Septante
La
Septante (LXX, latin : Septuaginta) est une version du Tanakh (Bible
hébraïque) en langue grecque. Selon une tradition rapportée dans la
Lettre d'Aristée (IIe siècle av. J.-C.),
la traduction de la Torah aurait été réalisée par 72 (septante-deux)
traducteurs à Alexandrie, vers 270 av. J.-C., à la demande de Ptolémée
II.
Par extension, on appelle Septante la version grecque ancienne de la totalité des Écritures bibliques (l'Ancien Testament ). Le judaïsme n'a pas adopté la Septante, restant fidèle au texte hébreu et à des traductions grecques ou araméennes (Targoum) plus proches dudit texte.
Plusieurs manuscrits de la Septante nous sont parvenus. Quelques différences existent entre ces différentes versions. Quatre codex complets écrits en onciales existent :
- Le codex vaticanus
- Le codex sinaiticus
- Le codex alexandrinus
- Le codex venetus
De nombreuses autres versions en minuscules existent.
Historique
Les origines de la Septante
Très
vite après la fondation d'Alexandrie par Alexandre le Grand en -331, la
diaspora juive s'y développe fortement, en particulier autour du Palais
royal ; à tel point que deux des cinq quartiers de la cité sont
réservés aux « descendants d'Abraham ». Les Juifs continuent à y parler
la langue hébraïque et à étudier les textes de l'Ancien Testament. Le
culte synagogal est public et les Grecs se montrent curieux des
« sagesses barbares ». Quelques-uns gagnent le statut reconnu de
« craignant-Dieu » (signalés dans les Actes des Apôtres) en cela qu'ils
suivent les préceptes du judaïsme, au moins les 7 lois des fils de Noé,
sans aller jusqu'à une conversion qui implique la circoncision.
Selon la lettre d'Aristée (IIe siècle av. J.-C.), la Septante serait due à l'initiative du fondateur de la Bibliothèque d'Alexandrie, Démétrios de Phalère, ancien oligarque d'Athènes. Vers 270 av. J-C., celui-ci aurait en effet suggéré à Ptolémée II (au pharaon selon Aristée) d'ordonner la traduction en grec de tous les livres israélites, textes sacrés et narrations profanes. Le Lagide, souverain hellénistique le plus cultivé de son temps, apparaît également soucieux de connaître les règles des divers peuples qui lui sont assujettis dans le cadre d'une réorganisation de son royaume.
Les savants juifs au nombre de 72 (six de chacune des douze tribus d'Israël) sont chargés de ce travail qui, en leur honneur, porte le nom de Version des Septante. La tradition prétend que le souverain sacrificateur de Jérusalem, Éléazar, n'accède à la demande de Ptolémée II qu'à une condition : l'affranchissement des Juifs de Judée, que Ptolémée Ier a fait prisonniers et réduits à l'esclavage en Égypte. Une tradition postérieure veut que ces 72 érudits aient tous traduit séparément l'intégralité du texte, et qu'au moment de comparer leurs travaux, on se serait aperçu avec émerveillement que les 72 traductions étaient toutes identiques. Dans son récit Flavius Josèphe arrondit le nombre de traducteurs à 70, d'où le nom retenu par la postérité.
Les enjeux de la Septante
On
pense que la traduction de la Septante a été précédée de Targoumim
(Targoum au singulier) grecs. Les Targoumim sont la traduction souvent
paraphrastique du Tanakh dans la langue vernaculaire (le plus souvent en
araméen), parfois accompagnée d'un commentaire et d'une prédication.
Nombre de juifs qui ont migré en Égypte ne connaissent plus l'hébreu et
souhaitent lire leurs textes sacrés dans leur langue quotidienne,
l'araméen. Seul le grec peut être une langue sacrée à côté de l'hébreu,
tant est grand le prestige des philosophies et sciences grecques. Une
traduction unifiée a donc été faite, très probablement à la demande du
souverain lagide Ptolémée II.
La Septante fut surtout un élément de sauvegarde, mais aussi d'évolution, de l'identité juive dans la culture grecque. Ce double aspect est mis en évidence par la célèbre allusion du Talmud :
« On raconte que cinq anciens traduisirent la Torah en grec pour le roi Ptolémée, et ce jour fut aussi grave pour Israël que le jour du veau d’or, car la Torah ne put être traduite convenablement. On raconte également que le roi Ptolémée rassembla 72 anciens, il les plaça dans 72 maisons, sans leur révéler l’objet de ce rassemblement. Il vint voir chacun et leur dit : “Écrivez-moi la Torah de Moïse votre maître”. L’Omniprésent inspira chacun, et ils traduisirent de la même manière. »
Les traductions grecques postérieures à la Septante
La
traduction en grec se poursuit pendant deux ou trois siècles. Une école
de traducteurs s'est occupée du Livre des Psaumes à Alexandrie vers 185
avant J.-C. et entreprennent ensuite le Livre d'Ézéchiel, les douze
« petits prophètes » et le Livre de Jérémie. Ils traduisent enfin des
livres historiques (Livre de Josué, Livre des Juges, Livres des Rois)
ainsi que le Livre d'Isaïe. Les derniers livres (Daniel, Job, et
Siracide) ont été traduits vers 150 avant J.-C. et l'on hésite encore
sur le lieu de traduction.
On situe en Israël, au premier siècle de l'ère chrétienne, la traduction du Cantique des Cantiques, des Lamentations, du Livre de Ruth et d'Esther, puis celle de l'Ecclésiaste probablement par Aquila. On étend alors le nom de Septante à des livres non reçus dans le judaïsme en terre d’Israël ou composés directement en grec comme la Sagesse, les compléments à Esther, à Jérémie ou à Daniel. Les premiers traducteurs grecs disposent de textes hébreux purement consonantiques et multiples ; ce qui explique, en partie, les différences entre la Septante et les multiples versions des textes originaux.
Les manuscrits de Qumrân
Mais
la découverte des manuscrits hébreux et grecs de Qumrân en 1947, qui
apparaissent comme les restes d'une bibliothèque ayant appartenu à une
secte juive, quelquefois identifiée à celle des Esséniens, attestent que
la LXX (septante) a été acceptée comme texte biblique, à côté des
textes hébreux.
La découverte a donc obligé à réviser la conception de l'histoire des textes hébreux car ces manuscrits hébreux donnent un texte un peu différent de celui qui résultera plus tard du travail des Massorètes.
À l'inverse, Qumrân a révélé des formes qui expliquent la traduction des LXX : certains passages, jusqu'à présent considérés comme des erreurs ou des amplifications dues aux traducteurs, reçoivent désormais l'appui d'un support hébreu prémassorétique. Néanmoins, la quasi-totalité des textes de Qumrân sont écrits en hébreu (90-95 %). D'après le Pr. Emmanuel Tov (Textual Criticism of the Hebrew Bible, Fortress Press, 1992,), environ 47 % des textes de Qumrân sont qualifiés de proto-massorétiques, 2,5 % sont de type proto-samaritain et seulement 3,5 % sont de type septantique. Le restant est constitué d'écrits originaux et/ou erronés.
Des similitudes d'interprétation sont également relevées entre certains écrits de la secte des Esséniens et la LXX. L'attention est maintenant attirée sur l'ensemble des écrits juifs post-bibliques, commodément regroupés sous le nom d'écrits intertestamentaires. La LXX n'est plus un document isolé. Elle se situe dans l'ensemble des textes juifs produits juste avant l'ère chrétienne.
On peut remarquer que le grec utilisé dans la Septante renferme de nombreuses tournures sémitiques et présente le phénomène de l'attraction.
Ce n'est qu'au IIe siècle
de l'ère chrétienne, après l'extermination des communautés juives
d'Égypte et de Cyrénaïque par Hadrien, que la Bible en grec est devenue
exclusivement celle des chrétiens. Auparavant, cette traduction
répondait aux besoins du peuple juif en diaspora autour du bassin
méditerranéen, dont une communauté particulièrement hellénisée et
intellectuelle, celle d'Alexandrie.
La diversité des conceptions de Dieu
Il
serait bien plus significatif de se poser des questions sur le passage
d'une langue ancienne à une langue moderne, qui conduit à l'abandon
d'une partie du champ sémantique ou à la recréation d'un autre champ
sémantique. Les problèmes de traduction posés par le passage d'une
langue sémitique à la langue grecque sont bien plus divers. Qu'on songe à
la diversité des désignations du divin dans la Bible hébraïque : El,
Eloah, Elohim, El Shadday, Sabaoth dont certaines ne trouvent aucune
solution satisfaisante ou qui sont banalisés, lors du passage en grec
par theos, le dieu, n'importe lequel, kurios, seigneur ou pantokrâtor,
tout puissant. Le chaos initial, vide et désert (tohu wa bohu) devient
la matière invisible et inorganisée des philosophes ; le souffle divin
devient pneuma qui peut nommer le vent mais qui est aussi une composante
de l'âme humaine. Le pneuma à distinguer de nephesh qui représente une
réalité supérieure au corps, mais inférieure à l'âme : même la matière
inerte est dotée d'un nephesh qui peut être considéré comme tout ce qui
lui permet d'exister.
Les divergences culturelles et les difficultés du texte
Les
divergences avec l'hébreu ne sont pas toutes des lectures particulières
ni des fautes de traduction. Elles s'expliquent aussi :
- par la différence entre leur modèle et le texte hébreu d'aujourd'hui (la stuttgartensia, par exemple) ;
- par les diverses vocalisations possibles (codifiées dans la Temura) ;
- par les permutations de consonnes ;
- par l'enjambement d'une proposition sur une autre ;
- par des actualisations diverses, comme l'effacement ou l'atténuation de tours jugés impropres pour parler du divin, spécialement les menaces des prophéties furent adoucies, au nom de la miséricorde divine exprimant l'espérance des communautés juives hellénistiques.
Ces
divergences ont été telles qu'au début de l'ère chrétienne plusieurs
érudits se lancèrent dans des révisions du texte de la Septante afin
d'obtenir une version grecque plus conforme aux textes hébreux alors en
cours de fixation. Les trois révisions les plus célèbres sont celles de
Symmaque, d'Aquila et de Théodotion.
Livres supplémentaires
Initialement
la Septante est constituée des rouleaux de la Loi de Moïse (Torah ou
Pentateuque du grec Pentateuchos : « cinq rouleaux ») qui ont été
traduits de l'hébreu au début du IIIe siècle av. J.-C..
Puis au cours des trois siècles suivants et jusqu'au début de l'ère
chrétienne, d'autres œuvres juives, écrites directement en grec ou
préservées seulement dans leur version grecque, y ont été ajoutées.
La Septante contient donc davantage de livres que ceux de la liste canonique du judaïsme et du protestantisme qui ont eux pour référence la Bible hébraïque issue du texte massorétique qui a été compilé, publié et distribué par un groupe de Juifs appelés les Massorètes, entre le VIIe et le Xe siècle.
Cependant ces livres supplémentaires (deutérocanoniques ou Apocryphes), n'en sont pas moins importants dans l'histoire du judaïsme et utiles pour comprendre les idées juives à l'époque de Jésus de Nazareth.
- Listes des livres « apocryphes » ou « deutérocanoniques »
- Judith (conservé dans la Bible latine)
- Tobie (conservé dans la Bible latine mais réécrit par Jérôme)
- 1er et 2e livres des Macchabées (conservés dans la Bible latine)
- Sagesse de Salomon (conservés dans la Bible latine)
- Sagesse de Sirach (Siracide ou Ecclésiastique) (conservé dans la Bible latine)
- Baruch (conservé dans la Bible latine)
- Lettre de Jérémie (conservé dans la Bible latine)
- Suzanne (Daniel 13) (conservé dans la Bible latine)
- Bel et le Dragon (Daniel 14) (conservé dans la Bible latine)
- Premier livre d'Esdras (non conservé dans la Bible latine)
- 3e et 4e livres des Macchabées (non conservés dans la Bible latine)
- Psaumes de Salomon (non conservés dans la Bible latine)
Si
ces livres figuraient dans l'Ancien Testament des Bibles orthodoxes, ce
n'est que depuis le concile de Trente (1545 - 1563), que l'Église
catholique romaine a définitivement intégré au Canon des Écritures la
plupart d'entre eux, en distinguant les livres inspirés, de ceux qui ne
le sont pas.
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