement lever l'ambigüité par
exemple en utilisant "à la croix nimbée du lieu".
Plouigneau (29) : de sinople à la croix celte d'or
Blason théorique. D'azur à la croix latine d'argent nimbée d'or
Source :
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