Saint Athanase d'Alexandrie († 373)
Patriarche d'Alexandrie, Père de l'Église
Athanase d'Alexandrie (Αθανάσιος), né vers 296-298 et mort le 2 mai 373, dit le Grand, est évêque (patriarche) d'Alexandrie du 8 juin 328 à sa mort (malgré cinq exils).
C'est
une figure majeure du christianisme antique : l'Église copte orthodoxe
l'appelle l'« Apostolique », le « Phare de l'Orient » et la « Colonne de
la foi ».
Les autres Églises orthodoxes (qui le fêtent le 18 janvier) le comptent parmi les quatre grands docteurs de l'Église.
L'Église catholique (qui le fête le 2 mai) le compte parmi ses trente-six Docteurs et un des Pères de l'Église.
Biographie
Icône d'Athanase d'Alexandrie
Jeunesse
Athanase naît à Damanhour, près d'Alexandrie, en Égypte, en 298.
Il
est issu d'une famille chrétienne aisée et reçoit une instruction
profane très solide, notamment littéraire et philosophique, dans les
écoles de la métropole, comme il ressort évidemment de l'ensemble de son
œuvre.
Sa culture est d'ailleurs purement grecque, sans qu'on y perçoive jamais d'héritage égyptien.
Il entre très jeune dans le clergé chrétien d'Alexandrie, et il y est lecteur pendant six ans.
Il s'impose très vite par ses qualités comme secrétaire et homme de confiance de l'évêque Alexandre : il est le probable rédacteur du mémorandum envoyé en 322 par Alexandre à ses collègues évêques pour expliquer et justifier le synode d'Alexandrie de 321 qui a déposé le prêtre Arius et les membres de sa faction ; c'est un de ses premiers textes connus.
Il participe en qualité de diacre et secrétaire de l'évêque Alexandre au premier concile de Nicée (fin mai - 25 juillet 325).
Alexandre le désigne comme successeur avant de mourir (17 avril 328).
Athanase est intronisé évêque d'Alexandrie le 8 juin suivant, âgé de seulement trente ans.
Icône représentant saint Athanase au concile de Nicée (XIIIe siècle)
Première période de l'épiscopat (8 juin 328 - 11 juillet 335)
La première période de son épiscopat va jusqu'à son premier départ pour l'exil le 11 juillet 335.
Elle est mal connue dans le détail.
À l'automne 329, il entreprend une longue tournée qui le mène en Haute-Égypte jusqu'à Syène, et il fait étape au monastère de Tabennèse où il procède à l'ordination comme prêtre de l'abbé Pacôme.
Mais les tensions montent dans l'Église : dès 329, Eusèbe de Nicomédie, chef de file des ariens au concile de Nicée, revient en grâce à la cour impériale ; en 330, un concile arianisant dépose Eustathe d'Antioche, l'un des premiers adversaires d'Arius, pour sabellianisme et immoralité ; en Égypte même, un rapprochement se produit entre les ariens et le schisme plus ancien de Mélétios, alors dirigé par Jean Arcaph.
En 330, Eusèbe de Nicomédie envoie un message à Athanase lui demandant de réadmettre Arius et son groupe dans l'Église d'Alexandrie ; le refus d'Athanase entraîne l'émission d'une lettre officielle de l'empereur allant dans le même sens.
Cependant, une délégation d'évêques mélétiens au palais impérial de Nicomédie se plaint d'exactions financières illégales de la part d'Athanase.
Celui-ci est convoqué par Constantin fin 330 ; la visite tourne bien pour Athanase, mais il tombe malade et n'est de retour à Alexandrie qu'au printemps 332.
Mais
le parti arien ne lâche pas prise : un dossier est monté contre
Athanase (sous la supervision notamment d'Eusèbe de Nicomédie),
l'accusant d'une gestion tyrannique, voire criminelle, de l'Église
égyptienne : l'un de ses adjoints, Macaire, aurait exercé des violences
sacrilèges contre le prêtre de village Ischyras (tenant d'un autre
schisme, anti-arien radical, celui de Colluthus), renversant l'autel et
jetant le calice au sol ; surtout, Athanase aurait fait assassiner
Arsène, évêque mélétien d'Hypsélé, et couper une de ses mains pour
l'utiliser dans des rituels magiques (pratique dont Athanase est par
ailleurs accusé).
D'autres
cas sont allégués, certains dénoncés comme des complots (ainsi,
l'évêque Arsène, qui se cachait, est finalement retrouvé vivant avec ses
deux mains).
L'empereur
Constantin envoie son demi-frère Flavius Dalmatius, alors en poste à
Antioche, enquêter sur les accusations ; informé de l'imposture
d'Arsène, il expédie d'ailleurs un courrier à Athanase pour lui exprimer
son indignation de ce complot.
En 334, l'évêque d'Alexandrie est toutefois invité à venir s'expliquer devant un synode qui se tiendrait à Césarée Maritime, sous la présidence de l'évêque de cette ville, Eusèbe de Césarée ; mais celui-ci étant plutôt pro-arien, Athanase refuse de comparaître.
Finalement,
il est décidé qu'une assemblée d'évêques se réunira à Tyr pendant l'été
335, alors que tous les dignitaires convergeront vers Jérusalem où la
grande église du Saint-Sépulcre doit être inaugurée.
Environ
cent cinquante évêques seront présents sous la présidence d'Eusèbe de
Césarée et en présence d'un représentant de l'empereur, le comte Denys.
Athanase est très fermement invité à ne pas se dérober.
Premier exil (11 juillet 335 - 23 novembre 337)
À ce concile de Tyr, les ariens sont présents en force, autour d'Eusèbe de Nicomédie lui-même.
Les débats sont très violents et pleins de rebondissements, les accusations les plus graves fusent de toutes parts.
Finalement
une commission est nommée pour aller effectuer un supplément d'enquête
en Égypte, mais elle est largement dominée par des ariens, et peut
compter pour ses investigations sur l'appui de Flavius Philagrius,
préfet d'Égypte nouvellement nommé et sympathisant arien notoire.
Pendant ce temps Athanase, accompagné de quatre évêques égyptiens, s'embarque pour Constantinople où il arrive le 30 octobre.
Ils
abordent directement l'empereur qui fait une promenade à cheval ;
celui-ci, ennuyé par leur présence, refuse d'abord tout entretien, mais
devant leur insistance accepte de les recevoir, et finalement écrit à
Jérusalem pour convoquer dans la capitale tous les évêques qui étaient
présents au concile de Tyr.
Pendant ce temps, la commission étant revenue à Tyr, le concile a adopté une résolution déposant Athanase de son siège.
Ensuite
les évêques se sont rendus à Jérusalem pour la dédicace du
Saint-Sépulcre ; Arius et certains de ses proches, présents, y sont
d'ailleurs admis à la communion.
Quand
arrive la convocation impériale, il est décidé que la plupart des
évêques rentreront tranquillement chez eux, et que six seulement (dont
Eusèbe de Césarée, président du concile, et Eusèbe de Nicomédie) iront
s'expliquer devant Constantin.
Ils
lancent contre Athanase une accusation très grave (délaissant
d'ailleurs les autres) : il aurait menacé de faire interrompre les
livraisons annuelles de grain égyptien à Constantinople.
Athanase
répond qu'il serait bien en peine de le faire, qu'il n'en a pas le
pouvoir, mais rien n'y fait : le 5 février 336, il doit prendre le
chemin de l'exil à Trèves (une mesure d'ailleurs très clémente au regard
de l'énormité de l'accusation : Constantin, sans trop y croire, a sans
doute surtout voulu se débarrasser d'un problème).
Athanase séjourne à Trèves pendant un peu plus d'un an (printemps 336 - juin 337).
Il y a des compagnons égyptiens et y est bien reçu par l'évêque de la ville, Maximin.
Réside également à Trèves le césar Constantin, fils aîné de l'empereur, qui devient le protecteur d'Athanase.
L'empereur Constantin Ier meurt à Nicomédie le 22 mai 337, et la nouvelle parvient à Trèves dans les premiers jours de juin.
Le
17 de ce mois, le césar Constantin envoie une lettre au peuple et au
clergé d'Alexandrie : il y affirme que l'intention de son père était de
rétablir Athanase sur son siège, et que lui-même va exécuter cette
volonté.
Les trois fils de l'empereur mort se rencontrent à Viminacium où ils se partagent l'empire et se proclament conjointement Augustes (9 septembre 337).
Athanase a accompagné Constantin II, et à Viminacium rencontre pour la première fois son futur persécuteur Constance II.
Ensuite il se rend à Constantinople, puis rencontre une nouvelle fois Constance II
à Césarée de Cappadoce, enfin arrive le 23 novembre à Alexandrie, où il
est accueilli en triomphe par ses partisans, mais où ses ennemis
provoquent aussi des tumultes.
Seconde période de l'épiscopat (23 novembre 337 - 16 avril 339)
Icône de saint Athanase
(XVIIe siècle, musée archéologique de Varna (Bulgarie))
Le retour d'Athanase est très controversé.
Ses adversaires prétendent que le fameux ermite Antoine est de leur côté.
Les
partisans de l'évêque le font alors venir à Alexandrie, où il reste
deux jours (26-27 juillet 338), déplaçant des foules aussi bien
chrétiennes que païennes, et où il se prononce clairement pour Athanase.
Cependant Constance II,
dont la part d'empire comprend l'Égypte, se range de plus en plus
clairement dans le camp des ariens : Eusèbe de Nicomédie est promu au
siège épiscopal de Constantinople, la capitale officielle ; lui et ses
partisans insistent auprès de l'empereur sur le fait que la restauration
d'Athanase, imposée sous la pression de Constantin II,
est inacceptable, bafouant le décret du concile de Tyr ; ils se
plaignent que le nouveau préfet d'Égypte Théodore, marionnette
d'Athanase, réprime durement les ariens. Constance II
rétablit alors comme préfet Philagrius, arien militant, qui est
accueilli triomphalement à Alexandrie par les membres du parti.
Les ariens, sûrs de leur droit, consacrent même un évêque d'Alexandrie concurrent d'Athanase, Pistus (un prêtre qui faisait partie du premier groupe des partisans d'Arius, vingt ans auparavant), mais il ne parvient semble-t-il pas à s'imposer.
Les
ariens envoient une délégation à Rome (composée du prêtre Macaire et de
deux diacres, Martyrius et Hésychius) pour obtenir du pape Jules Ier la reconnaissance de Pistus.
L'apprenant,
Athanase réunit fin 338 un synode des évêques égyptiens, puis dépêche
deux prêtres à Rome pour éclairer le pape sur les antécédents de Pistus.
Jules Ier propose l'organisation à Rome, l'été suivant, d'un concile pour régler la question.
Les
deux prêtres qu'il envoie à Constantinople avec cette proposition
(Elpidius et Philoxène) y sont retenus jusqu'en janvier 340, et donc
aucune réponse n'est donnée.
Au lieu de cela, les ariens ont réuni dès le début 339 un concile à Antioche, où séjourne l'empereur Constance II,
et ils y procèdent au remplacement officiel d'Athanase : considérant
apparemment que Pistus ne fait pas l'affaire, ils proposent d'abord le
poste à Eusèbe d'Édesse (futur évêque d'Émèse), qui refuse, puis à Grégoire de Cappadoce, qui est consacré et signe déjà les actes de ce concile comme « évêque d'Alexandrie ».
Pendant ce temps, la situation est très troublée à Alexandrie, où le préfet Philagrius soutient ouvertement les ariens.
Le dimanche 18 mars 339, procédant à des baptêmes dans l'église Saint-Théonas, Athanase est recherché par une troupe armée.
Il parvient à s'échapper le lendemain matin.
Le 22 mars, le nouvel évêque Grégoire de Cappadoce fait son entrée dans la ville sous escorte militaire.
Athanase demeure à Alexandrie encore quatre semaines, puis il s'embarque à destination de Rome le 16 avril, lundi de Pâques.
Sa deuxième période d'épiscopat effectif n'a duré qu'un an, quatre mois et vingt-quatre jours.
Second exil (16 avril 339 - 21 octobre 346)
Arrivé
à Rome en mai 339, accompagné de membres de son clergé, Athanase y est
rejoint dans les trois mois suivants par d'autres évêques orientaux
déposés par le parti d'Eusèbe de Constantinople soutenu par Constance II :
Paul de Constantinople (remplacé sur son siège par Eusèbe lui-même),
Marcel d'Ancyre, Asclépas de Gaza. Son homme de confiance en Égypte,
avec lequel il correspond, est l'évêque Sérapion de Thmuis, qu'il charge
d'annoncer aux fidèles le calendrier liturgique.
Grégoire de Cappadoce envoie à Rome
un certain Carponès (lui-même militant arien des origines), qui
confirme tout ce qui a été allégué contre Pistus en tentant de
convaincre le pape que Grégoire est tout différent, mais il échoue.
En mars ou avril 340, les envoyés du pape Jules Ier à Constantinople sont enfin de retour, porteur d'une réponse au ton aigre qui est un refus de la proposition de concile.
Le
pape, gardant secrète la réponse, attend encore un peu pour voir s'il
ne peut faire venir quelques Orientaux à un concile, mais perdant espoir
il organise un concile purement italien d'une vingtaine d'évêques, qui
examine le cas des évêques exilés à Rome et finit par les juger tous
innocents des charges accumulées contre eux, et par juger leurs
dépositions nulles et non avenues (hiver 340/341).
Le pape rédige alors une lettre aux évêques orientaux déclarant que le siège de Rome ne reconnaît pas les remplacements qui ont été effectués.
La
lettre du pape est examinée par le « concile de la Dédicace », réuni à
Antioche à l'occasion de la dédicace de la somptueuse « église d'or »
dont la construction avait été décidée par Constantin Ier (été 341).
Eusèbe de Constantinople et toutes les grandes figures du parti arien sont présents.
Ce
concile examine de nouvelles formules de Credo susceptibles de convenir
à tous (remettant d'ailleurs en cause celui de Nicée), mais en tout
cas, sur la question de la déposition des évêques exilés à Rome, il oppose une fin de non-recevoir au pape.
Jules Ier s'adresse alors à Constant Ier, empereur d'Occident, qui se fait le champion de l'Église romaine, mais aussi d'Athanase, dont il est un admirateur.
Au printemps 342, il écrit à son frère Constance II
pour lui signifier qu'un concile général lui paraît la seule façon de
régler la querelle, et sans doute en mai il convoque Athanase à Milan
pour lui annoncer cette initiative.
Ensuite
l'empereur part pour la Gaule, où il doit mener une campagne contre les
Francs, tandis que l'évêque reste à Milan (après trois ans passés à
Rome).
À l'automne, après la fin de la campagne, Athanase est appelé à Trèves, où l'empereur se trouve avec Hosius de Cordoue et d'autres évêques : le lieu du concile a été fixé à Sardique (ou Serdica, l'actuelle Sofia), sur le territoire de Constant Ier mais à la limite de celui de Constance II.
Le
concile de Sardique se réunit très probablement à l'été 343, avec
environ quatre-vingt-quinze évêques occidentaux et un nombre moindre
d'évêques orientaux, qui viennent avec suspicion, protégés par des
hommes d'armes, entre autres l'ancien préfet Flavius Philagrius (Eusèbe
de Constantinople, le grand adversaire de la période 329 - 341, est
mort).
La
querelle s'élève tout de suite sur le point de savoir si les évêques
exilés, dont Athanase, doivent siéger, les Orientaux le refusant, les
Occidentaux considérant qu'avant une décision du concile général leur
déposition est suspendue.
S'ensuit
un long dialogue de sourds, et finalement les Orientaux (sauf deux)
prennent prétexte de l'annonce d'une victoire de Constance II sur les Perses pour quitter la ville de nuit, laissant un prêtre de l'endroit, Eustathe, les excuser le lendemain.
En fait, une fois passés sur le territoire de Constance II, ils s'arrêtent à Philippopolis où ils improvisent un contre-concile qui excommunie Jules Ier, Hosius de Cordoue et Athanase.
Les
évêques occidentaux restés à Sardique proclament l'innocence et la
légitimité des évêques exilés, prononcent la déposition des évêques
intrus en Orient, et légifèrent notamment sur le fait que désormais tout
évêque s'estimant injustement déposé pourra en appeler au pape de Rome, successeur de saint Pierre. Une lettre à la chrétienté tout entière est rédigée.
La réaction de Constance II est d'abord très négative : prenant fait et cause pour les évêques orientaux (de tendance arienne), il intensifie sur son territoire la répression contre le parti adverse. Athanase passe l'hiver, puis le printemps 344 à Naissus.
Pendant l'été, il prend la direction d'Aquilée, où l'attend Constant Ier.
Celui-ci
a embrassé pleinement la cause du concile de Sardique : au début de
l'année il a envoyé deux évêques (Vincent de Capoue et Euphrate de
Cologne) à son frère pour le presser de restaurer les exilés sur leurs
sièges, et il lui a fait savoir clairement qu'un refus serait considéré
par lui comme un casus belli.
La mission des deux évêques à Antioche a tourné à la grossière confusion du parti arien : l'évêque de la ville, Étienne (l'un des Orientaux présents à Sardique, puis à Philippopolis)
essaie de les discréditer en faisant introduire une prostituée dans
leurs chambres ; le scandale est énorme, mais le pot aux roses est
finalement découvert, Étienne déposé, et l'empereur d'Orient momentanément furieux contre le parti arien.
Le climat étant à l'apaisement, Constance II
adresse en août 344 une lettre publique à Alexandrie, par laquelle il
ordonne de mettre fin aux persécutions contre les partisans d'Athanase.
L'évêque intrus Grégoire de Cappadoce, malade depuis longtemps, est au plus mal, ce qui ouvre la voie à un arrangement en douceur.
Il meurt le 26 juin 345, mais déjà auparavant l'empereur d'Orient a pris contact avec Athanase pour négocier sa restauration.
Athanase
hésite beaucoup et se fait prier ; il reste à Aquilée jusqu'au début
346, recevant une nouvelle invitation très pressante à rentrer.
Il se rend à Rome pour prendre congé du pape Jules Ier, puis à Trèves où se trouve l'empereur Constant Ier.
Ensuite il voyage directement jusqu'à Hadrianopolis, Constantinople, puis Antioche, où il est reçu cordialement par Constance II,
qui lui souhaite bonne chance, et lui demande seulement d'autoriser une
église arienne à Alexandrie ; Athanase répond qu'il le fera si les
« eustathiens » (partisans d'Eustathe, déposé en 330) ont une église à Antioche.
À Jérusalem il est retenu un moment par un synode convoqué en son honneur par l'évêque Maxime.
Enfin il est accueilli triomphalement à Alexandrie par ses fidèles le 21 octobre 346.
Troisième période de l'épiscopat (21 octobre 346 - 9 février 356)
La décennie qui suit est la période la plus faste de la carrière d'Athanase.
Sa
position devient très forte en Égypte, ce qui lui permettra ensuite de
passer des années dans la clandestinité sans jamais être appréhendé.
Le
fondement principal de cette puissance est le très grand développement à
cette époque du monachisme égyptien, sous l'impulsion initiale de
Pacôme de Tabennèse (mort le 9 mai 346).
La majorité de ce monde monastique se range derrière l'archevêque : peu
après son retour, Athanase reçoit une délégation du monastère de
Tabennèse, qui lui souhaite la bienvenue, et qui est porteuse d'un
message du très prestigieux ermite Antoine.
Athanase
contrôle aussi de plus en plus entièrement l'épiscopat officiel du
pays : dès son retour, presque tous les évêques contresignent la lettre
du concile de Sardique ; ensuite, une décennie entière à Alexandrie lui
permet de pourvoir lui-même à plusieurs vacances épiscopales, en
choisissant d'ailleurs assez souvent les nouveaux titulaires parmi les
moines. Son bras droit, l'évêque Sérapion de Thmuis, est très proche du
monde monastique.
Quant
à l'opposition, les « ariens » ne sont guère présents qu'à Alexandrie ;
dans le reste du pays, le schisme mélétien a quelques positions dans le
monde monastique.
C'est
à cette époque qu'il faut probablement situer l'épisode de l'ordination
de Frumence d'Aksoum par Athanase (bien que Rufin d'Aquilée le place au
début de l'épiscopat d'Athanase, donc peu après 328, mais les termes de
la lettre de Constance II au roi d'Aksoum Ézana,
reproduite par Athanase lui-même dans son Apologie de 356, rendent plus
vraisemblable une datation plus récente de cette ordination).
Cet événement fonde les liens entre les Églises égyptienne et éthiopienne, conservés jusqu'à nos jours.
En février 350, Constant Ier est assassiné en Gaule par les partisans de l'usurpateur païen Magnence.
Celui-ci,
tentant de profiter des dissensions entre chrétiens, fait une démarche
auprès d'Athanase (parallèlement à son ambassade auprès de Constance II,
il envoie deux messagers à Alexandrie, Clementius et Valens, qui
passent par la Libye) ; l'archevêque, selon son Apologie, aurait opposé
une fin de non-recevoir et organisé des prières pour Constance II, mais il est accusé par ses ennemis d'avoir prêté une oreille complaisante à la délégation.
Constance II prend d'ailleurs la peine d'écrire à Athanase que rien n'est changé du fait de la mort de son frère.
Le 28 septembre 351, l'empereur d'Orient défait les troupes de Magnence
à la bataille de Mursa ; il entre en Gaule en juillet 353, et
l'usurpateur se suicide à Lyon le 11 août.
Constance II,
désormais maître de tout l'empire, s'installe à Arles, où il fait
célébrer magnifiquement ses vicennalia pendant l'hiver 353/354.
Dès l'automne 353, un concile réuni à Arles avec des évêques gaulois et des légats du pape Libère (Jules Ier
est mort le 12 avril 352) juge et condamne Athanase en exécutant
docilement la volonté de l'empereur présent ; l'évêque Paulin de Trèves
et même Hosius de Cordoue, qui résistent, sont bannis.
Mais le pape Libère, n'avalisant pas la signature de ses légats,
dépêche auprès du souverain Lucifer de Cagliari, avec une lettre
réclamant un concile œcuménique.
Celui-ci,
différé du fait d'une campagne militaire de l'empereur sur le Rhin, se
réunit en 355 à Milan, dans le palais impérial, le souverain assistant
aux débats derrière un rideau.
Le décret de déposition d'Athanase est présenté à chaque évêque, un à
un, et tout refus est sanctionné immédiatement par un bannissement.
Dès le printemps 353, Athanase a tenté de prendre contact avec Constance II, alors à Milan, et il lui a dépêché une nombreuse délégation, dirigée par Sérapion de Thmuis, qui s'est embarquée le 19 mai.
Mais
le 23 de ce mois, Montanus, un officier du palais impérial, arrive à
Alexandrie : pas de délégation, dit-il, l'empereur accepte la requête
d'Athanase et va le recevoir personnellement en Italie.
Comme
il n'a déposé aucune requête de cette sorte, Athanase soupçonne un
piège destiné à le faire sortir de sa place forte et à le livrer pieds
et poings liés à ses ennemis.
Comme
la lettre de l'empereur ne comporte pas expressément de convocation
impérative, il répond poliment qu'il viendra lui-même s'il en reçoit
l'ordre formel, mais en attendant ne bouge pas d'Alexandrie.
Pendant
l'été 355, Diogène, secrétaire de l'empereur, arrive avec l'ordre clair
de s'emparer de la personne d'Athanase ; le 4 septembre, il fait forcer
militairement l'entrée d'une église, et fait ainsi plusieurs tentatives
pendant plusieurs mois, mais le clergé, les fidèles, et même les
fonctionnaires protègent l'archevêque.
Diogène repart bredouille le 23 décembre.
Des exilés d'Occident commencent à arriver à Alexandrie et annoncent que le pape Libère lui-même a été banni.
Le
6 janvier 356, le Dux Syrianus débarque et ordonne que des effectifs
militaires très importants venant de toute l'Égypte et de Libye
convergent vers Alexandrie.
La ville est sous tension, et Athanase demande à Syrianus s'il est
porteur d'ordres spéciaux de l'empereur, en lui montrant les lettres
envoyées par Constance II après la mort de son
frère Constant ; l'officier répond publiquement qu'il n'en est rien, et
que « par la vie de César » il n'accomplira rien sans en référer
préalablement au souverain.
La tension retombe quelque peu.
Le
jeudi 8 février au soir (suivant le dimanche de la Septuagésime),
Athanase préside dans l'église Saint-Théonas un office préparatoire à la
communion du lendemain ; le bâtiment est brusquement encerclé par une
troupe de cinq mille soldats, les portes sont forcées, et peu après
minuit le Dux fait irruption accompagné du notaire Hilaire.
L'archevêque,
assis sur son trône dans l'abside, reste parfaitement serein et ordonne
au diacre d'entonner avec les fidèles le psaume 135.
Les
soldats se groupant de plus en plus nombreux près du chancel, le clergé
supplie Athanase de fuir, mais il refuse de bouger tant que la foule
des fidèles n'est pas en sécurité.
Les
prières continuent ainsi un long moment, jusqu'à ce qu'une grande
troupe de moines et de membres du clergé entoure brusquement le trône,
s'empare de la personne de l'archevêque et l'exfiltre du bâtiment au
milieu de la plus grande confusion.
Désormais, il n'apparaîtra plus en public pendant six ans et quatorze jours, jusqu'au 22 février 362.
Troisième exil (9 février 356 - 21 février 362)
Portrait de saint Athanase, cathédrale Saint-Marc du Caire
Cette
longue période de clandestinité et d'exclusion des affaires est la plus
riche spirituellement et littérairement : plus de la moitié de son
œuvre conservée date de ces six années.
Pendant toute cette période, la police de Constance II
le recherche inlassablement, fouillant les villes, villages, monastères
et même les tombeaux, mais la cause d'Athanase bénéficie alors d'une si
large adhésion dans la population égyptienne qu'on n'a pas conservé la
moindre rumeur d'une trahison dont il aurait été victime au cours de ces
six ans.
Après
sa fuite de Saint-Théonas, Athanase passe semble-t-il quelques jours
dans les environs d'Alexandrie (peut-être dans les cellules monastiques
du désert de Nitrie), puis se dirige vers la Cyrénaïque, ayant
apparemment l'intention de se rendre en Occident pour parlementer d'une
façon ou d'une autre avec Constance II.
Il a d'ailleurs commencé la rédaction de son Apologie à Constance destinée à l'empereur.
Mais
une fois en Libye, il reçoit toute une série d'informations et de
documents lui faisant mesurer l'intensité de la répression déclenchée
par le souverain, et la résolution tyrannique qui l'anime.
Il apprend notamment que le jour de Pâques les troupes se sont livrées à des violences abjectes contre ses fidèles à Alexandrie.
Il
reçoit aussi copie de deux lettres de l'empereur, l'une adressée aux
Alexandrins, le dénonçant avec virulence et annonçant l'arrivée d'un
nouvel évêque appartenant à la tendance arienne, Georges de Cappadoce,
l'autre adressée au roi d'Aksoum Ézana et à son frère Sézana pour leur
demander de renvoyer le prêtre Frumence, ordonné par « le détestable
Athanase », en Égypte pour qu'il reçoive une nouvelle instruction.
Comprenant
que toute tentative d'engager des pourparlers est inutile, Athanase
rédige une Lettre aux évêques d'Égypte et de Libye, les mettant en garde
contre les formulaires ariens et les engageant à endurer la
persécution, puis il retourne dans le désert égyptien où il achève la
rédaction de son Apologie.
Le
10 juin, un nouveau préfet, Cataphronius, arrive à Alexandrie,
accompagné par un comte Héraclius porteur d'une lettre de l'empereur aux
païens les menaçant de très sévères mesures s'ils ne collaborent pas
pleinement à la répression contre les partisans d'Athanase.
La
fonction de Dux Ægypti est désormais assumée par Sébastien (qu'Athanase
appelle « Sébastien le manichéen »), qui met un zèle particulièrement
ardent à appliquer les ordres de persécution systématique et d'éjection
de toutes les églises des Athanasiens.
Toutes
les églises d'Alexandrie sont transférées aux ariens le samedi 15
juin ; au moins vingt-six évêques d'Égypte sont expulsés de leur siège
au cours de cette période.
L'arrivée du nouvel archevêque, Georges de Cappadoce, est très soigneusement préparée, et elle n'a lieu, sous escorte militaire, que le vendredi 24 février 357, un an après la fuite d'Athanase.
Le
nouvel archevêque, dont le Dux Sébastien est le bras armé, se rend
rapidement odieux tant par sa tyrannie que par sa cupidité (son
caractère abject et ses crimes sont confirmés par l'historien païen
Ammien Marcellin, ainsi que par l'empereur Julien, comme d'ailleurs par
le sort que lui réserve la population aussitôt après l'annonce de la
mort de Constance II).
Il dirige ses persécutions et ses exactions aussi bien contre les païens que contre les chrétiens athanasiens.
Pendant
ce temps, Athanase se déplace constamment à travers l'Égypte, et il
fait même apparemment des séjours clandestins à Alexandrie même (en
357/358, puis en 360), sans jamais être dénoncé par personne et encore
moins repéré par la police.
Le 2 octobre 358, Georges de Cappadoce est expulsé de la ville par une
émeute, et les Athanasiens reprennent possession des églises de la ville
du 11 octobre au 24 décembre, jusqu'au retour du Dux Sébastien avec ses
troupes.
Pendant l'essentiel de cette période, Athanase se cache dans les cellules monastiques du désert de Nitrie ou de Haute-Égypte, voire dans d'anciens tombeaux ou citernes qui servent alors souvent de refuges (selon Rufin d'Aquilée il aurait passé six ans caché dans une citerne désaffectée, mais il s'agit d'une simplification caricaturale de la réalité).
Le 3 novembre 361, Constance II meurt d'une fièvre en Cilicie, âgé de quarante-quatre ans.
La nouvelle est annoncée à Alexandrie par le préfet Gérontius le 30 novembre, avec celle de l'avènement de Julien.
C'est une explosion de joie, et Georges de Cappadoce et plusieurs de
ses proches sont molestés et conduits en prison ; le 24 décembre, lui et
deux autres en sont extraits et massacrés par une foule.
Le
9 février 362, un édit de Julien, qui s'est déclaré païen, est publié à
Alexandrie, qui autorise le retour des évêques bannis par son
prédécesseur.
Le 21 février, Athanase est de retour à Alexandrie.
Jusqu'au retour du cinquième exil (21 février 362 - 1er février 366)
L'un
de ses premiers actes après son retour est de réunir un synode où se
retrouvent notamment plusieurs évêques qui ont été persécutés sous le
règne précédent, y compris des évêques non-égyptiens comme Eusèbe de
Verceil et Astérius de Pétra, et des représentants de Lucifer de
Cagliari, de Paulin le Prêtre qui est le chef des « eustathiens »
d'Antioche, d'Apollinaire de Laodicée.
Il
aboutit à la rédaction d'une Lettre synodale d'une haute inspiration,
œuvre de l'archevêque lui-même, qui le pose en véritable chef de la
chrétienté d'Orient : réaffirmation du symbole de Nicée, modération et appel à la réconciliation vis-à-vis des personnes compromises dans l'arianisme.
Apparemment
dès le printemps 362, et avant le synode, l'empereur Julien écrit dans
une lettre publique aux Alexandrins (lettre 26) qu'il a autorisé les
évêques bannis à rentrer dans leur ville, pas à reprendre leurs
fonctions, et qu'Athanase particulièrement, objet de plusieurs mesures
de bannissement dans le passé, aurait dû attendre une permission
impériale pour regagner la ville et reprendre ses activités, ce qu'il
n'a pas fait au grand déplaisir du « peuple religieux » (c'est-à-dire
des païens) de la cité ; en conséquence il ordonne à l'archevêque de
quitter Alexandrie dès réception de l'avis, sous menace de sanctions
sévères.
Mais une démarche est semble-t-il tentée auprès de l'empereur, et dans l'attente Athanase reste dans sa métropole.
Vers le mois d'octobre, Julien adresse un message irrité au préfet
d'Égypte Ecdicius où il le menace d'une amende si Athanase, « cet ennemi
des dieux », n'a pas quitté Alexandrie, et même l'Égypte, avant le 1er
décembre ; dans un post-scriptum ajouté de sa main, il évoque avec
colère le récent baptême de « femmes grecques distinguées » par
l'archevêque. Une autre lettre de l'empereur aux Alexandrins (lettre 51)
rejette semble-t-il la démarche faite auprès de lui pour qu'il revienne
sur sa décision et confirme le bannissement de l'« intrigant et impie
Athanase » de toute l'Égypte.
L'archevêque quitte Alexandrie le 23 octobre et remonte le Nil en
bateau vers la Haute-Égypte, mais apprenant qu'il est poursuivi par des
officiers impériaux il rebrousse chemin, croise d'ailleurs l'embarcation
de ses poursuivants qui ne se doutent de rien, et se cache un temps à
Chæreu, une localité proche d'Alexandrie (sur la route qui part vers
l'est).
Ensuite,
une fois assuré de l'abandon des poursuites, il reprend le chemin de la
Haute-Égypte : il séjourne notamment à Hermopolis Magna, où il est reçu
par les évêques et moines de la Thébaïde, à Antinoupolis, où il se
trouve au début de l'été 363 et où on le prévient qu'il est à nouveau
recherché, puis au monastère de Tabennèse.
Il y apprend que Julien est mort en Mésopotamie le 26 juin, et qu'un chrétien, Jovien, l'a remplacé.
Saint Athanase le Grand, fresque du XIIIe siècle à Ohrid (Macédoine)
Athanase regagne alors secrètement Alexandrie, puis part immédiatement pour la Syrie avec d'autres évêques égyptiens rencontrer Jovien, qu'il trouve à Édesse vers la mi-septembre, et qu'il accompagne ensuite à Antioche (début octobre).
Les
ariens aussi assiègent le nouvel empereur, et demandent un évêque pour
Alexandrie, mais Athanase a le dessus et obtient tous les documents
impériaux souhaités.
Il
séjourne à Antioche jusqu'à l'hiver, et il s'y mêle des affaires très
épineuses de l'Église de cette ville, où les « eustathiens » sont ses
alliés de toujours, mais où la consécration intempestive comme évêque de
leur chef Paulin par l'anti-arien fanatique Lucifer de Cagliari a seulement ajouté à la confusion.
Jovien quitte Antioche le 21 décembre pour prendre la direction de Constantinople.
Athanase,
quant à lui, refait son entrée officielle à Alexandrie le 14 février
364, muni des lettres impériales, et il reprend possession de toutes les
églises.
C'est la fin de son quatrième exil (23 octobre 362 - 14 février 364).
Dans la nuit du 16 au 17 février, Jovien meurt accidentellement à Dadastana, en Bithynie.
Valentinien
est proclamé empereur à Nicée le 26 février ; le 28 mars, à
Constantinople, il nomme son frère Valens coempereur pour l'Orient.
Au
début, Valens ne manifeste pas de penchant marqué entre les factions
chrétiennes, mais très vite il tombe sous l'influence d'Eudoxe de
Constantinople, un arien considéré comme radical, dont l'élection dans
la capitale date du règne de Constance II.
Dès la fin 364, le ralliement de Valens au parti est acquis.
Le 5 mai 365, un édit impérial est publié à Alexandrie : tous les évêques déposés sous Constance II
et restaurés à la faveur du règne du païen Julien doivent être à
nouveau expulsés de leur siège par les autorités civiles sous peine de
fortes amendes pour celles-ci.
Un
débat s'engage pour savoir si les termes de ce décret s'appliquent
exactement à Athanase (car il a été restauré officiellement, non pas par
Julien, mais par Jovien), et des tumultes populaires ont lieu.
Au bout d'un mois, le préfet calme le jeu en annonçant qu'il va en référer à l'empereur pour éclaircissement.
Le 5 octobre, la réponse est apparemment arrivée : pendant la nuit, le
préfet et le dux se présentent à l'église Saint-Denys pour appréhender
l'évêque.
Mais
celui-ci est parti un peu auparavant ; il a quitté la ville et s'est
réfugié dans une maison de campagne lui appartenant (située en bordure
de la « Nouvelle Rivière », qui sépare Alexandrie de sa banlieue
occidentale).
Mais
le 28 septembre, profitant de l'absence de Valens qui se trouve en
Syrie, Procope prend le contrôle de Constantinople et se proclame
empereur ; en octobre et novembre, il parvient à s'emparer de la Thrace
et de la Bithynie, et Valens croit un temps la partie perdue.
En tout cas, ce n'est pas le moment pour lui de se mettre à dos les Égyptiens : le 1er février 366, le notaire Brasidas annonce publiquement à Alexandrie le rappel d'Athanase sur ordre impérial. C'est la fin du cinquième exil (5 octobre 365 - 1er février 366).
Les dernières années
Église San Zaccaria Reliques d'Athanase d'Alexandrie
Par Didier Descouens — église San Zaccaria, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=38270978
Saint Athanase, cathédrale Sant'Agata de Catane
Par Didier Descouens — église San Zaccaria, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=38270978
En
366, il se produit à Alexandrie une émeute païenne qui aboutit à
l'incendie de l'église du Cæsareum, la plus grande de la ville
(commencée sous l'épiscopat de Grégoire de Cappadoce grâce à la
munificence de Constance II).
Les incendiaires sont sévèrement punis et la reconstruction commence en mai 368.
Le 24 septembre 367, Lucius, un « évêque d'Alexandrie » que les ariens ont élu à Antioche, entre de nuit dans la ville.
Quand la rumeur de sa présence se répand, un tumulte populaire a lieu,
et l'évêque, repéré, ne doit son salut qu'à une intervention énergique
de l'armée.
Le 26 septembre, il est reconduit sous escorte militaire hors d'Égypte.
Le
8 juin 368, Athanase fête ses quarante ans d'épiscopat, et le 22
septembre est commencée dans le quartier de Mendidium la construction
d'une église, inaugurée le 7 août 370, qui porte son propre nom.
L'archevêque
entretient à cette époque une correspondance, notamment, avec Basile de
Césarée, qu'il soutient, mais seules les lettres de ce dernier,
malheureusement, ont été conservées.
Il passe aussi ses dernières années à réfuter son ex-allié Apollinaire de Laodicée, qui a créé un schisme en 371.
Athanase meurt le 2 mai 373, « entrant dans sa soixante-quinzième année » (Rufin d'Aquilée, II, 3), après avoir désigné son successeur Pierre II.
À
une époque où le dogme n'était pas fixé (il le sera progressivement par
les différents conciles), le combat qu'il mène contre la position
arienne (au subordinatianisme d'Arius qui fait du Christ une créature du
Père, il oppose la doctrine de la consubstantialité — le Fils est
distinct mais consubstantiel au Père) est un des plus décisifs dans la
mise en place de la doctrine orthodoxe de la Trinité.
Il lutte non seulement contre les Églises dissidentes, mais aussi contre le pouvoir civil des empereurs.
Son
charisme, sa ténacité, son caractère impérieux, parfois irascible, lui
aliénèrent beaucoup de gens, mais aussi lui acquirent des soutiens
indéfectibles aussi bien parmi les populations qu'auprès de ses pairs.
Dans
ses écrits, Athanase cherche à convaincre en se plaçant dans la
perspective du salut : « l'homme ne serait pas sauvé si le Christ
n'était pas pleinement Dieu ».
Ses reliques sont vénérées dans l'église Saint-Zacharie de Venise au-dessus du corps de saint Zacharie, le père de saint Jean-Baptiste.
Héritage spirituel
Athanase et le monachisme
Le monachisme au temps d'Alexandre d'Alexandrie
Athanase
d'Alexandrie semble connaître dès sa jeunesse le monachisme, qu'il
défend dès le début de son épiscopat en cherchant à s'assurer le soutien
du clergé, et en cherchant à intégrer le monachisme dans l'Église.
Un modèle pour le monachisme : Vie d'Antoine
représentation d'Antoine le Grand, tableau de Francisco de Zurbarán
Article détaillé : Antoine le Grand.
- Lettres de l'évêque Sérapion de Thmuis, proche disciple de saint Antoine du désert, à propos de la mort de son maître, en qui l'Église reconnait le père de la vie monastique. Version arménienne de cette lettre.
- Lettre du saint Père Sérapion aux disciples de saint Antoine, Macaire et Amatas
La Trinité
L'incarnation du Verbe
Le Verbe de Dieu « s'est fait homme pour que nous devenions Dieu ; il s'est rendu visible dans le corps pour que nous ayons une idée du Père invisible, et il a lui-même supporté la violence des hommes pour que nous héritions de l'incorruptibilité ». Athanase d'Alexandrie, Sur l'incarnation du Verbe, (54,3).La divinité de l'Esprit
Les lettres d’Athanase d’Alexandrie à Sérapion de Thmuis tirent leur intérêt et leur importance de ce qu'elles sont seules à faire connaître un épisode des grandes luttes menées au IVe siècle
autour du dogme de la Trinité, et tout autant de ce qu'elles sont les
premières à marquer l'introduction dans la discussion publique d'un
nouveau point de cette doctrine fondamentale de la foi : à savoir la
divinité du Saint-Esprit, niée par certains chrétiens qui, pour le
reste, se prétendaient adversaires des hérétiques ariens et parfaitement
orthodoxes.
"Athanase est le premier qui ait affirmé la pleine divinité de l'Esprit (dans ses Lettres à Sérapion, datées de 360)."
Le fondement des Apôtres
L'assemblée de Jérusalem (Ac 15, 5-29) a servi de modèle symbolique au concile de Nicée, qui, en 325, a affirmé la divinité du Fils, qui était niée par les ariens et défendu par saint Athanase d'Alexandrie.
Postérité
En se consacrant à son apostolat, qui est de service et de doctrine, Athanase, à l'image de l'apôtre Paul (NBS), va faire la démonstration de l'action du Christ dans sa propre personne.
- Un apostolat de service : son autorité apostolique est d'autant plus vraie qu'elle se manifeste dans la faiblesse - faisant de sa propre vie un signe - proclame et figure l'abaissement du Christ (2 Co, 10.1). Ceux qui sont déjà en marche ont encore besoin de découvrir sa vie. Jésus-Christ vit en Athanase (comme en Paul) et parle par lui (2 Co, 13.3) (NBS).
- Un apostolat de doctrine : Jésus en est le centre (2 Co, 1.2-4) ; l'Esprit l'inspire (2 Co, 11.4) ; l'Évangile en est la référence (2 Co, 11.4). C'est le ministère de l'alliance nouvelle (2 Co, 3.1-6). Celui qui l'a reçu ne perd pas courage (2 Co, 4.1), car ce qui est ancien est passé, et ce ministère est le ministère de la réconciliation (2 Co, 5.14-20).
Certes,
l'Église s'est divisée ; elle a été tentée par une liberté facile qui a
montré ses effets pervers. Néanmoins, le Christ est là. Athanase
rappelle a chacun (2 Co, 13.5) la nécessité de s'évaluer à la mesure
définie par le Christ :
«
Mettez-vous vous-mêmes à l'épreuve, pour voir si vous êtes dans la
foi ; examinez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas que
Jésus-Christ est en vous ? »
Œuvres
- Contre les païens ;
- Sur l'Incarnation du Verbe (2e partie de l'ouvrage précédent) ;
- Mémorandum sur la déposition d'Arius ;
- Lettres festales (328 - 373) ; les « lettres festales » ou « pascales » étaient des lettres que les papes d'Alexandrie écrivaient chaque année pour annoncer la date de Pâques (et traiter en même temps des questions d'actualité), et qui étaient reproduites par leur chancellerie pour être envoyées à tous les évêques suffragants et aux grands monastères. Il y en avait donc une par an. Elles étaient écrites en grec et ensuite traduites en copte. Certaines ont été aussi traduites en syriaque ;
- Exposition de la foi ;
- Encyclique aux évêques de l'Église catholique (339) ;
- Lettres sardiques (343) ;
- Apologie contre les ariens (351 ?) ;
- Sur les décrets du concile de Nicée (352 ?) ;
- Vie de saint Antoine cet ouvrage fut traduit rapidement du grec en d'autres langues, dont deux fois en latin dès le IVe siècle, la seconde fois en 373 par Évagre d'Antioche, traduction aussitôt diffusée en Occident (cf. saint Augustin, Confessions, VIII, 14-15) et qui y eut un succès considérable dans les siècles suivants ;
- Lettre aux évêques d'Égypte et de Libye (356) ;
- Apologie à Constance (356) ;
- Apologie sur sa fuite (357) ;
- Histoire des ariens (pour les moines) (358) ;
- Quatre discours contre les ariens (358) ;
- Quatre discours (ou lettres dogmatiques) à Sérapion de Thmuis ;
- Sur les synodes de Rimini et de Séleucie (359/360) ;
- Tome aux Antiochiens (362) ;
- Lettre à Jovien (363) ;
- Lettre synodale aux Africains (369 ?) ;
- Contre Apollinaire de Laodicée (I : Sur l'Incarnation de Jésus-Christ ; II : Sur la Venue salutaire de Jésus-Christ) ;
- Sur la Trinité et le Saint-Esprit (conservé seulement en traduction latine) ;
- Sur l'Incarnation contre les ariens (attribution douteuse ; présenté comme authentique par Théodoret de Cyr et le pape Gélase Ier) ;
- Lettres diverses (plusieurs dizaines, not. à Sérapion de Thmuis, à Lucifer de Cagliari...)
- Symbole de saint Athanase connu aussi sous le nom de Quicumque est attribué à l'évêque Fulgence de Ruspe vers 533.
- Clavis Patrum Græcorum 2090-2309.
Éditions
- Éditions de l'œuvre complète
- Édition bénédictine de Bernard de Montfaucon, grec-latin, 2 vol., Paris, 1698.
- Vol. V de la Bibliotheca patrum d'Andrea Gallandi, Venise, 1769.
- Vol. 25 à 28 de la Patrologia Græca de Migne.
- Éditions avec traductions publiées dans Sources Chrétiennes (Éditions du Cerf)
- Apologie à l'empereur Constance (Apologia ad Constantium) ; CPG 2129; SC no 56 bis ; 1958
- Apologie pour sa fuite (Apologia de fuga sua) ; CPG 2122 ; SC no 56 bis ; 1958
- Discours contre les païens (Oratio contra gentes) ; CPG 2090 ; SC no 18 bis ; 1947
- Sur l'Incarnation du Verbe (Oratio de incarnatione Verbi) ; CPG 2091 ; SC no 199 ; 1973 (2e édition)
- Histoire « Acéphale » et Index syriaque des Lettres festales (Index Epistularum Festalium) ; CPG 2102 ; SC no 317 ; 1985
- Lettre à Diodore de Tarse citée par Facundus d'Hermiane (Epistula ad Diodorum Tarsensem apud Facundum Hermaniensem) ; CPG 2164 ; SC no 478 ; 2003
- Lettres à Sérapion (Epistulae ad Serapionem) ; CPG 2094 et 2096 ; SC no 15 ; 1947
- Vie d'Antoine (Vita Antonii) ; CPG 2101 ; SC no 400 ; 1994
- Chez d'autres éditeurs
- Lettres festales et pastorales en copte, avec traduction française de Louis-Théophile Lefort, CSCO 151-152, Louvain, 1965.
- Trois Discours contre les ariens (traduction française), éditions Lessius, 2004.
Traductions
Dans la collection « Sources chrétiennes », aux éditions du Cerf :
- Lettres à Sérapion, SC no 15,1947
- Discours contre les païens, SC no 18 bis, 1947
- Sur l'Incarnation du Verbe (1re édition), SC no 18 bis, 1947
- Apologie à l'empereur Constance, SC no 56 bis, 1958
- Apologie pour sa fuite, SC no 56 bis, 1958
- Sur l'Incarnation du Verbe (2e édition), SC no 199, 1973, introduction, texte critique, traduction et notes par Charles Kannengiesser
- Index syriaque des Lettres festales, SC no 317, 1985
- Vie d'Antoine, SC no 400, 1994
- Lettre à Diodore de Tarse citée par Facundus d'Hermiane, SC no 478, 2003
- Lettre sur les synodes, SC no 563, 2013
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