Saint Augustin de Cantorbéry († 604)
Évêque
Augustin est un moine bénédictin mort entre 604 et 609.
Chef de la mission envoyée pour convertir les Anglo-Saxons, il devient le premier archevêque de Cantorbéry en 597.
Prieur
dans une abbaye de Rome, Augustin est choisi par le pape Grégoire le
Grand pour prendre la tête de la mission grégorienne. Après son arrivée
en Angleterre, en 597, il reçoit du roi Æthelberht de Kent
l'autorisation de s'installer à Cantorbéry et de prêcher dans le royaume
de Kent.
Æthelberht
lui-même finit par recevoir le baptême. Augustin établit des évêchés à
Londres et Rochester en 604, et il est probable qu'il fonde également
des écoles pour la formation d'un clergé local.
Augustin
meurt à une date incertaine entre 604 et 609. Il est considéré comme
« l'apôtre des Anglais » et l'un des fondateurs de l'Église anglaise.
Son
ministère est principalement connu grâce à l'Histoire ecclésiastique du
peuple anglais de Bède le Vénérable, rédigée au début du VIIIe siècle.
Il est vénéré comme saint et fêté le 26 (jour anniversaire de sa mort) ou le 27 mai.
Contexte
Les peuples anglo-saxons en Angleterre au début du VIIe siècle
Lorsque
les légions romaines quittent la Grande-Bretagne en 410, l'île est déjà
convertie au christianisme : elle envoie trois évêques au concile
d'Arles en 314, et l'on sait qu'un évêque de Gaule y est envoyé en 396
pour régler des affaires disciplinaires.
Elle est également la patrie de l'hérésiarque Pélage.
Les preuves matérielles témoignent de la présence croissante des chrétiens au moins jusqu'aux alentours de l'an 360.
Des tribus germaniques païennes s'installent en Grande-Bretagne à partir du Ve siècle, faisant disparaître les structures économiques et religieuses héritées de la période romaine.
En
occupant le sud de l'île, elles isolent les communautés chrétiennes de
l'ouest, et une Église celtique s'y développe dès lors loin de
l'influence papale, sous l'égide de missionnaires irlandais.
Cette
église, organisée autour de monastères plutôt que d'évêchés, diverge de
la tradition romaine, notamment en ce qui concerne le calcul de la date
de Pâques et la forme prise par la tonsure des clercs.
Bien
que le christianisme ne disparaisse pas totalement des régions
conquises par les Anglo-Saxons, comme en témoigne la survivance du culte
d'Alban et la présence de l'affixe eccles (du latin ecclesia « église ») dans plusieurs toponymes, les chrétiens de ces régions ne semblent pas avoir cherché à convertir les Anglo-Saxons.
À la fin du VIe siècle,
le royaume de Kent, le plus proche du continent, est gouverné par
Æthelberht, dont la femme, Berthe, est une princesse mérovingienne
chrétienne.
Lorsqu'elle
traverse la Manche pour se marier, Berthe est accompagnée par l'évêque
Létard, dont la présence était l'une des conditions posées à l'union.
Selon
certains historiens, Æthelberht, resté païen, serait à l'origine de
l'envoi de missionnaires par le pape Grégoire le Grand.
Pour d'autres, l'initiative de la mission revient à Grégoire, mais ses raisons précises restent incertaines.
Une
anecdote rapportée par Bède le Vénérable explique que voir deux jeunes
Angles sur le marché aux esclaves de Rome lui aurait insufflé la volonté
de convertir leur peuple.
Grégoire
est certainement motivé par des raisons plus profondes, comme le désir
de voir de nouvelles provinces reconnaître l'obédience romaine ou la
possibilité d'exercer une influence sur le gouvernement du Kent.
Il
faut peut-être envisager cette mission comme une extension des efforts
missionnaires de la papauté en direction des Lombards païens et ariens.
Le
choix du Kent n'est sans doute pas uniquement lié à la religion de sa
reine. À l'époque, il s'agit du royaume le plus puissant du sud-est de
l'Angleterre : Bède indique qu'Æthelberht exerçait l'imperium au sud du
Humber.
Le
Kent entretient également des relations commerciales solides avec les
Francs chrétiens, qui sont susceptibles d'apporter leur appui à la
mission.
À
en juger par la correspondance de Grégoire, les rois francs considèrent
exercer une sorte de suzeraineté sur une partie du sud de l'Angleterre,
et il est possible que Létard ne joue pas un rôle purement religieux,
mais qu'il agisse comme un véritable représentant de l'Église franque.
L'archéologie prouve que l'influence franque sur le Kent est également
d'ordre culturel.
Constitution de la mission
Article détaillé : Mission grégorienne.
En
595, Grégoire le Grand choisit les moines qui doivent faire partie de
la mission au Kent et demande à Augustin, le prieur de l'abbaye
Saint-André à Rome, de prendre leur tête.
Grégoire
envoie également des lettres aux souverains mérovingiens Thierry II de
Bourgogne et Thibert II d'Austrasie, ainsi qu'à leur grand-mère
Brunehaut, pour leur demander de soutenir la mission ; par la suite, il
envoie également une lettre de remerciements au roi de Neustrie Clotaire
II pour son aide.
Les
évêques et rois francs accordent l'hospitalité aux missionnaires durant
leur voyage ; ils leur fournissent également des interprètes et des
prêtres pour les accompagner.
On ignore les raisons qui ont poussé Grégoire à choisir un simple moine comme Augustin pour diriger la mission.
Dans une lettre à Æthelberht, il loue ses connaissances bibliques, ce qui implique un certain degré d'éducation.
Augustin
doit également être un administrateur compétent : en tant que prieur de
l'abbaye Saint-André, c'est lui qui s'occupe des affaires courantes,
puisque son abbé n'est autre que le pape Grégoire.
Augustin est suivi d'une quarantaine de compagnons, dont plusieurs moines.
Peu après leur départ de Rome, les missionnaires s'arrêtent, effrayés par l'ampleur de la tâche qui leur est imposée.
Ils renvoient Augustin auprès du pape, pour lui demander de leur permettre de rentrer.
Grégoire refuse et renvoie Augustin auprès de ses compagnons avec des lettres les exhortant à poursuivre.
Premiers succès
Statue d'Æthelberht à la cathédrale de Cantorbéry
La mission grégorienne arrive au Kent en 597.
Æthelberht
leur permet de s'installer dans sa capitale de Cantorbéry et d'y
prêcher, avant de se convertir lui-même au christianisme.
On ignore la date exacte de son baptême, mais il a vraisemblablement eu lieu en 597, probablement à Cantorbéry.
En
effet, au mois de juin l'année suivante, Grégoire écrit au patriarche
d'Alexandrie Euloge pour se féliciter des succès d'Augustin, qui aurait
converti 10 000 païens.
Bien
que Grégoire ne mentionne pas le baptême d'Æthelberht, une conversion
aussi massive (quand bien même le chiffre serait exagéré) n'aurait pu
avoir lieu sans celle du roi.
Une tradition ultérieure, rapportée par le chroniqueur du XVe siècle Thomas Elmham, le situe le 2 juin 597, jour de la Pentecôte.
Cette date n'est corroborée par aucune autre source, mais elle est tout à fait plausible.
Quoi qu'il en soit, le baptême d'Æthelberht s'est de toute façon nécessairement produit avant 601.
Il entraîne une réduction de l'influence franque sur le sud de l'Angleterre.
Augustin établit son siège épiscopal à Cantorbéry.
On ne sait pas exactement quand ni où il a été sacré évêque.
D'après
Bède, c'est l'archevêque d'Arles Virgile qui l'aurait sacré après la
conversion d'Æthelberht ; pourtant, les lettres de Grégoire lui donnent
le titre d'évêque avant même son arrivée en Angleterre.
Ayant
étudié les différentes possibilités, l'historien R. A. Markus estime
que le sacre d'Augustin s'est bien produit avant sa traversée de la
Manche, mais que les sources ne permettent pas d'en préciser le lieu.
Augustin fonde l'abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul peu après son arrivée, sur des terres données par le roi.
Bien
qu'elle soit souvent considérée comme la première abbaye bénédictine
hors d'Italie, rien ne permet d'affirmer qu'elle a suivi la règle de
saint Benoît dès sa fondation.
Développements ultérieurs
Statue d'Augustin à la cathédrale de Cantorbéry
Assez
rapidement, Augustin envoie deux moines de la mission à Rome : Laurent
et Pierre sont chargés d'informer le pape des premières conversions et
de lui demander conseil sur divers points de doctrine et
d'administration de l'Église.
La
lettre d'Augustin et la réponse de Grégoire ont été préservées par
Bède, qui les inclut dans le chapitre 27 de son Histoire ecclésiastique
du peuple anglais, communément appelé Libellus responsionum, « le petit livre des réponses ».
En
601, Grégoire envoie une nouvelle vague de missionnaires en Angleterre,
chargés de vases sacrés, de reliques et de livres, ainsi que d'un
pallium pour Augustin.
Symbole de l'autorité métropolitaine, ce pallium confère à Augustin le statut d'archevêque.
Il
est accompagné d'une lettre dans laquelle Grégoire demande à Augustin
d'ordonner douze évêques suffragants dès que possible, et d'envoyer un
évêque à York.
Le pape envisage en effet de diviser l'île entre deux sièges
métropolitains, l'un à York et l'autre à Londres, chacun d'eux ayant
autorité sur douze évêques suffragants.
En
accord avec les projets de Grégoire, Augustin aurait dû transférer son
siège de Cantorbéry à Londres, mais ce déplacement n'a jamais eu lieu,
vraisemblablement parce que la ville ne Londres ne relève pas
d'Æthelberht : elle appartient au royaume d'Essex, sur lequel règne son
neveu Sæberht.
Augustin fonde néanmoins un évêché à Londres en 604, ainsi qu'un autre à Rochester.
Il
sacre leurs premiers titulaires, qui sont tous deux des membres de la
deuxième vague de missionnaires : Mellitus à Londres et Juste à
Rochester.
Bien
qu'il n'en existe aucune trace, il est très vraisemblable qu'Augustin
ait fondé des écoles au Kent en vue de former un clergé autochtone.
Ces établissements sont en mesure d'envoyer des enseignants assister la
mission en Est-Anglie quelques années après la mort d'Augustin.
La
liturgie introduite en Angleterre par l'archevêque correspond
vraisemblablement à la liturgie latine en usage à Rome à l'époque.
Augustin
ne parvient pas à étendre son autorité sur les chrétiens du pays de
Galles et de Domnonée, bien que le pape les enjoigne de reconnaître sa
supériorité.
D'après
Bède, les chrétiens des pays celtiques considèrent Augustin avec
méfiance, et leur rejet aurait eu pour origine une bévue diplomatique de
sa part.
En 603, Augustin et Æthelberht convoquent les évêques bretons à une réunion au sud de la Severn.
Augustin ne se serait pas levé à l'entrée de ces évêques, qui auraient alors refusé de le reconnaître comme archevêque.
Au-delà
de cette anecdote, le désaccord entre le clergé local et Augustin peut
également s'expliquer par les différences profondes qui séparent le
christianisme romain de celui pratiqué en Grande-Bretagne sur des
questions telles que la tonsure des clercs et le calcul de la date de
Pâques, mais également l'ascétisme, la mission ou l'organisation
hiérarchique de l'Église.
C'est peut-être l'ignorance des pratiques locales de la part d'Augustin qui a empêché tout accord entre les deux parties.
À
cela s'ajoute la dimension politique de l'affaire : Augustin est le
protégé d'un roi anglo-saxon à une époque où les royaumes germaniques,
en particulier la Mercie et le Wessex, s'étendent vers l'ouest au
détriment des Bretons.
Mort et postérité
La première tombe d'Augustin à Cantorbéry, dans les ruines de l'abbaye qu'il a fondée
Augustin sacre son successeur Laurent avant de mourir, probablement pour que la passation de pouvoir se fasse sans heurt.
À
sa mort, survenue un 26 mai entre 604 et 609, les efforts de la mission
grégorienne n'ont guère dépassé les frontières du Kent.
Néanmoins,
ses efforts marquent le début d'une christianisation plus active des
îles Britanniques, là où les chrétiens irlandais et gallois ne s'étaient
pas efforcés de convertir les envahisseurs anglo-saxons au
christianisme.
C'est ainsi lui et ses successeurs qui permettent l'implantation définitive de cette religion en Grande-Bretagne.
Son exemple inspire par la suite les missionnaires anglo-saxons qui retournent sur le continent à partir de la fin du VIIe siècle pour convertir les peuples encore païens du royaume franc.
Le
corps d'Augustin est tout d'abord inhumé dans le portique de l'abbaye
qu'il a fondée à Cantorbéry et qui prend par la suite son nom.
Son
culte est promu avec ardeur après la conquête normande de l'Angleterre,
et le 13 septembre 1091, ses restes sont déplacés dans une nouvelle
tombe, située dans une chapelle axiale de l'abbaye.
Cette
translation s'inscrit dans le contexte de rivalités entre l'abbaye
Saint-Augustin et le prieuré de la cathédrale de Cantorbéry, l'abbé Wido
cherchant à accroître le prestige de son monastère.
Le moine Goscelin rédige également une hagiographie d'Augustin vers 1090.
Son
œuvre n'apporte guère de nouvelles informations biographiques, mais
inclut quantité de miracles, et des discours imaginaires.
Les
chroniqueurs médiévaux continuent à broder sur ce thème dans les
siècles qui suivent : Guillaume de Malmesbury attribue à Augustin la
fondation de l'abbaye de Cerne46, une chronique du XIVe siècle
(peut-être rédigée par John Brompton) inclut de fausses lettres
d'Augustin, et divers auteurs l'utilisent comme personnage dans leurs
romans courtois.
Son nom figure également en bonne place dans les liturgies scandinaves médiévales.
Durant la Réforme anglaise du XVIe siècle, la tombe d'Augustin est détruite et ses reliques perdues. Un nouveau lieu de culte est rétabli à Ramsgate en mars 2012.
À quelques kilomètres de là, dans le hameau d'Ebbsfleet, à Thanet, se dresse la croix de saint Augustin, érigée en 1884 à l'endroit supposé du débarquement d'Augustin.
Augustin est également le saint patron de l'Ordinariat personnel de Notre-Dame de la Croix du Sud, en Australie.
Liturgiquement il est commémoré le 27 mai.
Il est le Saint Patron de l'Ordinariat personnel de Notre-Dame de la Croix du Sud.
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