Notre-Dame du Château
(Saint-Etienne-du-Grès)
Tarascon
est depuis longtemps célèbre par un pèlerinage à sainte Marthe, qui,
d'après une pieuse tradition, vint prêcher l'Évangile dans ce pays.
Or, au XVe siècle, une épidémie terrible exerçant ses ravages à Briançon, les habitants de cette ville résolurent d'envoyer une procession au tombeau de sainte Marthe.
On choisit ceux qui devaient en faire partie parmi les plus qualifiés et les plus pieux de la cité.
Ils devaient faire la route à pied, en priant ou en chantant des hymnes et des cantiques.
Au nombre des insignes religieux qui marchaient en tête de la procession se trouvait une statue de la sainte Vierge, qui était en grande vénération dans la ville, et qui devait rester à Tarascon, en mémoire du pèlerinage accompli par les Briançonnais.
Les choses eurent lieu ainsi, et la statue fut déposée dans une chapelle située en face du château ; ce qui lui fit donner indifféremment le nom de Notre-Dame du Château, ou celui de Belle-Briançonne, qu'elle devaità son origine.
Cette chapelle attira bientôt un grand concours de pèlerins ; le samedi surtout, jour consacré à la Vierge, les rues voisines du château en étaient encombrées ; ce qui incommodait et contrariait beaucoup les juifs fixés dans ce quartier.
Ils s'en plaignirent et demandèrent instamment qu'on leur assignât une autre demeure car, à cette époque, ils n'étaient pas libres de se choisir une résidence ou qu'on transportât ailleurs la Belle-Briançonne.
Leur requête fut prise en considération, parce que la chapelle du Château menaçait ruine ; mais on mit une condition à la faveur qu'on leur accordait, c'est qu'ils bâtiraient un ermitage sur le mont des Alpines, où l'on comptait transférer Notre-Dame du Château, et qu'ils y creuseraient un puits.
La Belle-Briançonne n'eut d'abord sur la montagne qu'une petite chapelle ; mais vers la fin du XVe siècle, la chapelle fut remplacée par une église, et le mont des Alpines prit le nom de Notre-Dame du Château.
Les pèlerins s'y rendirent en grand nombre ; mais on avait pris l'habitude à Tarascon de voir la Belle-Briançonne figurer à la procession des Rogations, et son absence fut remarquée.
On avait confiance en cette sainte image, venue de loin, pour être un témoignage de la bonté divine, et chacun pensait tristement que sa bénédiction manquant aux campagnes, la récolte serait moins abondante.
Ces regrets unanimes décidèrent l'autorité ecclésiastique à ordonner que, chaque année, le dimanche d'avant les Rogations, Notre-Dame du Château fût amenée à la ville, et y séjournât jusqu'après les processions ordinaires.
Bientôt
ces quelques jours ne suffisant plus à la dévotion populaire, on
augmenta la durée de son séjour à Tarascon, où elle reste maintenant
pendant six semaines.
La
fête de Notre-Dame du Château, fixée au dimanche qui précède les
Rogations, met en émoi toute la ville et les villages environnants.
Dès trois heures du matin cette fête est annoncée de tous côtés par les confrères de Saint-Roch, qui vont en donner le signal avec le tambour et la cornemuse.
Ils reviennent ensuite attendre la procession qui part de l'église Sainte-Marthe, rangée sur deux lignes interminables.
La tête de la procession est déjà au bas de la montagne, qu'il sort encore de la ville des dévots et des curieux. Les chemins qui conduisent aux Alpines sont littéralement couverts de monde.
Les confrères de Saint-Roch et les Pénitents blancs, toujours précédés de leur musique champêtre, et suivis des pèlerins, gravissent un large escalier de quarante à cinquante marches, au haut duquel l'église est située.
Ils assistent à la messe, chantée solennellement, et viennent tour à tour baiser les pieds de la Belle-Briançonne.
Cette image, si chère aux populations, n'a guère plus de cinquante centimètres de hauteur ; elle est faite d'un cep de vigne, et représente la Vierge portant sur le bras droit son divin fils. Elle est revêtue d'une robe sans plis, qui a la forme d'un cône, et qui ne laisse à découvert que la tête de Marie et celle de l'enfant Jésus, toutes deux remarquables par une touchante expression de bonté.
Après la messe, ceux des pèlerins qui n'ont pu pénétrer dans la chapelle y entrent et y prient pendant que les autres déjeunent sur l'herbe, se groupent autour des musiciens, ou admirent la splendeur du panorama qui se déroule sous leurs yeux.
Le Rhône et la Durance brillent et serpentent à travers la riche vallée, qu'ils ont trop souvent submergée ; à droite du fleuve, Tarascon se reconnaît à son clocher élancé et aux tours imposantes du château du roi René ; plus loin c'est le rocher de Vaucluse ; c'est Avignon, la ville papale, avec son magnifique palais, ses dômes et les flèches de ses nombreuses églises ; plus loin encore, voici les montagnes du Vivarais, qui bordent l'horizon, et tout à fait au nord, le mont Ventoux, dont la cime est couverte de neige.
A l'est s'étend la longue chaîne des Alpes, formidable ceinture de cette belle plaine, où les villages et les maisons de campagne semblent surgir d'immenses corbeilles de verdure, jetées entre une multitude de petits cours d'eau qui répandent partout la fertilité.
Dès trois heures du matin cette fête est annoncée de tous côtés par les confrères de Saint-Roch, qui vont en donner le signal avec le tambour et la cornemuse.
Ils reviennent ensuite attendre la procession qui part de l'église Sainte-Marthe, rangée sur deux lignes interminables.
La tête de la procession est déjà au bas de la montagne, qu'il sort encore de la ville des dévots et des curieux. Les chemins qui conduisent aux Alpines sont littéralement couverts de monde.
Les confrères de Saint-Roch et les Pénitents blancs, toujours précédés de leur musique champêtre, et suivis des pèlerins, gravissent un large escalier de quarante à cinquante marches, au haut duquel l'église est située.
Ils assistent à la messe, chantée solennellement, et viennent tour à tour baiser les pieds de la Belle-Briançonne.
Cette image, si chère aux populations, n'a guère plus de cinquante centimètres de hauteur ; elle est faite d'un cep de vigne, et représente la Vierge portant sur le bras droit son divin fils. Elle est revêtue d'une robe sans plis, qui a la forme d'un cône, et qui ne laisse à découvert que la tête de Marie et celle de l'enfant Jésus, toutes deux remarquables par une touchante expression de bonté.
Après la messe, ceux des pèlerins qui n'ont pu pénétrer dans la chapelle y entrent et y prient pendant que les autres déjeunent sur l'herbe, se groupent autour des musiciens, ou admirent la splendeur du panorama qui se déroule sous leurs yeux.
Le Rhône et la Durance brillent et serpentent à travers la riche vallée, qu'ils ont trop souvent submergée ; à droite du fleuve, Tarascon se reconnaît à son clocher élancé et aux tours imposantes du château du roi René ; plus loin c'est le rocher de Vaucluse ; c'est Avignon, la ville papale, avec son magnifique palais, ses dômes et les flèches de ses nombreuses églises ; plus loin encore, voici les montagnes du Vivarais, qui bordent l'horizon, et tout à fait au nord, le mont Ventoux, dont la cime est couverte de neige.
A l'est s'étend la longue chaîne des Alpes, formidable ceinture de cette belle plaine, où les villages et les maisons de campagne semblent surgir d'immenses corbeilles de verdure, jetées entre une multitude de petits cours d'eau qui répandent partout la fertilité.
Enfin, la cloche de la chapelle retentit, la Belle Briançonne va quitter sa chapelle et descendre vers la ville.
La voici. Chacun s'empresse d'accourir. On veut la voir encore, on veut recevoir la bénédiction que le prêtre donne, pendant que la sainte image est déposée sur un autel champêtre, élevé au pied de la montagne.
Après cette première station, la procession se remet en marche ; elle s'arrête une seconde fois, avant d'entrer au village de Saint-Etienne, où Notre-Dame du Château est déposée dans l'église.
On repart vers deux heures, et la troisième station a lieu près de la croix de Laurade. Déjà la foule est plus compacte ; mais elle augmente encore à mesure qu'on approche de la ville.
Des deux côtés de la route, dit M. l'abbé Pouget, des jeux sont établis et des tentes dressées pour les rafraîchissements. Ici, au son d'une musique fantasque et originale, des mariniers font tournoyer de diverses manières, autour de leurs têtes et de leurs corps, une pique longue de plus de cinq mètres, et, la lançant à une grande hauteur, ils la reçoivent avec une admirable dextérité dans leurs mains.
A leur côté, le fifre et le tambour marquent la cadence d'un autre jeu non moins singulier. C'est un drapeau dont le bâton très-court est terminé d'un côté par un fer de lance et de l'autre par une grosse boule de plomb. Celui qui fait le jeu jette ce drapeau, le fait voltiger autour de sa tête , tournoyer autour de ses jambes, et enfin le lance comme la pique, et le reçoit par la boule de plomb.
De fréquentes décharges de mousqueterie accompagnent ces exercices.
Un peu plus loin, on entend le son plaintif de la cornemuse, le son bruyant de la trompette, le cri aigu du fifre, le roulement du tambour.
Depuis midi, des chœurs de musiciens, des chanteurs, des curieux arrivent dans des chars lancés au galop. Rien de plus vif, de plus animé que ces nouveaux pèlerins, et leur gaîté se communiquant comme l'étincelle électrique, il en résulte un redoublement d'enthousiasme dans la foule. Il est impossible de se figurer une assemblée si nombreuse et si transportée, sans toutefois que son enivrement dépasse les bornes qu'une puissance invisible lui prescrit.
La voici. Chacun s'empresse d'accourir. On veut la voir encore, on veut recevoir la bénédiction que le prêtre donne, pendant que la sainte image est déposée sur un autel champêtre, élevé au pied de la montagne.
Après cette première station, la procession se remet en marche ; elle s'arrête une seconde fois, avant d'entrer au village de Saint-Etienne, où Notre-Dame du Château est déposée dans l'église.
On repart vers deux heures, et la troisième station a lieu près de la croix de Laurade. Déjà la foule est plus compacte ; mais elle augmente encore à mesure qu'on approche de la ville.
Des deux côtés de la route, dit M. l'abbé Pouget, des jeux sont établis et des tentes dressées pour les rafraîchissements. Ici, au son d'une musique fantasque et originale, des mariniers font tournoyer de diverses manières, autour de leurs têtes et de leurs corps, une pique longue de plus de cinq mètres, et, la lançant à une grande hauteur, ils la reçoivent avec une admirable dextérité dans leurs mains.
A leur côté, le fifre et le tambour marquent la cadence d'un autre jeu non moins singulier. C'est un drapeau dont le bâton très-court est terminé d'un côté par un fer de lance et de l'autre par une grosse boule de plomb. Celui qui fait le jeu jette ce drapeau, le fait voltiger autour de sa tête , tournoyer autour de ses jambes, et enfin le lance comme la pique, et le reçoit par la boule de plomb.
De fréquentes décharges de mousqueterie accompagnent ces exercices.
Un peu plus loin, on entend le son plaintif de la cornemuse, le son bruyant de la trompette, le cri aigu du fifre, le roulement du tambour.
Depuis midi, des chœurs de musiciens, des chanteurs, des curieux arrivent dans des chars lancés au galop. Rien de plus vif, de plus animé que ces nouveaux pèlerins, et leur gaîté se communiquant comme l'étincelle électrique, il en résulte un redoublement d'enthousiasme dans la foule. Il est impossible de se figurer une assemblée si nombreuse et si transportée, sans toutefois que son enivrement dépasse les bornes qu'une puissance invisible lui prescrit.
A mesure que la procession avance, la foule s'y joint avec empressement. Les décharges de mousqueterie se mêlent aux Ora pro nobis, les fifres et les tambours accompagnent les joueurs, qui prennent place au milieu des pénitents. Rien n'égale le piquant de cette dévotion si joyeuse et si sincère ; on ne saurait voir plus de tumulte et plus de foi. Aussi, lorsque des voitures publiques arrivent à cette partie de la route, les voyageurs émerveillés s'interrogent mutuellement et semblent se demander s'ils n'ont pas été transportés tout à coup dans quelque pays où règnent encore les mœurs et les usages d'un autre âge.
C'est ainsi que Notre-Dame du Château arrive à un petit reposoir appelé la Croix couverte, vis-à-vis des casernes. Là, les corporations de la marine rendent, à leur manière, hommage à leur reine, parles jeux les plus fantastiques de la pique et du drapeau, et par des décharges multipliées de mousqueterie. A ce bruit se joint tout à coup celui des boîtes ou petits mortiers, disposés sur une esplanade voisine. On chante pendant ce temps les prières des Rogations. Au signal de la bénédiction, tout se tait, la foule immense se prosterne dans un silence plein de respect, et l'on n'entend plus que les boîtes, dont les deux dernières, partant simultanément, annoncent la fin de la cérémonie. Alors le bruit de recommencer avec explosion, et les bonnes femmes de se pousser vers le brancart, pour porter la sainte Vierge, ou du moins pour passer sous son char de triomphe, elles et leurs petits enfants. Il est admirable que dans une si grande presse, surtout quand la statue entre par la porte Saint-Jean , il ne soit jamais arrivé d'accident.
Avant d'entrer dans la ville, on procède à la toilette de la Belle Briançonne ; en lui ôte la simple robe qu'on lui a mise le matin et on la revêt de ses plus riches ornements. Les épingles qui ont attaché cette première robe sont l'objet de bien des ambitions ; car on est persuadé qu'elles portent bonheur aux nouveau-nés, quand on s'en sert pour attacher leurs premiers langes.
La procession se dirige ensuite vers l'église Sainte Marthe ; elle rencontre, au moment d'y arriver, la fameuse tarasque, ce dragon monstrueux que, d'après la tradition, sainte Marthe dompta, sans autres armes que la croix. Cette tradition se retrouve, avec certaines variantes, dans l'histoire de presque tous les premiers apôtres de chaque pays ; ce qui a donné lieu de croire que ce monstre dompté par la vertu de la croix n'est autre que le paganisme. Quoi qu'il en soit, la fête de Notre-Dame du Château ne serait pas complète sans la tarasque. Cette gigantesque et bizarre image bondit trois fois devant la procession, et se retire aux applaudissements de la foule.
La Belle-Briançonne entre alors dans l'église Sainte Marthe, qui, si vaste qu'elle soit, se trouve trop étroite pour contenir les dévots et les curieux. On donne solennellement la bénédiction du saint sacrement. Au bruit des tambours, des trompettes et des cloches, tous ceux qui n'ont pu pénétrer dans l'église s'agenouillent pieusement, et la journée s'achève dans des réunions de famille où régne la joie la plus tranche et la plus vive.
Pendant les six semaines que la statue de Notre-Dame du Château passe dans l'église Sainte-Marthe, elle est sans cesse entourée d'hommages. Chaque jour on la revêt d'une nouvelle robe, et cette cérémonie attire un grand nombre de personnes qui se disputent le bonheur de porter la sainte image, de son autel à la table sur laquelle on l'habille, ou de cette table à l'autel. Les malades et les affligés ne sont pas les derniers à solliciter cette faveur, et souvent la Vierge sainte se plaît à récompenser par des grâces éclatantes leur toi et leur confiance.
Au bout de quarante jours, Notre-Dame du Château retourne dans sa chapelle, avec moins de pompe et moins de bruit qu'elle n'en est sortie. Cette seconde fête est celle du recueillement ; la foule est moins nombreuse ; et cette fois rien ne trouble la prière des pieux serviteurs de Marie. Presque tous s'approchent de la table sainte dans cette chapelle dont la Vierge reprend possession, et ce n'est pas sans peine qu'ils se décident à quitter la montagne sur laquelle leur bonne mère a fixé sa demeure, et où elle reçoit pendant le reste de l'année les vœux et les hommages des populations.
Source : Livre "Les pèlerinages de France" par Eugène Rosary
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