Saint Bruno († 1101)
Fondateur des Chartreux
Bruno
le Chartreux, saint né à Cologne vers 1030, mort le 6 octobre 1101 à
l'ermitage de la Torre, aujourd'hui chartreuse de Serra San
Bruno en Calabre.
Il
est le fondateur de l'ordre des Chartreux. Son culte dans l'Église
universelle a été autorisé à la suite du concile de Trente (1570).
Sources biographiques
Les sources concernant la vie de Bruno sont rares et lacunaires.
Cette carence a donné lieu à une abondante littérature hagiographique sans valeur critique.
Sa
légende, représentée en 22 tableaux par Le Sueur, ornait le cloître des
Chartreux de Paris ; ils se trouvent désormais au musée du Louvre.
Au milieu du XXe siècle,
les travaux de première main du chartreux Dom Maurice Laporte, ainsi
que ceux de Bernard Bligny, ont ouvert la voie à une nouvelle
hagiographie, plus dépouillée et plus soucieuse d'exactitude historique.
Hormis quelques chartes et lettres, ainsi que le rouleau des titres funèbres (connu à partir d'une copie arrangée du XVIe siècle),
un des deux plus anciens documents historiographiques conservés au
sujet de Bruno de Reims est une courte notice de 121 mots, contenue dans
un catalogue des premiers prieurs de la Grande-Chartreuse, connu sous
le nom de Chronique Magister écrit par Guigues I, cinquième prieur du lieu :
« Maître Bruno, de nationalité allemande, naquit de parents nobles, dans l'illustre ville de Cologne. Très érudit dans les lettres aussi bien séculières que divines, il fut chanoine de l'Église de Reims dont l'importance ne le cède à nulle autre parmi les églises de Gaule ; puis il y fut maître de l'enseignement. Ayant quitté le monde, il fonda l'ermitage de Chartreuse et le gouverna pendant six ans. Sur l'ordre du pape Urbain II, dont il avait été jadis le précepteur, il se rendit à la curie romaine, pour aider le Pontife de son soutien et de ses conseils dans les affaires ecclésiastiques. Mais il ne pouvait supporter les tumultes et le genre de vie de la curie ; brûlant de l'amour de la solitude naguère abandonnée et du repos contemplatif, il quitta la curie, après avoir même refusé l'archevêché de l'Église de Reggio auquel il avait été élu par la volonté du pape. Il se retira dans un désert de Calabre dont le nom est La Tour. Puis là, après avoir réuni de nombreux laïcs et clercs, il s'appliqua tant qu'il vécut à la vocation de la vie solitaire. Il y mourut et y fut enseveli, onze années environ après son départ de Chartreuse. »
Il faut également citer l'autobiographie de Guibert de Nogent (+1124), indépendante de la chronique Magister et beaucoup plus détaillée qu'elle, qui décrit longuement la vocation de Bruno de Reims et la vie des premiers chartreux.
Origines et formation
Bruno serait né à Cologne, en Allemagne, d'une famille de haut rang dont le nom est inconnu, probablement un peu avant 1030.
Il aurait été d'abord chanoine dans sa ville natale qu'il quitta assez
jeune pour continuer ses études à Reims, ville réputée à l'époque pour
son école cathédrale.
Pendant une trentaine d'années, Bruno demeure à Reims.
En 1057,
l'archevêque de Reims, Gervais de Belleme, lui confie en remplacement
d'Hermann, la direction de l'école dont il avait été l'élève.
Il y enseigne les arts libéraux et la théologie. Bruno exerce cette charge pendant 20 ans.
L'archevêque chassé
L'archevêque de Reims, Gervais, meurt en 1067 et est remplacé par un homme sans scrupules, Manassès de Gournay.
Celui-ci est plus préoccupé par les biens matériels que par sa charge d'archevêque.
Voulant
avoir, malgré tout, l'estime du clergé, il nomme Bruno chancelier de
la cathédrale et directeur de toutes les écoles de Reims.
L'attitude
de Manassès devient de plus en plus insupportable, à tel point qu'un
concile réuni à Lyon en février 1080, prononce sa déposition.
Cette
sentence est confirmée par le pape Grégoire VII qui ordonne au clergé
de Reims de chasser l'indigne archevêque et d'en élire un nouveau à sa
place.
De
nombreuses personnes pensent alors à l'intègre Bruno pour remplacer
Manassès de Gournay sur le siège archiépiscopal de Reims.
Mais celui-ci a d'autres projets en tête, ayant formé le dessein de se retirer dans la prière avec quelques amis.
Il
refuse donc le siège qui avait été naguère celui de saint Remi, met de
l'ordre dans ses affaires et donne tous ses biens aux pauvres.
En 1083,
avec deux amis, il se rend en Bourgogne, où saint Robert de
Molesmes lui ayant remis un ermitage, il s'y retire un moment.
C'est là qu'il se sent attiré par une vie d'ermite propice à la recherche de Dieu.
Le fondateur de l'ermitage de Chartreuse
Saint Hugues
de Châteauneuf, l'évêque de Grenoble, lui suggère de s'installer dans
la solitude sauvage du massif de la Chartreuse où il resta six ans.
Bientôt
s'y élève un monastère dont les moines vivent isolés dans des demeures
individuelles, y menant une existence austère et laborieuse, ne se
réunissant que pour l'office. Ils n'ont pas l'intention de former un
ordre.
En
1091, Bruno est appelé à Rome par le pape Urbain II, un de ses anciens
élèves de Reims, qui sollicite ses conseils sur les réformes à
entreprendre dans l'Église.
Mais Bruno ne pense qu'à reprendre sa vie d'ermite.
En 1092,
il part en Calabre où il fonde d'autres ermitages et se retire dans
l'un d'eux, Santa Maria del Bosco, secondé par son bras droit Lanuin et
avec l'accord du comte Roger Ier de Sicile qui fait don de terres à la nouvelle fondation calabraise.
La rencontre miraculeuse de Roger en train de chasser et de Bruno en prière est une légende tardive.
De même, le diplôme de fondation octroyé par Roger est un faux selon une majorité d'historiens.
À l'ermitage de Sainte-Marie est bientôt associé un monastère de vie cénobitique.
Bruno meurt au monastère de Santo Stefano del Bosco neuf ans plus tard, le 6 octobre 1101.
Après
sa mort, les titres funèbres recueillis en Italie, en France et en
Angleterre, font écho à la lettre circulaire rédigée par ses compagnons
de Calabre, portée par un messager charger de diffuser la nouvelle. On
lui attribue sagesse, douceur et science.
Dès les dernières décennies du XIe siècle, l'ensemble du complexe monastique passe à l'ordre de Cîteaux, puis tombe en décadence.
Il faut attendre le début du XVIe siècle pour que les chartreux viennent relever les lieux et fonder la chartreuse de Santo Stefano del Bosco.
Avant cette date, le site de Calabre n'entretient aucun lien institutionnel avec les monastères brunoniens de Calabre.
L'ordre
cartusien s'est édifié à partir de son exemple et
des Coutumes consignées par le prieur Guigues, quatrième successeur de
Bruno à la Grande-Chartreuse, vers 1125.
Écrits
Tous
les écrits attribués par le passé à Bruno sont apocryphes, à
l'exception de deux courtes lettres écrites en Calabre et de la
profession de foi prononcée sur son lit de mort.
On lui a attribué à tort des commentaires des épîtres de saint Paul, puis des Psaumes qui sont des œuvres de la fin du XIe et du début du XIIe siècle publiées sous son nom à partir du XVIe siècle
seulement (Paris, 1509 pour le commentaire des épîtres pauliniennes, et
Paris 1524 pour celui des Psaumes, voir aussi Cologne 1611 et 1640).
Elles étaient inconnues des auteurs chartreux du Moyen Âge.
C'est à tort qu'on répète encore aujourd'hui que le commentaire des Psaumes a été publié en 1509.
Canonisation
Le fondateur des Chartreux n'a jamais été ni canonisé, ni béatifié.
En 1514, à la suite de l'installation des Chartreux sur le site de
l'ermitage de Calabre où Bruno était mort, l'Ordre obtint oralement du
pape l'autorisation de célébrer le culte de son fondateur, dont les
restes venaient d'être retrouvés dans l'église de l'ermitage.
Aucun acte pontifical n'a été établi à cette occasion.
Mais
le cardinal protecteur de l'ordre des chartreux, dans un acte daté du
19 juillet 1514, donna à l'ordre l'assurance qu'il avait obtenu du pape
"par oracle de vive voix" l'autorisation pour les chartreux de célébrer
la mémoire liturgique de saint Bruno.
Aucune
bulle ou document pontifical conservé ne vient attester cette
autorisation, transmise à l'Ordre par le Révérend Père Dom François
Dupuis, auteur d'une vie de saint Bruno.
L'approbation tacite de l'Église, puis son inscription au calendrier
liturgique universel, à l'occasion des réformes du concile de Trente, en
constitue une confirmation équivalente. C'est pourquoi les canonistes
parlent à son sujet de canonisation équipollente.
Communautés se réclamant de saint Bruno
Depuis le dernier tiers du XXe siècle,
la famille des disciples de saint Bruno ne se limite plus à l'ordre des
moines et des moniales chartreux. Plusieurs formes de vie nouvelles se
réclamant de l'esprit de saint Bruno ont vu le jour. On distingue les
formes de vie qui portent la marque d'une continuité historique avec la
première fondation de Chartreuse, et les communautés nouvelles, de droit
local, qui se réclament du modèle brunonien, que leurs fondateurs et
formateurs soient ou non issus de l'ordre des Chartreux.
Ces
dernières se caractérisent par une forme de vie semi-érémitique et des
tendances liturgiques orientalisantes qui n'ont pas de lien direct avec
le charisme brunonien :
- Communautés issues en ligne directe du monachisme brunonien primitif et fondées par des moines chartreux :
- L'Ordre des Chartreux, de droit pontifical ;
- Les Ermites de saint Bruno (diocèse de Montauban, en France) ;
- La chartreuse de Sélignac, ancien monastère de l'ordre cartusien, devenu maison de retraites spirituelles, encadrée par des laïcs sous le patronage de l'ordre cartusien.
- Communautés nouvelles, se réclamant de l'inspiration de saint Bruno :
- Famille monastique de Bethléem, de l'Assomption de la Vierge et de saint Bruno ;
- La Fraternité de la Nouvelle Jérusalem.
Saint patron : Chartreux, fraternités monastiques de Bethléem, Calabre.
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