Les talents
Gravure de 1712
La parabole des talents et la parabole des dix mines comptent parmi les paraboles évangéliques les plus connues.
La première est racontée dans l'Évangile selon Matthieu XXV, 14-30.
La deuxième, comparable, bien que légèrement différente, se trouve dans l'Évangile selon Luc XIX, 12-27.
Elles dépeignent un maître qui gratifie des serviteurs méritants, et qui en punit un autre pour sa paresse.
Cette
métaphore se rapporte à celle du vrai cep (Jn 15. 1-12), et au fait que
le Seigneur cherche à ce que ses ouailles donnent du fruit, qu'elles
suivent les vertus théologales et cardinales afin de partager, aider, et
faire vivre la compassion.
Les deux récits évoquent également le sort des élus et les sort des damnés lors du Jugement de la fin des temps.
Texte de la parabole des talents
Parabole des talents, d'Andrei Mironov
Évangile selon Matthieu, chapitre 25, versets 14 à 30 :
D'après la traduction officielle liturgique de la Bible.
« C’est comme un homme qui partait en voyage : il appela ses serviteurs et leur confia ses biens.
À
l’un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au
troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités. Puis il partit.
Aussitôt, celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire
valoir et en gagna cinq autres. De même, celui qui avait reçu deux
talents en gagna deux autres. Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla
creuser la terre et cacha l’argent de son maître. Longtemps après, le
maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes. Celui
qui avait reçu cinq talents s’approcha, présenta cinq autres talents et
dit : “Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq
autres.” Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle,
tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre
dans la joie de ton seigneur.” Celui qui avait reçu deux talents
s’approcha aussi et dit : “Seigneur, tu m’as confié deux talents ;
voilà, j’en ai gagné deux autres.” Son maître lui déclara : “Très bien,
serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en
confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.” Celui qui
avait reçu un seul talent s’approcha aussi et dit : “Seigneur, je savais
que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu
ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis
allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui
t’appartient.” Son maître lui répliqua : “Serviteur mauvais et
paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je
ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu. Alors, il fallait placer
mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les
intérêts. Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a
dix. À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ;
mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a.
Quant
à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là,
il y aura des pleurs et des grincements de dents !” »
Une gravure de Jan Luyken représentant la parabole des Talents
Texte de la parabole des mines
Le récit est proche de celui de la parabole des talents.
La
conclusion de la parabole des mines, toutefois, est sensiblement
différente : « Quant à mes ennemis, amenez-les ici et égorgez-les en ma
présence » (Luc 19, 27).
De plus, le maître a un rang royal ; son règne n'est pas sans évoquer le Règne de Dieu.
Évangile selon Luc, chapitre 19, versets 11 à 27, texte traduit par Louis Segond :
11.Ils
écoutaient ces choses, et Jésus ajouta une parabole, parce qu’il était
près de Jérusalem, et qu’on croyait qu’à l’instant le royaume de Dieu
allait paraître. 12.Il dit donc : Un homme de haute naissance s’en alla
dans un pays lointain, pour se faire investir de l’autorité royale, et
revenir ensuite. 13.Il appela dix de ses serviteurs, leur donna dix
mines, et leur dit : Faites-les valoir jusqu’à ce que je revienne.
14.Mais ses concitoyens le haïssaient, et ils envoyèrent une ambassade
après lui, pour dire : Nous ne voulons pas que cet homme règne sur nous.
15.Lorsqu’il fut de retour, après avoir été investi de l’autorité
royale, il fit appeler auprès de lui les serviteurs auxquels il avait
donné l’argent, afin de connaître comment chacun l’avait fait valoir.
16.Le premier vint, et dit : Seigneur, ta mine a rapporté dix mines.
17.Il lui dit : C’est bien, bon serviteur ; parce que tu as été fidèle
en peu de chose, reçois le gouvernement de dix villes. 18.Le second
vint, et dit : Seigneur, ta mine a produit cinq mines. 19.Il lui dit :
Toi aussi, sois établi sur cinq villes. 20.Un autre vint, et dit :
Seigneur, voici ta mine, que j’ai gardée dans un linge ; 21.car j’avais
peur de toi, parce que tu es un homme sévère ; tu prends ce que tu n’as
pas déposé, et tu moissonnes ce que tu n’as pas semé. 22.Il lui dit : Je
te juge sur tes paroles, méchant serviteur ; tu savais que je suis un
homme sévère, prenant ce que je n’ai pas déposé, et moissonnant ce que
je n’ai pas semé ; 23.pourquoi donc n’as-tu pas mis mon argent dans une
banque, afin qu’à mon retour je le retirasse avec un intérêt ? 24.Puis
il dit à ceux qui étaient là : Otez-lui la mine, et donnez-la à celui
qui a les dix mines. 25.Ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines. 26.Je
vous le dis, on donnera à celui qui a, mais à celui qui n’a pas on
ôtera même ce qu’il a. 27.Au reste, amenez ici mes ennemis, qui n’ont
pas voulu que je régnasse sur eux, et tuez-les en ma présence.
Interprétations de la parabole des talents
Interprétations chrétiennes qui font du maître un substitut de Dieu
La
parabole illustre l'obligation pour les chrétiens de ne pas gâcher
leurs dons reçus de Dieu et de s'engager, même s'il y a risque, à faire
grandir le royaume de Dieu. Le mot de talent a pris son sens depuis
cette parabole.
Un
prêtre, le Frère Élie, décrit ce que cette parabole ne cache qu'à
demi-mot : « un jugement sera... prononcé, un jugement de salut sur ceux
à qui le Seigneur a confié dons et talents à faire fructifier durant
son absence. Cette parabole de Jésus oriente donc l'attention sur le
temps qui s’étend entre son ascension au ciel et son retour dans la
gloire, temps où l’homme a à s’investir pour recevoir au jour du
jugement la couronne du salut.» C'est donc à chacun de donner selon ses
aptitudes afin d'aider son prochain. Cependant, Frère Elie va plus
loin : pour lui l'homme de haute naissance est bel et bien le Christ
lui-même, son retour sera alors le temps du jugement dernier, le temps
du salut des âmes.
Selon
saint Jean Chrysostome, il faut par ce mot de talent « entendre tout ce
par quoi chacun peut contribuer à l'avantage de son frère, soit en le
soutenant de son autorité, soit en l'aidant de son argent, soit en
l'assistant de ses conseils par un échange fructueux de parole, soit en
lui rendant tous les autres services qu'on est capable de lui rendre. »
Il ajoute : « Rien n'est si agréable à Dieu que de sacrifier sa vie à
l'utilité publique de tous ses frères. C'est pour cela que Dieu nous a
honorés de la raison… »
Le
troisième serviteur, devant son raté, aurait pu se présenter au maître,
au lieu de l'insulter, en demandant pardon, ou même en disant que
personne n'est digne d'entrer dans la joie du maître par ses propres
œuvres. La seule solution est de consentir à ce que Dieu donne.
« Seigneur, je ne suis pas digne, mais dis seulement une parole et je
serai guéri. » Qu'aurait fait le maître ? Il aurait aussi accueilli ce
serviteur.
Autre
interprétation chrétienne : Ce qui est en jeu dans cette parabole,
c'est la morale de la rétribution ou de la justice (à chacun selon ses
mérites). Jésus la conteste parce que la grâce est réservée aux élus de
Dieu ; ainsi les hommes n'accèdent pas au salut (ne gagnent pas le
paradis) parce qu'ils auront œuvré en ce sens durant leur vie terrestre.
Le
pape Benoît XVI a rappelé que « l'évangile a pesé sur le plan
historico-social, promouvant dans les populations chrétiennes une
mentalité active et entreprenante ».
En
citant en particulier la parabole des talents, il a souligné que le
talent se réfère à un « esprit de responsabilité avec lequel nous devons
accueillir le Royaume de Dieu : responsabilité envers Dieu et envers
l'humanité.
La
mauvaise attitude est celle de la peur (...). Ceci arrive, par exemple,
à celui qui, ayant reçu le baptême, la communion, la confirmation,
enterre ensuite ces dons sous une couverture de préjugés, sous une
fausse image de Dieu qui paralyse la foi et les œuvres, de façon à
trahir les attentes du Seigneur ».
Reprise moderne qui fait du maître un homme malhonnête
Le maître confie de l'argent aux serviteurs afin de le faire fructifier.
Ils les divise en les traitant de façon inégale et en les mettant en concurrence.
Le premier et le deuxième serviteurs doublent la mise, rapportant autant d'argent qu'il leur avait été donné.
Le troisième refuse de spéculer, enterre l'argent, lui rend et dénonce la vénalité du maître.
Le maître, qui n'a pas lui-même travaillé, traite ce dernier de paresseux et le jette dehors.
Les deux autres serviteurs sont flattés et récompensés, et le premier serviteur se voit même offrir le talent du troisième.
Ainsi
le maître reçoit beaucoup de ceux qu'il a favorisés, mais rien de celui
qu'il a méprisé ; par dépit, il punit le rebelle, faisant valoir toute
l'étendue de son injustice.
La parabole a même donné son nom à un phénomène sociologique appelé : Effet Matthieu.
Interprétation de la parabole des mines
Dans
leur commentaire de la parabole des mines, l'exégète Daniel Marguerat
et Emmanuelle Steffelk indiquent que le prince en attente de royauté
représente Jésus, et que le moment où les serviteurs doivent rendre des
comptes correspond au Jugement dernier.
Le
personnage du prince-roi assume "dans son cruel réalisme" le dicton
selon lequel les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres
toujours plus pauvres ; "sa cruauté n'en reste pas là, puisqu'il fait
exécuter en sa présence ses adversaires politiques (v.27). Là encore,
les mœurs politiques de l'époque se font jour".
Dans
son commentaire, Paul Jorion relève: "une simple lecture du texte de la
parabole dans ses deux versions, chez Mathieu et chez Luc, révèle toute
l’étendue du malentendu : le maître qui admoneste son serviteur de ne
pas avoir investi est un tyran méprisable."
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