Notre-Dame du Mont Roland (Jouhe)

Notre-Dame du Mont Roland
(Jouhe)

Notre-Dame du Mont Roland (Jouhe)



Il n'est point de voyageur qui, parcourant la Franche Comté et les pays limitrophes de la Bourgogne, n'ait demandé avec admiration quel est le monument qui s'élève à l'horizon du côté de la ville de Dôle, et qui se fait remarquer à la distance de dix lieues.

On lui répondait autrefois que c'était un sanctuaire célèbre de la Vierge et une source de grâces toujours ouverte pour les régions voisines : aujourd'hui, on se contente de lui dire qu'il découvre des ruines placées au sommet du Mont Roland.

La piété s'était empressée de construire en l'honneur de la Vierge sainte une chapelle en ce lieu, probablement sur les débris de quelque temple païen, et pour aire oublier aux antiques habitants de la contrée leur culte superstitieux.

L'emplacement ne pouvait être mieux choisi et l'on est touché de l'attention délicate qu'avaient eu les premiers fidèles de consacrer à la Reine du ciel un des plus beaux points de la terre.

Le Mont-Roland qui ne mérite le nom de Mont que parce qu'il domine de quelques mètres les vastes plaines ou les collines qui l'entourent, est situé aux environs de Dôle, et sa pente vient mourir insensiblement aux portes de la ville.

La partie la plus élevée de la montagne offre une espèce de plate-forme d'où le panorama le plus étendu et le plus varié se déroule à vos yeux : à l'orient, ce sont les cimes gigantesques des Alpes, exhaussées comme des dômes de cristal, au-dessus des sombres coupoles du Jura ; au couchant, ce sont les tours gothiques et les aiguilles légères des églises de Dijon, qui dessinent leurs profils d'un noir foncé sur les vignobles verdoyants de la Côte-d'Or.

En ramenant ses regards sur des points plus rapprochés, l'observateur distingue Auxonne avec ses blanches casernes et ses vastes bâtiments militaires. Sur les flancs de la montagne, on voit empreints dans le rocher des espèces de degrés naturels, que le peuple nomme les pas de Roland.

La chapelle bâtie sur le sommet du Mont-Roland remonte à la plus haute antiquité, et l'on veut même en attribuer l'origine à saint Lin, disciple de saint Pierre, envoyé par cet apôtre prêcher l'Evangile aux Séquanais. Il parait du moins certain qu'elle a été visitée, l'an 380 de l'ère chrétienne, par le grand saint Martin, qui, à cette époque, fit un voyage dans les environs, chez les Eduens, au rapport de Sulpice Sévère, et consacra, dit-on, dans la chapelle érigée sur le mont qui depuis porta le nom du paladin Roland, un autel à la Mère de Dieu.

Cette tradition a pour fondement un vieux titre extrait des archives de la chambre des comptes de Dôle.

On y lit que le thaumaturge des Gaules, revenant de Rome à Tours, passa par la Bourgogne, qu'il arriva audit lieu du Mont-Roland qui adonc avait un autre nom duquel il ne souvient à présent, ladite chapelle dédia et bénit comme légat de notre Saint Père le Pape, en l'honneur de notre Seigneur Jésus-Christ et de sa glorieuse Mère ; et en ce point demeura longtemps comme simple chapelle, combien que toujours dès qu'elle fut dédiée par ledit saint Martin, y eut grand pèlerinage et gros rapport par les miracles qui s'y faisaient et font encore chacun jour....

Un témoignage non moins formel qui vient à l'appui de l'ancienne tradition, est un passage des mémoires historiques sur la ville de Dôle, par Louis Gollut, historien du seizième siècle, maire de cette ville et jurisconsulte du comté de Bourgogne.

Ce grave auteur rapporte, que saint Martin, après avoir offert le divin sacrifice dans la chapelle dite depuis de Mont-Roland, consacra une autre église bâtie à quelques centaines de pas de Dôle qui subsistait encore sous son vocable.

Ce fait remarquable a laissé, même après la destruction de cette seconde chapelle, des traces profondes dans la mémoire des hommes : car, le peuple désigne encore aujourd'hui sous le nom de Loge de saint Martin, une pauvre maisonnette construite sur les ruines de l'église, et qui sert de refuge aux pâtres contre l'intempérie des saisons.

Voici les paroles de l'ancien magistrat :

« Votre l'église de Saint-Martin et les vignes circonvoisines y étaient comprises, jusqu'à ce que l’idolâtrie passée, saint Martin consacra ladite église, après avoir célébré le saint sacrifice de la messe en l'église sainte de Mont-Roland, comme disent les titres du prieuré de Jouhe. »

Ce témoignage est d'autant plus grave que l'historien s'appuie sur les titres du prieuré de Jouhe, détruits depuis par les guerres et les révolutions, mais qu'il a pu voir et qu'il a vus sans doute de ses yeux, puisqu'il en parle d'une manière si positive.

De plus, les auteurs du pays rapportent que les religieux du Mont-Roland ayant voulu réparer et décorer leur église, firent transporter dans une nef collatérale l'autel dont la consécration était attribuée à saint Martin.
On trouva dans le secret de cet autel une bandelette de parchemin sur laquelle étaient écrits ces mots : Martinus episcopus Turonensis me consecravit.

Ce monument périt dans la guerre de 1646.

Mais M. de Broissia, juge pour le roi d'Espagne à Besançon, témoigne que Mgr d'Andreville, suffragant de l'archevêque de Besançon, qui fit la cérémonie de la translation, lui avait déclaré l'avoir trouvent replacé dans l'autel nouvellement consacré.

Dans cette église ou chapelle d'une antiquité si avérée, les fidèles avaient coutume d'invoquer la Reine des cieux, qu'une Statue honorée dans les temps les plus reculés, rendait comme présente à leurs yeux.

Voici la description qu'en faisait, il y a près de deux siècles, Simplicien Gody, religieux bénédictin, qui écrivait en 1651 l'histoire de Notre-Dame de Mont-Roland :

Cette Image sainte et vénérable en tout ce qu'elle contient, n'a de hauteur qu'environ deux bons pieds.

Elle est assise dans un trône, portant sur le giron son petit enfant qui donne la bénédiction.

La matière est de bois solide, mais extrêmement moulu et consumé de vieillesse, c'est pourquoi il a fallu suppléer avec du carton la caducité et le déchet du bois en quelques endroits, et couvrir le tout avec une toile plastrée, et imprimée de diverses couleurs.

Et tout cela vérifie bien assez notre opinion touchant l'antiquité de l'Image.

La figure et façon de la Vierge est assez simple : elle porte en tête une couronne de fer doré qu'on n'aperçoit pas à cause des voiles et des autres couronnes dont on a coutume de la parer.

Le visage est longuet, d'une beauté comme champêtre et négligée, qui respire néanmoins la dévotion et qui exige du respect.

L'habit est à fond d'or chargé de fleurs de lis d'azur, au contraire des armes de France dont le champs est d'azur et les trois fleurs de lis d'or.

L'habit est chargé de diverses pierreries, à ce que je crois, de peu de valeur, avec un assez grand cristal appliqué au sein : et il appert qu'il y en avait autant entre les épaules. On a retouché l'Image plus d'une fois, afin de la conserver ; et il y a bien de l'apparence que le pinceau a passé sur son visage, il n'y a pas fort longtemps. Telle est cette vénérable relique de l'antiquité. 

La statue n'a point souffert de changement sensible depuis deux siècles.

Quelques pierreries se sont perdues ; la couronne de fer doré a été remplacée par une couronne d'argent, surmontée de fleurs artificielles.

Le divin Enfant est couronné de la même manière.

Quel témoignage en faveur de l'antiquité de cette Image vénérée !

Si deux siècles n'ont produit sur elle aucune altération sensible, que de siècles n'a-t-il pas fallu pour mettre le bois dont elle était faite dans l'état de dégradation et de vétusté où elle était du temps du Bénédictin qui en traçait l'histoire en 1651 ? Il est certainement peu de statues de Marie qui puissent le disputer en antiquité à celle-ci.

Ce fut, selon toutes les apparences, cette même statue qui reçut, en 778, les hommages du fameux Roland.

Une ancienne tradition locale nous apprend que ce célèbre Paladin, allant d'Aix-la-Chapelle, résidence impériale, en Espagne combattre les Sarrasins qui menaçaient le midi de la France, eut la dévotion de faire un long détour et de se rendre à la chapelle de la Vierge de Séquanie pour lui offrir ses hommages.

Le titre extrait des archives de la chambre des comptes, dont nous avons déjà parlé, atteste qu'il y fut attiré par le bruit des miracles qui s'y opéraient et par le privilège qu'avait cette chapelle d'avoir un autel consacré par saint Martin.

Roland, témoin de la dévotion des peuples, fonda sur la montagne un prieuré de religieux de saint Benoit, qui y demeurèrent environ cent ans. 

Et c'est à cause de cette pieuse fondation que le mont prit dès-lors le nom de Mont-Roland (1).

En mémoire de la visite et des libéralités du neveu de Charlemagne, on lui éleva, dans la suite, une statue gigantesque, comme tout ce que nous savons de ses exploits.

Cette statue était sur la porte de la sacristie.

Armé de toutes pièces, le chevalier tenait d'une main une épée longue et plate, et, de l'autre, un couvent en petit. Son casque était à ses pieds. Le bloc en pierre de dix pieds de haut, est encore debout, et sert de but aux pierres que les enfants et les bergers se plaisent à lancer contre lui. Au-dessous de la statue mutilée on lit cette inscription : Rolandus intrepidus, Virginis servus, ex veteri notms ejus cœnobii fundator. Ce qui signifie que l'intrépide Roland, serviteur de Marie, ajouta un monastère à l'antique chapelle, et mérita ainsi le nom de fondateur.

Dans la suite, les Bénédictins, ayant de la peine à se procurer sur la montagne les vivres nécessaires pour eux et pour les pèlerins qui affluaient en ce lieu, eurent recours à la libéralité de Béatrix, comtesse de Bourgogne et femme de Frédéric Ier, empereur d'Allemagne, dit Barberousse.

Béatrix eut égard à leur requête, et transféra leur communauté à Jouhe, où elle leur donna de grands biens, ne se réservant que les droits de souveraineté.

C'est là aussi qu'elle voulut être enterrée, l'an 1173, comme l'atteste une pierre tumulaire qu'on voit encore à Jouhe, près des ruines du monastère.

L'inscription n'en est point très-ancienne, il est vrai ; mais des traces d'une vieille écriture qu'on aperçoit dans le bas de la pierre, semblent attester que ce qu'on lit aujourd'hui n'est que la restauration des caractères que les guerres et le temps avaient presque fait disparaître.

Après cette nouvelle disposition, un seul religieux, avec le titre de gardien, resta sur le Mont-Roland.

A lui de veiller à la conservation de la chapelle et du monastère, de recevoir les pèlerins et de leur rendre tous les services que réclamait leur piété.

Les samedis et jours de fête de la Vierge, le prieur de Jouhe envoyait à son secours autant de religieux qu'il en fallait pour satisfaire la dévotion des pèlerins.

Cette dévotion se soutenait toujours dans sa première vigueur ; ou plutôt, comme un arbre aux racines profondes, elle semblait prendre de jour en jour de nouveaux accroissements.

Golut ne craint point de dire, dans ses Mémoires historiques, qu'on trouverait difficilement dans toutes les Gaules un sanctuaire aussi vénéré et aussi fréquenté que celui des Comtois.

Il s'y faisait beaucoup de miracles.

Nous en citerons de préférence deux moins connus que ceux qui se trouvent dans l'histoire du bénédictin Gody.

Ils sont tirés des Annales des Congrégations de la sainte Vierge, ouvrage qui raconte une foule de traits édifiants des Congrégations établies autrefois dans toutes les villes où la Compagnie de Jésus avait des collèges, et qui rend fréquemment témoignage de la piété des Congréganistes de Dôle et de leur tendre dévotion envers la Mère de Dieu.
En 1590, un enfant de cette ville languissait, travaillé depuis quelques mois par une fièvre si forte et si opiniâtre, qu'elle paraissait devoir le conduire au tombeau.

Le jour de l'Annonciation, une pensée de foi et de confiance tombe dans l'âme du jeune malade ; il fait vœu de se consacrer d'une manière spéciale à la Mère de miséricorde, en entrant dans sa Congrégation, et à l'instant, par un premier bienfait du Ciel, il se trouve hors de danger, et la fièvre continue se change en fièvre quarte.

Grande est la joie de ses parents, dont l'espérance croit avec le gage de l'intérêt que Marie porte à l'objet de leur sollicitude ; grande est la reconnaissance avec laquelle ils publient le bienfait reçu.

Trois mois après, à l'époque de la Visitation de la sainte Vierge, la pieuse mère, dans un sentiment de gratitude, conduit son fils à la chapelle du collège pour qu'il s'y purifie par le sacrement de pénitence.

L'enfant se confesse en effet, et il se trouve délivré de la fièvre.

Mais il est si faible encore, à la suite de la longue maladie qu'il a faite, qu'il peut à peine marcher.

Heureusement pour lui qu'il existe dans le voisinage un sanctuaire célèbre où la Reine de miséricorde ne pourra mettre des bornes à ses faveurs, et faire, pour ainsi dire, les choses à demi : c'est le pèlerinage de Mont Roland où s'opèrent tant de prodiges.

Elle le fait donc monter à cheval et l'accompagne vers la sainte montagne, avec cette foi qui fait violence au Ciel.

Arrivé à l'église, l'enfant descend de cheval, et, appuyé sur deux bâtons, il entre dans le lieu saint.

Là, il répand son cœur devant l'Image de la Vierge.

La messe terminée, il sent l'effet de la protection de Marie : la Mère de bonté a complété son œuvre ; une vigueur insolite s'est insinuée dans ses membres.

Il offre en témoignage de la faveur reçue, les appuis qui soutenaient naguère son corps débile ; il sort de l'église plein de joie, et, laissant le cheval qui l'a porté, il retourne à pied à la ville et à sa maison, au milieu des citoyens qui, témoins du changement merveilleux survenu en lui, l'entourent, le félicitent et rendent de justes actions de grâces au Sauveur et à sa sainte Mère.

Le même auteur rapporte que le collège de Dôle était le centre de quatre nombreuses Congrégations qui rivalisaient entre elles de zèle et de ferveur.

La Vierge sainte, de son côté, ne cessait de leur montrer, par des grâces continuelles, combien leurs hommages lui étaient agréables, et il en cite de nombreux exemples.

Un de ces Congréganistes était alité depuis longtemps, affligé d'une maladie très-grave qui lui faisait souffrir une espèce de martyre.

Plein de confiance en la bonté de la Mère de Dieu qui lavait déjà si miséricordieusement secouru dans une chute qu'il avait faite d'un arbre très élevé, il se traîne comme il peut à son sanctuaire de Mont-Roland, à deux milles de la ville ; là il supplie avec larmes la Consolatrice des affligés d'avoir pitié de sa misère.

Marie n'attendait que la fin de sa prière pour lui rendre la santé qu'il sollicitait avec tant d'instances.

L'année 1629, le monastère de Jouhe ayant été soumis à la règle de l'étroite observance de saint Benoit, le surcroît de ferveur des religieux attira un surcroit de libéralité des membres de la cour souveraine de Dôle.

Le monastère de Mont-Roland fut repeuplé, compta quinze religieux, et reçut comme de plus près les bénédictions de la Reine des cieux.

Le calme fut de peu de durée. En 1636, la province fut le théâtre d'une guerre sanglante entre les Français et les Espagnols.

Dôle fut assiégée par le prince de Condé, suivi d'une armée de 28,000 hommes.

L'église de Notre-Dame de Mont-Roland, dit l'antique historien de ce siège, assise sur une colline, à demi-lieue de la ville, illustre de miracles et fréquentée par la dévotion des peuples, autant de la Duché, comme de la Comté de Bourgogne, à la vue desquels cette chapelle, bâtie et enrichie par la piété des anciens princes bourguignons, se présente également, fut abandonnée à la rage des Suédois et autres hérétiques de l'armée assiégeante.

Ils y mirent le feu par deux fois, et au monastère que les Pères réformés de saint Benoit avaient commencé d'y bâtir.

Ils renversèrent les autels, fouillèrent les vieilles sépultures, brûlèrent et mirent en pièces toutes les images, les tableaux de vœux et de merveilles et tous les autres ornements de la chapelle ; et n'y laissèrent rien d'entier que le tombeau de marbre avec la statue priante d'un seigneur d'Estrabonne, à la faveur du sieur d'Aumont, français, qui en était issu.

L'Image miraculeuse de Notre-Dame qui avait été par plus de 600 ans en très-grande vénération, fut abattue et foulée aux pieds, et demeura longuement couchée et abouchée sur sa face....

Le prince de Condé l'envoya relever et la fit porter au couvent des capucins d'Auxonne.

C'est une piété très-louable de l'avoir ainsi tirée des mains de ces barbares, ennemis jurés du saint nom de la Vierge : mais ceux de Dôle ont trouvé merveilleusement rude qu'on ait refusé de la rendre à ses anciens et légitimes possesseurs qui l'ont inutilement répétée après le siège levé.

La Mère de Dieu, honorée avec une ferveur spéciale par les Dôlois, leur donna, dans ces moments de crise et de douleur, des marques visibles de sa protection.

Enfin, après trois mois d'efforts inouïs pour s'emparer de la place, les Français vaincus par l'héroïque constance des assiégés et craignant les secours que les Espagnols paraissaient enfin décidés à faire passer dans la Franche Comté, se retirèrent le jour même de l'Assomption.

La glorieuse Vierge parut récompenser par ce signe de sa faveur une ville qui, pendant ce siège désastreux, avait renouvelé la consécration qui la liait à elle sans retour.

La piété des habitants s'empressa de réparer les ravages causés par la fureur des protestants du nord et des Calvinistes qui grossissaient les rangs de l'armée française.

L'église et le monastère du Mont-Roland sortirent de leurs ruines.

On peut voir dans l'ancien historien la description détaillée de l'église telle qu'elle était à celte époque.

Voici ce qu'il dit de l'autel de la Vierge : «Le quatrième (autel), dont nous avons parlé ci-devant, et qui est le plus ancien de tous, est celui qui fut consacré par saint Martin même sous l'invocation de la Vierge, ainsi qu'il a été prouvé au chapitre VIe du livre précédent. Il était autrefois posé au milieu de la chapelle, comme c'était l'ancienne coutume, et maintenant il est contre un pilier du côté de l'épitre sans beaucoup d'ornements et comme dans le deuil de sa profanation depuis les dernières guerres.

L'église du Mont-Roland, quoique restaurée, n'attirait plus l'ancien concours des fidèles. Il y manquait l'Image vénérée à laquelle se rattachaient tant de souvenirs et dont la simple vue inspirait les sentiments les plus affectueux envers Marie.

Les habitants de Dôle firent les instances les plus pressantes auprès de Louis XIII, roi de France, mais ils n'en obtinrent que des lettres favorables qui n'aboutirent à rien.

Le gouverneur du duché de Bourgogne, la cour souveraine, la reine de France conjurés d'interposer leur autorité pour obliger la ville d'Auxonne à rendre la Statue, accueillirent froidement de telles sollicitations ou ne purent en assurer le succès.

On eut recours à Philippe II, roi d'Espagne, souverain de la Comté ; et ce prince ne fut pas plus heureux.

Ce ne fut qu'au bout de treize ans de prières et de négociations inutiles, qu'Anne d'Autriche, infante d'Espagne et reine de France, obtint de Louis XIV, son fils, qui venait de succéder à Louis XIII, un ordre précis signifié au parlement et au gouverneur du duché de Bourgogne de faire reporter solennellement la Statue de la Vierge dans son ancienne chapelle.

On ne saurait se faire une idée de la joie que causa dans la ville de Dôle une si heureuse nouvelle.

La Statue devait être rendue par la bourgeoisie d'Auxonne, le 28 septembre 1649, à huit heures du matin.

Les Dolois se seraient précipités en foule au-devant d'elle.

Mais les magistrats craignant que le mélange de deux populations longtemps ennemies ne réveillât des haines assoupies et ne troublât une fête qui devait être toute de paix, de dévotion et de joie, défendirent aux habitants de sortir de la ville avant onze heures du matin, sous peine de 50 livres d'amende, renvoyant au lendemain la solennité et les réjouissances qui devaient signaler le retour de la Vierge auprès de son peuple.

La Statue fut en effet reportée d'Auxonne au jour convenu. Voici la relation naïve que fait de cette translation Simplician Gody, qui en était témoin : Les religieux de Saint-Jérôme de Dôle étant venus à Mont-Roland, partie de la veille, partie le matin du 28 septembre, une des plus belles aurores de l'année nous ouvrant les portes de l'orient, nous partîmes tous en procession, le flambeau à la main, suivis de quelques personnes des plus notables de Dôle et de quelques bourgeois qui s'étaient dérobés de la ville dès la veille et de quelques villageois d'alentour.

On s'arrête au bois destiné sur la frontière de la province d'où l'on envoyé à Auxonne le sieur Daresche, contre-garde des monnoyes et juré au parlement de Dôle, pour y voir ce qui se passerait, et nous avertir de leur sortie, laquelle fut retardée de quelques heures par la dévotion de la bourgeoisie et des religieuses qui demandèrent la faveur de baiser la sainte Image, et qui leur fut accordée.

Sur les dix heures l'avertissement fut donné ; on se dispose au bon ordre.

L'Image sacrée parait portée sur les épaules de deux pères Capucins ; le reste de la communauté suivant, et accompagnée de M. le curé Vyard, très-honnête et très-obligeant pasteur, et de quelques autres ecclésiastiques, de M. du Bosquet, de M. le lieutenant de la ville, et d'autres officiers ou bourgeois, jusqu'au nombre de deux ou trois cents et de quantité de filles revêtues de blanc.

M. du Bosquet, fendant la presse, vint au R. P. Prieur de Mont-Roland, revêtu en chappe, et après l'avoir salué, lui dit qu'en suite des ordres qu'il avait du Roi et de Son Altesse M. le Prince, de restituer l'Image miraculeuse de Notre-Dame, qui était en dépôt chez les PP. Capucins, il la lui remettait en main, en présence de tout le peuple

Cependant, le R. P. Gardien des Capucins s'étant avancé vers le R. P. Prieur de Mont-Roland, et l'ayant salué, il le pria d'agréer que les religieux de son couvent achevassent la cérémonie et portassent la sainte Image jusqu'à la montagne et chapelle de son repos, et que là il lui fût permis de prêcher.

On lui accorda volontiers la seconde demande, mais non pas la première, de sorte que ledit R. P. Prieur ayant reparti que c'était la raison de partager cette agréable peine, deux religieux Bénédictins, revêtus de riches tuniques, reçurent sur leurs épaules la sainte Image

On eût dit que tous les vents avoient conspiré de ne faire aucune course pendant ce jour-là, de crainte que la vénérable Image ne fût pas accompagnée de flambeaux allumés.

Mais certes, l'air était assez bien occupé de chants continuels, hymnes et psaumes qu'on n'intermit nullement et des soupirs de plusieurs de la compagnie jusqu'à la sainte montagne.

La procession y étant arrivée, on reposa l'Image sur l'autel qui avait été préparé au pied de la croix, distante de la chapelle et du monastère de quarante pas, d'où l'on voit cette ville également forte et fidèle, et dont les bourgeois n'attendaient que l'ouverture des portes pour venir en foule saluer leur Palladium, sans attendre la solennité toute entière du lendemain.

Là donc on dépouille l'Image des habillements qu'elle portait, de la pauvreté desquels il était aisé à voir qu'elle venait de pays étrange, où elle avait demeuré chez de bons amis voirement, mais qui font gloire de la mendicité.. On la pare richement de robes et de voiles nouveaux ; et au lieu d'une petite couronne de fleurs d'hiver qu'elle portait, on lui en pose une belle d'argent, et après quelques chants et prières, le R. P. Prieur donne la bénédiction sur la ville de Dôle.

Cela fait, on la porte dans son église ; on la place dans un beau trône qu'on lui avait élevé sur le maître-autel : les religieux du monastère chantent la sainte messe solennellement ; le R. P. Gardien fait sa prédication ; et si la réjouissance de ceux du Comté fut grande, certes les messieurs, et surtout le sexe dévot d'Auxonne, ne témoigna pas de petits ressentiments de tristesse par les larmes qui furent versées sur cette séparation.

Impossible de décrire l'empressement avec lequel les habitants de Dôle se portèrent au sanctuaire de Mont Roland dès que les portes de la ville furent ouvertes, l'enthousiasme religieux avec lequel ils célébrèrent, par des fêtes prolongées, le retour de l'Image miraculeuse , la tendre piété qu'ils faisaient paraître en la baisant et en répandant devant elle leurs prières, les transports de la joie qu'ils faisaient éclater, et l'ardeur de la dévotion avec laquelle ils continuèrent à lui offrir leurs vœux et leurs hommages. Le siècle froid et indifférent dans lequel nous vivons, ne croirait point à la vérité du tableau.

La Vierge sainte, de son côté, répondait à ces ferventes démonstrations de tendresse et de respect par de nouveaux témoignages de bonté et de protection.

Des guérisons miraculeuses s'opérèrent au sanctuaire du Mont Roland.

Les enfants de saint Benoit, à qui le soin du pèlerinage était confié, prièrent l'archevêque de Besançon d'en constater la certitude.

Celui-ci envoya des commissaires qui, ayant entendu les témoins et consulté les médecins, reconnurent la vérité de cinq guérisons surnaturelles obtenues par l'intercession de la Vierge de Mont-Roland, l'une le lendemain de la translation de l'Image miraculeuse ; une autre le troisième ou le quatrième jour ; une troisième le septième, et les deux autres dans le cours de l'année. 

Pour la gloire de Dieu , disait le procès-verbal, et pour augmenter la dévotion des fidèles envers sa très-sainte Mère, nous permettons d'annoncer en public que ces guérisons sont des miracles de la puissance de Dieu, des œuvres surnaturelles, opérées en vertu des mérites et par l'invocation de la bienheureuse Vierge Marie. 

L'ancien historien de Notre-Dame de Mont-Roland rapporte ces miracles en détail, avec un grand nombre d'autres faveurs extraordinaires obtenues par l'intercession de Marie, invoquée dans son Image.

Les dons des fidèles se multipliaient de jour en jour ; les ex-voto remplissaient l'église et rendaient témoignage à la puissance de Marie.

Au commencement du dix-huitième siècle, les Bénédictins se virent en état de rebâtir cette église sur un plan plus solide et plus régulier, et d'en faire un des plus beaux comme des plus riches monuments de la contrée.

Elle ne fut achevée qu'en 1719, comme l'attestent deux inscriptions qu'on retrouve encore parmi ses ruines, l'une sur la grande porte d'entrée, l'autre sous la gigantesque statue de Roland, dont le tronc s'élève au pied de l'antique tour.

Cette belle église, ne vit point la fin du siècle dans lequel elle avait été élevée.

En 1790, l'orage révolutionnaire chassa les pieux enfants de saint Benoit, à qui la garde en avait été confiée.

Trois ans après, l'église du Mont Roland et son monastère furent vendus comme biens nationaux.

Aujourd'hui le sommet de ce mont que la nature et la religion avaient fait un des lieux les plus agréables de la contrée et de la France entière, n'offre plus que des monceaux de ruines, un terrain à peu près stérile, quelques arbres dont la vétusté afflige le regard, et partout l'image de l'indigence et de la désolation. Cet un trophée de plus au sacrilège et à l'impiété.

Du moins, au milieu des attentats de la fureur révolutionnaire, ce fut une consolation pour les serviteurs de Marie de voir que son Image vénérée était exempte de profanation.

En 1792, les habitants de Jouhe, s'autorisant de la loi qui leur confiait les monuments placés sur leur territoire, enlevèrent l'antique Statue du Mont-Roland, et, ayant à leur tête un prêtre vénérable, qui mourut quelques années après au milieu d'eux, ils la portèrent processionnellement à leur église.

Placée au-dessus du maître-autel, elle vit passer l'orage révolutionnaire sang en éprouver le ravage.

Elle sembla même garantir de la fureur de l'impiété le nouveau temple qui lui donnait asile.

Partout, aux environs et dans la province, les églises furent profanées ; et celle de Jouhe en fut préservée par la Vierge, qui semblait dire à l'impiété, furieuse comme une mer bouleversée par la tempête : Tu viendras ici, et tu briseras à mes pieds l'orgueil de tes flots.

En 1825, un vénérable ecclésiastique, ancien curé d'Auxonne, retiré à Jouhe, où il a depuis terminé sa carrière, fit construire à la Vierge de Mont-Roland un bel autel collatéral dans l'église où elle avait trouvé un asile.

C'est encore là qu'elle reçoit les vœux et les hommages des populations voisines, en attendant le jour où la piété des habitants de Dôle relèvera le sanctuaire dans lequel leurs pères reçurent de si éclatants témoignages de la protection de Marie.
Source : Livre "Histoire des principaux sanctuaires de la mère de Dieu" par Firmin Pouget
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