Senlis
Abbaye Notre-Dame de la Victoire
L'ancienne
abbaye de la Victoire ou abbaye Notre-Dame-de-la-Victoire-lès-Senlis
est située sur le territoire de la commune de Senlis, à 2,5 km au
sud-est du centre-ville.
L'abbaye
est accessible à la fois par la D 330 en direction de
Nanteuil-le-Haudouin et par un chemin rural depuis le hameau de
Villemétrie, qui se trouve entre Senlis et l'abbaye.
Historique
Fondation
L'abbaye
fut fondée par lettres-patentes de Philippe-Auguste datées du 8 mai
1222 pour célébrer sa victoire contre Othon IV à Bouvines, ainsi que
celle que son fils Louis VIII remporta contre les Anglais en Anjou (et
pour la suite, aussi celle de son fils contre Jean sans Terre à La Roche
aux Moines en 1214).
Guérin,
garde des sceaux et évêque de Senlis, ayant lui-même assisté à la
bataille de Bouvines, céda au roi le terrain dépendant de son château de
Mont-l'Évêque, où s'étaient rencontrés les deux coursiers que le roi et
son fils avaient envoyés pour se donner réciproquement des nouvelles
des batailles. Le roi le chargea également de la surveillance les
travaux.
Le
projet de fondation de l'abbaye s'étant déjà concrétisé plusieurs
années avant la fondation officielle, la première pierre fut posée
solennellement dès le jour de Cendres de l'an 1221 par l'évêque Guérin.
L'architecte fut un religieux nommé Menend, et les pierres provenaient des carrières de Borest.
Le pape Honorius III accorda à l'abbaye sa protection spirituelle par sa bulle du 28 octobre 1223.
Guérin fit venir douze moines de l'abbaye Saint-Victor de Paris, de l'ordre des Augustins.
Ils s'installèrent le jour des Cendres de 1224.
La
charge d'abbé fut proposé à Menend, ancien pénitent de Notre-Dame de
Paris qui les avait conduit à la Victoire, mais ne la voulant pas
accepter, il se fit nommer prévôt. Son mérite est surtout l'instauration
d'une bibliothèque bien fournie.
Le premier abbé fut Jean-Baptiste, chanoine de Saint-Victor d'origine allemand.
Il demeura abbé pendant vingt-deux ans.
En
1225, Louis VIII, roi depuis trois ans, édicta les règlements de
l'abbaye pour que la règle de l'abbaye de St-Victor, jugée comme
exemplaire, fût toujours observées à la Victoire.
L'année même, en date du 26 octobre 1225, l'église fut consacrée par Guérin.
L'abbaye profita à ses débuts de généreuses donations, comme celle de
Louis VIII, qui légua par son testament en date de juin 1225,
1 000 livres, ou encore de Guérin, qui à sa mort survenue en 122710,
laissa tous ses livres, sa chapelle, et 100 livres d'argent8.
La prise d'indépendance de l'abbaye
En
1287, l'abbaye de la Victoire contesta l'autorité que l'abbaye
Saint-Victor exerce sur elle, selon la volonté du roi Louis VIII et du
chancelier Guérin.
L'abbaye Saint-Victor prétendit alors détenir le droit de haute,
moyenne et basse justice sur les terres de Rully où l'abbaye de la
Victoire prenait une rente en nature grâce à une fondation.
Un arbitrage eut lieu, avec une sentence donnant raison aux deux partis.
L'abbaye
de la Victoire obtient alors son indépendance, et les lettres patentes
de Louis VIII et du chancelier Guérin sont annulées.
La guerre de Cent Ans et les faveurs de Louis XI
La ruine de l'église abbatiale depuis le nord
Au XVe siècle, la guerre de Cent Ans touche la région.
Dès 1419, les chanoines durent quitter l'abbaye pour se réfugier contre les Anglais, à Senlis, pendant plusieurs années.
À
la mort de leur abbé, Jean VI Gaulus, en 1422, ils s'installent au
prieuré Saint-Maurice, dont les religieux sont comme eux des chanoines
réguliers de saint Augustin.
Jean
Gaulus avait bien obtenu une lettre de protection du roi Charles VI,
confirmée le 27 octobre 1427 par Charles VII sous insistance du nouvel
abbé Jean Salé, mais ces chartes restaient lettre morte face à
l'impuissance du pouvoir royal.
Par
une charte datée du 10 février 1475 et sur demande de Louis XI,
l'évêque de Limoges Jean de Barthon conféra à l'abbaye de la Victoire le
titre d'« église patriarcale et de chef de tout l'ordre de
St-Augustin », ce qui ne fut évidemment pas pour plaire à l'abbaye
Saint-Victor.
À
l'abbaye de la Victoire, Louis XI prépara un traité de paix avec le roi
Édouard IV d'Angleterre, connu comme « la paix heureuse ».
Le 9 octobre 1475, le traité de paix de Senlis avec François II, duc de
Bretagne, fut également signé à l'abbaye de la Victoire.
Grâce à la générosité de plusieurs donateurs16 et aux libéralités de Louis XI, l'abbaye put rapidement rétablir sa prospérité.
Le roi réserve également des fonds pour la construction d'une nouvelle église abbatiale, en 1478.
Toutefois, les travaux ne furent terminés que cinquante ans plus tard, en 1529.
C'est de cette église que subsistent les vestiges visibles dans le parc.
Louis XI séjourna plusieurs fois à l'abbaye de la Victoire et s'y fit même construire un château à vingt toises de l'église.
Il se composait de deux corps de logis disposés en équerre. Jamais
terminé ni habité, il tomba en ruines et fut démoli en 1555 avec la
permission du roi.
Désordres et conflits d'intérêts de la fin du Moyen Âge
Détail de la photo précédente, statues du XVe siècle dans une fenêtre de l'ancienne église
Louis
XI installa par la suite comme dix-septième abbé son conseiller et
aumônier Jean Neveu, qui eut au début de son office des lourds
différends avec l'évêque de Chartres, Miles d'Illiers.
Jean Neveu s'en plaignit auprès du pape Sixte IV, qui commit un abbé de Plaimpied, Jean le Groin, comme examinateur.
Dans
un premier temps, l'évêque de Chartres paya cette affaire par une
excommunication, mais faisant appel au parlement de Paris, Jean le Groin
fut appelé à absoudre l'évêque, et Jean Neveu à se repentir, sous la
menace de la confiscation de leurs biens et abbayes par le roi.
En 1485, Jean Neveu était toujours abbé.
Il
convint alors avec l'évêque de Senlis, Simon Bonnet, de réunir l'abbaye
à l'évêché en cas du décès de l'un d'eux et obtint même une bulle du
pape consentant à cette union. Cependant, le procureur de Senlis et
l'abbaye St-Victor de Paris s'y opposèrent et obtinrent un arrêté en
leur faveur.
Ceci
n'empêche pas Jean Neveu de se faire élire évêque de Senlis par le
chapitre de Notre-Dame le 26 mai 1496, lendemain du décès de Simon
Bonnet.
L'élection
de Jean Neveu souleva des controverses car la réunion de l'abbaye à
l'évêché ne faisait pas l'unanimité, pour partie en raison des intérêts
particuliers de certains chanoines de Notre-Dame.
Ils
voulaient conserver leur pouvoir et leur propre juridiction : vivant
ouvertement avec des concubines et ayant refusé de céder aux menaces de
l'ancien évêque, ils risquaient autrement l'excommunication.
Mais quoi qu'il en fût, Jean Neveu était déjà âgé et mourut début mars 1498.
Peu de temps après, Nicolas de Sains, frère du bailli, faisait croire aux habitants qu'il avait déjà été élu évêque et abbé.
Ce ne fut pas le cas, mais il était le candidat favori du roi et entra en ville accompagné par des hommes armés.
Le chapitre jugea qu'avec cette façon de s'imposer, l'élection était nulle, et procéda à une élection dans les règles.
Nicolas de Sains obtint toutefois la majorité des suffrages avec onze voix.
Or,
ce fut son concurrent Charles de Blanchefort qui prit le pouvoir à
l'évêché, fort du soutien de l'archevêque de Reims, Guillaume Briçonnet.
N'obtenant
ses bulles qu'avec difficultés, en octobre 1502, le siège d'abbé de la
Victoire fut considéré comme vacant par les religieux.
Ils élurent donc un successeur à Jean Neveu parmi leurs rangs, Étienne Parigot.
Nonobstant,
Nicolas de Sains prétendit être évêque et abbé de la Victoire en raison
de la réunion des deux fonctions (il ne sera finalement ni l'un, ni
l'autre, devenant évêque seulement après la mort de Blanchefort, en
1515).
Le roi ne reconnut pas Étienne Parigot et nomma l'abbé de Sainte-Gèneviève de Paris comme nouvel abbé.
Ce dernier, Philippe Cousin, eut recours à la violence pour s'emparer de l'abbaye.
Or, cette façon de prendre le pouvoir suscita de nouvelles protestations et un procès de justice.
La
cour ordonna en date du 4 septembre 1499 que deux religieux de
St-Victor de Paris assument la gestion de l'abbaye de la Victoire par
intérim.
Entre
temps, de Sains et Parigot entrèrent en procès et se calomnièrent
mutuellement, exagérant les abus et manquements aux règles dont ils
étaient tous les deux coupables.
Étienne
Parigot en sort vainqueur vers 1503, le jugement annulant en même temps
ipso facto la réunion de l'abbaye à l'évêché par la reconnaissance
officielle d'un abbé qui ne fut pas l'évêque de Senlis.
Parigot rétablit la paix à l'abbaye et augmenta ses biens. Son décès est situé en 1514.
La mise en place successive du régime de la commende
La
maison des moines de la deuxième moitié du XVIe siècle, rénovée en
2009 ; vue depuis le portail de la cour d'exploitation à l’ouest
Le portail ouest de la cour de la ferme de l'abbé, du XVIIe siècle
Vieux puits au nord du logis du XVIIIe siècle
Depuis
1497, l'abbaye de la Victoire avait rejoint la congrégation de
Château-Landon, en même temps avec l'abbaye Saint-Victor de Paris, le
prieuré Saint-Maurice et plusieurs autres monastères.
Saint-Victor
avait été choisi comme lieu des réunions générales, ce qui revenait,
dans les faits, à une reconstitution de son ancien rôle qu'elle avait
tenu avant la guerre de Cent Ans.
La congrégation de Château-Landon durera jusqu'en 1624, année de la suppression de cette abbaye.
Les
successeurs d’Étienne Parigot furent Jean Bordier, qui réforma l'abbaye
en 1514, et ensuite Nicolas Le Fèvre, dont l'année d'élection n'est pas
précisément connue.
Le roi François Ier avait cependant nommé parallèlement un abbé commendataire, Charles de Minerai.
Un jour, ce dernier se présenta à la Victoire pour réclamer la clé de la coffre où étaient enfermés les titres de l'abbaye.
Les
moines le lui refusant, il fit venir un serrurier de Senlis pour faire
ouvrir le coffre de force, puis prit avec lui plusieurs titres.
Ce comportement incita les religieux à se plaindre devant le roi.
Il paraît que la Victoire avait désormais deux abbés, même après la
mort de Nicolas Le Fèvre vers 1519, car un Arnould de Ligny signa en
1542 un acte en tant qu'« abbé antique et perpétuel administrateur ».
Il
décéda en 1548. En même temps, il est certain que Charles de Minerai
demeura abbé commendataire jusqu'en 1552, année de sa démission.
En 1550, l'abbé nomma encore un vicaire général pour gouverner l'abbaye à sa place.
Après
Arnould de Ligny, tous les abbés de la Victoire étaient des abbés
commendataires, dont le successeur de Charles de Minerai, Nicolas de
Courtagnon, qui fut instauré en 1552.
Pour
jouir tranquillement de sa mense, il fit le nécessaire pour la
séparation de la mense entre lui et les religieux, l'année même, et
obtint toutes les autorisations nécessaires à cet effet.
L'inventaire
des revenus alors dressé renseigne sur les communes où l'abbaye
touchait des revenus en nature : Asnières-sur-Oise, Barbery,
Blaincourt-lès-Précy, Borest, Brenouille, Choisy-la-Victoire (qui tient
son surnom de l'abbaye), Chevrières, Crépy-en-Valois, Gonesse, Gouvieux,
Liancourt, Mont-l'Évêque, Oissery, Précy-sur-Oise, Rieux, Rully,
Sacy-le-Grand ou le Petit, Saintines, Saint-Martin-Longueau, et Senlis
(hameau de Villemétrie).
Les
revenus en nature de l'abbaye furent en partie attribués à la part des
religieux, tandis que la ferme de l'abbaye fut attribuée exclusivement à
l'abbé.
À
la même occasion, une nouvelle règle fut mise en place, et il fut
arrêté que le nombre des religieux devait être de quinze, y compris le
prieur, à qui le statut de vicaire devait être confié irrévocablement.
Depuis la fondation de l'abbaye, le nombre de moines était donc passé de douze à quinze.
Les deux derniers siècles de l'abbaye
En
1557, des religieux de Saint-Victor effectuèrent une visite
d'inspection à la Victoire, constatant des grands désordres dans le mode
de vie de trois chanoines.
Ces visites se répétèrent en 1559, 1561 et 1563, quand la situation s'est encore empirée.
La
congrégation voulut les obliger de s'installer dans d'autres abbayes,
mais les coupables faisant appel devant l'évêque de Senlis, ce dernier
annula la sentence : jaloux de la défense de sa juridiction, il se
réservait à lui seul le droit de correction.
La
congrégation reconnut le droit de visite de l'évêque, mais obtint
finalement gain de cause à l'issue d'une longue procédure judiciaire.
Cet épisode de l'histoire démontre également que l'abbaye Saint-Victor
avait réinvesti son rôle d'abbaye-mère dans ce qui fut alors
officiellement la congrégation de Château-Landon.
Pendant
les années 1560, l'abbaye de la Victoire fut mise à lourde contribution
par le roi pour participer au financement de la guerre.
Le 13 mai 1571, se tint à la Victoire le chapitre général de la
congrégation de Saint-Victor (comme elle est de nouveau appelée), ce qui
n'arriva pas fréquemment. La congrégation comportait huit monastères au
total.
Le
compte-rendu du chapitre fait apparaître qu'il y avait des
« participants à l'ordre », hommes, femmes et parfois même leurs
enfants, ainsi que des convers profès, c'est-à-dire des frères non
ordonnés prêtres qui avaient prêté serment, ce qui, au Moyen Âge,
n'avait pas été autorisé.
En
1623, le père Faure de l'abbaye de Saint-Vincent de Senlis avait été
commis par le cardinal François de La Rochefoucauld (1558-1645) pour
aviser des moyens de réformer les ordres des Augustins, des Bénédictins
(avec l'abbaye de Cluny) et des Cisterciens (avec l'abbaye de Citeaux).
À
ce titre, il prétendait avoir droit de visite à l'abbaye de la
Victoire, et il comptait également réunir cette abbaye avec l'abbaye
Saint-Vincent.
Les moines s'y opposèrent et ne le reçurent pas.
Il
fut alors défendu à l'abbaye de la Victoire d'admettre des novices sous
la menace d'excommunication, mais les religieux ne fléchirent pas.
La régularité de l'abbaye souffrait de ces contestations, mais elle obtint finalement gain de cause.
Ce
ne fut que sous l'épiscopat de Denys Sanguin (évêque de Senlis de
1653-1702), que les réformes furent finalement mises en œuvra au début
du XVIIIe siècle, quatre-vingts ans après.
Au début du XVIIe siècle, l'abbaye se fit contester le droit de haute, moyenne et basse justice.
Pendant le dernier tiers du XVIIe siècle, les religieux de la Victoire vivaient péniblement.
Ils
avaient gardé les droits sur de nombreuses rentes, mais dans la
pratique, il fut difficile de faire rentrer ces revenus sans avoir
recours à la justice.
L'abbaye était obligé de faire des emprunts pour faire face aux
dépenses quotidiennes, et pour les rembourser, elle avait constitué des
rentes au bénéfice de ses créanciers.
Plusieurs
religieux avaient trouvé des ressources en dehors de l'abbaye, ou
accepté des charges de curé, voire de prieur, ce qui pouvait donner lieu
à des procès en justice.
Au siècle suivant, la situation s'améliora, mais l'abbaye ne recouvra pas son ancienne prospérité.
Du
reste, peu d'événements marquants n'ont ponctué l'histoire de l'abbaye
de la Victoire au XVIIIe siècle, dont un exile en 1727 qui a dispersé un
certain nombre de moines.
La fin de l'abbaye de la Victoire
Logis
abbatial du XVIIIe siècle, profondément remanié vers 1825, et ruines de
l'église de 1472 ; au premier plan, le grand étang du parc à l'anglaise
du XIXe siècle
À
partir de 1768, l'abbaye peinait à survivre, pénalisé par un édit royal
interdisant le recrutement de nouveaux sujets à des monastères qui ne
comptaient pas seize religieux au minimum.
À la suite d'un ordre royal de 1767, l'élection d'un nouveau prieur ne fut plus possible.
En outre, de graves dissensions avec le clergé diocésain pesaient sur la Victoire au début des années 1780.
La
plupart des chanoines étaient vieux. Cinq parmi eux résidaient encore
au monastère ; deux avaient des postes de curé-prieur ailleurs (mais
décédèrent en 1783 et 1784 respectivement) ; et deux s'étaient retirés
loin de la Victoire.
L'abbaye ne remplissait plus sa mission.
Armand de Roquelaure préconisa donc la suppression de l'abbaye et sollicita dans ce sens le roi et l'archevêque de Reims.
Les
biens de l'abbaye devaient être réunis à ceux de l'évêché, toujours
jugés trop faibles, surtout pour les exigences d'un grand seigneur tel
que Mgr de Roquelaure.
Dès
le 24 janvier 1783, le roi autorisa cette réunion des biens, et par
décret du 27 octobre de la même année, il supprima l'abbaye, les lettres
patentes suivant en mars 1787.
Les chanoines sont dotés d'une rente viagère.
À la fin de l'abbaye, les bâtiments étaient mauvais état, sauf l'église, qui avait encore fière allure.
L'inventaire
fut en grande partie vendu ; il est intéressant de constater que la
bibliothèque ne comptait que huit cents livres.
Des
lettres-patentes de mai 1784 autorisèrent la démolition de la totalité
de l'abbaye et Roquelaure fit aussitôt détruire quelques bâtiments de
ferme.
Il devint encore archevêque de Malines en 1802 et ne décéda que le 23 avril 1818, à l'âge de 97 ans. - Un M. Ratteau habitait ensuite l'abbaye.
Il devint encore archevêque de Malines en 1802 et ne décéda que le 23 avril 1818, à l'âge de 97 ans. - Un M. Ratteau habitait ensuite l'abbaye.
À la suite de la Révolution, la vente comme bien national en quatorze lots commença le 23 avril 1791.
La majorité des lots furent adjugés à Jean-François-Nicolas Pillon, ancien lieutenant civil de l'élection de Montdidier.
Mais dès le 12 mai 1796, il revend la plupart de ses lots à MM. Demarquets et Gavrel, qui commencent à démolir l'église.
Des
« cahiers de doléances protestèrent contre cette sorte de violation de
notre vieille gloire, et le comité chargé de les rédiger exprimait le
vœu que la Victoire fût réédifiée».
Vers
1880, l'abbé Müller écrit encore : « Le Senlis archéologique et
religieux continue de s'intéresser au souvenir glorieux de Bouvines, et
notre Société s'est mise en relation avec le maire de Bouvines, pour
relever du moins en cet endroit fameux l'église de Saint-Pierre où
Philippe-Auguste a demandé à Dieu la victoire ».
La nouvelle vie de l'abbaye comme résidence de campagne
L'une des îles sur le grand étang du parc, au sud de l'abbaye
L'allée depuis la RD 330 vers l'abbaye de la Victoire, plantée pour la première fois vers 1840
Les
travaux de démolition furent rapidement interrompus, car l'argent
faisant défaut, les nouveaux propriétaires durent revendre dès le 21
septembre de la même année, 1796.
Cette vente fut annulée rétroactivement, l'acquéreur, M. Duvivier, n'ayant pas versé une somme suffisante.
L'acquéreur définitif devint Alexandre Legrand de la Grange, l'inspecteur des forêts de l'arrondissement de Senlis, en 1803.
Les ruines de l'abbatiale étaient encore imposantes à cette date.
Mais
Legrand poursuivit les démolitions, et fit également abattre les deux
ailes reliant le palais abbatial à l'église, ne conservant que le
bâtiment central.
Ce dernier est rénové, doté d'un entresol et l'intérieur décoré luxueusement.
Quand Legrand revendit le palais à Jean-Baptiste Aubert le 22 août 1812, il ressemblait déjà à un château.
La
région de Senlis avec ses forêts et ses belles prairies avait attiré
quelques hauts dignitaires et membres de la famille Bonaparte sous
l'Empire et continua d'intéresser des bourgeois fortunés à la recherche
d'une résidence de campagne facilement accessible depuis Paris.
Ainsi, le haut fonctionnaire Henri-Constant Mazeau loue pour lui et sa famille le château de la Victoire pour l'été 1819.
Jean-Baptiste
Aubert saisit l'occasion pour vendre le château à Mazeau et son épouse,
l'acte notarié étant signé le 22 octobre de la même année.
Ce fut la dernière fois que la Victoire changea de mains, car elle reste la propriété des descendants de Mazeau.
Ce
dernier acheta également les ruines de l'église, qui sont alors
réduites à leur état actuel, ainsi que la ferme abbatiale avec la maison
des moines, des bois et des terrains, dans le but de reconstituer
l'ancien domaine de l'abbaye.
Henry Mazeau, élevé au rang de baron en 1824, mourut à Paris le 26 janvier 1829.
Sa
veuve se remaria avec Sébastien Élias de Navry (1785-1867), qui avait
été un ami du baron Mazeau et prononça son éloge funèbre.
M.
de Navry poursuivit l'œuvre de ce dernier à la Victoire, faisant
restaurer et réaménager le château entre 1839 et 1846, avec un
agrandissement côté parc.
C'est
à ce moment que le bâtiment reçut sa façade actuelle. Quant au jardin
anglais, il a été dessiné en 1835, suivant les autres exemples dans la
région, dont notamment Ermenonville, Mortefontaine et Raray.
L'on ignore quel paysagiste est l'auteur de ce parc.
Sous
la Restauration, la plupart des châtelains des environs se fréquentent
et se donnent rendez-vous au château de la Victoire : les La Bédoyère de
Raray, les Murat de Chaalis (puis Nélie Jacquemart-André), les
Junquières de Valgenceuse et Versigny, les Pontalba de Mont-l'Évêque,
les Girardin d'Ermenonville, et plus tard les Gramont du château de
Vallière.
En 1829, Marie-Thérèse de France (1778-1851) vient en visite.
La
baronne de Navry survécut à ses trois enfants et à son deuxième époux ;
lui restaient, en 1871, ses deux petits-enfants, Albert et Berthe
(1844-1906).
Ils
furent élevés par leur père Henri-Alphonse Buret de Sainte-Anne et sa
seconde épouse, Adeline, veuve du baron de Saint-Cricq.
Au grand plaisir de sa grand-mère, Berthe finit par épouser Paul Boula, comte de Coulombiers (1835-1910), le 6 novembre 1872.
Quelques
mois après, le 9 mars 1873, elle perdit sa grand-mère et hérita du
domaine de la Victoire. Berthe Boula de Coulombiers laissa dans la
région le souvenir d'une grande générosité.
En
1910, le domaine passa à son fils Henri Boula, comte de Coulombiers
(1873-1961), et sa femme, Marie d'Astier de la Vigerie (1879-1957).
Ils eurent un fils, Robert, mort en 1940, et une fille, Jacqueline, qui épousa le baron Henri de Pontalba.
Ainsi,
les domaines de la Victoire et de Mont-l'Évêque furent réunis pour la
première fois depuis la fin de l'Ancien Régime quand ils avaient
appartenu à l'évêque de Senlis.
Jacqueline de Pontalba décéda tragiquement dans un accident de la route, le 26 juillet 1996.
Abbés de la Victoire
Abbés réguliers:
- Jean Baptiste (1224 - † juin 1246), chanoine de Saint-Victor de Paris
- Adam, religieux de Saint-Victor (1246 - † octobre 1250)
- Henri Ier, religieux de Saint-Victor, abbé pendant 15 jours en 1250
- Remond ou Raymond, (1250 - † 1266)
- Jacques (1266 - † 1277)
- Joubert ou Isembert (1277 - † 14 septembre 1309)
- Henri II, désigné par Joubert à sa mort, décède peu de temps après
- Jacques Ier, abbé pendant trois ans († 8 octobre 1313)
- Renaud ou Réginald Ier de Hermencourt (1313 - † 1328 ou 1329)
- Réginald II (1328 ou 1329 - † 29 janvier 1338)
- Jacques de Rully († vers 1359/60)
- Jean Ier
- Jean II
- Raoul Cagnet (-1411)
- Jean Cagnet (-27 septembre 1412)
- Jean VI Gaulus († 1422)
- Jean Sallé (25 mars 1432 - † 5 juin 1458), abbé pendant 30 ans
- Gérard Marescor, religieux de Saint-Victor, prieur de Bray
- Simon Bonnet, évêque de Senlis
- Jean Neveu († mars 1498), conseiller et aumônier du roi Louis XI
- Philippe Cousin, abbé de Sainte-Geneviève de Paris, nommé par le roi comme abbé intérimaire
- Étienne Parigot (1499 - † 1514), élu par les moines
- Jean Bordier, chargé de la réforme de l'abbaye en 1514
- Nicolas Le Fèvre ou Le Ferré
- Arnould Ruzé ou de Ligny, (1520 - † 20 avril 1548), conseiller au Parlement de Paris, commissaire aux requêtes du palais
Abbés commendataires :
- Charles de Minerai (vers 1515 - 1552), pour partie en même temps avec Nicolas Le Ferré puis Arnould de Ligny, abandonna la cléricature à sa démission
- Nicolas ou Nicolle de Courtagnon, (1552 - † 2 mars 1559)
- Jean de Brouilly (1560 -
[...]
- Charles du Val de Coupeauville (1639 - † 8 décembre 1676), aumônier ordinaire du roi, prieur de Bourg-Achard
- Louis-Henri de Bourbon-Condé (1676 - † 24 février 1677), 4e fils de Henri Jules de Bourbon-Condé, nommé abbé à l'âge de trois ans (novembre 1676 - † 24 février 1677)
- Bernard Lenet, conseiller et aumônier du roi (1677 - † 1692)
- Claude-Maur d'Aubigné ( - † avril 1719), évêque de Noyon à partir de 1701, muté à Rouen
- Jean-Baptiste du Moustier (8 janvier 1721 - † février 1734)
- François-Firmin Trudaine (mars 1735 - † 1754), évêque de Senlis
- François de Beaumont d'Autichamp, abbé de l'Abbaye Notre-Dame d'Oigny, évêque de Tulle,
- Armand de Roquelaure (1762 - fin), évêque de Senlis
Le domaine de la Victoire aujourd'hui
L'orangerie et les communs de l'abbaye ;
au fond à gauche, la ferme de l'abbé
Le grand étang, alimenté par la Nonette
Parc à l'anglaise du XIXe siècle, au sud du château
La ferme de l'abbé et la maison des moines, depuis l'ouest
On
arrive à l'abbaye de la Victoire le plus souvent depuis le nord, par
l'allée de châtaigniers reliant le domaine à la D 330 Senlis -
Nanteuil-le-Haudouin.
L'ensemble du vaste domaine est entouré par un haut mur et le portail principal est habituellement fermé.
Bien
que s'agissant d'une propriété privée, le domaine pouvait se visiter
librement tous les jours entre 10:00 et 17:00 en 201045, mais en 2011,
il est de nouveau fermé au public.
Aujourd'hui, les différents bâtiments de l'ancienne abbaye sont transformés en logements pour plusieurs familles.
Il n'y a plus d'exploitation agricole liée au domaine.
Les restes de l'abbaye proprement dite sont inscrits Monuments historiques par arrêté du 14 mai 1927.
Un deuxième arrêté du 28 juin 1989 concerne les vestiges de l'église et
son sol archéologique ; les façades et les toitures du corps principal
nord de la ferme ainsi que les décors peints ; l'ensemble du bâtiment
sud avec son cellier médiéval ; et le pavillon de l'Anguillière.
Château, glacière et puits
Directement
en face de l'entrée, l'on apercevra l'ancien palais abbatial du
XVIIIe siècle, qui est connu comme château de la Victoire depuis la
sécularisation l'abbaye.
Les
transformations subies vers 1845 lui ont fait perdre de son intérêt
archéologique et artistique, mais il était par contre devenu une maison
de campagne agréable.
Devant ce château, à gauche, se situe la glacière, couverte par une motte de terre et avec son entrée orientée vers le nord.
Caché
par des arbres, un petit bâtiment circulaire avec un toit conique,
également en pierre, abrite un puits ; c'est une construction
caractéristique des villages des environs de Senlis.
L'Abbatiale
La
vue est tout de suite captée par la ruine romantique de l'église
abbatiale construite entre 1472 et 1519, dont seul un morceau de
bas-côté subsiste, surmonté à l'ouest par l'une des tourelles du
clocher.
Elle abrite encore l'escalier en colimaçon qui permettait son ascension.
L'on
ignore à quoi ressemblait exactement l'église ; selon Geneviève Mazel
(2001), sa seule représentation connue est un petit dessin stylisé sur
un plan ancien du domaine de l'abbaye. -
Contournant
le vestige, l'attention sera attirée par un groupe de cinq statues du
XVe siècle et un fragment de tombeau, montés postérieurement à la
destruction de l'église à l'emplacement d'un vitrail gothique.
Deux statues représentent saint Jean et saint Nicolas ; les trois autres ont subi des mutilations et perdu leurs têtes.
Le Parc et l'Anguillière
Au
sud de l'abbaye, s'étend le vaste parc à l'anglaise, aménagé à partir
de la fin des années 1830 par un paysagiste irlandais, et dont
l'architecture paysagère d'origine ne subsiste plus que dans les grands
traits.
La grande allée de marronniers reliant l'abbaye à la RD 330 date aussi de cette époque.
Reste un paysage d'une grande harmonie toujours digne d'intérêt.
Un étang de plus de 400 m de long occupe le centre du parc, entouré de prés servant actuellement de pâturage aux chevaux.
Entre
le château et l'étang, arrive de l'est un affluent de la Nonette,
enjambé par deux ponts en pierres brutes, dans le goût de l'époque.
Un sentier part en face du château et longe toute la rive ouest de l'étang, accompagné par la Nonette de l'autre côté.
La petite rivière arrive par son lit détourné depuis le sud.
Près
de l'extrémité sud de l'étang, se situe le pavillon de l'Anguillière,
l'un des rares bâtiments de ce type encore existants et qui est supposé
dater du XIIIe siècle.
Restauré
pendant les années 1840, il se présente comme une petite maison à deux
étages quasiment carré, sur une cave à moitié enterrée, avec un toit à
quatre versants.
Un petit escalier conduit à la porte d'entrée sous plein cintre, au milieu de la façade principale.
L'étage est percée de deux baies gemellées au-dessus de la porte, étroite et également de plein cintre.
La porte basse de la cave se trouve à gauche de l'escalier extérieur.
La maison des moines, la ferme de l'abbé et les communs
La
« maison des moines », les bâtiments de la ferme de l'abbé et les
communs de l'abbaye avec notamment l'orangerie ne manquent pas d'intérêt
architectural.
On
trouve cet ensemble à l'ouest du château, l'orangerie étant orientée
sur les étangs avec sa façade principale, et le portail de la cour de la
ferme vers Villemétrie.
Curieusement, la maison des moines fait directement face à la ferme de l'abbé commendataire.
Son
style dépouillé avec des simples ornements en briques est
caractéristique du XVIe siècle tardif et de la première moitié du
XVIIe siècle.
Il rappelle, par exemple, le château de Grosbois ou le château de Breteuil en Île-de-France.
Le logis et ses annexes, y inclus la réserve de bois de chauffage au
nord de la cour, ont été rénovés avec beaucoup de soin en 2009,
retrouvant ainsi à peu près leur aspect d'origine.
L'ancienne
cour d'exploitation de la ferme est desservie par un portail donnant
sur l'ouest ; un chemin arrivé ici depuis le hameau de Villemétrie, et
le domaine possède un deuxième accès (non accessible au public) sur ce
chemin.
Depuis le portail, tous les bâtiments autour de la cour sont visibles, dont notamment la maison des moines en face.
L'histoire
de la construction de ces bâtiments et ses circonstances ne sont que
très partiellement connues ; l'on sait que les origines de la maison des
moines remontent à 1552, quand les premières pierres de sa cave voûtée
furent posées, et que le portail de la cour date du XVIIe siècle.
Peu après, le château inachevé de Louis XI avait été démoli pour récupération des pierres.
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