Manosque Notre-Dame de Romigier

Manosque
Notre-Dame de Romigier

 


L'histoire merveilleuse de Notre-Dame de Romigier et du Sarcophage, où elle fut découverte, donne à cette tradition une grande vraisemblance et s'étaie elle-même sur ce lointain souvenir dont elle confirme l'authenticité par ses caractères archéologiques.

Vers l'an 850, dit la légende, c'est-à-dire trente-six ans après la mort de Charlemagne, un laboureur, qui conduisait la charrue dans un champ voisin du village, vit tout à coup ses bœufs s'arrêter devant une touffe de buissons, sans que ni la voix ni l'aiguillon pût les déterminer à poursuivre le sillon commencé ; surpris, il prend sa pioche, arrache les épines, et veut continuer son labour ; mais, au lieu d'avancer, les animaux tombent à genoux et se mettent à mugir d'une façon étrange et désespérée ; c'en était plus qu'il ne fallait pour jeter l'effroi dans l'âme du candide laboureur.

Hors de lui-même, il appelle les voisins ; on accourt, on discute, on s'étonne, on creuse le sol sous le buisson, et quelle n'est pas la surprise générale, quand on voit sortir de terre un magnifique sarcophage en marbre blanc, contenant dans sa cavité une statue de la Vierge, revêtue de riches vêtements à peine altérés par l'humidité.
Le sarcophage et la statue se voient encore dans l'église qui leur fut consacrée et dont il font le principal ornement.

Chacun peut se convaincre, en les examinant, de l'époque artistique à laquelle ils remontent et de l'antiquité de leur origine.

La forme du tombeau est à peu près celle du monument qu'on montre à Arles, sous le nom de sépulcre du fils de Constantin.

Les figures des douze apôtres grossièrement sculptées dont il est chargé indiquent l'époque de la décadence des beaux arts, c'est-à-dire le VIe ou le VIIe siècle.

La statue est plus ancienne, et on l'attribue généralement aux premières années de l'époque mérovingienne.

Elle est en bois noir et de la hauteur de soixante-dix centimètres.

La sculpture, assez naïve, montre une femme assise, tenant un enfant sur le genou gauche, et serrée à la taille par une robe flottante que couvre un manteau agrafé sur la poitrine.

Un voile qui descend en arrière, de la tête aux épaules, et l'attitude générale de la statue, rappellent la vierge noire du Puy en Velay, dont il sera question plus loin ; la couronne qui couvre le front de l'enfant et de la mère et affirme l'intention qu'avait l'artiste de représenter la Vierge et l'Enfant Jésus, est celle des rois francs de la première race.

Quelle que fût l'ignorance des habitants de Manosque et de leur clergé, au IX° siècle, ils n'hésitèrent point à voir dans cette précieuse découverte un reste du culte de leurs aïeux envers la Mère de Dieu, et le résultat de la panique qu'avait produit dans le pays, deux siècles auparavant, la nouvelle de l'invasion arabe.

Sans doute, à l'approche des barbares musulmans, les prêtres ou les gardiens de quelque sanctuaire vénéré avaient enfoui l'image sainte dans ce sarcophage, et la mort ou la captivité les avait saisis avant qu'ils pussent confier leur secret à leurs frères ; la domination étrangère était survenue, les générations s'étaient succédées, et le souvenir du passé s'était éteint, laissant la vierge noire dans sa cachette jusqu'à ce qu'un événement imprévu ou un signe surnaturel vînt en révéler l'existence.

Dans la contrée du soleil, la piété a toujours quelque chose d'enthousiaste, et le plus petit événement suffit pour en provoquer les manifestations.

La nouvelle de la découverte du laboureur se répandit comme la lumière d'une traînée de poudre, dans les montagnes et dans les vallées des Alpes, et l'on vit aussitôt pleuvoir les aumônes et les offrandes destinées à élever une église digne de sa grandeur à celle qui témoignait si manifestement son désir d'habiter au milieu du pays.

L'église fut construite avec luxe, et elle reçut le nom de Notre-Dame de Romigier, en souvenir du buisson qui avait si longtemps abrité la statue, et dont le nom provençal est roumi, par altération du latin rubus.

La dévotion à la madone merveilleuse ne tarda pas à franchir les limites restreintes du diocèse de Sisteron ; elle s'étendit au loin avec une réputation si éclatante que Manosque se changea promptement de simple bourgade en une ville importante, et que l'évêque crut nécessaire d'appeler, pour le service du pèlerinage, une succursale des bénédictins de Saint Victor de Marseille.

Entre les mains de ces religieux, le pèlerinage devint si généralement fréquenté, et il fut comblé par les comtes de Provence et les fidèles de donations si importantes, qu'il parut bientôt nécessaire de remplacer l'église primitive par un vaisseau plus vaste et plus digne de sa célébrité.

Ce second sanctuaire est celui qui existe encore et où la foule des pèlerins continue à se presser depuis six siècles.

Son système architectural indique bien clairement l'époque de sa construction, qu'on peut fixer sans erreur à la fin du XIe et au commencement du XIIe siècle, et qui se rattache au genre romano-byzantin. C'est un très-bel édifice, encore bien conservé.

Les avantages extérieurs de la nouvelle église, joints aux grâces signalées que les suppliants de Notre-Dame du Romigier y recevaient tous les jours, augmentèrent bientôt si considérablement le nombre des visiteurs, et conséquemment le bénéfice des offrandes et la confiance des fidèles, que les autres paroisses du voisinage s'en plaignirent amèrement à l'autorité ecclésiastique, et que l'évêque du diocèse fut obligé d'intervenir, en 1269, pour mettre fin à la querelle et rappeler aux chrétiens des vallées voisines leurs devoirs envers leurs églises respectives.

Dans son Histoire de Manosque, le père Colombi signale cette tendance générale des esprits, non-seulement aux XIIe et XIIIe siècles, mais encore aux âges suivants, et jusqu'au moment où il écrivait, c'est-à-dire à la fin du XVIe. « J'ai vu, moi-même, pendant mon enfance, dit-il, des yeux, des pieds en cire, des béquilles, et bien d'autres ex-voto, suspendus aux murs de l'église, en témoignage des bienfaits obtenus en ce lieu par le secours tout puissant de Marie. »

Le bon père raconte ensuite quelques uns des miracles qui, de son temps, eurent le plus de retentissement. Ce sont surtout des malades guéris, des afflictions consolées, et des fléaux menaçants détournés par son intercession.

A l'époque où la tourmente révolutionnaire manifesta ses premiers symptômes, la vierge de Manosque sembla, dit-on, prédire les maux qui devaient bientôt tomber sur la France, et l'on vit des larmes couler de ses yeux.

Ce qui est certain, c'est que la sainte chapelle fut une des plus maltraitées par cette impitoyable insurrection.

On ne se contenta pas de la piller et de la dépouiller, la statue miraculeuse, regardée comme un objet de superstition par les esprits forts, allait être jetée au feu, quand elle fut miraculeusement sauvée par un des officiers municipaux qui l'enleva secrètement, au péril de sa vie, et la tint quelque temps cachée dans un lieu secret de sa maison, qu'encore aujourd'hui on révère comme un sanctuaire.

Dénoncé comme réactionnaire, le pieux citoyen dut bientôt se désemparer de ce dépôt compromettant, et l'histoire a conservé les noms des personnes qui, de main en main, reçurent et donnèrent asile à la vierge du buisson jusqu'au moment où la réouverture officielle des églises permit de lui rendre son ancien domicile et de l'installer sur une table, faute d'autel, dans l'église abandonnée qui lui doit son nom.

Dès qu'elle eut été rendue au culte, l'antique Madone reprit dans l'esprit des populations la célébrité que ses bienfaits n'avaient cessé de lui mériter depuis tant de siècles.

Les années, en se succédant, n'ont fait depuis lors que confirmer le premier élan des fidèles, et on ne s'aperçoit plus depuis longtemps, en visitant son église, qu'elle a été réduite aux quatre murailles à une époque encore voisine de nous.

Tout y brille, tout y est frais, tout annonce la piété vigilante de la congrégation de saintes filles qui veille à l'entretien du culte.

Récemment encore, en 4856, on fit faire à Paris deux magnifiques couronnes ornées de pierreries, pour orner la tête de Notre-Dame et celle de son divin Fils, et la vieille statue, dix fois séculaire, disparaît sous les flots de dentelles et de brocard d'or dont sa châsse est sans cesse parée et entretenue.

Source : Livre "Pélerinages de Notre-Dame en France : mois de Marie légendaire" par Armand de Solignac



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