Le symbolisme des animaux
La licorne
Tous
les récits médiévaux et leurs illustrations à l'époque du Moyen Âge
sont d'inspiration chrétienne, la licorne représentant la trahison
envers le Christ, son flanc percé par une lance comme dans l'épisode
biblique de la Passion.
Selon un bestiaire de 1468, « la
licorne symbolise les hommes violents et cruels auxquels rien ne peut
résister, mais qui peuvent être vaincus et convertis par le pouvoir de
Dieu ». Sa corne capte l'énergie cosmique, selon F.Y. Caroutch et
le Dictionnaire des symboles, cette bête divine représente l'Esprit
Saint fécondant la madone dans les « Annonciations à la licorne »,
l'incarnation du verbe de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. La
licorne est à elle seule puissance, faste et pureté, une pureté
agissante et une sublimation miraculeuse de la vie charnelle. Jung
mentionne aussi un ancien traité d'alchimie, selon lequel « Unicornis est Deus, nobis petra Christus, nobis lapis angularis Jesus, nobis hominum homo Christus ».
Pour Roger Caillois, la licorne incite à la méditation en conciliant
lumières et ténèbres, vie et mort, ce qui est en haut et ce qui est en
bas.
Bestiaires et miniatures
La Capture de la licorne
Miniature d’un bestiaire anglais en latin sur vélin,
copié dans les premières années du XIIIe siècle
Les premières licornes européennes apparaissent dans des bestiaires inspirés du Physiologos,
malgré les efforts de certains Papes pour interdire sa diffusion car il
est considéré comme hérétique. Le récit est traduit dans un très grand
nombre de langues, y compris l'arabe, le syriaque, le latin, l'arménien,
le vieux haut allemand, l'islandais, le vieux français, le provençal,
l'éthiopien, l'italien et le vieil anglais. L'influence des textes
gréco-romains, comme celui de Pline l'Ancien, est moindre. La licorne
acquiert un symbolisme chrétien justifiant sa présence dans toutes
sortes d'œuvres religieuses, bien qu'elle soit issue de descriptions
païennes. Elle rejoint le lion et l’éléphant dans les bestiaires :
personne ou presque n’ayant eu l’occasion de voir ces animaux exotiques
en Europe, l’existence réelle du monoceros, quelque part dans
un lointain pays, n'est pas remise en cause. Des centaines, voire des
milliers de miniatures présentent la même mise en scène inspirée du Physiologos :
la bête est séduite par une vierge traitresse, et un chasseur lui
transperce le flanc avec une lance. Liée à la virginité des jeunes
filles, la scène de « capture de la licorne » semble issue de la culture de l’amour courtois, du respect de la femme, des loisirs délicats, de la musique et de la poésie.
Selon
les versions, la jeune femme désireuse d'attirer une licorne doit
parfois être nonne, de naissance noble, pure de cœur, d'une grande
beauté, vierge de tout contact avec un homme, ou encore tenir un miroir.
La licorne est créditée du pouvoir de reconnaître les vierges par
l'odorat, ou grâce à ses propres dons magiques. Si la femme n'est pas
vierge ou si des pensées impures lui occupent l'esprit, la licorne la
tue et s'enfuit. Le théologien Alain de Lille explique en son temps
cette attirance des licornes pour les vierges via la théorie des
humeurs : la licorne, « chaude » de nature, est irrésistiblement attirée
par une jeune fille frigide.
Pierre de Beauvais
Chasse à la licorne d'après la miniature d’un manuscrit artésien du Bestiaire de Pierre de Beauvais, XIIIe siècle.
Pierre de Beauvais cite littéralement le Physiologos. Cet ouvrage compare Jésus-Christ à « une licorne céleste qui descendit dans le sein de la Vierge »,
et fut pris puis crucifié à cause de son incarnation. La corne ornant
le front de la licorne est symbole de Dieu, la cruauté de la licorne
signifie que personne ne peut comprendre la puissance de Dieu, sa petite
taille symbolise l'humilité de Jésus Christ dans son incarnation.
Hildegarde de Bingen
Le Liber Subtilitatum de Divinis Creaturis (Livre de subtilité des créatures divines) de l'abbesse Hildegarde de Bingen, rédigé au XIIe siècle,
est à la fois le plus riche des bestiaires médiévaux et le plus éloigné
de la tradition grecque, puisqu'il s'attache aux propriétés des
animaux. Elle recommande un onguent à base de foie de licorne et de
jaune d’œuf contre la lèpre. Le port d’une ceinture en cuir de licorne
est censé protéger de la peste et de la fièvre, tandis que des
chaussures en cuir de cet animal éloigneraient les maladies des pieds.
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