Filioque
Le Saint-Esprit procédant du Père et du Fils
La querelle du Filioque (prononciation : /fi.ljɔ.kwe/) est un débat théologique qui, à partir du VIIIe siècle, a lieu entre l'Église romaine et l'Église grecque, à propos du dogme de la Trinité.
Cette querelle est un des facteurs qui conduisent au Grand Schisme d'Orient de 1054, séparant l'Église catholique de l'Église orthodoxe.
Le débat porte sur le rapport entre le Saint-Esprit, d'une part, le Père et le Fils, d'autre part, autour de la question : « De qui procède le Saint-Esprit ? », ou, en langage théologique, sur le problème de la « procession du Saint-Esprit », point de doctrine qui a eu des effets sur la version en latin du symbole de Nicée-Constantinople.
Historique
Icône dite de la Trinité d'Andrei Roublev
Le symbole de Nicée-Constantinople
Le
Symbole de Nicée-Constantinople élaboré au premier concile de Nicée
(325) et complété par le premier concile de Constantinople (381)
proclame en langue grecque :
« Nous
croyons en l'Esprit-Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie, qui
procède du Père, qui a parlé par les Prophètes, qui avec le Père et le
Fils est adoré et glorifié »
La formulation évoque celle de l'évangile de Jean (XV,26) :
« Lorsque
viendra le Paraclet que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de
vérité qui procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi. »
L'introduction du Filioque en Occident
La première modification du symbole en latin, du Credo a lieu dans l'Église espagnole après le IIIe concile de Tolède de 589.
Ce
concile, présidé par Léandre de Séville, se tient alors que le roi
Récarède a décidé l'abandon de l'arianisme par les Wisigoths. La
formulation devient en latin : « ex Patre Filioque procedit », soit en
français « procède du Père et du Fils ».
Après
l'Espagne, le Filioque est utilisé en Gaule franque tandis que l'Italie
en général, et en particulier la papauté, s'en tient au symbole de
Nicée.
Le débat de la fin du VIIIe siècle
Cette
différenciation aboutit à un débat sous le règne de Charlemagne, suite à
une déclaration du patriarche de Constantinople, Taraise (784-806),
selon laquelle le Saint Esprit procède du Père par le Fils. En 796,
Paulin d'Aquilée, réunit à Cividale un concile italien qui prend parti
pour la modification. Charlemagne impose officiellement l'usage du
Filioque dans les offices de la chapelle palatine d'Aix.
En
807, deux moines du couvent latin des Monts des Oliviers à Jérusalem
sont présents à Aix, accompagnant une ambassade du calife Haroun
ar-Rachiddécouvrent la modification, et de retour à Jérusalem,
l'introduisent dans leur couvent, provoquant une plainte des moines
grecs du couvent de Saint-Sabas au patriarche de Constantinople
(Nicéphore Ier).
Celui-ci
s'adresse au pape Léon III ; l'affaire est soumise à Charlemagne qui
demande à des théologiens, Théodulf, évêque d'Orléans, Smaragde, abbé de
Saint-Mihiel et Arn, archevêque de Salzbourg, d'étudier le problème de
façon plus profonde ; tous trois concluent à la validité du Filioque.
Théodulf écrit à cette occasion le traité De Spiritu Sancto.
Le concile d'Aix-la-Chapelle (809) et ses conséquences
Suite
à ces travaux, l'introduction systématique du Filioque dans le Credo de
toutes les Églises d'Occident est proposée par Charlemagne lors du
concile d'Aix-la-Chapelle en novembre 809.
Le
concile suit cette démarche césaropapiste et entérine l'ajout du nouvel
empereur d'Occident qui, avec ses théologiens, souhaite « rivaliser
d'orthodoxie avec l'Orient », tandis que le pape Léon III refuse de le
suivre dans cette innovation.
Cet
écart par rapport à la formule œcuménique a lieu de façon unilatérale,
sans l'aval des autres Églises, qui le considèrent comme le signe d'une
volonté de rupture.
Malgré la décision du concile, Léon III refuse l'insertion qui ne sera réalisée qu'au XIe siècle
dans le Credo romain, après qu'on eut trouvé une justification
théologique à la nouvelle formulation, la donnant comme héritière d'une
tradition alexandrine et latine, professée par exemple par le pape Léon
en 447, soit avant la réception par l'Église romaine du symbole de
Constantinople au concile œcuménique de Chalcédoine (451).
Les Orientaux, en revanche, ont toujours refusé l'adjonction du Filioque au Credo.
Théologie
Une représentation traditionnelle et symbolique de la Trinité en Occident
La querelle autour de cette nouvelle formulation reflète deux conceptions différentes du dogme de la Trinité :
- pour les orthodoxes, l'Esprit est issu du Père par le Fils, c'est le Père qui est premier par rapport au Saint-Esprit : monopatrisme.
- pour les catholiques, le Filioque exprime en outre la communion consubstantielle entre le Père et le Fils : filioquisme.
Il existe un lien entre cette querelle et une querelle antérieure sur la grâce entre l'augustinisme et le semi-pélagianisme.
La procession du Père et du Fils est mentionnée dans le Symbole d'Athanase qui remonte au moins au VIe siècle :
"Spíritus Sanctus a Patre et Fílio : * non factus, nec creátus, nec
génitus, sed procédens : le Saint-Esprit vient du Père et du Fils, il
n'est ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède".
- Arguments théologiques des catholiques
1.
Dans sa Somme théologique, saint Thomas d'Aquin, après avoir énuméré
les arguments opposés, donne un nouvel argument : si le Saint-Esprit
procédait uniquement du Père et pas du Fils, puisque le Fils serait
alors dans la même situation, rien ne distinguerait le Saint-Esprit et
le Fils, "le Saint-Esprit ne pourrait en aucune manière être distingué
personnellement du Fils", puisque les personnes divines ne se
distinguent entre elles que par leurs relations : "Respondeo dicendum
quod necesse est dicere spiritum sanctum a filio esse. Si enim non esset
ab eo, nullo modo posset ab eo personaliter distingui. Quod ex supra
dictis patet." (Ia, Q. 36, art. 2).
2.
À cet argument, on peut ajouter le fait que le Père et le Fils étant
consubstantiels, il n'est pas possible que le Père agisse sans que le
Fils participe totalement à son action.
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