Notre-Dame de Chartres
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De Notre-Dame de la Belle Verrière, de Notre-Dame Blanche, de Notre-Dame-Bleue.
Notre-Dame de la belle verrière
Pour
suivre l'ordre chronologique, nous parlerons maintenant de ces trois
images de la Mère de Dieu, devant lesquelles les pieux pèlerins allaient
quelquefois offrir l'hommage de leurs prières, après avoir été à
Notre-Dame sous-terre ou aux pieds de la sainte Châsse.
I. Notre-Dame de la belle Verrière
est placée dans le latéral méridional du chœur, à la 45° fenêtre de
l'étage inférieur, à l'opposite de la Vierge-Noire du-Pilier.
Elle
est la plus ancienne image de Marie placée dans l'église haute ; elle
le fut probablement ou par le bienheureux Yves ou par son successeur
immédiat, Geoffroi de Lèves.
Brisée
lors de l'incendie de 1194, elle fut reproduite peu d'années après avec
tous ses caractères archéologiques ; aussi au premier aspect
paraît-elle avoir été faite dans les premières années du 12e siècle.
Cette
reproduction d'un type ancien (c'est le seul exemple que nous
connaissions) prouve combien cette image était chère aux Chartrains du
13° siècle, puisque le peintre-verrier n'a pas osé suivre son
inspiration personnelle pour représenter la très-sainte Vierge.
Voici
la description de cette image. Marie est assise sur un trône, et vêtue
d'une double robe d'azur richement bordée ; un voile blanc et une
magnifique couronne couvrent sa noble tête ; le saint Esprit plane
au-dessus de la Mère de Dieu ; elle tient Jésus dans son giron. Le
Sauveur a pour vêtement une robe blanche et un manteau bistre ; il porte
la nimbe crucifère ; sa main droite bénit, et sa gauche tient un livre,
sur lequel sont des lettres qui ne présentent aucun sens. — Quatorze
anges rendent leurs hommages à la Reine des cieux : six l'encensent,
deux l'éclairent, deux la prient en joignant les mains, et quatre
soutiennent son trône.
Dès
le 13e siècle, et peut-être même auparavant, un autel fut élevé devant
Notre-Dame de la belle Verrière ; il était adossé à un pilier.
On l'appelait indifféremment l'autel de la belle Verrière, ou de Notre-Dame des Neiges.
Il
y avait plusieurs fondations. L'une, celle de messire Geoffroi des
Feuchois, chanoine et archidiacre Bloisien, de dix livres de rente, à
prendre sur la maladrerie d'Orgères, et encore sur deux maisons et
vergers sis en la rue de Haurdenque à Chartres, ensembles sur quelques
autres héritages. L'an mil cinq cens vingt, le chapellain fut condamné
par les commissaires du Chapitre à y dire deux messes par semaine. »
Une
autre fondation a été faite avant 1376 par un évêque de Chartres, Ebles
du Puy ; quand Ebles fit cette fondation, il n'était encore que
sous-doyen du Chapitre. « Ce fut, dit Rouillard, son zèle au service de
la très-sacrée Vierge qui le poussa et incita. » Voici en quels termes
un nécrologue de la cathédrale en rend compte sous la date des Nones
d'août : « A la gloire de Dieu tout-puissant et de sa Mère la
bienheureuse Marie toujours Vierge, et surtout à la mémoire de
l'éclatant miracle de la Neige, par lequel fut fondée à Rome la noble
église de sainte Marie-Majeure ; à la demande et l'initiative de discret
et dévot seigneur Ebles du Puy, du diocèse de Limoges, sous-doyen de
l'église de Chartres ; le chapitre général a établi et ordonné que le 5
août prochain, et ensuite chaque année à pareil jour , il sera célébré
par le collége de cette église une fête solennelle et office de la
très-sainte Vierge avec les chapes de soie, la procession, la sonnerie
des grosses cloches, les orgues et toute la pompe en usage
jusqu'aujourd'hui pour les autres fêtes de la sainte Vierge, avec le
luminaire de la perche et des quatre anges seulement. Voulant assurer ce
service annuellement et à perpétuité et obtenir ainsi son salut, celui
de ses proches et de ses bienfaiteurs, le vénérable Ebles du Puy a donné à cette église une rente perpétuelle de quinze livres tournois amortie, par lui achetée dans la ville de Dreux, ensemble avec les autres rentes amorties, achetées, par le Chapitre du comte de Vandemons et de Marguerite sa femme, comme on le voit plus au long dans le titre qui en est conservée au trésor de cette église. »
Le pieux Ebles du Puy obtint cent quarante jours de pardons et d'indulgences, pour ceux qui feroyent dévote assistance au service.
Les bulles du pape Urbain en sont es registres du Chapitre. »
Ces fondations et autres prouvent, nous semble-t-il, combien était grande la dévotion pour Notre-Dame de la belle Verrière.
En
effet les pèlerins et les fidèles allaient prier devant cette sainte
image comme devant la Vierge-Noire du Pilier ; aujourd'hui quelques
habitants de la campagne seulement y vont faire leur prière et allumer un cierge ; ils le posent sur le pilier où était autrefois l'autel de la belle Verrière.
II Notre-Dame Blanche
était ainsi appelée par ce qu'elle était en albâtre ; elle se trouvait
adossée contre une des colonnes du jubé, à droite de la porte du chœur.
Cette sainte image y avait été placée l'an 1329, à la prière du roi Philippe de Valois.
Ce
prince fit élever un autel devant, et il la dota de trente livres
tournois de rente annuelle, à prendre sur la recette du comté de
Chartres, et à la charge d'y célébrer trois messes par semaine. Pourquoi
fit-il ériger cet autel spécial à la très sainte Vierge ? Nous
l'ignorons ; l'histoire est muette là-dessus.
Cependant
on portait une grande vénération à Notre-Dame Blanche ; car plusieurs
fondations se firent à son autel, outre celle du roi.
«
Une messe ha esté fondée par Me Garnier Gueroust, archidiacre de Jozas
en l'église de Paris. Monsieur de Bourbon y ha aussi fondé une messe de
soixante livres de rente. Et maistre Hasting de Baveux, seigneur de
Maillebois, y en auroit aussi fondé une, avec quelque dotation. » De
sorte qu'il y avoit des messes fondées pour tous les jours de l'année.
En
1523, un nommé Boulan-Grelet, partisan exalté des doctrines de Luther
et de Calvin, monta sur l'autel de Notre-Dame Blanche, et jeta
violemment sur le pavé la sainte Image. Un profond sentiment d'horreur
et d'indignation s'empara des témoins de cette odieuse profanation ; ils
arrêtèrent le coupable et le conduisirent dans les prisons de Loëns.
La
nouvelle de cet attentat se répandit bientôt dans toute la ville,
qu'elle plongea dans la consternation ; car Notre-Dame est la Mère
tendrement aimée des Chartrains.
Cependant le coupable fut interrogé par le maire de Loëns, garde-général de la juridiction temporelle de Notre-Dame.
Au
lieu de répondre aux demandes qui lui furent faites, il parla d'autres
choses et contrefit le fou ; en sorte qu'on ne put savoir de lui les
motifs qui l'avaient porté à commettre ce sacrilège attentat.
On
passa outre ; on instruisit son procès, et le furieux iconoclaste fut
condamné, selon la loi de cette époque, à faire amende honorable devant
la porte royale et à être brûlé vif.
Les
pieux Chartrains crurent que l'exécution de cette terrible sentence ne
suffisait pas pour réparer l'injure faite à Dieu et à la sainte Dame de
Chartres ; à leur prière, l'évêque ordonna une procession générale, à
laquelle assistèrent les ecclésiastiques de toutes les paroisses de la
ville et de la banlieue, tous les religieux des divers monastères, les
magistrats avec toutes les autorités civiles et militaires.
La
sainte Châsse y était portée par les chanoines ; toutes les rues
étaient tendues de tapisseries ; et au retour, l'évêque célébra
pontificalement le messe ; ensuite il replaça sur son autel la statue de
Notre-Dame Blanche.
Cette solennelle réparation eut lieu le dimanche26octobrc 1523.
Le mercredi suivant fut un jour de jeûne général dans tout le diocèse, pour achever de satisfaire à la justice divine.
Notre-Dame
Blanche demeura exposée sur son autel à la vénération des fidèles
jusqu'à la destruction du jubé, en 1763 ; placée sur un autre autel,
elle fut brisée sans retour lors de la funeste révolution de 1793.
A la même époque disparut une autre statue de Notre-Dame Blanche.
L'inventaire
de 1682 la décrit en ces termes : « Une grande Vierge d'argent, de 24
pouces de hauteur, pesant dix mares et demi, nommée Notre-Dame Blanche,
ou de lacte. Au milieu du reliquaire est une petite boite d'or dans
laquelle il y a une petite fiole de cristal pleine du lait de la sainte
Vierge. »
III. Notre-Dame Bleue
fut peu connue des pèlerins ; elle ne sortait du trésor qu'aux jours de
fête solennelle ; on l'exposait alors sur le maître autel.
Voici
la description qu'en donne l'inventaire de 1682 : « Une Vierge d'or
émaillé (hauteur 17 pouces), ayant un grand manteau émaillé de bleu, et à
cause de cela nommée Notre-Dame Bleue. Elle tient par la main gauche
son fils debout à côté d'elle, et qui est aussi en or. L'or et l'argent
de cette figure pèsent ensemble 35 mares. La Vierge est assise dans une
chaise. Au pied de cette chaise est un reliquaire contenant des cheveux
de la sainte Vierge, donnés en 1384, par le pape Clément VII à Jean de
France, duc de Berry, lequel en a depuis fait présent à l'église, avec
cette belle figure de la Vierge, comme il parait par les registres de
l'œuvre de l'an 1404. Les mêmes registres constatent aussi qu'en 1416,
Jean Tarenne, changeur et bourgeois de Paris, donna le pied ou base de
cette statue, qui est d'argent doré environné de panneaux de même,
émaillés de bleu et semés de fleurs de lis. »
Rouillard
parle aussi de Notre-Dame Bleue ; sa description complète celle de
l'inventaire : « La dicte Image de Nostre-Dame, dit-il, est assise, son
Fils debout près d'elle. Son habit est un long manteau d'esmail blanc et
violet. Le Fils ha une robe d'esmail blanc, semée de petites roses
d'or. » La dicte Dame est richement couronnée de perles et rubis, avec
une pièce de semblables pierreries sur son sein, et un bouquet de
mesmes, qu'elle porte en l'une de ses mains. »
Il
va sans dire que les révolutionnaires de 1795 ont mis la mains sur
cette précieuse statue, et l'ont jetée dans leur creuset sacrilége.
CHAPITRE CINQUIÈME.
De la Vierge-Noire-du-Pilier.
De la Vierge-Noire-du-Pilier.
Cette
sainte Image est la plus moderne de toutes les statues de Marie
vénérées dans la cathédrale, puisqu'elle ne date que des dernières
années du 15° siècle, comme le proclament tous ses caractères
archéologiques.
La première mention qu'en fasse l'histoire, remonte à l'an 1497.
Il paraît qu'elle fut d'abord placée sur le jubé, aux pieds du Crucifix qui le surmontait.
Vers
1520, elle fut posée sous l'une des arcades du même jubé, à gauche de
la porte d'entrée du chœur ; elle était posée sur une colonne en pierre
de liais, et entourée de colonnettes et de traverses en cuivre.
Ce
fut le chanoine Vastin des Fugerais, président de l'œuvre, qui la fit
ériger en cet endroit, afin que sans troubler le divin service du chœur,
elle fut librement exposée à la vénération de tout le peuple.
Aussi
l'affluence y est si commune, et la dévotion si grande, que la coulomne
de pierre, qui soustient la dite Image se voit cavée des seuls baisers
des personnes dévotes et catholiques. » Ainsi parlait Rouillard en 1608.
M.
Lejeune, dans une Notice sur les Vierges miraculeuses de l'église
Notre-Dame de Chartres, suppose à la statue de la Vierge-noire une
antiquité presque fabuleuse :
« On ignore, dit-il, à quel endroit de l'église haute se trouvait cette statue de la Vierge-noire, avant l'incendie de 1194.
Puis
il ajoute : «elle ne reposait pas sur l'autel principal, dont le
couronnement était alors un magnifique cyborium. Mais, après la
reconstruction du temple, on l'exposa à la vénération des fidèles au
sommet du nouvel autel ; un double escalier, ménagé de chaque côté de ce
petit édifice, permettait aux pèlerins d'approcher de la Vierge-noire,
et de lui faire toucher des linges et des amulettes. »
Il en coûte de contredire un vénérable ami ; mais la vérité m'oblige de déclarer qu'il y a ici plus d'une inexactitude.
Avant
l'incendie de 1194, la Vierge noire n'existait pas, et l'autel
principal n'était point couronné par un ciborium ; après la
reconstruction de la cathédrale, la Vierge-noire ne fut pas même un
instant placée au sommet du nouvel autel, et jamais les fidèles n'y ont
fait toucher des amulettes. Je serais trop long et je dépasserais le but
du Manuel, si j'entrais dans les détails. Qu'il me suffise d'opposer
assertion à assertion.
Après
la destruction du jubé en 1763, la Vierge noire fut adossée au pilier
du transept qui lui faisait face, et elle demeura à cette place jusqu'au
mois de juillet 1791, époque où elle fut reléguée dans un coin de la
crypte, d'après les ordres de l'évêque constitutionnel Bonnet. Les
anciens chanoines appelaient cette Image leur Vierge stationnale, parce
que devant elle ils faisaient une station dans toutes les processions où
le saint Sacrement n'était pas porté. Ils avaient aussi établi le pieux
usage de l'encenser à Magnificat et à Benedictus, usage qui se continue
de nos jours.
Challine,
après avoir décrit le jubé, sur lequel reposait la
Vierge-Noire-du-Pilier, ajoute : Devant cet image de la Vierge se voit
un cercle de cuivre fleurdelysé où il y a quatre lampes d'argent et une
grosse lampe d'argent au milieu, et un autre chandellier où brûle
continuellement la bougie que la ville donne pour cet effet devant la
Vierge, dont le tour est attaché au gros pilier de devant la nef. » Dès
la pose de cette statue, la ville de Chartres représentée par ses
magistrats, voulut faire brûler devant la Vierge-Noire le long cierge
appelé la Chandelle du Tour, le Tour de cire, le Tour de ville ; lequel
fait et institué d'ancienneté de la part du corps et communauté de la
dite ville, pour être présenté par oblation pour le salut d'icelle, doit
brûler et arder devant les images de la sainte Vierge et du Crucifix,
en la nef de l'église Notre-Dame. »
Ce
Tour de ville consistait dans un cierge de cire jaune, d'une longueur
considérable, qui égalait, dit-on, l'enceinte muraillée de la ville ; il
était roulé sur un cylindre en bois et pesait quelquefois plus de deux
cents livres.
Chaque
jour, l'attacheur de chandelles coupait un morceau de ce cierge, et
l'allumait sur le chandelier de la ville. Il recevait à cet effet de la
ville un salaire annuel qui, après avoir été longtemps de 10 sols
tournois, s'éleva à 20 sols dès 1321.
Pendant
plus de deux siècles, le Tour de ville fut présenté indistinctement à
quelqu'une des fêtes de l'année ; c'était assez souvent le 17 octobre,
fête de la dédicace de la cathédrale ou à la fête de Noël, et on le
portait à la procession qui se faisait par l'église haute et basse.
Mais
après l'an 1568, la cérémonie annuelle de la présentation du Tour de
ville, fut fixée au 15 mars, jour de la fête de Notre-Dame de la Brèche.
Tout le corps de ville se rendait, avant la procession, devant la Vierge noire.
C'était ordinairement le Maire qui allumait le premier cierge détaché
du Tour ; mais quand il se trouvait à Chartres quelque prince ou quelque
grand personnage, le Maire lui cédait cet honneur.
C'est
ainsi que, le 14 mars 1789, lors de la dernière présentation du Tour de
ville, ce fut M. le duc de Doudeauville, récemment nommé gouverneur de
Chartres, qui alluma le premier cierge.
On
lit en effet dans le registre de l'hôtel de ville : « Aujourd'hui
samedy 14 mars 1789, 8 heures 1/2 du matin, fète de N.-D. de la Victoire
(qui i, a été remise aujourd'hui et non lundi par M. l'évêque, ainsi
que la procession générale, altendu que lundi est le jour que les trois
ordres du Bailliage s'assemblent pour les États-Généraux, le corps de
ville, précédé des deux fourriers, des gardes de MM. les gouverneurs,
des tambours et musiciens, a rencontré à la porte de son hôtel MM. les
officiers du Bailliage présidés par M. le lieutenant-général et précédés
de leurs huissiers. Les dites deux compagnies réunies ensemble, le
Bailliage tenant la droite et la Ville la gauche, auraient été
conduites l'évêché pour prendre M. le duc de Doudeauville, et l'auraient amené à leurs têtes jusqu'à l'église cathédrale Notre-Dame de cette ville : où étant arrivé par la Porte-Royale, le Présidial se serait rendu dans la chapelle de quatre heures, et le corps de ville ayant à sa tête M. le gouverneur auroit été conduit jusqu'à l'endroit de la nef vis-à-vis l'Image de la sainte Vierge, où étoit le nouveau tour de Bougie de cire jaune que la ville est dans l'usage de présenter de temps immémorial pour être consumé devant l'image de la sainte Vierge ; et à l'instant l'un des portiers auroit allumé un cierge de cire
blanche qu'il aurait remis au plus ancien fourrier qui l'aurait
présenté à M. Triballet du Gort, Maire, qui l'aurait remis aussitôt à M.
le Gouverneur qui aurait allumé ladite bougie, pendant laquelle
cérémonie les tambours et musiciens auraient battus et joués de leurs instruments ; après quoi le dit fourrier avec le dit cortège auraient été déposer icelui cierge dans un chandelier de fer qui étoit devant la dite Image de la sainte Vierge. »
Nous
aimons à voir ces pieux et solennels hommages rendus à la gracieuse
Dame de Chartres par les hauts représentants de la cité mille fois
sauvée par sa puissante protection. Ne verra-t-on plus reparaître ces
beaux jours où les dépositaires de l'autorité croyaient s'honorer en
honorant la Reine du ciel ?
En
1806 la Vierge-Noire fut placée par l'abbé Maillard, curé de la
cathédrale, dans l'endroit où nous la voyons maintenant ; c'est-à-dire
près de la porte de la sacristie.
Elle
repose encore sur une colonne ; mais ce n'est plus celle qui était
cavée par les baisers des pèlerins, et qui fut brisée en 1793.
La colonne actuelle est une des dix colonnes de l'ancien jubé.
Cette sainte image a été faite par le célèbre Jehan Texier, dit Jehan de Beauce.
Elle
est peinte et dorée ; on ne peut en voir que le visage, parce qu'elle
est toujours couverte d'un vêtement assez singulier : sans ce vêtement
elle serait plus vénérable encore.
Marie
est assise sur un trône fort simple ; elle est figurée dans toute la
grâce de la jeunesse ; son visage noir-brun offre l'impression de la
bonté et de la candeur ; ses cheveux sont dores ; un petit voile jaune
couvre le haut de sa noble tête ; sa main droite tient une poire, et sa
gauche soutient son enfant assis sur ses genoux. Son vêtement consiste
en une tunique, une robe et un manteau royal : la tunique d'azur et d'or
ne montre que ses manches étroites ; la robe est d'or fleuronné
d'écarlate, bordée d'azur et doublée de noir ; cette robe est retenue
par une ceinture rouge-poupre ; le manteau jeté sur les épaules revient
gracieusement se replier sur les genoux, et trouve pour attache, au
milieu de la poitrine, une belle agrafe losangée ; il est d'azur parsemé
de fleurs d'or et doublé d'écarlate ; sa bordure est aussi d'or et
porte une inscription trois fois répétée, sans doute pour indiquer que
chaque personne de l'auguste Trinité adresse ces paroles à la
bienheureuse Vierge : Totapulchra es, arnica mea, et macula non est in
te; — Vous êtes toute belle, ô ma bien-aimée, et il n'y a point de tache
en vous. — Jésus qui est assis sur les genoux de sa tendre Mère, bénit
de la main droite, et sa gauche s'appuie sur le globe terrestre ; sa
tête est nue ; son visage est gracieux et plein d'une intelligence
divine ; il est vêtu d'une tunique d'or bordée de rouge et doublée de
vert. La sculpture et la peinture de cette belle statue sont
irréprochables.
La
sainte Image est entourée d'une boiserie soi-disant gothique, et qui a
été faite en 1831, par M. Bravet. — Un magnifique autel, en style du 12e
siècle, ne tardera pas à y être placé, afin qu'il soit enfin loisible
d'offrir le divin sacrifice devant l'Image miraculeuse : depuis
longtemps les prêtres pèlerins de Notre-Dame ambitionnaient ce bonheur.
C'est à la pieuse munificence de Mgr Regnault qu'ils le devront.
La Vierge-Noire-du-Pilier était, après Notre-Dame-sous-Terre, la plus célèbre des Vierges de la cathédrale.
Elle
voyait chaque année à ses pieds une multitude innombrable de pèlerins
qui venaient y déposer l'hommage de la reconnaissance et de la prière.
Les
pèlerins ne sont plus aussi nombreux qu'autrefois ; néanmoins à toute
heure du jour, on voit de pieux fidèles allumer des cierges et prier
devant cette image de la Mère de Dieu.
Un
prêtre garde constamment la sainte Madone, depuis cinq heures du matin,
jusqu'à neuf heures du soir ; il récite l'évangile de Marie proclamée
bienheureuse, sur la tète des zélés pèlerins et des pieux fidèles.
Depuis
que l'image quatre fois séculaire de la Vierge-Noire est replacée sur
son pilier, la piété des fidèles et des pèlerins s'est plu à l'enrichir
et à l'orner ; c'est avec leurs deniers que l'on a élevé la boiserie aux
mille clochetons et aux mille découpures qui entoure la sainte Image ;
c'est leur reconnaissance qui lui a offert ce riche vêtement brodé en or
et évalué à six mille francs, cette couronne et ce sceptre en vermeil,
ces cœurs nombreux en vermeil ou en argent, ces deux lampes en argent
massif, ces candélabres et ces chandeliers en cuivre argenté, et ces
broderies, et ces vases, et ces fleurs, etc.
Deux
lampes brûlent jour et nuit devant l'Image sacrée ; l'une est
entretenue par les offrandes des pèlerins ; la seconde a été fondée en
1849 par Mgr. l'évêque de Poitiers, afin que la flamme rappelle à la
Mère de Dieu l'ardeur de sa tendresse pour elle. L'éloquent prélat,
grandi à l'ombre du sanctuaire de Notre-Dame de Chartres, a en outre
voulu, dans sa fidèle dévotion pour la Vierge-Noire, placer son Image
bénie dans ses armes épiscopales, afin qu'elle fût comme un sceau
toujours posé sur son cœur et sur toutes ses œuvres.
Enfin,
pour terminer ce chapitre, nous dirons que la vénérable statue de la
Vierge-Noire sera, au mois de mai prochain, solennellement couronnée par
Mgr. l'évêque de Chartres, assisté d'un grand nombre d'autres évêques
de France et de l'étranger, qui viendront ainsi offrir leurs hommages et
leurs prières à Notre-Dame de Chartres. — La couronne sera en or et
enrichie de pierres précieuses.
Source : Livre "Manuel du pèlerin à Notre-Dame de Chartres" par Marcel-Joseph BulteauChartres |
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