Saint Jean de Réomé († 539)
Ermite dans l'Auxois
En Bourgogne on fête aujourd'hui la mise au tombeau de saint Jean de Réôme.
Il est né au milieu du Vème siècle et mort en 539.
Des récits sans doute légendaires le font naître au début du Vème siècle, car les hagiographes des débuts de l'Église aimaient parfois faire vivre les saints moines très longtemps, comme pour les comparer aux patriarches bibliques et aux Pères du Désert, ils se devaient donc de vivre plus de cent ans !
Toujours est-il que sa vie fut écrite par le moine Jonas de Bobbio (600-659) après sa biographie sur saint Colomban (540-615), pour laquelle il avait parcouru la Gaule et ses monastères, qui conservaient les souvenirs de leurs fondateurs.
Saint Jean de Réôme était le fils d' un patricien gallo-romain, Hilaire premier comte de Tonnerre.
Il avait donc dû recevoir une éducation de lettré dans cette époque troublée où les Burgondes ariens s'affrontaient aux Mérovingiens, héritiers de la loi franque.
Il était né dans une région à la frontière du royaume burgonde et du
royaume des Francs. Sans doute avait-il dû s'opposer à son milieu pour
le quitter ainsi, refusant les charges et les responsabilités militaires
ou administratives auxquelles sa naissance le destinait. Pendant ces
guerres incessantes il fallait choisir son camp, il choisit celui de
Dieu.
Cette époque d'invasions avaient accumulé les désastres pour la Gaule.
La
jeune Église qui avait été florissante un siècle auparavant (Saint
Martin de Tours) et qui comptait de nombreux évêques prêchait la
patience et l'imitation des souffrances du Christ. Les hautes classes
suivaient le peuple christianisé et se jetaient dans la recherche de
Dieu en ces temps troublés. Les évêques représentaient la seule force d'
unité, alors que l'administration était presque anéantie.
Il sentit donc lui aussi l'appel du désert, de la solitude.
Mais en Bourgogne, c'était plutôt en forêt qu'on la trouvait !
Il suivit donc sa quête de Dieu dans des ruines situées en pleine forêt
entre les rivières d'Armançon et de Serein au lieu-dit Réôme.
D'autres anachorètes se joignirent à lui et ils cherchaient ensemble la sagesse chrétienne.
On
s'isolait dans des huttes ou des grottes autour d'une église, que l'on
rejoignait pour la liturgie du dimanche, comme en Orient.
On raconte que comme les Pères d'Égypte, il aimait méditer dans une fosse, comme s' il s'agissait d'une tombe...
En
Occident on connaissait la vie d'Antoine le Grand (écrite par saint
Athanase vers 360) traduite en latin et celle de Paul de Thèbes écrite
par saint Jérôme.
Ces figures étaient extrêmement célèbres.
Leurs vies étaient aussi rapportées par les pèlerins de Terre Sainte et
de Rome, beaucoup plus nombreux qu'on ne se figure aujourd'hui.
C'est ainsi que la solitude de la forêt devenait un lieu d'épreuve, mais aussi un refuge pour aller vers le salut.
C'était
le signe de la rupture, de la conversion. " Quasi in parte alique
paradisi " selon le mot de saint Césaire d'Arles. La forêt, c'était
comme l'entrée du désert, " un second baptême " (saint Jérôme).
Saint Jean de Réôme décida donc devant l'afflux de disciples de fonder un monastère sans doute mi érémitique, mi cénobitique.
Mais désireux de plus de solitude et de direction spirituelle, il
partit avec deux moines pour le monastère de Lérins, l'un des plus
grands centres monastiques des Gaules.
Au
bout d'un an, l'évêque lui ordonna de retourner à Réôme pour appliquer
une règle plus rigoureuse à ses moines, selon la discipline de saint
Macaire d'Egypte.
De
Lérins rayonnait ainsi un réseau de nouvelles abbayes (à Chinon,
Loches, saint Claude, Vienne, Ile Barbe près de Lyon, etc...) formé par
l'abbaye-mère, de même qu'auparavant toute une nouvelle génération
d'évêques avait été formée à Lérins et continuait à l'être.
En
511, le Concile d'Orléans réuni sous l'ordre de Clovis avait placé les
moines de la Gaule franque sous l'autorité de l'évêque. En Bourgogne
aussi l'Église se restructurait tant bien que mal :
Vers
516 saint Sigismond, roi de Bourgogne revenant à la foi catholique
combattit sévèrement l'arianisme ce qui lui valut un diplôme de patrice
de la part de l'empereur Justinien de Constantinople qui théoriquement
considérait encore qu'il avait quelques intérêts politiques en
Occident...Sigismond avant de se retirer dans un monastère convoqua
aussi un concile.
Ces
nouvelles orientations expliquent sans doute que saint Jean de Réôme
dans les dernières années de sa vie se consacra entièrement à
restructurer sa nouvelle fondation.
Quant à saint Sigismond, il fut tué, jeté dans un puits par les Mérovingiens.
Son frère et héritier Godomar agrandit la Bourgogne, mais quelques
années après, les fils de Clovis anéantirent définitivement le royaume
burgonde.
Il
est intéressant de remarquer que dans ces temps de guerres et
d'écroulement de la civilisation, des germes de refondation étaient
semés par l'Église. Elle avait négocié avec les barbares pour protéger
les cités et maintenant elle se posait en alliée des nouveaux " rois ".
Les moines, comme vivier des futurs évêques, parmi lesquels ces derniers
étaient choisis, devaient organiser leurs jeunes et nouvelles abbayes
sous l'autorité de l'évêque. Au point de vue économique, la protection
des grandes familles locales allait petit à petit assurer leur
fonctionnement. L'érémitisme strict était progressivement écarté.
L'abbaye
qui prit le nom de Moutiers-Saint-Jean (aujourd' hui en Côte-d'Or)
accueillit de nombreux moines, parmi lesquels saint Silvestre de Réôme
deuxième abbé, mort en 625. Elle suivit la règle bénédictine (réformée
vers 1630 selon la règle des bénédictins de Saint-Maur). A l'époque
romane, elle possédait jusqu'à deux cents villages, et l'on
reconstruisit un grand monastère (ses restes appartiennent aujourd'hui
au Metropolitan Museum de New York !) . L'abbatiale fut somptueusement
reconstruite au XVIIème siècle...mais en 1792 tout fut démoli. Il reste
aujourd'hui quelques pierres dans ce calme village où sainte Catherine
Labouré fit sa Première communion...
L'église
du village construite au XIIème siècle, sous l'invocation de la
Conversion de saint Paul conserve les reliques de notre saint
bourguignon, imitateur des Pères du Désert et bien oublié aujourd'hui !
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