Sainte Fausta († v. 308)
martyre avec saint Evilase et saint Maxime
L'empereur Maximien ayant appris qu'une jeune vierge de treize ans, du nom de Fausta, fille du protecteur Gemellus venait de perdre ses parents, et qu'on l'élevait dans la doctrine des chrétiens, donna l'ordre à un des premiers officiers du palais, nommé Évilasius, de se rendre à Cyzique pour y rechercher la jeune épouse du Christ et lui persuader de sacrifier aux dieux.
Si elle refusait, on devait la précipiter dans la mer.
Évilasius
étant arrivé à Cyzique, se fit amener cette jeune fille d'un âge si
tendre encore, et la pressa très vivement de sacrifier aux idoles.
Mais
Fausta lui dit : «Ô Évilasius, je ne sacrifierai jamais à des divinités
sourdes et aveugles, qui sont l'oeuvre de la main des hommes ; car j'ai
pour époux le Sauveur Jésus Christ qui est dans les cieux, et que je ne
puis pas abandonner sans perdre la récompense qu'Il m'a promise.»
Évilasius
lui répondit : «Écoute-moi, Fausta, comme si j'étais ton père, et
consens à sacrifier à notre grand dieu Jupiter, à l'invincible Mars, à
Apollon, à Esculape; tu le feras d'ailleurs, j'en suis assuré, quand tu
sauras quelle sentence a été portée contre toi.»
Fausta répondit : «Ne me crois pas assez folle pour t'obéir ; je suis
jeune, il est vrai ; mais mon esprit est plein de force et mon cœur tout
dévoué à Dieu.»
Alors
Évilasius commanda de lui raser la tête, pour lui faire honte ; et
comme on l'entraînait, elle tenait ses regards attachés au ciel, où elle
voyait Jésus Christ qu'elle aimait.
Évilasius
dit ensuite à ses ministres : «Placez devant cette jeune fille les
instruments de la torture ; car si elle ne les voit pas de près, elle ne
voudra jamais consentir à sacrifier.»
Les bourreaux obéirent à cet ordre, et présentèrent à Fausta tous leurs instruments de supplice.
Alors Évilasius dit à Fausta : «Tu vois ces instruments qui serviront à te tourmenter ?»
Fausta répondit : «Je les vois; mais mon âme n'en est pas effrayée, ô cruel et sanguinaire Évilasius !»
Le juge irrité ordonna aussitôt de la suspendre au chevalet et de commencer à la tourmenter.
Pendant
la torture, la jeune vierge leva les yeux au ciel et dit : «Seigneur
Dieu, Père de notre Sauveur Jésus Christ, qui as assisté les trois
enfants dans la fournaise ardente, préservé Daniel de la gueule des
lions, conduit Moïse à travers la mer Rouge comme sur la terre ferme,
retiré Pierre des eaux et brisé ses chaînes ; Toi dont le seul Regard
fait trembler la terre, sois-moi propice, malgré mes péchés.»
À l'instant même des éclairs brillèrent dans le ciel, et la foudre frappa plusieurs des spectateurs.
Évilasius,
témoin de ce prodige qu'il attribuait à la magie, craignait d'en être
victime, ainsi que ses ministres, et il s'écria : «Fausta, tu as voulu
me tromper et m'effrayer en te livrant devant moi à ton art magique.»
Fausta
répondit : «Évilasius, écoute-moi, fais travailler à une statue qui ait
ma ressemblance, commande ensuite d'employer contre elle tous les
genres de torture.»
Évilasius
se réjouissant à la pensée qu'il obtiendrait quelque consentement de la
vierge par cette condescendance, ordonna que l'on se mît aussitôt à
l'œuvre pour faire la statue.
Quand elle fut terminée le juge dit à Fausta : «Voilà cette image, elle
a été faite comme tu le désirais ; maintenant dis-nous quelle est ta
pensée.»
Fausta lui répondit : «Si tu étais sage et prudent, tu comprendrais mon intention.»
Évilasius
dit : «Je t'affirme, par tous les dieux et par le salut de l'empereur,
que je l'ignore complètement. Dis-moi donc ton dessein.
Fausta
répondit : «Ô Évilasius, celui qui frappe et tourmente mon image,
peut-il lui nuire, et ne perd-il pas vainement toute la peine qu'il se
donne ?»
Évilasius dit : «Ô dieux ! cette jeune fille se moque de moi.»
Fausta
répondit : «Je n'ai pas voulu t'insulter, mais te montrer seulement que
tu ne gagnes rien à vouloir me torturer ; car de même que cette statue
ne sent aucun des mauvais traitements qu'on lui inflige, de même je suis
aussi insensible à tes tourments ; tu perds ta peine ; redouble encore,
si tu le veux, la violence des supplices : mon corps est en ton pouvoir
; mais Dieu seul a puissance sur mon âme.»
Évilasius
ayant entendu cette réponse, ordonna d'apporter un coffre en bois, d'y
enfermer la vierge chrétienne et d'enfoncer ça et là de longs clous,
afin de la transpercer dans toutes les parties de son corps ; mais la
bienheureuse Fausta se mit à chanter, dans cette espèce de cercueil, ces
paroles : «Je ne craindrai pas la souffrance, parce que, Seigneur, Tu
es avec moi.»
Les
bourreaux se lassaient d'enfoncer les clous dans le bois, tandis que la
martyre disait d'une voix haute : «Jésus Christ, secours-moi dans mon
épreuve»
Une
force divine arrêtait aussitôt leurs efforts. Ils se retirèrent donc,
et vinrent dire à Évilasius : «Cette femme que tu nous as donnée à
tourmenter, nous résiste toujours ; depuis la première heure jusqu'à la
sixième, nous n'avons cessé d'enfoncer des clous dans le coffre qui la
renferme ; nous en avons pris d'une plus grande longueur, mais ils n'ont
pu l'atteindre ; nous avons mis du feu autour d'elle, mais elle n'a
cessé de chanter ces paroles : «Lors même que je passerai par le feu, il
ne pourra me brûler.»
Évilasius
entendant ce qu'on lui rapportait, se trouvait fort embarrassé pour
vaincre la résistance de la vierge et lui faire sentir les rigueurs de
sa colère.
Il
lui dit : «Fausta, tu as voulu me tromper par tes opérations magiques;
je suis, il est vrai, âgé de quatre-vingts ans, mais je n'ai jamais vu
de pareils prodiges. Maintenant je te le jure par le salut de l'empereur
et par tous les dieux, je ne te ferai aucun mal, si tu consens à
sacrifier.»
Un
moment après, il ajouta : «Je sais aussi que je serai englouti dans les
flots à cause de toi, et je souffre en ce moment, parce que je combats
ton Dieu. Dis-moi donc toute la vérité.»
Fausta
commença alors à lui parler en ces termes : «Évilasius, si je te dis la
vérité et que tu en éprouves de la colère, tu ne pourras me maltraiter;
permets-moi de te parler à cette condition.»
Le juge le lui accorda. Fausta dit aussitôt : «Écoute-moi avec une
grande attention ; car ce que je vais te révéler est de la plus haute
importance, comme tu le verras toi-même. Dans peu de temps, je t'aurai
persuadé d'entrer dans ma religion.»
Évilasius
entendant ces paroles de la bienheureuse Fausta, se retira avec elle
dans un lieu secret, et recueillit de sa bouche les paroles du salut.
Elles
firent sur son esprit une telle impression, que se voyant païen et
adorateur des idoles, il fut presque résolu d'embrasser la vie des
chrétiens.
Fausta
lui disait : «Notre Dieu est tout-puissant ; c'est Lui qui récompense
les justes et punit les méchants ; Il renverse les idoles, et montre à
toute la terre que vos dieux ne sont que des démons. S'Il a en horreur
les vices des hommes et s'Il les châtie par des fléaux, Il préserve de
tout mal ceux qui aiment les vertus célestes, qui gardent la chasteté
ainsi que ses autres commandements ; Lui seul est le Dieu véritable ;
nous mourons tous sur cette terre, mais nous avons en Lui une vie
nouvelle.»
Évilasius
comprenant alors combien est grande la Miséricorde du Seigneur, ouvrit
son âme à l'Esprit saint, et commença à goûter la vérité.
Déjà
la puissance de l'empereur ne lui inspirait plus aucune crainte ; il
n'exagérait plus sa charge de préfet, et donnait même des ordres pour
adoucir la sévérité des lois.
Cependant
un de ses officiers, voyant son changement, se rendit en hâte auprès de
l'empereur et lui dit : «Évilasius préfère à ton service celui du
Christ, et bientôt il sera chrétien, si ta puissance ne parvient pas à
l'arrêter.»
Maximien,
transporté de colère, fit appeler le préfet du prétoire et lui dit :
«Jure-moi par les dieux que tu ne te livreras pas aux adorateurs du
Christ.»
Le préfet du prétoire fit le serment, et partit pour Cyzique afin d'arrêter Évilasius.
Arrivé
dans cette ville, cet envoyé de l'empereur l'interrogea et lui dit :
«Misérable, comment as-tu osé renier les dieux et te donner à ces
chrétiens insensés !»
Évilasius
répondit : «Par le Fils du Très-Haut, je te le dis, tu seras heureux,
si tu veux reconnaître le Dieu vivant et éternel ; car tous les autres
dieux ne sont que des démons.»
Le préfet du prétoire entendant ces paroles fermes et le serment
solennel qui les accompagnait, fut saisi d'effroi, parce que lui-même
sacrifiait aux dieux ; mais la colère bientôt l'emportant, il fit
suspendre Évilasius au chevalet, et ordonna de le tourmenter
cruellement.
Celui-ci
cependant criait à haute voix : «Ô Fausta, douce colombe du Christ, toi
qui es pure et sans tache, invoque pour moi ton époux, quoique je t'aie
fait cruellement souffrir. C'est par toi que j'ai connu le Fils de Dieu
; tu m'as tiré des ténèbres, tu m'as conduit à la lumière, tu m'as
délivré de l'esclavage du diable ; viens à moi comme une mère,
prends-moi dans tes bras, donne-moi le lait comme à un enfant ; ne
rougis pas de ma vieillesse ; désormais je veux être d'en haut, et ne
plus tenir à la terre que je méprise. Que le souvenir des tortures que
je t'ai infligées ne t'empêche pas de me secourir; mais au contraire
qu'il soit pour moi, ô ma dame et ma maîtresse, le motif de mon
espérance au jour du salut.»
Fausta
entendant ces prières d'Évilasius, oublia tout ce qu'elle avait
souffert par ses ordres, et dit : «Ô mon Dieu, accorde-moi le bienfait
de ta grâce, et daigne recevoir Évilasius au nombre des brebis de ton
bercail, afin qu'il soit compté un jour au nombre des justes.»
Le
préfet du prétoire entendant les paroles que la bienheureuse Fausta
adressait à Évilasius, ordonna de la faire comparaître devant son
tribunal.
Les bourreaux ouvrirent la prison, où la vierge jeune et délicate se tenait en prières.
Elle y avait opéré déjà de nombreux prodiges.
Les
cruels soldats l'entraînèrent toute nue et sans voile, pour la couvrir
d'ignominie ; mais elle marchait d'un pas joyeux et comme une véritable
épouse du Christ.
Le
préfet du prétoire lui dit : «Fille méchante et perverse, tu as donc
travaillé contre toutes les lois de l'honnêteté à nous enlever un prêtre
de nos dieux pour lui faire adorer ton Christ !»
Fausta répondit : «J'ai la confiance que mon Dieu, qui a rendu
Évilasius le fils de la vérité, lui qui était auparavant le père des
démons, t'appellera toi aussi à la connaissance de son nom.»
Le
préfet dit : «Ne crois pas qu'Évilasius te suive dans ta secte, et pour
ce qui est de toi, j'exposerai bientôt tes membres au soleil, que tu ne
veux pas adorer.»
Fausta répondit : «Mon corps est entre tes mains, fais ce qu'il te plaira.»
Le
préfet irrité de cette réponse commanda de percer les talons de la
jeune vierge et d'y enfoncer des clous en fer. Lorsqu'on eut exécuté cet
ordre, la servante du Christ sembla n'éprouver aucune douleur ; car
elle était soutenue par la Puissance divine.
Le
préfet voyant que ce supplice la trouvait insensible, dit à ses
officiers : «Si quelqu'un parmi vous peut imaginer une torture plus
cruelle, qu'il la propose, et il sera récompensé.»
Alors un nommé Claudius s'écria : «Qu'elle soit livrée aux bêtes.»
Le préfet donna l'ordre aussitôt d'amener pour le lendemain les bêtes féroces.
Lui-même se rendit ce jour-là à l'amphithéâtre, où les bourreaux
entraînèrent la vierge chrétienne, dépouillée de ses vêtements.
Aussitôt on lâcha contre elle une lionne, qui courut se jeter à ses pieds comme pour l'adorer.
Le
préfet, à cette vue, commanda de lâcher toutes les bêtes à la fois;
mais elles accoururent ensemble se prosterner aussi aux pieds de Fausta.
Voyant ce nouveau miracle, le préfet ordonna de la traîner au dehors dans l'état de nudité où elle se trouvait.
Mais comme on l'entraînait, la vierge s'écria : «Seigneur Jésus Christ, couvre l'œuvre de tes Mains.»
À l'instant même un nuage descendu du ciel la couvrit comme l'épouse du Christ.
Cependant
le préfet répétait à ses officiers : «Si quelqu'un parmi vous peut
trouver une peine encore plus forte contre cette chrétienne, je le ferai
récompenser largement.»
Un certain Eusèbe lui dit alors : «Donne-moi tout pouvoir sur cette femme, et je saurai bien lui persuader de sacrifier.»
Il
se fit apporter, en effet, un grand nombre de clous, et les enfonça à
la tête, au front, sur tout le visage, sur la poitrine et les jambes de
Fausta ; et bientôt la vierge chrétienne fut couverte de ces clous comme
la semelle des chaussures des soldats.
Pendant
ce supplice, la bienheureuse Fausta priait et disait : «Seigneur Jésus
Christ, qui vis et règne dans tous les siècles, Toi le Soleil de justice
sur cette terre, qui ne connaisse point de couchant, Toi la couronne
des saints, qui as daigné m'appeler à ton service, malgré mes péchés,
accorde à ce préfet, adorateur des idoles, la grâce de connaître que Toi
seul es Dieu.»
Eusèbe
cependant, voyant qu'il était vaincu par une jeune fille, ordonna
d`apporter une grande chaudière, qu'il remplir de poix et de bitume ; et
quant elle fut embrasée par les flammes, il commanda d'y jeter Fausta
et Évilasius ; mais ayant l'un et l'autre commencé à réciter des
psaumes, la chaudière fut refroidie en un instant.
Le
préfet, voyant alors que la confiance des chrétiens avait reçu sa
récompense, s'écria : «Ô Dieu qui as réuni Évilasius à ta colombe
Fausta, daigne me recevoir avec eux, afin que je complète cette
trinité.»
La bienheureuse Fausta dit aussitôt : «Seigneur, qu'il en soit ainsi;
montre ta Miséricorde, et fais promptement éclater ta Puissance.»
Elle
parlait encore, que déjà les cieux étaient ouverts, et le Fils de Dieu
apparut sur les nuages, entouré de l'armée célestes et de la troupe
resplendissante des élus.
Le
préfet, témoin de ce prodige, cria au Seigneur, en disant : «Dieu
tout-puissant, reçois-moi comme Évilasius dans le sein de ton épouse. Et
courant près de la chaudière, il leva les yeux, et s'y jeta lui-même,
en s'écriant : «Au nom du Père, du Fils et saint Esprit, moi aussi je
suis à vous»
Fausta,
pleine d'allégresse en voyant ses vœux exaucés, saisit le préfet par la
main ainsi qu'Évilasius, et la douleur ne put les atteindre.
Elle
dit alors d'une voix haute : «Me voici entourée des miens, comme une
vigne abondante en fruits ; c'est ce qu'a dit le Seigneur lui même : «Là
où deux ou trois se rassemblent en mon Nom, je me trouve au milieu
d'eux.»»
Quand
elle eut parlé, on entendit une voix qui descendait du haut des airs et
qui disait : «Viens, le Père céleste vous demande.»
Ils
entendirent avec joie cette annonce et rendirent l'esprit tous trois,
au même moment. C'était le douzième jour des calendes d'octobre.
L'empereur
Maximien, apprenant ce qui était arrivé à Évilasius et à son préfet, se
mit à maudire ses dieux, Apollon, Mars et Esculape, qui n'avaient pu
préserver ses serviteurs de la séduction des chrétiens.
Les
fidèles du Christ qui avaient été présents à l'interrogatoire et
témoins du martyre, se hâtèrent d'enlever les corps des bienheureux, et
les ensevelirent en chantant des hymnes d'allégresse ; ils retournèrent
ensuite dans leurs demeures, louant et bénissant le Seigneur Père, le
Fils et le saint Esprit, à qui sont dus honneur, gloire et puissance
dans tous les siècles des siècles. Amen.
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