Tétramorphe
Fresque tétramorphe dans l'un des monastères des Météores en Thessalie
Le
tétramorphe, ou les « quatre vivants », ou encore les « quatre êtres
vivants », représente les quatre animaux ailés tirant le char de la
vision d'Ezéchiel (Ez 1 ; 1-14).
Leur
origine remonte à la nuit des temps et on les retrouve dans diverses
civilisations de l'Antiquité avant de les retrouver dans la Bible avec
Ezechiel d'abord puis avec saint Jean dans l'Apocalypse (Apoc 4; 7-8).
Plus
tard, les Pères de l'Église en ont fait l'emblème des quatre
Évangélistes : le lion pour Marc, le taureau pour Luc, l'homme pour
Matthieu et l'aigle pour Jean. Ils accompagnent souvent les
représentations du Christ en majesté.
- L’homme est Matthieu : son évangile débute par la généalogie humaine de Jésus.
- Le lion est Marc : dans les premières lignes de son évangile, Jean-Baptiste crie dans le désert (« un cri surgit dans le désert »).
- Le bœuf est Luc : aux premiers versets de son évangile, il fait allusion à Zacharie qui offre un sacrifice à Dieu, or dans le bestiaire traditionnel, le bœuf est signe de sacrifice.
- L’aigle est Jean : son évangile commence par le mystère céleste.
L'origine biblique du tétramorphe
La vision d'Ézéchiel
Dès
les premières lignes de sa prophétie, Ézéchiel (Ez 1, 1-14) décrit une
vision : « le ciel s'ouvrit et je fus témoin de visions divines » (Ez 1,
1). « Au centre, je discernais quelque chose qui ressemblait à quatre
êtres vivants » (Ez 1, 5).
« Ils
avaient chacun quatre faces et chacun quatre ailes (...) leurs sabots
étaient comme des sabots de bœuf » (Ez 1, 6-7). « Quant à la forme de
leurs faces, ils avaient une face d'homme, et tous les quatre avaient
une face de lion à droite, et tous les quatre avaient une face de
taureau à gauche, et tous les quatre avaient une face d'aigle. » (Ez 1,
10).
Il
s'agit de quatre animaux identiques dotés chacun de quatre pattes de
taureau, de quatre ailes d'aigle, de quatre mains humaines et de quatre
faces différentes d'homme, de lion, de taureau et d'aigle. Ces quatre
animaux ont leur place au pied du trône de la gloire de Dieu.
L'Apocalypse
L'apôtre
Jean a une vision qu'il relate dans le livre de l'Apocalypse (4, 7-8).
La parenté avec celle d'Ézéchiel est évidente. Les Vivants sont au
milieu du trône et autour de lui. mais ils ne sont plus identiques et
ils sont beaucoup moins hybrides : ce sont, dans l'ordre, un lion, un
taureau, un homme et un aigle. Ils ont chacun six ailes et ils sont
recouverts d'une multitude d'yeux.
Ils ne cessent de répéter jour et nuit : « Saint, Saint, Saint, Seigneur, Dieu Maître de Tout, qui était qui est et qui vient. »
Le tétramorphe et les quatre évangiles
Les premières paroles de chaque évangile
Saint Jérôme de Stridon nous donne la clé de l'attribution de l'un des quatre Vivants à chacun des quatre évangiles.
C'est la première page du texte qui est déterminante et il présente au IVe siècle cette attribution comme une tradition acquise de longue date.
- Matthieu ouvre son évangile par la généalogie légale de Jésus, celle qui comprend Joseph, mais en précisant la filiation biologique par Marie :
- « Livre de la genèse de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham : Abraham engendra Isaac... » (Mt 1, 1-2).
- L'homme (et non pas l'ange puisque les ailes qu'il porte sont l'attribut des Quatre Vivants et non pas les ailes d'un ange) représente l'évangile selon Matthieu.
- Marc commence ainsi son évangile :
- « Commencement de l'Évangile de Jésus, Christ, fils de Dieu. Selon qu'il est écrit dans Isaïe le prophète : "Voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur... » (Mc 1, 1-3).
- La voix qui crie dans le désert est celle d'un lion, symbole de l'évangile selon Marc.
- Luc, après une dédicace à Théophile (Lc 1, 1-4), commence ainsi le corps de son évangile :
- « Il y eut aux jours d'Hérode, roi de Judée, un prêtre du nom de Zacharie, de la classe d'Abia... » (Lc 1, 5).
- Le prêtre sacrifie au Temple et le taureau, ou le veau, est l'animal emblématique du sacrifice. Il est devenu le symbole de l'évangile selon Luc.
- Jean ouvre son évangile par un prologue (Jn 1, 1-18) sur le Verbe, la voix venue du ciel.
- Le symbole attribué à l'évangile selon Jean est l'aigle.
Le résumé de la mission du Christ
Saint
Jérôme de Stridon nous apprend aussi que les quatre Vivants rassemblés
ont une autre signification que de représenter les quatre évangiles :
ils résument à eux quatre les quatre moments essentiels de la vie du
Christ.
Le
Verbe de Dieu s'est incarné (l'homme), il a été tenté au désert (le
lion), il a été immolé (le taureau) et il est monté au ciel (l'aigle).
Lorsqu'ils
symbolisent l'histoire du salut, les quatre Vivants se trouvent
précisément placés dans l'ordre qui a été retenu pour le canon des
Écritures. Cette coïncidence doit nous amener à nous demander s'il n'y a
pas un lien entre l'attribution des symboles à chacun des évangélistes
et les choix opérés par l'Église naissante d'écarter certains textes
comme apocryphes et d'en retenir d'autres comme canoniques.
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