Saint Fulrade (8ème s.)
Confesseur
Une statue de Fulrad érigée le 28 juillet 1963 à Lièpvre
(œuvre du sculpteur F. Schické)
Fulrad ou Fulrade, né en 710 et mort le 16 juillet 784, était le 14e abbé de Saint-Denis.
Il était également conseiller et chapelain des rois carolingiens, puis archiprêtre des royaumes d'Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne.
Fulrad fut le principal artisan de la fortune immobilière de Saint-Denis.
Il obtint d’importants privilèges fiscaux et l’immunité, ce qui devait assurer un développement rapide de l’abbaye.
Il fit restituer les biens sécularisés de Charles Martel.
Il rattacha enfin au patrimoine de l’abbaye de Saint-Denis ses immenses propriétés en Alsace, Lorraine et en Alémanie, domaines qu’il avait reçus de Pépin le Bref, Carloman et Charlemagne en échange de ses services « d’ordre diplomatiques » ainsi que de sa famille ou qu'il avait achetés.
Il a été mêlé aux plus grandes affaires du royaume des Francs, dont la soumission du royaume des Lombards et l'avènement de l'empire de Charlemagne.
Origine de Fulrad
Vitrail de gauche représentant Fulrad avec mitre et crosse d'évêque dans l'église de Saint-Hippolyte (Haut-Rhin)
Fulrad fut sans doute l’un des plus importants personnages du haut Moyen Âge.
Il est pourtant resté dans l’ombre, ne recueillant pas les honneurs des manuels scolaires ou des historiens, préférant à la gloire un cheminement plus modeste et tout entier dévoué à l’accomplissement de son idéal et de sa foi.
Un travail d’ensemble, certes insuffisant, lui fut consacré au début du XXe siècle.
Les chercheurs l’oublient ensuite pendant cinquante ans.
Dans les années cinquante et dans les décennies suivantes, Fulrad trouvera quelque grâce, notamment en Allemagne ou certains historiens lui consacreront quelques travaux.
Son nom est mentionné dans plusieurs dictionnaires biographiques et historiques.
Portrait de l'abbé Fulrad peint par Robert Gall au début du XXe siècle se trouvant dans la cave viticole de Huber & Bleger à Saint-Hippolyte (Haut-Rhin)
Le père de Fulrad, Riculfe comte d’Alsace, Franc d’origine reçoit probablement d’immenses biens de Pépin le Bref confisqués aux Etichonides qui se trouvaient aux alentours de Kintzheim-Saint-Hippolyte.
L’ensemble de ces terres dépendait du domaine « d’Andaldovillare ».
Sa mère Ermengarde, femme très pieuse, prend soin de l’éducation de Fulrad.
Il a deux frères Gausbert et Boniface et une sœur Waldrade.
Ses parents jouissaient en Alsace d’une haute considération due à leur haut rang dans la dynastie franque.
On prétend aussi qu’il a une certaine parenté avec sainte Odile, mais les preuves manquent.
Adolescent, il est le témoin des misères et des guerres qui ensanglantent le VIIIe siècle : pays épuisé et ruiné par les Barbares, mœurs légères de l’Église, souffrante ou brimée.
Il est décidé à se mettre au service de l’église pour contribuer à sa puissance et apporter son soutien à Pépin le Bref pour redresser le pays en bute aux querelles incessantes.
Ce dernier donne le coup de barre voulu, en restaurant la tradition religieuse et en renouant avec l’église et la papauté.
Fulrad se lie d’amitié avec saint Boniface qui évangélise la Germanie.
C’est sur l’insistance de saint Boniface que Fulrad reçoit en l’an 750 le titre d’abbé de Saint-Denis de Pépin le Bref.
Il le prend comme conseiller et le charge des missions les plus délicates, le nommant grand aumônier, l’une des premières charges de la cour, le personnage le plus en vue après le roi.
Proche des Pépinides
Il est originaire d’une riche famille des Pépinides.
Il est né en 710 probablement au pays de la Seille (la Mosellane) : l’Austrasie méridionale et non l’Alsace comme on l’a longtemps supposé.
Fulrad est « compatriote » des Carolingiens et aussi originaire de la même région que Pépin le Bref.
C’est pourquoi Pépin le Bref, Carloman et plus tard Charlemagne l’ont choisi pour mener des missions délicates.
Ses négociations et les services qu’il rendit à l’État et à l’Église le placent comme l’un des personnages les plus importants de son temps.
En 750, il est accompagné de Burchard pour rencontrer le pape Zacharie afin de lui faire approuver l’accession au trône franc de Pépin le Bref.
Suite à la réussite de sa mission, Pépin le nomme abbé de Saint-Denis.
Ce choix est également approuvé par le pape Zacharie.
Il noue des alliances avec les Francs.
Il prendra la succession de Amalbert décédé en 749 jusqu’à sa propre mort en 784.
Il fut notamment chargé par Pépin le Bref en l’an 751 d’aller consulter le pape Zacharie pour lui demander d’approuver la déposition de Childéric III et d’approuver l’intronisation de Pépin aux plus hautes fonctions de l’état.
En 755 il rendit au pape au nom de Pépin le Bref l’Exarchat de Ravenne et de la Pentapole.
L’élection de Fulrad à l’abbaye de Saint-Denis
Portrait de l'abbé Fulrad peint par Robert Gall au début du XXe siècle et exposé dans la cave viticole Huber & Bleger à Saint-Hippolyte
Comment Fulrad fut-il placé à la tête de l’abbaye de Saint-Denis ?
Pépin le Bref lui donna-t-il cette abbaye en récompense des services rendus par lui comme fonctionnaire du palais ?
La chose n’est pas impossible et ce n’est pas un fait isolé dans l’histoire de cette époque.
Fulrad semble avoir été moine à Saint-Denis et appelé par le choix de ses frères à gouverner l'abbaye. Le nécrologe d'Argenteuil en effet le qualifie de « moine de notre congrégation ».
Les religieux de l’abbaye de Saint-Denis avaient le privilège de choisir eux-mêmes et dans la communauté l’abbé qui devait les diriger.
Thierry IV avait en 732 renouvelé les chartes de ses prédécesseurs assurant la liberté des élections abbatiales.
Pépin devait à son tour les confirmer en 768, et Charlemagne en 778. La règle de Saint-Benoît prescrit du reste que l’abbé soit pris parmi les moines et élu par eux.
À quelle date faut-il placer l’élection de Fulrad ?
Le père le Cointe et les bollandistes d’après lui, croient devoir le retarder jusqu’à l’année 757.
Voici leurs raisons : dom Doublet a publié parmi les preuves de son histoire de Saint-Denis une charte accordée le 3 avril 757 à la demande de l’abbé Constramm.
Donc à cette date, Fulrad n’était pas encore abbé de Saint-Denis.
L’existence de ce diplôme confirme une induction tirée du silence gardé par saint-Boniface au sujet de Fulrad.
L’archevêque de Mayence, qui joint si soigneusement le titre d’abbé aux
noms de ses correspondants qui le possèdent, appelle l’archichapelain
de Pépin « son collègue dans le sacerdoce ».
En 754, date de la lettre de Boniface à Fulrad, celui-ci ne devait pas être abbé de Saint-Denis.
Le diplôme accordé à Constramm change, aux yeux de ces auteurs cette hypothèse en certitude.
Il explique pourquoi les Annales franques disent en racontant l’ambassade à Zacharie : Folradus et non Folradus abbas.
Pourquoi
la bulle du 23 février 757 permettant à l’archichapelain de fonder des
monastères en France ne l’appelle pas abbé de Saint-Denis, mais
simplement abbé (probablement des abbayes qu’il a la permission
d’établir).
Ces
arguments paraissent suffisants au père Le Cointe pour déclarer que le
nom de Fulrad a été interpolé dans toutes les chartes de l’abbaye de
Saint-Denis où il parait avant avril 757.
Dom
Doublet, qui s’était heurté aux mêmes témoignages contradictoires que
le père Le Cointe, avait cependant admis que Fulrad était abbé de
Saint-Denis en 750.
Les difficultés précédentes étaient pourtant compliquées pour lui par
la confusion entretenue par son homonyme qu’on faisait souvent entre
l’abbé de Saint-Denis et de Saint-Quentin.
Pendant
la longue période où il se trouvait dans les textes le nom de Fulrad,
il rencontrait en même temps d’autres personnages portant eux aussi le
titre d’abbé de Saint-Denis : Constramm, Maginaire et Fardulf.
Une
hypothèse ingénieuse lui permit de sortir de l’embarras : il imagina
que retenu loin de son abbaye par ses missions diplomatiques,
l’archichapelain s’était donné pour remplaçants des vice-abbés, dont les
noms se trouvaient dans les diplômes.
La distinction des deux Fulrad - sans dissiper toute obscurité -
puisqu’un document qualifie Maginaire d'abbé de Saint-Denis du vivant du
personnage qui nous occupe - a rendu à peu près inutile la conjecture
de Doublet.
Quant
à la charte qui porte le nom de ce problématique abbé Constramm,
inconnu du reste, elle est manifestement supposée. Mabillon l’avait déjà
établi au XVIIe siècle.
C’est le seul acte qui mentionne à cette date le 3 avril 757, la
présence de Pépin à Soissons, le seul qui porte une reconnaissance d’un
certain Franco, lequel ne figure pas parmi les chanceliers de Pépin, le
seul qui nomme Constramm.
De
plus, ce diplôme ne présente pas un véritable dispositif : un faussaire
malhabile à dû l’improviser pour trancher quelque différend relatif à
l’attribution des enfants nés de mariages entre les tenanciers du
monastère et des personnes étrangères à ses domaines, mais
l’improvisation a été maladroite.
Cette
difficulté résolue, le silence gardé par Boniface sur le titre d’abbé
dû à Fulrad ne suffit plus à balancer le témoignage formel de
nombreuses chartes.
Fulrad
gouvernait donc l’abbaye de Saint-Denis le 17 août 750, date à laquelle
pour la première fois, il apparaît qualifié d’abbé dans les diplômes de
l’abbaye. Depuis combien de temps l’était-il ?
Le
11 février 746, ou plus tôt le 11 février 747, lorsque son prédécesseur
Amalbert dirigeait encore Saint-Denis comme le montre un acte lui
donnant gain de cause dans un procès avec la femme Christiana.
Le jour de la mort d’Amalbert serait d'après les indications du nécrologe de Saint-Denis le 6 juin 749.
C’est donc aux environs des années 749-750 qu’il faut placer l’élection de Fulrad.
La
règle de Saint-Benoît recommandait à l’abbé de ne pas négliger le salut
des âmes qui lui étaient confiés pour appliquer la plus grande part de
sa sollicitude aux choses temporelles, terrestres et caduques… se
souvenant de la parole de l’Écriture : « Cherchez d'abord le royaume de
Dieu et sa justice, le reste vous sera donné par surcroît ».
Il
n’y a aucune probabilité que Fulrad ait négligé ce qui était la partie
principale de son emploi : le salut et la perfection de ses
subordonnés ; mais il s’est appliqué avec succès à sauvegarder aussi les
intérêts temporels de son monastère : c’était du reste un de ses
devoirs.
« À
l’abbé appartient le gouvernement, non seulement des moines, mais de
tous les tenanciers du couvent, dit un diplôme de Thierry III en faveur
de Corbie ; c'est à lui que revient l'administration des biens mobiliers
et immobiliers ; comme un bon pasteur, il a la charge de tout ce qui
est utile au monastère et aux religieux : à lui de prévoir, de diriger
et d'instruire ».
Le principal artisan de la fortune immobilière de Saint-Denis
Vitrail réalisé par les frères Ott de Strasbourg en 1911 représentant Fulrad dans l'église de Lièpvre à gauche du maître-autel
L'une
de ses premières tâches fut de rétablir l'ordre temporel dans l'abbaye
de Saint-Denis, laquelle avait perdu une importante partie de ses
revenus par la faute de ses prédécesseurs et en raison des guerres.
Fulrad
craignant que l'abbaye ne tombe dans l'indigence en informa Pépin qui
n'était encore que maire du Palais mais qui détenait déjà le pouvoir.
Pépin
l'écouta favorablement et nomma aussitôt deux
commissaires, Guichinge et Clodion pour accéder à sa demande. Ils
parcoururent plusieurs provinces obligeant ceux qui avaient usurpé les
biens de l'abbaye de Saint-Denis à les restituer.
Pépin ratifia ensuite la remise des biens que les commissaires avaient pu récupérer.
L'abbé
Fulrad recouvra ainsi, sans énormément de peine, plusieurs terres et
biens qui avaient été injustement accaparés, causant ainsi d'énormes
préjudices à son abbaye.
Parmi le dénombrement de ces biens figuraient la chapelle de la Croix comprenant d'autres dépendances du fief de Solesmes.
Mais tous les biens usurpés ne furent pas récupérés, parce que d'une
part les usurpateurs mettaient souvent peu d'empressement à les
restituer, soit ils faisaient traîner en longueur les négociations.
Le 10 août 750, Fulrad vint trouver Pépin le Bref à Attigny pour se
plaindre de l'abbé de Maroilles nommé Hormond qui détenait injustement
la chapelle de la croix.
L'abbé Hormond de
son côté alléguait que la possession des biens pour son monastère lui
avait été donnée par Robert, un homme de qualité.
Et
pour se justifier, il montra des lettres du roi Clotaire. De son côté
Fulrad exposait les titre originaux des rois Childebert et Clotaire et
le jugement qu'avait rendu Dagobert III en faveur de l'abbé Chillard
(710-716) abbé de Saint-Denis.
Les juges nommés par Pépin le Bref pour examiner les pièces furent
convaincus de la bonne foi de Fulrad, qui ordonna à l'abbé de Maroilles
de remettre incessamment à Saint-Denis les biens en sa possession.
L'année
suivante, la neuvième année du règne de Childéric, c'est un autre
différent qui est porté à la connaissance de Pépin le Bref qui siégeait
à Attigny où il rendait la justice au mois de juin.
Fulrad obtint un arrêt contre une abbesse nommée Ragane qui s'était
emparée d'un terrain dans le Talou, dont les anciens
propriétaires, Chairebaud et Ailerte son épouse avaient fait présent à
l'église de Saint-Denis.
Cet
acte fut l'un des derniers que passa Pépin en qualité de maire du
palais, car peu après il sera nommé roi à la place de Childéric III qui
finira ses jours au monastère de Saint-Bertin où il mourut deux ans plus
tard.
Pépin
le Bref qui avait beaucoup d'estime pour Fulrad qui l'avait si bien
servi, protégea l'abbaye de Saint-Denis contre toutes les tentatives
d'usurpation.
Gislemer lui
ayant demandé la restitution de l'héritage que sa mère Joba avait légué
à Saint-Denis se vit opposer une fin de non recevoir.
Pépin
demanda que cet héritage reste entre les mains des moines. Il témoigna
la même fermeté envers Gérard, comte de Paris qui prétendait avoir des
droits sur la foire de Saint-Denis.
Ce seigneur prétendait avoir des droits sur la foire de Saint-Denis
sous prétexte que les religieux de l'abbaye de Saint-Denis avaient
confié autrefois à Soanachilde et à Gairefroy comtes de Paris, pendant
les périodes de troubles, de lever quatre deniers sur chaque marchand.
Il soutenait qu'il était de l'intérêt du roi de ne pas abandonner un droit qui faisait partie de son propre domaine.
Fulrad
pour lui répondre, présenta les titres se rapportant à cette foire,
signés par Dagobert et confirmés par Clovis II et ses successeurs.
Il présenta par la même occasion un jugement rendu en faveur de
l'abbaye par Childebert III contre les agents de Grimoald maire du
Palais. Pépin, après avoir fait examiner les pièces, trancha en faveur
de l'abbaye et interdit à tous juges et autres personnes d'exercer des
représailles ou de lever des impôts sur les marchands de la foire de
Saint-Denis.
Le
comte de Paris dut s'incliner et dut abandonner à l'abbaye de
Saint-Denis tous les droits et autres droits que le fisc royal pouvait
prétendre sur les marchandises.
Peu de temps après Fulrad présenta une autre demande concernant les
terres de Taverny qui étaient passées entre les mains de plusieurs
personnes à titre de précaire et dont les revenus avaient fortement
diminué.
Ces terres appartenaient autrefois à l'abbaye de Saint-Denis et
provenaient d'un don que fit un seigneur connu sous le nom de Gontaud.
Pépin
trancha une nouvelle fois en faveur de Fulrad et fit signer l'arrêté
depuis son palais de Verberie la troisième année de son règne, soit en
l'an 754.
Tout
cela démontre le crédit que l'abbé Fulrad avait auprès de la cour.
Pépin le Bref l'avait déjà honoré de la dignité de maître de
sa chapelle qui consistait à prendre soin des jeunes clercs pour les
fonctions ecclésiastiques dans la chapelle du palais.
Cette fonction répondait à celle de grand aumônier.
Les évêques devaient résider dans leur diocèse.
Mais Pépin le Bref et Charlemagne accordèrent plutôt cette fonction à des prêtres ou des diacres.
Hincmar rapporte que l'abbé Fulrad eu cette fonction sans être évêque.
Fulrad
de par la qualité de son emploi était tenu de suivre la cour. Le roi le
côtoyant de très près et l'appréciant de plus en plus, lui confia les
plus importantes missions diplomatiques.
Ce fut le cas notamment lorsqu'il s'agissait de soutenir l'Église contre les velléités des Lombards.
Le confident des rois et papes
Fulrad
recevant en grand apparat du pape Étienne II, les reliques de saint
Hippolyte. Fresque se trouvant dans le chœur, côté Épitre de l'église de
Saint-Hippolyte (Haut-Rhin) (œuvre du peintre badois Franz Schilling,
1911)
Fulrad, honoré de la confiance des rois Pépin, Carloman, Charlemagne et de celle des papes Étienne II et Adrien Ier, et Paul Ierfut à diverses reprises chargé de hautes missions diplomatiques.
Son
nom est intimement lié aux grands évènements qui amenèrent la
disparition du Royaume des Lombards et la fondation de l'empire de
Charlemagne.
Il fait reconstruire l'abbaye sur le modèle de Saint-Pierre de Rome. Fulrad est responsable de la chapelle royale en 751.
Il retourne plusieurs fois en Italie pour le compte du roi carolingien.
Fin décembre 753 ou janvier 754 et pendant trois années, l'abbé Fulrad va être employé au service direct du pape Étienne II.
Il va être mêlé à tous les évènements d'où sortira le pouvoir temporel des papes.
Le 29 juillet 755, Fulrad accompagne le pape Étienne II à Rome après la première expédition carolingienne en Italie.
Après son retour de cette expédition Pépin le Bref octroie également le château de Saint Mihiel dans le pagus verdinensis avec toutes les dépendances.
Le
pape Étienne II meurt le 26 avril 757 sans avoir pu achever le
monastère et l'église qu'il faisait bâtir dans Rome afin d'y mettre les
reliques de saint Denis qu'il avait fait venir de France.
C'est son frère Paul (757-767) qui acheva les travaux et qui fit venir des moines grecs.
Il existe six bulles de papes accordés à Fulrad : quatre sont signés d'Étienne II en 757, deux d'Adrien Ier, l'un de 781, l'autre d'une date incertaine, peut-être 774.
Le
pape Étienne II parle de Fulrad en des termes très louangeurs,
l'appelant son très cher fils, l'homme aimé de Dieu (Deo amabilis), puis
il lui accorde ainsi qu'à ses successeurs le droit de fonder autant de
monastères qu'il lui plaira avec le soutien du Saint-Siège.
La permission du pape Étienne II est contenue dans une bulle du 26
février 757 dans laquelle il accorde à Fulrad l'autorisation de bâtir
des monastères sur ses propres terres, soit qu'il les eût achetées, soit
qu'il les eût héritées de ses parents.
Il exempt également de la juridiction épiscopale et soumet à celle
du Saint-Siège tous ceux, que cet abbé a bâtis ou pourrait faire bâtir
dans l'étendue du royaume de France.
Le
pape Zacharie qui le considérait comme un fidèle serviteur au service
du pape et de l'Église lui marqua sa reconnaissance en lui accordant
plusieurs privilèges.
Outre
celle de fonder autant de monastères qu'il lui plaira, le pape lui
accorda le droit d'élire son propre évêque pour l'abbaye de Saint-Denis
et d'exercer ses prérogatives sur les simples prêtres et les privilèges
dont jouissaient depuis 300 ans l'église Saint-Martin de Tours.
La seconde bulle accordée à la demande de Pépin le Bref permet à Fulrad
d'user de certaines faveurs, telles que les habits que portaient les
prélats ou de parer son cheval d'un ornement de cérémonie, usage qui
n'est plus en vigueur aujourd'hui, sauf en cas de décès d'un important
personnage.
Cette
marque de distinction sera accordée lors du décès de l'abbé Fulrad ou
son cercueil sera recouvert de l'apparat de l'ornement de cérémonie.
La
troisième permission donne à Fulrad la possibilité de porter
la dalmatique à six diacres au moment où il officiera sur l'autel.
À ces privilèges s'ajoutent le pouvoir que le pape donne à Fulrad de
consacrer les autels et le saint chrême et d'interdire à tout évêque ou
laïques d'ordonner un évêque sans son consentement et celui de Pépin le
Bref.
C'est au cours d'un de ses séjours à Rome que Fulrad reçu des reliques des saints Alexandre et Hippolyte.
Le premier fut identifié, à tort ou à raison, avec le pape Alexandre, qui vécut au début du IIe siècle
et qui était honoré comme martyr ; le second était une des gloires
littéraires de l'Église antique : antipape pendant quelque temps, il
avait péri en déportation durant la persécution de Maximin le
Thrace en 235.
L'année où Fulrad reçut les reliques de saint Alexandre et de saint Alexandre n'est pas connue.
Fulrad
a été à Rome au moins trois fois sous le règne de Pépin le Bref :
en 750, 754 et en 756-757 et aussi à l'époque de Charlemagne entre 772
et 778.
Sous Charlemagne Fulrad reçut également les reliques de saint Cucufat.
Ce
dernier est un martyr honoré à Barcelone, dont les ossements ou une
partie ont été amenés en Gaule par les Espagnols fuyant les Musulmans et
donnés à Fulrad.
Les
reliques de saint Alexandre et de saint Cucufat furent placées dans
l'église du monastère de Lièpvre et ceux de saint Hippolyte dans
l'église du prieuré du même nom.
Au
temps de Louis le Pieux, l'abbé Hilduin (814-840) fit transférer à
l'abbaye de Saint-Denis les reliques de saint Hippolyte et de saint
Cucufat, ne laissant semble-t-il que quelques fragments sur place. Ces
translations furent célébrées en grande pompe.
Le transfert des reliques de saint Cucufat de Lièpvre à Saint-Denis aurait été effectué en 835.
Ces bulles papales
ont fait l'objet de vives critiques, mais Mabillon qui les a examinées
les réhabilitent en affirmant qu'elles sont authentiques.
Le
nouveau Traité de Diplomatie se range aussi du côté de Mabillon. Ces
bulles papales démontrent en tout cas que le pape accordait à Fulrad sa
plus grande confiance.
On
dit même qu'à son retour à la cour de France, Fulrad fut
nommé Apocrisiaire, ou comme ont dit aujourd'hui, nonce
apostolique du Saint-Siège, dont les papes ont quelquefois honoré
les Archichapelains.
En 757 au décès d'Étienne II c'est son frère Paul Ier qui le remplacera.
Il demandera à Pépin le Bref de continuer à lui accorder son soutien et à Fulrad d'être à ses côtés.
Le pape Adrien Ier (772-795) qui succéda à Paul Ier confirme tous les privilèges accordés par Étienne II en 757.
Homme d'État et diplomate
Saint Boniface baptisant un converti (abbaye de Fulda XIe siècle)
Le
nom de Fulrad est resté célèbre car il a eu les honneurs et les faveurs
de plusieurs rois (Pépin le Bref, Carloman, et Charlemagne) et
plusieurs papes (Zacharie, Étienne II, Paul Ier, Adrien Ier).
On lui confia les missions les plus délicates qu'il entreprit avec
sagesse et persévérance confirmant tout le succès d'une politique au
service du royaume carolingien.
À
cette époque, en Gaule, une famille de guerriers et d'administrateurs
remarquables fonda une dynastie très importante qui allait devenir en
l'an 800, le second Empire d'Occident : en Italie se consomma la ruine
de la domination byzantine et s'établit le pouvoir temporel des papes ;
dans toute l'Europe se propagea la vie monastique.
C'est
l'alliance de la famille des Pépins avec la papauté qui donna aux
Carolingiens leur pouvoir en France, c'est cette même alliance qui fit
acquérir aux pontifes romains leur souveraineté temporelle dans le duché
de Rome et l'exarchat de Ravenne.
C'est
l'abbé Fulrad lui-même, qui fut chargé de prendre possession de ces
territoires dont il vint déposer les clefs sur la tombe de saint Pierre.
C'est
dans les monastères fondés ou enrichis par eux, que papes et rois
trouvèrent ces instruments dociles et intelligents qui leur permirent de
rendre féconde l'alliance de l'église et de l'empire.
Fulrad fut l'un de ces instruments utile et efficace.
Fulrad se vit ensuite confier des charges plus importantes au service de Pépin le Bref.
Il
est envoyé à Rome avec Burchard (683-755), évêque de Wurtzbourg, pour
consulter le pape Zacharie sur qui en France devait exercer le vrai
pouvoir ?
À cette question le pape Zacharie, s'appuyant sur la thèse
augustinienne de l'« ordre » sur le corps social, répondit : « il vaut
mieux appeler roi celui qui exerce le vrai pouvoir royal ».
Il est probable que Zacharie confia aux envoyés une lettre dans
laquelle « il ordonnait par son autorité apostolique que Pépin soit fait
roi ».
Ce document n'a pas été conservé dans les archives du palais.
Le pape par l'intermédiaire de Fulrad demanda à Pépin le Bref de régler une fois pour toutes la question des Lombards.
Depuis
près de 200 ans les Lombards étaient entrés en Italie commandés
par Alboïn, après que les Ostrogoths en eurent été chassés
par Bélisaire et par Narsès, lieutenants de l'empereur Justinien.
Ils s'étaient d'abord établis dans la province de Ligurie et avaient établi le siège de leur royaume dans Pavie.
Ces premiers succès leur firent naître le désir de pousser plus en avant leurs nouvelles conquêtes.
Mais les empereurs de Constantinople au lieu de venir au secours du pape, mettaient des obstacles à leurs entreprises.
La rupture sera consommée entre le pape et Byzance lorsque sous le pontificat du pape Grégoire II (715-731) éclate la querelle des images.
Il s'agit du mouvement chrétien byzantin qui sous l'influence du monde
musulman et conduit par le nouvel empereur Léon III, s'oppose violemment
à toute représentation religieuse jugée idolâtre et sacrilège.
Il
fait déposer le patriarche romain Germain au profit de Anastase. Face à
ce comportement le pape Grégoire II adopte une position plus modérée :
« il ne faut ni adorer ni briser les images ».
En Italie, les habitants se soulèvent contre les méthodes de l'empereur
et chassent les gouverneurs byzantins de leur territoire. Grégoire
trouve un appui en la personne de Charles Martel et fait parvenir une
missive par l'intermédiaire de saint Boniface le futur apôtre de
l'Allemagne.
Charles
Martel accueille favorablement l'appel à l'aide du pape et marque son
approbation en recommandant Boniface à tous les évêques de son pays.
Les Lombards prirent le prétexte de cette rupture pour envahir
l'exarchat de Ravenne et déclarèrent la guerre au souverain Pontife qui
essayait de convertir au catholicisme les empereurs Léon et Constantin
son fils.
Le pouvoir temporel des papes (753-757)
La donation de Pépin au pape Étienne II (754)
Dans cette fâcheuse conjoncture, la France fut le seul rempart des papes persécutés.
Grégoire
III avait déjà imploré la protection de Charles Martel contre les
violences de Liutprand et d'Hildeprand, rois des Lombards.
Après
que Ratchis, duc de Frioul, fut mis en place à la place d'Hildeprand,
c'est son frère Astolphe qui continua de chercher des querelles avec le
Saint-Siège.
Rome fut contraint d'avoir recours à Pépin le Bref comme son unique libérateur.
Étienne II qui venait de succéder au pape Zacharie, voyait les dangers qui menaçaient toute l'Italie.
Astolphe déjà en possession de l'Exarchat de Ravenne prétendait aussi
avoir le droit à la souveraineté de Rome et menaçait de piller la ville
et les environs.
Le pape Étienne qui appréhendait de tomber sous la domination des Lombards tenta de demander l'aide à Pépin le Bref.
Le
pape prit donc la résolution de se rendre en France en passant par
les Alpes et se rendit d'abord à l'abbaye de Saint-Maurice.
Pépin n'ayant pu le rejoindre envoya son fidèle serviteur, l'abbé Fulrad et le duc Ruthard qui allèrent à sa rencontre.
Ils conduisirent le pape Étienne II à la villa royale
de Ponthion(Marne) où il fut reçu par Pépin le Bref en personne et toute
la famille royale.
Le pape eut un entretien particulier avec Pépin où il exposait la situation en Italie.
À
partir de ce moment (fin décembre 753 et janvier 754) et pendant trois
années de suite, Fulrad va être employé au service direct du pape.
Il va se trouver mêler à tous les événements d'où est sorti le pouvoir temporel des papes.
Il assista d'abord à la réception solennelle préparée par le roi à son
hôte. Charles, fils aîné de Pépin, le futur empereur de l'occident vint à
la rencontre du pape jusqu'à Langres.
Le
roi lui-même s'avança jusqu'à trois milles de la villa royale. À
l'approche du souverain pontife, Pépin descendit de son cheval, se
prosterna et servit d'écuyer au pape (6 janvier 754).
Quand
il fut arriver dans la chapelle du palais, Étienne II supplia le roi
d'intervenir pacifiquement pour arranger les affaires du Saint-Siège et
de Rome en obligeant Astolphe à les respecter et à « rendre l'Exarchat
de Ravenne et toutes ses conquêtes à leurs légitimes possesseurs ».
Pépin accepta de prêter son appui contre le roi des Lombards.
À trois reprises les émissaires francs envoyés par Pépin à Astolphe
demandèrent à celui-ci un arrangement pacifique, mais c'est par une fin
de non recevoir qu'ils furent accueillis.
Il
devenait de plus en plus évident que seule une intervention armée
pourrait arrêter Astolphe dans la voie où il s'était engagé.
Il fit réunir le 1er mars 754 une Assemblée à Braisne-sur-Vesle ses plus fidèles lieutenants pour leur exposer la situation.
Une autre réunion eut lieu le 14 avril 754 à Kiersy (Quierzy) le jour
de Pâques où le roi demanda à ses fidèles d'aller guerroyer au-delà des
Alpes.
L'expédition italienne
Le pape Adrien Ier recevant à Rome Charlemagne en 774
Pendant
ce temps Étienne II vint à Paris et passa le reste de l'hiver dans
l'abbaye de Saint-Denis en compagnie des moines et de son abbé, Fulrad.
Mais
quelques mois plus tard, Étienne II dut se rendre à Quierzy (Aisne)
pour assister à une assemblée que le roi tenait immédiatement après
Pâques.
Il fut attaqué par un mal mystérieux qui le cloua au lit.
La consternation s'était emparée dans toute l'abbaye et le roi ainsi
que les seigneurs pensaient que sa fin était proche et ne s'attendirent
plus à le revoir en vie.
Étienne II demanda alors qu'on le porta à l'église.
Selon
la légende il recouvra alors miraculeusement la santé après une vision
où il aperçu les apôtres saint Pierre et saint Paul et saint Denis le 27
juillet 754.
Il fit faire une messe et sacra pour Pépin ses deux fils Charles et Carloman, et la reine Berthe ou Bertrade.
Le pape Étienne avant de terminer la cérémonie s'adressa aux seigneurs
de France, les exhorta de demeurer fidèles à Pépin et à ses enfants et
leur défendit en vertu de l'autorité apostolique d'élire à l'avenir
d'autres rois que ceux de la race de Pépin « que la divine providence
avait choisi pour être le soutien de l'Église ».
Pépin
se rendit ensuite à Paris pour prendre le pouls de ses serviteurs et
écouter leur conseil avant d'entreprendre la guerre contre Astolphe le
roi des Lombards.
Après avoir écouté tous conseillers, Pépin concentra ses troupes à Lyon pour déjouer les plans d'Astolphe.
Le roi dirigea son armée sur les passages des Alpes, par la Maurienne.
Le
pape Étienne II accompagné de Fulrad, suivait l'armée. Au moment de
franchir les Alpes, Étienne II et Pépin tentèrent une nouvelle fois de
négocier avec Astolphe.
Ce fut en vain, et l'armée se mit à défiler par le val de Suse.
Elle
se heurta aussitôt aux Lombards plutôt qu'on ne l'avait prévu, malgré
l'infériorité du nombre, l'avant garde franque mit en fuite les troupes
d'Astolphe.
Celui-ci
se retira derrière les murailles de Pavie, puis se résigna à traiter ;
il rendait à Saint-Pierre tout ce qu'il lui devait.
Ce
n'était plus seulement le duché de Rome qu'il jurait de ne pas envahir,
c'était cet exarchat de Ravenne que le pape, quelques mois auparavant,
l'avait supplié de rendre à l'empereur et que le roi lombard cédait à
présent au Saint-Siège.
Le pape était bien vraiment en Italie l'unique héritier de l'Empire déchu.
Le traité fut signé vers le début d'octobre, et garanti par les serments les plus solennels.
Pépin rentra en France.
Le
pape qui se méfiait un peu de la parole du Lombard aurait souhaité que
le roi des Francsrestât en Italie ; il dut se contenter de l'escorte
qu'on lui laissa avec Jérôme, jeune frère de Pépin, Fulrad et quelques
autres personnages d'importance ; il rentra à Rome avec eux en octobre
754.
Astolphe
cependant, après avoir rendu Narni, qui appartenait au duché de
Spolète, ne se sentait plus obligé de remettre au pape l'exarchat de
Ravenne.
Tout au contraire, il reprenait à l'égard du Souverain Pontife une conduite que celui-ci réprouvait.
Le
pape écrivit alors au roi des Francs, que Fulrad, son conseiller, quand
il rentrerait en France, lui raconterait toutes ses tribulations.
Fulrad rentra en France pour assister au concile de Verneuil, avant la fin du mois de juillet.
Le 29 juillet 755, il était en effet à Compiègne et il recevait du roi
Pépin le prieuré de Saint-Mihiel en récompense de ces services.
La fondation de l'abbaye de Saint-Mihiel ne remonte pas à l'année 709, et le fondateur n'est pas Wulfoald.
La
dotation initiale de Saint-Mihiel a vraisemblablement été prélevée de
Saint-Mihiel sur un ensemble confisqué par Pépin le Bref.
L'ensemble
de ces biens appartenait à un certain Wulfoald, qui n'était pas le
maire du palais, puisque décédé depuis 680, mais peut-être un proche
parent de ce dernier.
Il faisait probablement partie d'une riche famille austrasienne proche
des anciens Mérovingiens hostiles aux Pépinides et Arnulfiens.
Ce Wulfoald avait été accusé de haute trahison par Pépin pour avoir comploté contre lui, et avait été condamné à mort.
Fulrad estimait que Pépin avait eu la main un peu trop lourde et demanda sa grâce, ce que Pépin lui accorda.
Cependant
tous les biens que possédaient Wulfoald en Mosellane et enChampagne où
Pépin et ses amis avaient aussi des biens furent confisqués et transmis à
l'abbaye de saint-Denis.
Il se peut même que certains biens fonciers de ce Wulfoald aient été
cédés à l'évêque de Metz, Chrodegang qui passèrent ensuite à l'abbaye de
Gorze.
Il raconta au roi ce qui se passait en Italie, mais Pépin ne s'en inquiétait pas outre mesure.
Étienne
II dut revenir à la charge, en appelant au témoignage de Fulrad qui
connaissait la vérité et la dirait « si au moins, il avait
le Seigneur devant les yeux ».
Ces nouvelles insistances restèrent sans succès.
Cependant la situation du pape s'aggravait. Le premier janvier 756,
trois armées lombardes parurent sous les murs de Rome ; elles
dévastaient la campagne, Astolphe menaçait de mort le pape, et ses
soldats raillaient les Romains.
« Que les Francsviennent maintenant et vous sauvent ».
À
grand peine le pape parvint à faire sortir de Rome trois ambassadeurs,
Georges, Thomaricus Comita et un belliqueux abbé franc nommé
Warncharius, qui avait concouru en personne à la défense des remparts.
Ils arrivèrent en France par la voie de mer.
Une
des lettres qu'ils portaient était adressée à toute la nation franque.
Au mois de mai une nouvelle intervention était décidée.
L'armée de Pépin se mit en route en traversant Chalon-sur-Saône, Genève, la Maurienne, le col du Mont-Cenis.
Fulrad accompagnait Pépin le Bref.
Astolphe, qui s'était porté à la rencontre des Francs fut encore vaincu et de nouveau enfermé dans Pavie.
Ce
fut sous les murs de cette ville que Pépin reçut une ambassade
de Constantinople : Jean le Selentiaire et George le
Protosecrétaire étaient venus jusqu'en France ; l'armée était déjà en
route au-delà des Alpes ; Georges rejoignit le roi en Italie pour lui
demande, au nom de l'empereur, la restitution de l'Exarchat de Ravenne à
l'empire.
La réponse de Pépin fut la suivante : « aucune raison ne me décidera à
enlever à Saint-Pierre, à l'Église romaine et au Souverain Pontife, rien
de ce que j'ai conquis… aucun trésor ne pourra m'engager à retirer au
prince des apôtres ce que je lui ai une fois donné ».
Pavie
fut emportée : roi des Lombards s'estima heureux de sauver sa vie et sa
couronne en promettant de tenir ses serments et en ajoutant Comacchio à
la liste des territoires cédés.
Les Francs emportèrent un tiers des trésors de Pavie et le roi des Lombards s'engagea à payer un tribut au roi Pépin.
Le
texte de la capitulation fut envoyé à Rome, mais pour en assurer
l'exécution Fulrad fut laissé en Italie avec une petite armée.
Chargé par le pape et le roi de prendre possession des « restitutions »
d'Astolphe, l'archichapelain se mit en route en compagnie des délégués
du roi des Lombard.
« Il
entra dans toutes les villes de la Pentapole et de l'Emilie, pour en
recevoir la soumission ; dans chacune d'elles, il se fit donner quelques
otages et la clef des portes, puis il rentra à Rome. Il déposa alors
sur la confession de Saint-Pierre les clefs de ces villes avec la
donation du roi Pépin, livrant au pape et à ses successeurs les villes
suivantes, pour qu'ils les possèdent et en disposent à perpétuité :
Ravenne, Rimini, Pesao, Conca (?) Fano, Césène, Sinigaglia, Jesi,
Forlimpopoli (Forli) et le château de Sussubium (Castro Caro ?),
Monte-Feltri (San Leo), Acceragio (Acervia ?), Montelucati, Serra (Serra
da Conti ?), Saint Marin, Vobio (Sarsina), Urbino, Cagli, le château de
Lucioles, Gubbio et Comacchio, ainsi que Narni ».
C'était un triomphe pour la papauté et le zèle de Fulrad était pour beaucoup dans cet heureux évènement.
Le pape Étienne voulut rendre grâce à Fulrad dont l'abbaye de Saint-Denis était gouvernée par lui.
Il commença à construire dans Rome une église en l'honneur des saints
Denis, Rustique et Eleuthère, près de la voie Flaminienne dans la région
du champ de Mars, non loin du Mausolée d'Auguste, décorée suivant ce
qu'il avait vu en France.
Cette église fut sans doute celle qu'acheva le pape Paul Ier,
frère d'Étienne II : c'est la basilique extérieure du couvent de la Via
Lata, fondé par ces deux papes dans leur maison paternelle.
Après ce premier succès, le domaine pontifical occupait
outre Ravenne et Comacchio, la bande de pays comprise entre l'Apennin et
la mer, depuis Forli au nord, jusqu'à Sinigaglia au sud.
Ce n'était pas encore tout le pays qui au commencement du VIIIe siècle appartenait
encore à l'empire romain : or Étienne II rêvait de réunir tous les
lambeaux de territoire qu'il avait vu dans son enfance obéir aux
fonctionnaires impériaux.
L'occasion se présenta bientôt de réaliser son dessein.
Astolphe
mourut dans un accident de chasse, et le duc de Toscane, fit demander
au pape de disposer en sa faveur de la couronne de Lombardie ; il
promettait au cas où sa demande serait accueillie, de « restituer à la
république romaine », c'est-à-dire au Saint-Siège, « tout le reste des
cités qui lui appartenaient », autrement dit toutes les conquêtes
de Luitprand dans l'exarchat de Ravenne et
la Pentapole : Faenza, Imola, Ferrare, Ancône, Osimo et Numana.
La promesse solennelle fut consignée dans un acte dressé sous les yeux de Fulrad.
L'abbé de Saint-Denis en effet avait été chargé par le pape d'entrer en relation avec Didier.
Il se peut même que ce fut lui qui ait poussé le Souverain Pontife à se faire offrir les villes que promettait le prétendant.
Le pape dira plus tard que « Fulrad a bien vu que les populations de
ces territoires ne pouvaient vivre séparées politiquement de celles à
qui elles avaient été si longtemps unies ».
Fulrad porta donc au duc Lombard la permission de prendre la couronne deLombardie.
Cependant, de cette couronne qu'il venait de donner, Étienne II n'était pas le maître.
L'ancien roi des Lombards, Ratchis, frère d'Astolphe et moine au Mont-Cassin, réclamait l'héritage de son frère.
Le
prêtre Étienne lui fut expédié pour le décider à reprendre la vie
monacale, tandis que Fulrad appuyait la négociation avec sa troupe de
Francs que l'armée romaine était prête à suivre.
Ratchis se résigna et Didier fut proclamé roi.
Peu
de jours après Fulrad rentrait en France : il dut quitter Rome vers le
26 février 757, jour auquel le pape, par diverses faveurs, reconnaissait
ses services.
L'archichapelain était
chargé d'annonce au roi Pépin l'avènement de Didier et aussi de la
mettre en garde contre les machinations des Grecs.
Le
pape Étienne II était mort le 26 avril 757, Didier se croyant sans
doute délié de ses promesses par le décès de son bienfaiteur, n'avait
restitué que Faenza et Ferrare ; il refusait à Paul Ier frère et successeur d'Étienne II de lui abandonner les villes de la Pentapole.
Le nouveau pape écrivit lettes sur lettres au roi de France, rappelant les serments prêtés devant Fulrad.
Pépin ne voulut pas tenter une nouvelle expédition en Italie : il engagea le pape à s'accorder avec Didier.
L'armée
franque ne devait reparaître au-delà des Alpes qu'avec Charlemagne, et à
cette époque Fulrad était sans doute trop âgé pour se charger de
missions semblables à celles qu'il avait si brillamment remplies dans
son âge mûr.
Il
semble pourtant ne s'être jamais désintéressé de l'œuvre d'Étienne II :
c'est en effet son disciple préféré, son futur successeur Maginaire,
que Charlemagne employa le plus souvent dans les affaires qui concernait
le domaine pontifical.
La mort de Pépin le Bref, la division du Royaume et la réunification entre les mains de Charlemagne
Fulrad n'accompagna pas le roi dans ces dernières campagnes et son retour triomphal.
C'est au terme de l'un de ces voyages que Pépin le Bref fut atteint d'hydropisie dont il allait mourir.
C'était à la fin de l'été 768.
Il arriva à Saint-Denis où il avait été élevé pour y mourir.
Jusqu'à la fin il garda sa présence d'esprit, et la veille de sa mort il signait encore de nombreux diplômes.
Il se savait perdu.
Aussi
avec le consentement des Francs, des grands et de tous les évêques du
Royaume, il divisa son domaine en deux parties égales qu'il distribua à
ses deux fils.
Il mourut le samedi 24 septembre 768 à cinquante quatre ans.
On l'enterra dans la basilique de Saint-Denis en présence des plus hauts personnages du royaume, dont Fulrad.
Charles l'aîné reçut la Thuringe, la moitié de l'Austrasie ; il reçut aussi la plus grande partie de la Neustrie.
Son domaine occupait toute la côte de la Manche et s'étendait à l'intérieur au-delà de Noyon, Beauvais et Évreux.
Il possédait aussi le bassin inférieur de la Loire et les côtes de l'Océan jusqu'à Périgueux.
Son royaume formait un vaste croissant.
À
Carloman fut échus le reste de l'Austrasie avec Trèves, Reims,
et Soissons, une partie de la Neustrie avec Chartres et Paris,
la Bourgogne, l'Alémanie, la moitié de l'Aquitaine, la Septimanie et la
Provence.
La
division du Royaume ayant placé l'abbaye de Saint-Denis dans le domaine
appartenant à Carloman, Fulrad se trouvait par ce fait sous la
dépendance du jeune prince.
Il l'accompagna probablement à Soissons où il fut intronisé par ses fidèles et sacré par les évêques.
Que Fulrad fut en faveur de Carloman son nouveau maître on ne peut en douter.
Il existe de nombreux diplômes accordés par Carloman à l'abbaye de Saint-Denis.
Carloman après un règne très court, mourut à Samoussy (Aisne) le 4 décembre 771.
Il fut enterré dans la cathédrale de Reims, sous la garde d'un moine de
Saint-Denis, devenu grâce à Fulrad, archevêque de cette
métropole : Tulpin. Fulrad se rallia à Charlemagne dans le courant du
même mois de décembre il se rendit avec Wilchaire (archevêque de Sens ou
de Sion en Valais), Warin et le comte Adalhard, auprès de Charlemagne.
Le
nouveau roi qui prenait en main le gouvernement du royaume Franc tout
entier, récompensa Fulrad, en lui conservant la charge d'archichapelain.
La révolution de 771, si l'on peut appeler de ce nom un acte conforme à
la tradition franque, est le dernier acte politique de Fulrad qui soit
connu avec certitude.
Fulrad reçut de Charlemagne et de la reine Hildegarde un certain nombre
de terres et d'églises dans la Valteline et la Lombardie que le
pape Adrien Ier exempta de juridiction épiscopale.
C'est
peut-être à cette occasion que Fulrad demanda au pape de pouvoir
obtenir le corps d'un saint martyr, alors effrayé par une révélation qui
interdisait les donations de cette sorte.
Charlemagne
ne cessa de combler de faveurs son archichapelain, mais l'âge déjà
assez avancé de Fulrad devait l'empêcher de se prêter activement aux
affaires publiques.
Il se faisait remplacer par son disciple direct Maginaire.
C'est parce que les membres de la famille de Pépin eurent au milieu du VIIIe siècle un
très grand nombre de fidèles alliés, comme Fulrad, qu'ils ont pu
accomplir la révolution qui a placé leur race sur le trône.
Mais les Carolingiens eurent un grand nombre de fidèles que parce qu'ils étaient les plus forts.
Fulrad, comme les Annalistes de l'époque traite le dernier des Mérovingiens de faux roi.
C'est
parce que les enfants de Carloman sont trop faibles pour soutenir le
poids des affaires, que Fulrad se rallie à Charlemagne.
Pépin et Charlemagne avaient pour eux la force à l'intérieur, ils
gouvernaient ; au dehors, ils triomphaient des ennemis : c'est pour cela
qu'on les fit rois.
Aux yeux des gens de l'église enfin, ces deux rois furent les meilleurs défenseurs de la religion.
Fulrad
était moine, par suite il devait s'attacher à ces protecteurs de
l'ordre monastique, à ces restaurateurs de la discipline
ecclésiastique : il les seconda en effet, dans leur œuvre en France et
en Italie.
Puis, quant aux services rendus à la cause de l'église, vint se joindre
la consécration de la famille carolingienne, l'archichapelain se trouva
lié à elle par l'autorité de Dieu autant que par son propre choix.
L'Église et l'État pour lui ne firent plus qu'un.
Fulrad n'avait pas à se partager, il les servait à la fois en se dépensant tout entier pour l'une ou pour l'autre.
Fulrad crée des monastères en Alsace et en Lorraine
Fulrad construisit en 760 un prieuré à Fulradovillare (ferme de Fulrad).
Il y déposa le corps de ce martyr qu'il avait apporté de Rome et qu'il avait obtenu vers l'an 764 du pape Paul Ieravec plusieurs autres reliques dont il enrichit les monastères de sa fondation.
Autour
de ce monastère se forma une petite ville située au pied des Vosges, à
deux lieues au-dessus deSélestat, qui prendra le nom de Saint-Hippolyte,
et par corruption Sankt-Pilt.
Le second monastère fut construit en 770 à Fulradocella du nom de son fondateur à Lièpvre. Les travaux vont durer 7 années.
Il fut bâti dans un canton qui appartenait en propre à Fulrad.
C'est
ce qu'on lit dans le diplôme original de Charlemagne donné à Duren le
14 septembre 774 par lequel il approuve cette nouvelle fondation et lui
assure par la même occasion plusieurs biens situés dans le domaine royal
aux environs de Kintzheim avec droit de pêche et de pâturage.
Ce prieuré prit ensuite le nom de Saint-Alexandre avec comme patron secondaire saint Cucufa.
Dans le voisinage immédiat se trouvaient également les descendants des
bienfaiteurs de l'abbaye de Wissembourg, parmi lesquels ont rencontre le
nom de Boniface.
Fulrad accorda au monastère de Lièpvre plusieurs biens qui lui appartenaient en propre.
La plupart de ces biens lui avaient été cédés gratuitement par deux
puissants seigneurs alsaciens du nom de Widon et Chrodharde.
Ce
document provenant des archives de Saint-Denis indique tous les biens
que ce comte vend à l'abbé Fulrad situés dans le Brisgau.
Ce
même comte signa le testament de Heddon, évêque de Strasbourg en 763 en
faveur de l'abbaye d'Ettenheim-Münster qui comportait des biens situés
à Sessenheim, Fessenheim, Friedolsheim, Hinsheim (Allemagne), Mauchenheim (Allemagne), Bentheim (Allemagne).
Widon avait
donné à Fulrad les villages de Guémar, Audaldovillare
(Orschwiller/ Saint-Hippolyte), Entzheim, Schaeffersheim, Grussenheim,
et Ribeauvillé.
Le 23 septembre 774, le comte Wido, futur marquis de Bretagne, donna à
Fulrad des villages dans le Saulnois, et en Alsace : Guémar (Ghémari),
Orschwiller (Andaldovillare), Ribeauvillé
(Ratbertivillare), Grussenheim(Geucinhaim), Andolsheim
(Ansulfishaim), Schaeffersheim aux environs de Colmar et Sélestat.
La
veille de sa mort, le 23 septembre 768, Pépin le Bref confirma à Fulrad
toutes les donations qui lui avaient été faites par Widon pour les
villages de Guémar, Andaldovillare, Entzheim, Schaeffersheim,
Grussenheim et Ribeauvillé.
Fulrad
donna au monastère de Lièpvre des reliques du pape Alexandre et du
martyr saint Cucufa qu'il avait obtenues, les premiers de Rome et les
seconds de Barcelone.
Les
reliques de saint Cucufat furent apportées d'Espagne en France sous le
règne de Charlemagne et probablement remises à Fulrad par un prince
sarrasin qui en 777 vint d'Espagne à Paderborn se soumettre à
Charlemagne.
Dans
une charte du 16 septembre 781, Charlemagne accorde les dîmes de toutes
les terres voisines de Lièpvre et approuve par la même occasion la
donation du prieuré Saint-Alexandre à l'abbaye de Saint-Denis.
Le 13 janvier 769 le monastère de Saint-Dié qui se trouvait à 30 km de Lièpvre sera cédé par Charlemagne à Fulrad.
Lothaire II devenu roi de Lorraine en 855 donna ce monastère au comte de Chaumontois en 860.
Fulrad édifia aussi en 777 l'église de Saint-Germain à Widensolen (Bas-Rhin).
Le 29 juillet 755 tandis que Fulrad raccompagnait Étienne
II à Rome après la première expédition carolingienne en Italie Pépin le
Bref de retour à Compiègne, octroya à Saint-Denis le château
de Saint-Mihiel dans le pagus Virdunensis, avec toutes ses dépendances.
Ce château avait été confisqué à un certain Wlfoald ou Wulfoald un seigneur d'une grande famille austrasienne.
Ce dernier ne porte aucun titre dans le diplôme royal, mais il s'agit probablement d'un personnage assez important.
La tradition de l'abbaye de Saint-Mihiel lui attribuait sa fondation en 709 et sa dotation initiale.
Fulrad a fondé d'autres monastères : en 757 en Lorraine à Salonnes,
dans le Saulnois près de Château-Salins, près de la rivière Brailia.
Charlemagne y fit quelques donations en 775.
Il fut uni à l'abbaye de Saint Mihiel en Lorraine, par un traité passé à
Reims entre les abbés de Saint-Denis et Saint-Mihiel et ratifié par
Adalberon, archevêque de Reims, à condition que l'abbaye de Saint-Mihiel
paie à Saint-Denis une rente annuelle de 5 marcs d'argent.
Aux
Ides d'octobre 980, Otton II approuve et confirme les ordonnances des
empereurs et rois concernant l'abbaye de Lepraham consacrée à Dieu par
Fulrad.
D'autres monastères voient le jour en Alémanie
Fulrad va prendre pied également dans le Bade-Wurtemberg en créant d'autres monastères, notamment à Esslingen am Neckar (Hetsilingua), près du lac de Constance (777), àHerbrechtingen près de Heidenheim et à Hoppetenzell (Adalungocella) près de Stockach au nord du lac de Constance.
Le but poursuivi par Fulrad était la consolidation de l'autorité de Charlemagne dans ces régions nouvellement conquises.
Charlemagne qui se trouvait à Duren, accordait le 7 septembre 774 à
Fulrad la terre royale d'Herbrechtingen sur la Brenz en Alémanie où il
construisit un prieuré dédié à Saint-Denis.
Le 7 septembre 779 Charlemagne confirma la donation faite en 774 de la terre royale d'Herbrechtingen.
Un
autre personnage mal identifié, Ermelindus lèguera à Fulrad des biens
à Kochelingen et Fechningen et peut-être Völklingen dans la Sarre.
Fulrad
noue par ailleurs des relations très étroites avec d'autres monastères
allemands déjà existants : Saint-Pierre
de Salzbourg, Tegernsee, Scharnitz-Schlehdorf et Schäftlarn en Bavière,
liens qui profiteront directement à Charlemagne lors de la soumission du
Duché de Bavière.
En 764, le comte Ruthard (ou Rothard) qui connaissait bien Fulrad pour
l'avoir accompagné à Saint Maurice en Valais en 753 lui céda un ensemble
de biens dans
le Brisgau à Binzen, Tumringen, Küttingen, Wollbach, Haltingen, Eimeldingen et Oettligen.
Les biens provenaient des Alamans qui leur avaient été confisqués.
Ruthard quitta le Rhin après y avoir liquidé ses biens familiaux et
s'établit en Alémanie, dont Pépin le Bref lui avait confié
l'administration.
Fulrad
reçoit également des propriétés dans la région deSarreguemines, ainsi
que Bliderstroff et Auersmacher (près de Saarbrücken) par des parents
fortunés de Pépin et généreux donateurs dont les noms sont cités
nommément : Theudericus et Haribertus.Cette région comprenait notamment
les localités de Auersmacher, Kleinblittersdorf et Rilchingen-Hanweiler.
Elles
furent regroupées plus tard en une seule mairie. En 1815 à la suite du
congrès de Vienne, la région fut cédée à la Prusse.
Dans le testament de Fulrad, il mentionne le nom de Sarreguemines sous la forme latinisée du nom francique gimundi = l'embouchure (qui donnera plus tard le nom allemand Gemund). Parmi ses possessions Fulrad mentionne « Gaimundiis cum apendiciis suis », (= Sarre) guemines avec ses dépendances, un domaine situé au confluent de la Sarre et de la Blies.
Le testament de Fulrad
Testament
de l'abbé Fulrad de 777 confirmant les biens qu'il accorde à l'abbaye
de Saint-Denis après sa mort. Document rédigé depuis Herstal, résidence
de Pépin le Bref et Charlemagne - Source : Archives nationales, France -
Cote : K 7 no 1A
La
fondation des prieurés et le don que Fulrad en fait à Saint-Denis après
sa mort nous sont connus par le testament réfigé en 777 et la
confirmation que Charlemagne paraît lui avoir accordé.
Le
testament de Fulrad fait à Héristal indique expressément tous les
droits que Fulrad transmet à l'abbaye de Saint-Denis le jour de sa mort.
Ces
domaines proviennent de diverses personnes : une partie constitue le
patrimoine que Riculfe et Ermengarde ont laissé à leurs fils Fulrad et
Gausbert, et que ce dernier a abandonné à son frère.
À ces biens héréditaires sont venues s'ajouter par achat, donations ou
échanges, des terres ayant appartenu à Thierry, parent de Charlemagne,
qui signe le testament à Haribert, à Chrodard, à Wido (ou Widon), qui
avait repris en précaire les biens donnés par lui à l'archichapelain.
L'abbé
de Saint-Denis énumère ensuite les prieurés qu'il a fondés : Salonne,
le prieuré de Sainte Marie, enrichi par les libéralités du peuple et les
échanges que Fulrad a fait avec l'évêque de Metz et d'autres
personnages ; à Andaldovillare, le prieuré de Saint-Hippolyte, qui a
donné son nom au village dans la forêt sur la Laima, le prieuré de
Saint-Cucufat à Herbrechtingen (Aribertingas) (en Alémanie), le prieuré
de Saint-Varan, un prieuré de Saint-Georges construit à
Adamlingo-Villare et enfin le prieuré Saint-Vital sur la Neccra.
Au prieuré de Salonne étaient attachées des salines situées à Marsal.
Le testament de Fulrad ne parle pas de la principale fondation de
l'abbé : celle du prieuré de Lièpvre, mais un acte de la même époque
donne au monastère de Saint-Alexandre de Lebraha ou de Lièpvre, une
partie des biens que Fulrad avait achetés de Chrotard et les biens reçus
de sa sœur Waldrade.
Ce sont les villas de Fridisheim (Friedolsheim), Undinishaim
(Hindisheim), Mauchinhaim et Benisthaim (Bertsheim), toutes situées dans
le Bas-Rhin et Ansulsishaim, reçu de Waldrade.
Ce dernier domaine est peut-être Andolsheim bâti sur l'Ill, près de Colmar.
Le testament de Fulrad mentionne également un certain nombre de localités situées près de Forbach en Moselle.
Elles sont toutes désignées sous les noms de l'époque. Ainsi Wilre pourrait être le village de Farschviller en Moselle.
Ce village changera d'ailleurs plusieurs fois de noms : Farduwilre en
1125, Warswillera en 1332, Farsweiler en 1594 et Farschweiler pendant
l'occupation allemande.
Le village de Tathiga qui est vraisemblablement Théding en Mosellefaisait également partie des biens de l'abbé Fulrad.
Tous les droits de l'abbé à son propriétaire, mais après sa mort ils reviendront à l'abbaye de Saint-Denis.
Une
partie de ces biens constitue le patrimoine que Riculfe et Ermengarde
ont laissé à leur fils et à Gausbert, et que ce dernier a abandonné à
Fulrad.
À ces biens héréditaires sont venus se joindre par achat, donation, ou
échanges, des terres qui ont appartenu à Thierry, parent de Charlemagne,
qui signe le testament, à Haribert, à Chrodard, à Wido, qui avait
repris en précaire les biens donnés par lui à l'archichapelain.
Dans
ce testament l'abbé de Saint-Denis énumère aussi les prieurés qu'il a
fondés, à Salonne le prieuré de Sainte Marie et les échanges que Fulrad
fit avec l'évêque de Metz et d'autres personnages et les prieurés
alsaciens, lorrains et en Alémanie.
Dans
le Val de Lièpvre, dit une chronique citée par Mabillon, Charlemagne
encouragea la création d'un monastère en l'honneur de Saint-Denis, où il
fit placer le corps du pape Alexandre rapporté de Rome.
Il l'enrichit de grands revenus et fit mettre un pavé de marbres diversement colorés et artistiquement disposés.
À
la mort de Fulrad toutes les fondations et tout ce qui leur était
rattaché en biens mobiliers ou immobiliers devaient donc revenir à
Saint-Denis.
Il
énumère ces dépendances et aux formules en usage il ajoute ces mots qui
ne manquent pas d'intérêt : « L'or, l'argent, les livres, les ornements
de l'église. ».
Une
charte de Charlemagne donnant la forêt Iveline faisait une allusion à
la bibliothèque de l'abbaye ; ce testament nous append que les prieurés
possédaient leur propre bibliothèque.
Le décès de l'abbé Fulrad
Présentant
sa mort prochaine et dans un souci de ne pas disperser ses biens il
fait rédiger un testament à Héristal en 777 qu'il fait approuver par les
plus hauts personnages de son époque.
En vertu de ce testament, il lègue à l'abbaye de Saint-Denis tous ses
biens personnels, tout ce qu'il avait reçu de ses parents ou de la
générosité des rois, et toutes les propriétés qu'ils avaient obtenues
par acquisition ou par achats.
Dans ce testament figure notamment les biens que Fulrad tenait
de Widon, situés en partie dans le Mortenau, et en partie en Alsace.
Cette
donation de Widon avait été confirmée en 768 par Pépin le Bref, dans
une charte par laquelle il lui rendait les biens que cet abbé lui avait
remis alors qu'il pensait que sa fin était proche.
En 777 dans
son testament il demande qu'après sa mort les deux prieurés alsaciens
passent sous le contrôle de l'abbaye royale de Saint-Denis.
Dans le même testament il mentionne qu'il a deux frères : Gausbert et Boniface et une sœur Waldrade.
Fulrad meurt le 17e des Calendes d'août de l'année 784 selon l'ancien nécrologue de l'abbaye de Saint-Denis (16 juillet 784).
L'épitaphe que lui dressa le moine-savant Alcuin mentionne que son corps dut d'abord inhumé à Saint-Denis.
On peut y lire « que
Fulrad fut le plus illustre de tous les abbés qui gouvernèrent l'abbaye
de Saint-Denis. Il vécut dans la plus haute estime et dans une
approbation quasi générale, chéri par cinq papes, trois rois et des plus
grands personnages de son siècle ».
Son corps fut transféré ensuite au prieuré de Lièpvre à une date indéterminée où il fut longtemps honoré comme saint.
Les restes de Fulrad furent l'objet d'un culte populaire à Lièpvre chaque année le 17 février.
Mabillon le constatait encore à la fin du XVIIe siècle.
Ses reliques reposaient dans une petite église fort ancienne, mais plus d'à moitié détruite par les guerres de religion.
La nef à sept travées était terminée par un chœur fort exigu dont les verrières représentaient Fulrad et Charlemagne.
L'image de l'abbé portait la légende : « Do mea cuncta Deo hic », celle de Charlemagne était accompagnée de ces mots : « Fiant haec jubeo ».
Selon
la légende, sa tombe fut saccagée en 1445 par le Comte Palatin et les
troupes de l'évêque de Strasbourg en riposte parce que Lièpvre s'était
soumis aux Armagnacs pour ne pas faire endurer des souffrances inutiles à
la population.
Vers le XVIIIe siècle,
une chapelle en l'honneur de saint Fulrad fut édifiée à la sortie de
Lièpvre, près de la route D 48 qui mène à Thannenkirch, un peu avant
d'arriver au lieu dit du Schaentzel.
Cette
chapelle qui se trouvait non loin de Lièpvre où Fulrad avait construit
un prieuré, était située cependant dans les bois du Kaelbling
appartenant à la commune de Saint-Hippolyte.
Cette chapelle existait encore au début du XXe siècle mais était déjà en très mauvais état.
Ce
qui restait de la chapelle a sans doute été démonté dans les années
soixante lors de la création de la route D 48
entre Lièpvre et Thannenkirch.
Ensuite l'emplacement fut connu sous le nom de « cabane de Fulrad » où s'élevait un refuge du Club vosgien.
À
Saint-Hippolyte (Haut-Rhin), une fresque exécutée en 1911 par Franz
Schilling, un peintre de Fribourg-en-Brisgau représente le pape Étienne
II qui remet à Fulrad les reliques de saint Hippolyte.
Dans la même église, du côté de l'Epitre, dans le chœur, se trouve une
grande fresque, trop sombre à notre avis, qui montre Fulrad à Rome,
recevant en grand apparat du pape Étienne II, les reliques de saint
Hippolyte.
Saint-Hippolyte possède aussi une rue Saint-Fulrade.
On retrouve également des traces de Fulrad dans l'église de l'abbatiale d'Ebersmunster, à 10 km de Sélestat.
Dans cette église, il y a vingt statues dont une de Fulrad qui se trouve à l'entrée à droite de l'église.
Des louanges sur Fulrad
Deux poètes ont consacré des vers à la mémoire de Fulrad. L'un d'eux est Alcuin, l'ami de Charlemagne.
Il écrivit l'épitaphe de l'abbé de Saint-Denis et celle de son disciple et successeur, Maginaire.
Dans
une épître en vers, que le poète voyageant en Italie en 780, adressait à
ses amis en France, une affectueuse salutation pour Fulrad.
Dungal,
l'Hibernicus est l'auteur d'une longue épitaphe en forme d'invocation
au saint-abbé. Hincmar, archevêque de Reims nous a laissé, dans un
ouvrage d'un tout autre genre, plus d'un renseignement intéressant
l'archichapelain des premiers rois carolingiens.
C'est grâce au traité intitulé De Ordine Palatii en 882 par
cet archevêque « pour l'instruction du roi et la restauration de la
paix dans l'église et le Royaume » que nous pouvons connaître exactement
les fonctions importantes de l'apocrisiaire ou chapelain des rois
francs.
L'autorité
de ce petit ouvrage est considérable, car il n'est en majeure partie,
qu'une reproduction d'un traité plus ancien d'Adlhard, contemporain de
Charlemagne.
Enfin
le Nécrologe d'Argenteuil, obtuaire rédigé en 1300 sur des documents
plus anciens sans doute, nous apprend le jour de la mort de Fulrad.
Monuments ou autres souvenirs consacrés à Fulrad
Abri
Fulrad en 1955. À cet endroit existait jadis une chapelle dédiée à
l'abbé Fulrad qui a disparu depuis. Elle a ensuite été remplacée par un
abri construit par le Club vosgien qui lui aussi a disparu
-
Lièpvre : L'église de Lièpvre renferme, dans le chœur, côté Évangile,
un vitrail posé en 1911 et financé par un couple de paroissiens
représentant un portrait de Fulrad en abbé mitré, chape violette, crosse
en mains, tenant une charte qui mentionne, en latin, l'essentiel de son
testament de 777 : « je donne ici tous mes biens à Dieu ». Au pied de
l'effigie et en médaillon, l'image stylisée du prieuré de Lièpvre. La
commune de Lièpvre a érigé le 28 juillet 1963 une statue de l'abbé
Fulrad qui se trouve à l'entrée du village à l'occasion du XIIe centenaire
de la fondation du prieuré de Lièpvre. Elle est l'œuvre du sculpteur F.
Schické. En allant vers la route de Thannenkirch, avant le col du
Schaentzel, se dressait autrefois45 une
petite chapelle dédiée à saint Fulrad. Cette chapelle n'existe plus
aujourd'hui. Un abri a été construit vers 1923 par le Club vosgien qui
reçut le nom d'abri Fulrad, au lieu-dit « Sand » qui dépend
vraisemblablement de la commune de Saint-Hippolyte. Cet abri servait
autrefois auxtisserands à bras venant de Thannenkirch qui empruntaient
le sentier des tisserands pour se rendre dans la vallée de Sainte
Marie-aux-Mines dans les nombreux ateliers de tissages. Le refuge Fulrad
sera démoli lors de la construction de la route départementale reliant
Lièpvre et le col du Schaentzel qui permet aujourd'hui de se rendre
au château du Haut-Kœnigsbourg, àSaint-Hippolyte ou à Thannenkich.
- Saint-Hippolyte :
à l'intérieur de l'église, côté Évangile, se trouve un vitrail où
Fulrad se dresse encore en habit mitré et habitbénédictin. Du côté de
l'Épitre, dans le chœur, on remarque une grande fresque datée de 1911 du
peintre badois, Franz Schilling, peu mis en valeur, car située dans un
endroit trop sombre. On y voit Fulrad à Rome recevant du pape Étienne
II, les reliques de Saint-Hippolyte. Cette fresque a été financée par le
curé Kolb et sa famille et c'est donc tout naturellement que l'on
trouve en bas à gauche son portrait. Ces reliques, qui se trouvaient
pendant longtemps dans l'église, étaient exposées en procession lors de
la fête patronale annuelle. Le reliquaire primitif ne se trouve plus
aujourd'hui à Saint-Hippolyte, mais se trouve dans la riche collection
du musée Unterlinden de Colmar. Saint-Hippolyte a également la
particularité de posséder une rue Saint-Fulrade. À droite de la
première fresque se trouve une autre fresque représentant Fulrad
recevant les reliques de saint Vitus (saint Guy ou saint Veit) qui était
le fils d'un noble païen qui s'est converti vers
l'an 250 au christianisme en omettant de le signaler à ses propres
parents. Il fut flagellé pour avoir refusé de se prosterner devant le
Dieu des Romains. Selon la légende, l'empereur atteint d'une grave
maladie des nerfs fut rétabli grâce à l'intercession de saint Guy. Il
mourut en 304 sous la torture. Saint Guy est le patron
des chaudronniers. On l'invoque contre les maladies des nerfs.
- Ebersmunster :
à 10 kilomètres environ de Sélestat, dans l'église abbatiale
d'Ebersmunster se trouve une statue de l'abbé Fulrad. Cette église
contient une vingtaine de statues, la septième en entrant dans l'église
représente Fulrad. La notice consacrée à l'abbé Fulrad précise qu'il fut
abbé de Saint-Denis et fondateur des monastères de Lièpvre et de
Saint-Hippolyte, tenant en main, comme attribut, la clé de
grand aumônier, mitre avec crosse et charte. Il apporta au pape
l'Exarchat de Ravenne et la Pentapole, source du pouvoir temporel des
papes avec la bénédiction de Pépin le Bref dont il fut le plus fidèle
serviteur.
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