Saint Césaire de Terracina
Selon
la légende, Césaire et Julien furent martyrisés à Tarracina, ville du
Latium (auj. Terracina, dans la province de Latina), pour avoir protesté
contre la coutume d’offrir des sacrifices humains à Apollon.
(Vers l'an de Jésus Christ 88)
Après
que le cruel empereur Néron eut fait assassiner sa propre mère, il fut
rempli d'une fureur impie, et lança des édits qui ordonnaient que dans
tout l'empire on contraignit à adorer les dieux ceux qui jusque-là s'y
étaient refusés, ou que, s'ils persistaient dans leur refus, on les fit
périr par les plus cruels supplices. Il y avait alors à Terracine un
pontife des faux dieux qui s'appelait Firmin. Rempli de l'esprit du
démon, il profita de l'état d'ignorance où étaient plongés ses
compatriotes au sujet du vrai Dieu, pour persuader à plusieurs de se
rendre célèbres par une action audacieuse et sanguinaire, dans le but de
procurer la prospérité de l'état. Il leur distribuait donc des
richesses, des habits et tout ce qui pouvait contribuer à leur faire
passer la vie dans les délices, à condition qu'ayant été ainsi nourris
dans le luxe et l'abondance, ils se précipiteraient du haut d'une
montagne dans la mer, avec leurs armes et des chevaux richement
caparaçonnés, leur persuadant que cette mort violente serait un
sacrifice d'expiation utile à leur patrie. Ce rite barbare
s'accomplissait chaque année aux calendes de janvier, sous prétexte de
procurer le salut de la république et des empereurs, et pour rendre
célèbre le nom des citoyens de Terracine. Un beau jeune homme, nommé
Lucien, était destiné à ce sacrifice pour l'année suivante, et en
attendant, il était nourri dans les délices et au milieu de toutes les
voluptés.
Or,
le diacre Césaire qui revenait alors d'Afrique, avant vu ce jeune
homme, demanda à ses concitoyens ce que signifiait toute cette
magnificence dont il était entouré. - "On le traite ainsi,
répondirent-ils, parce qu'il doit se sacrifier." - "Je vous prie, dit
Césaire, au nom du Dieu tout-puissant, expliquez moi ce que cela veut
dire." - "Vous saurez, répondirent ses concitoyens, que c'est ici la
coutume de nourrir un homme pendant six ou huit mois, en lui donnant
tout ce qu'il désire. Au bout de ce temps, il doit, couvert de ses armes
et d'habits magnifiques, se précipiter avec son cheval du haut de la
montagne dans la mer, pour le salut de l'état, de l'empereur et de tous
les citoyens, et pour acquérir à son nom une gloire immortelle. Son
cadavre est recueilli avec les plus grands honneurs, on le transporte au
temple d'Apollon pour l'y brûler, et on dépose ses cendres dans ce même
temple, afin qu'elles soient un gage de salut pour la ville et ses
habitants."
Césaire
entendant cette réponse s'écria : "Ô malheureux et infortunés que vous
êtes ! cet aveuglement funeste qui vous a fait offrir au démon les âmes
d'hommes innocents, vous empêchera en ce monde et en l'autre d'avoir
part à la véritable vie." Ensuite il demeura caché dans la ville chez un
chrétien, serviteur de Dieu, jusqu'aux calendes de janvier de l'année
suivante, servant Dieu et notre Seigneur Jésus Christ dans les prières
et les veilles.
Lorsque
les calendes de janvier furent arrivées, les citoyens se réunirent dans
le temple d'Apollon, amenant avec eux Lucien, ce beau jeune homme dont
nous avons parlé, afin qu'il offrît un sacrifice. Lucien immola une
truie, pour le salut de la ville et de ses habitants. Ce que voyant le
diacre Césaire, il s'écria : "Si vous êtes sages, pourquoi vous obstiner
à commettre un pareil forfait ? Vous parait-il donc juste d'acheter
votre salut au prix du sacrifice d'un homme innocent ?" Malgré cela, les
rites barbares s'accomplissent : Lucien, montant à cheval, gravit la
colline d'ou il devait se précipiter; et, s'élançant du haut du rocher,
il périt au milieu des flots. Alors le diacre Césaire s'écria : "Malheur
à l'état et aux princes qui se réjouissent des souffrances et se
repaissent du sang d'autrui ! Pourquoi perdez-vous ainsi vos âmes par
vos impostures, séduits que vous êtes par les artifices des démons ?" Le
faux pontife Firmin entendant ces paroles du saint diacre, ordonna
qu'on le saisît et qu'on l'enfermât dans la prison publique. Pour lui,
il recueillit le corps de Lucien, l'emporta pour le brûler selon la
coutume dans le temple d'Apollon; ce qu'il accomplit avec plusieurs
autres sacrifices.
Huit
jours après, Luxurius, un des principaux de la cité, de concert avec le
pontife Firmin, fit amener Césaire de la prison sur la place publique,
et ils prièrent le consulaire Léonce, qui était alors à Fondi, de venir à
Terracine. Quand il fut arrivé, ils firent amener le diacre Césaire,
qu'ils avaient tourmenté déjà dans sa prison, en le laissant trois jours
sans nourriture. Alors, au milieu du forum, Léonce, par l'intermédiaire
du héraut, commença l'interrogatoire en disant : "Quel est ton nom ?"
Le saint répondit : "Je suis Césaire, pécheur, et diacre quoique
indigne." Le consulaire Léonce dit : "Es-tu libre ou esclave ?" Césaire
répondit : "Je suis serviteur de mon Seigneur Jésus Christ." Le
consulaire Léonce dit : "Sais-tu ce qu'ont ordonné les empereurs ?" Le
diacre Césaire répondit : "Je ne connais pas leurs ordres." Le
consulaire Léonce dit : "Ils ont commandé que l'on offre des sacrifices
aux dieux immortels." Césaire répondit : "Ils sont bien malheureux,
s'ils ont donné de tels ordres." Le consulaire Léonce dit : "Et pourquoi
cela ? Est-ce parce qu'ils cherchent à procurer ainsi le salut de
l'État ?" Césaire répondit : "Ce que vous appelez le salut de l'empire
en est la perte." Le consulaire Léonce dit : "Cependant la religion est
une source de salut pour tous." Césaire dit : "Et quel bien
procure-t-elle donc à ceux que vous obligez de se dévouer ainsi à la
mort sans l'avoir méritée par aucun crime ?" Le consulaire Léonce dit :
"Fais ce que je te conseille et sacrifie aux dieux, ou bien ton
obstination ne tardera pas à être punie." Le diacre Césaire répondit :
"Vos tourments ne font aucune impression sur moi; les supplices éternels
en feront sur vous une bien autre, puisque vous ne cesserez jamais de
les ressentir." Le consulaire Léonce dit : "Allons au temple d'Apollon."
On
conduisait Césaire lié et nu devant le char de Léonce, et comme on
approchait du temple, le saint diacre, tout entouré qu'il était de
soldats, s'écria : "Ô Dieu, Père de mon Seigneur Jésus Christ, Roi
éternel, toutes choses Te sont connues; ne m'abandonne pas, mais daigne
jeter un regard sur ton serviteur qui espère en Toi." Quand il eut
achevé cette prière, le temple s'écroulant tout à coup écrasa dans sa
chute le pontife Firmin. Dès que Luxurius, de qui nous avons déjà parlé,
eut appris cet événement, il s'empressa d'accourir, et s'écria :
"Est-il vrai, ô Léonce, que cet impie Césaire vient de faire usage de
ses conjurations magiques ?" - "Il est vrai," répondit Léonce; et se
tournant vers Césaire, il dit : "Aujourd'hui tu ressentiras les effets
de ma colère." Le saint répondit : "Je ne crains ni toi ni ton prince.
Il est vrai, comme tu le dis, qu'aujourd'hui votre colère s'enflammera,
mais elle s'évanouira demain; et quand vous serez morts, vous ne pourrez
plus rien." Luxurius l'interrompit à ces mots, et s'écria : "Eh quoi,
Léonce, tu entends ce malheureux lancer l'injure contre nos empereurs,
et tu hésites encore à le faire périr ?" Le consulaire Léonce répondit :
"Et quel supplice faut-il lui infliger ? - Il faut, répliqua Luxurius,
convoquer tout le peuple au temple où il a exercé sa magie." On réunit
donc en ce lieu tout le peuple; on exposa le cadavre du pontife Firmin,
et Luxurius adressa ces paroles à la multitude : " Vous voyez devant
vous un homme impie, qui ne craint ni les dieux ni les princes, il vient
de tuer le pontife, et il a détruit par ses enchantements le temple
sacré bâti par nos ancêtres."
Le
diacre Césaire s'écria : "Est-il juste, mes frères, d'obéir à un homme,
plutôt qu'au Dieu Maître souverain d'univers ? Quelle est cette
religion qui vous ordonne de procurer le salut de votre patrie par
l'effusion du sang humain ? Je vous engage à faire pénitence pour le
sang innocent que vous avez versé; je vous exhorte à croire au Christ,
Fils de Dieu, et à Le servir." Tout le peuple s'écria : "C'est un homme
vertueux; et ce qu'il nous propose est juste." Luxurius le retira du
milieu du peuple, et le fit reconduire dans la prison où il le laissa un
an et un jour. Il le fit alors produire en public, et envoya un
messager à Léonce pour le consulter sur le genre de supplice qu'il
convenait de lui infliger. Or, le bienheureux Césaire sortit de sa
prison amaigri par les souffrances de la faim et dépouillé de ses
vêtements, mais couvert de sa longue chevelure : car dans sa prison
l'ange du Seigneur l'avait gardé le jour et la nuit. Quand il eut été
amené au milieu de la place publique, il dit aux soldats qui le tenaient
enchaîné : "Je vous prie, relâchez un peu mes liens, afin que je rende
grâces à mon Seigneur Jésus Christ, qui a daigné m'admettre au nombre de
ses serviteurs." Aussitôt, se jetant à terre, il adora le Seigneur en
disant : "Seigneur mon Dieu, Père de mon Seigneur Jésus Christ,
fais-nous voir ta Miséricorde." Au même instant une grande lumière
parut, et couvrit tout le corps du saint martyr. Ce que voyant le
consulaire Léonce, il s'écria à haute Voix : "Le Dieu que prêche Césaire
est vraiment le Seigneur tout-puissant." Et se mettant aux pieds du
saint diacre, il se dépouilla de sa chlamyde, en revêtit Césaire, et le
pria, devant tout le peuple, de le baptiser. Le bienheureux Césaire lui
dit : "Crois, et tu verras bientôt une lumière éclatante." Alors, ayant
pris de l'eau, il le baptisa au nom du Père, et du Fils et du saint
Esprit; et le bienheureux prêtre Julien, qui se trouva là présent, lui
administra le Corps et le Sang du Seigneur Jésus Christ. Or, quand il
eut revu les sacrements, le bienheureux Julien récita sur sa tête une
prière, laquelle étant finie, Léonce rendit l'esprit.
Le
même jour, Luxurius fit arrêter le prêtre Julien, et prononçant la
sentence contre lui et le diacre Césaire, il ordonna que tous les deux
seraient enfermés dans un sac et jetés dans la mer. Le corps de Léonce
fut recueilli par son épouse et ses fils, qui lui donnèrent la sépulture
dans le champ de Véranus, près de Rome, le trois des calendes de
novembre. Trois jours après, comme on conduisait pendant la nuit le
prêtre Julien et le diacre Césaire pour les précipiter dans la mer et
les y noyer, le bienheureux Césaire dit à Luxurius : "L'eau, dans
laquelle j'ai été régénéré, me recevra comme son fils qui a trouvé en
elle une seconde naissance : elle va me rendre aujourd'hui martyr avec
Julien, mon père, qui autrefois m'a fait chrétien. Quant à toi,
Luxurius, aujourd'hui même tu périras par la morsure d'un serpent, afin
que tout ce pays sache que Dieu venge le sang de ses serviteurs, et des
vierges que tu as fait périr dans les flammes." Le prêtre Julien et le
diacre Césaire furent mis dans un sac et jetés à la mer; mais, le même
jour, les flots rapportèrent leurs corps sur le rivage, où on les trouva
à côté de celui de Luxurius, qui périt comme nous allons le dire.
Il
était parti pour sa maison de campagne, où il voulait dîner, et pour
être plus tôt rendu, il avait pris tout seul le chemin qui longeait le
rivage; lorsque, comme il passait sous un arbre, un serpent lui tomba
sur le dos, se glissa entre son cou et sa tunique, déchira ses flancs
par de cruelles morsures, et même l'atteignit au c¦ur. Le malheureux
tomba, le corps horriblement gonflé; mais avant d'expirer, il vit les
ch¦urs des anges emporter hors de l'eau les corps des bienheureux
martyrs. Un serviteur de Dieu, nommé Eusèbe, qui avait vécu avec eux,
recueillit leurs précieuses reliques et les ensevelit à Terracine, le
jour des calendes de novembre. Cinq jours après, on trouva le
bienheureux Eusèbe dans le lieu où il avait déposé les corps des saints
martyrs, jeûnant, priant Dieu, et récitant des psaumes. Ce que voyant
les habitants de Terracine, comme ce lieu n'était pas fort éloigné de la
ville, ils accouraient en grand nombre auprès du bienheureux Eusèbe :
beaucoup se convertissaient, et le bienheureux prêtre Félix les
baptisait. Quand Léonce, fils du consulaire Léonce, eut appris tout
cela, il entra en fureur à cause de la mort de son père, et envoya des
soldats pour saisir le prêtre Félix et Eusèbe, et les amener dans le
forum en présence de tout le peuple. Ensuite il s'assit avec les
principaux de la ville, et les interrogea en ces termes : "Dites-nous si
vous êtes libres ou esclaves." Le prêtre Félix répondit : "Nous sommes
serviteurs de notre Seigneur Jésus Christ." Léonce dit : "Quels sont vos
noms ?" Les saints répondirent "On nous appelle Eusèbe et Félix."
Léonce dit : "Pourquoi prêchez-vous des doctrines insensées, et
contraires au salut de la république et des princes ?" Le prêtre Félix
répondit : "La doctrine que nous prêchons n'est pas insensée : c'est la
vraie et saine doctrine qui nous oblige à connaître et à servir Dieu. Si
vous voulez Le connaître, il vous sera permis à vous aussi d'obtenir la
vie éternelle." Léonce dit au peuple : "Que vous en semble ?" Les uns
criaient que leur doctrine était bonne; les autres, qu'elle n'était
propre qu'à séduire les hommes. Pendant que l'on disputait ainsi à leur
sujet, Léonce ordonna qu'on les conduisît en prison. La nuit, il envoya
des gens pour les contraindre à sacrifier. Mais comme ils refusaient et
se moquaient des sacrifices des démons, et qu'ils chantaient : "Gloire à
Dieu au plus haut des cieux", Léonce ordonna qu'on leur tranchât la
tête, et qu'on jetât leurs corps dans un fleuve. Or, ce fleuve les roula
jusqu'à la mer, et le lendemain les flots les rejetèrent sur le rivage
auprès d'une forêt de pins. Or voilà que, comme un certain prêtre de
Capoue nommé Quartus sortait pour aller à sa maison de campagne, il
trouva les corps décapités des saints martyrs, les plaça sur son char,
et se mit à chercher soigneusement leurs têtes qu'il ne put découvrir
que le lendemain. Il ensevelit ces précieux restes auprès du corps du
bienheureux diacre Césaire ; et là, par les prières de ces saints
martyrs, on obtient souvent de grands miracles, à l'honneur et à la
gloire de notre Seigneur Jésus Christ, qui vit et règne dans tous les
siècles des siècles.
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