Notre-Dame des Miracles (Saint Omer)

Notre-Dame des Miracles
(Saint Omer)




Saint-Omer ne le cède point à Aire, et est saintement fière de son pèlerinage de Notre-Dame des Miracles.

Déjà, aux onzième et douzième siècles, les registres de la ville mentionnaient cette chapelle comme d'une haute antiquité ; un livre qui portait la date de l'an 1219 parlait de la fête annuelle de Notre-Dame des Miracles, comme insérée au Bréviaire et Missel de l'église de Saint-Omer ; ce qui suppose évidemment que la chapelle et la dévotion à cette chapelle étaient choses très-anciennes.

En effet, l'évêque de Térouane écrivait en 1285 que cette chapelle avait été bâtie dans des temps passés très-éloignés : Longe retroactis temporibus, manière de parler qui désigne un temps immémorial.

Or, comment calculer ce temps immémorial ? La chronique de Térouane rapporte que saint Omer, étant venu évangéliser la contrée, y trouva une statue de Minerve, objet de l'adoration populaire, qu'il la brisa et éleva en sa place une statue de la sainte Vierge.

Mais après la mort de saint Omer, les miracles qui s'opéraient à son tombeau élevé dans cette même église, ayant fait donner à ce sanctuaire le nom même de l'apôtre du pays, on craignit de porter préjudice au culte de Marie, si on n'élevait une autre chapelle sous son vocable.

Aussitôt on se mit a l'œuvre pour ériger la chapelle de Notre-Dame ; de sorte qu'il est vrai de dire que la dévotion à Marie dans Saint-Omer remonte à la fondation même du christianisme dans la contrée.

On choisit, pour ce nouveau sanctuaire qui allait remplacer la cathédrale, la place même du Marché ; et l'historien qui le raconte en donne deux raisons :
- la première, c'était afin qu'il fût plus à portée de tous, et que la facilité d'y venir prier y attirât un plus grand nombre de visiteurs ;
- la seconde, c'était afin que l'édifice présent à tous les regards entretint la pensée et le souvenir de Marie dans le cœur de la multitude, au milieu même des affaires qui la rassemblent sur la place et l'y préoccupent.

Cette chapelle était construite en bois, comme l'étaient presque toutes les maisons de cette époque à Saint-Omer ; mais ayant été la proie des flammes dans un incendie en 1031, elle fut relevée provisoirement en planches ; et ce provisoire dura jusqu'en 1271.

Alors malgré la rareté de la pierre et du marbre, dans un temps où presque toutes les maisons non-seulement étaient de bois, mais n'avaient qu'un toit de paille ou de roseaux, on fit un bel édifice, partie de marbre gris, partie de pierre blanche, le tout bien poli, artistement travaillé et aussi magnifique que possible.

La haute idée qu'on avait de la Mère de Dieu, jointe à la reconnaissance des bienfaits qu'on en avait reçus, inspira aux habitants de Saint-Omer ce splendide témoignage de leur piété ; et ils furent heureux de penser qu'au moins à l'avenir le sanctuaire de Marie serait à l'abri du feu.

Cette église était divisée en deux parties : une de plain-pied, appelée l'église inférieure, qui servait tant pour les offices ordinaires de la paroisse, que pour les pèlerins, malades ou autres, incapables soit de monter, soit de demeurer, parmi la foule, à l'oratoire de la sainte Vierge ; l'autre supérieure où conduisaient deux escaliers de pierre, qui était le sanctuaire privilégié de Notre-Dame des Miracles, et où se vénérait la statue.

Cette chapelle supérieure, fut choisie, en 1344, pour être le siège de la célèbre confrérie de la Charité de Notre-Dame, et reçut bientôt les plus magnifiques offrandes, en tableaux, tapis, lampes, luminaires divers, et ornements d'église.

Le magistrat de la ville, en son nom et au nom de la cité, lui fit don d'un vaste bassin de fin argent, du poids de cinq marcs, pour porter un grand cierge, destiné à brûler toujours devant la sainte statue ; chose d'autant plus remarquable pour l'époque, qu'alors l'argent était tellement rare, qu'on n'en trouvait plus pour le commerce, lequel ne se faisait que par échanges, mutans pro rebus res alias aliis, dit une épitaphe du temps qui se lisait en l'église de Saint-Bertin.

Telle était la dévotion des malades pour ce sanctuaire, qu'ils s'y faisaient transporter malgré leurs infirmités, et y persévéraient dans la prière non-seulement tout le jour, mais encore les nuits entières, les uns pendant toute la durée de leur neuvaine, les autres jusqu'à ce qu'ils eussent obtenu leur guérison.

Souvent ils ajoutaient à leur prière l'offrande d'une quantité de cire, de blé ou de quelque autre grain, égale au poids de leur corps ; et, pour cela, il y avait, près de la chapelle, une balance destinée a peser les malades.

On assistait à toutes les messes qui se célébraient depuis le matin jusqu'à midi ; on y priait avec une foi vive dans les mérites du saint sacrifice, autant qu'avec une ferme confiance dans l'intercession de Marie ; et, outre ces messes passagères, on en fondait tantôt à perpétuité, tantôt pour un grand nombre d'années.

Les dames y offraient leurs joyaux les plus précieux, leurs bagues, leurs agrafes, leur ceinture, leurs chaînes de montre ou leurs voiles ; d'autres offraient du pain et de la viande pour nourrir les pauvres pèlerins, des matelas, des draps, des couvertures et des lits pour les coucher quand ils étaient malades ou ne pouvaient passer la nuit entière en prières.

Quelquefois la dévotion des peuples à la sainte chapelle semblait se ralentir ; mais, dès qu'il arrivait quelque fléau, comme la peste, la famine, la guerre ou un incendie, elle se ranimait plus vive que jamais.

A toutes les heures du jour, on y voyait une foule de pèlerins en prières ; les habitants eux-mêmes s'y pressaient, les uns voulant saluer la sainte Vierge en passant pour aller à leurs affaires, les autres tenant à y prier plus longuement ; il n'y avait pas jusqu'aux soldats qui n'y vinssent prier, avant d'aller faire leur garde et lorsqu'ils en revenaient ; beaucoup de fidèles même s'y rendaient avant et après chaque repas, le matin aussitôt après leur lever, et le soir avant de prendre leur sommeil.

Cette dévotion à Marie ne se manifestait pas seulement à Notre-Dame des Miracles ; elle se produisait partout.

A l'entrée et au dedans de toutes les églises, au-dessus des portes des maisons particulières, presque à tous les coins de rues, aux carrefours et aux places, on voyait l'image de Marie ; les voisins l'entretenaient et la décoraient, les passants la saluaient et la priaient.

Souvent aussi, le soir, on venait y chanter ses litanies ou des cantiques en son honneur, et cela en hiver comme en été, à travers le vent et la neige comme sous le ciel le plus serein, de sorte que la ville semblait un temple dédié à la sainte Vierge, chaque maison une de ses chapelles et le sanctuaire de Notre-Dame des Miracles comme le maître-autel.

Trois pratiques entretenaient cette tendre dévotion à la Mère de Dieu : la première, c'était la consécration que faisait chacun à son gré et en son particulier, d'un jour par mois, à de pieux exercices envers Marie ; la seconde, c'était le partage qui se faisait, chaque année, entre toutes les paroisses de la ville, des diverses fêtes de la sainte Vierge pour les solenniser le plus magnifiquement possible ; les autres paroisses se rendaient à celle qui était chargée de la solennité, et tous s'enflammaient ainsi mutuellement au culte de la Mère de Dieu. La troisième, c'étaient les exercices des diverses confréries de Notre-Dame établies dans la ville, et qui tendaient toutes à un même but, l'amour de la sainte Vierge.

Mais une chose excitait bien plus puissamment encore les âmes à cet amour, c'était le spectacle des nombreux prodiges qui s'opéraient à Notre-Dame des Miracles.

Le P. Couvreur, historien de ce sanctuaire, les partage en quatre classes :
- La première, qui comprend les miracles les plus anciens, consignés dans les registres de la chapelle, nous présente des paralytiques et des impotents qui marchent, des aveugles qui voient, des muets qui parlent, des noyés qui recouvrent la vie, des bossus redressés.
- La deuxième, qui comprend les miracles opérés de 1340 à 1400, miracles certifiés par des attestations irréfragables, nous présente les mêmes phénomènes ; et on y voit de plus des hommes sauvés les uns du milieu des flammes d'un incendie ; les autres du naufrage et de la submersion ; d'autres guéris de la frénésie, du mal caduc et de la fièvre ;
- la troisième comprend quarante miracles qui ont eu lieu de 1400 à 1500 ;
- la quatrième, les miracles opérés depuis 1600, que couronne admirablement le prodige répété de la ville de Saint-Omer plusieurs fois assiégée par des armées puissantes, et autant de fois délivrée par la protection plus puissante encore de la sainte Vierge.

Aussi la dévotion a Notre-Dame des Miracles est vivante dans les cœurs, encore aujourd'hui, comme aux siècles de foi.

Depuis le 14 jusqu'au 22 juillet dernier, la ville de Saint-Omer en a offert la preuve la plus magnifique : pendant ces huit jours, elle a vu ses rues traversées par des députations nombreuses de soixante-dix paroisses venues de six à sept lieues à la ronde, marchant dans le plus bel ordre, dans l'attitude la plus recueillie, avec bannières et oriflammes déployées, le chapelet à la main, semant leur voie de prières et de sueurs, chantant des litanies ou des cantiques, et, dès leur entrée dans le sanctuaire de Marie, s'agenouillant religieusement, déposant aux pieds de la statue séculaire leurs prières et leurs vœux avec des cierges et des fleurs, participant ensuite à la table sainte pour confondre dans leur cœur l'amour du Fils et l'amour de la Mère.

Au spectacle de ces grandes manifestations de foi, que l'homme du monde croyait d'une autre époque avant d'en avoir été le témoin, Saint-Omer a pu se dire : Oui, les croyances catholiques sont toujours vives, profondes, universelles ; oui, Notre-Dame des Miracles, qui a été autrefois notre salut, le sera toujours ; et son pèlerinage va reconquérir la célébrité que lui avaient acquise nos aïeux.

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