Notre-Dame de Pitié
(Aigurande)
Il
est, à un quart de lieue d'Aigurande, sur la route d'Argenton, une
autre Vierge qui a aussi sa célébrité : c'est Notre-Dame de Pitié, dans
la chapelle dite de la Bouzanne, à raison de sa situation près de la
fontaine où cette rivière prend sa source.
Tout
le monde sait que la dévotion à Notre-Dame de Pitié, ou, ce qui est la
même chose, aux douleurs de la sainte Vierge, est ancienne comme le
christianisme.
Au
commencement du treizième siècle, elle avait donné naissance à une
confrérie ; de là, par un nouveau développement, des chrétiens s'étaient
sentis inspirés de se dévouer à l'honneur et à l'amour de ce mystère,
dans un ordre religieux, qui prit le nom de servîtes ou serviteurs de
Marie.
En
1423, une fête fut instituée pour honorer les douleurs de la Mère de
Dieu ; et, plus tard, on ajouta à la fête de la Compassion de la sainte
Vierge une seconde solennité en l'honneur du même mystère, le troisième
dimanche de septembre.
C'est
dans ce même esprit que fut fondée, dès les temps anciens, la chapelle
d'Aigurande, et qu'un religieux fut chargé de la desservir.
Chaque
année, le mardi de la Pentecôte, cette chapelle est visitée par deux à
trois mille pèlerins ; on y chante la messe, puis on fait une procession
où l'on porte Notre-Dame de Pitié : on se rend d'abord à la croix de
l'ermitage, près du lieu qu'habitait autrefois le religieux chargé de la
desserte du sanctuaire ; de là on s'avance vers la fontaine où la
rivière de la Bouzanne prend sa source, et l'on s'arrête devant deux
statues de la sainte Vierge placées dans le mur qui entoure la fontaine,
l'une dans une niche pratiquée vers le milieu, et l'autre au-dessus du
mur même ; après quoi, l'on revient à la chapelle.
On
ne saurait dire le nombre des miracles obtenus dans cette chapelle :
les archives de l'église d'Aigurande conservent depuis plus d'un siècle
l'original d'un procès-verbal attestant différentes grâces obtenues par
l'intercession de Notre-Dame de Pitié : tantôt la prière adressée à
Marie fait cesser la pluie dont la continuité portait préjudice aux
biens de la terre ; tantôt elle la fait tomber lorsqu'une extrême
sécheresse met ces biens en péril ; d'autres fois, un enfant de six ans,
perclus des deux jambes, est guéri ; et le procès-verbal qui relate ces
deux classes de faits est signé d'une multitude de témoins.
En
1820 même, un aveugle recouvre instantanément la vue, et de nombreux
témoins oculaires encore vivants sont prêts à l'attester.
La
révolution de 93 pilla ce sanctuaire si vénéré, enleva la cloche,
s'empara des vases sacrés, mit en pièces les ornements sacerdotaux et
les images qui ornaient ce saint lieu.
Elle essaya de briser l'image du Père éternel, et n'y put réussir ; de là vient qu'elle se voit encore au-dessus de l'autel.
Elle
essaya de même de briser la statue de la Vierge ; elle voulait la scier
par le milieu, mais la scie rebelle se refusa à cette profanation.
Alors un des démagogues démolisseurs saisit une hache, frappa à coups redoublés et parvint enfin à séparer la tête du tronc.
Cette
tête, en tombant, roula aux pieds d'une jeune fille qui, à la faveur du
désordre, la ramassa religieusement, la cacha sous ses habits, et
tremblante de joie et de frayeur l'apporta à sa mère.
Celle-ci
la reçut avec respect, la déposa dans un lieu secret, où chaque jour
elle offrait à Marie ses prières, et où des voisins, sur la discrétion
desquels elle pouvait compter, venaient aussi prier avec elle, pour
conjurer Notre-Dame de Pitié de faire lever sur la France des jours plus
sereins.
Enfin,
quand les églises furent rouvertes, on fit faire un corps auquel on
adapta la tête vénérée ; et, au milieu des hymnes et des transports de
la joie, on replaça dans la chapelle la sainte image.
Cette
chapelle est encore bien dégradée et semblable à une ruine ; on espère
que bientôt les habitants d'Aigurande la relèveront et lui rendront la
splendeur de ses anciens jours.
Source : Livre "Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en ..., Volume 2" par André Jean Marie Hamon
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