Semeur
Fresque transylvanienne
La
parabole du semeur est une parabole évangélique racontée dans les trois
Évangiles synoptiques : Matthieu XIII, 1-23 ; Marc IV, 1-20, Luc VIII,
4-15 (ainsi que dans l'Évangile apocryphe selon Thomas).
Le
semeur, qui représente Jésus, jette les graines dont certaines tombent
sur le bord du chemin, sur les roches et dans des buissons d'épines, et
la semence est donc perdue; en revanche lorsqu'elles tombent dans de la
bonne terre, elles produisent du fruit jusqu'au centuple.
Textes
La
parabole du semeur dans l'Hortus Deliciarum par Herrade de Landsberg et
ses moniales au couvent de Hohenbourg (mont Sainte-Odile)
- Version selon saint Matthieu :
3
« Voici, disait-il, que le semeur est sorti pour semer. Et comme il
semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux, étant
venus, ont tout mangé. D'autres sont tombés sur des endroits pierreux,
où ils n'avaient pas beaucoup de terre, et aussitôt ils ont levé, parce
qu'ils n'avaient pas de profondeur de terre : mais, le soleil s'étant
levé, ils ont été brûlés, et faute de racines, ils se sont desséchés.
D'autres sont tombés sur les épines, et les épines ont monté et les ont
étouffés. Mais d'autres sont tombés sur de la bonne terre, et ils ont
donné du fruit, l'un cent, l'autre soixante, l'autre trente. Entende,
qui a des oreilles !
10
Et, s'avançant, les disciples lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en
paraboles ? » Et, répondant, il dit : « Parce qu'à vous il a été donné
de connaître les mystères du Royaume des Cieux, mais à ceux-là ce n'a
pas été donné. Car quiconque a, on lui donnera et il aura en
surabondance, mais quiconque n'a pas, même ce qu'il a lui sera enlevé.
Voilà pourquoi je leur parle en paraboles : parce qu'ils voient sans
voir et qu'ils entendent sans entendre. Et pour eux s'accomplit la
promesse d'Isaïe qui dit : Vous serez tout oreilles et ne comprendrez
pas, vous regarderez de tous vos yeux et vous ne verrez pas, car le cœur
de ce peuple s'est épaissi, ils sont devenus durs d'oreille, ils ont
fermé les yeux, de peur qu'ils ne voient de leurs yeux, n'entendent de
leurs oreilles, ne comprennent avec leur cœur, et qu'ils ne se
convertissent. Et je les aurais guéris ! Mais vous, heureux vos yeux,
parce qu'ils voient, et vos oreilles, parce qu'elles entendent ! Car en
vérité je vous dis que beaucoup de prophètes et de justes ont désiré
voir ce que vous voyez, et ils ne l'ont pas vu, entendre ce que vous
entendez, et ils ne l'ont pas entendu !
18
Vous donc, écoutez la parabole du semeur. Chaque fois qu'un homme
entend la Parole du Royaume sans la comprendre, arrive le Mauvais qui
emporte ce qui a été semé dans son cœur ; c'est celui qui a reçu la
semence au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur les endroits
pierreux, c'est celui qui entend la Parole et aussitôt la reçoit avec
joie, mais il n'a pas de racine en lui-même, il est, au contraire,
l'homme d'un moment ; survienne une tribulation ou une persécution à
cause de la Parole, aussitôt il trébuche. Celui qui a reçu la semence
dans les épines, c'est celui qui entend la parole, et le souci du monde
et la duperie de la richesse étouffent la Parole, qui devient stérile.
Et celui qui a reçu la semence sur la bonne terre, c'est celui qui
entend la Parole et la comprend : et celui-là porte du fruit et produit
l'un cent, l'autre soixante, l'autre trente. » »
Interprétations
Van Gogh Le semeur au soleil couchant
- Liberté chrétienne : selon saint Jean Chrysostome, Jésus est venu sur terre pour en être le laboureur, pour rendre la terre fertile en la cultivant avec soin et semer sa parole. La terre représente donc les âmes où le semeur (Jésus) lance la semence sans distinguer le pauvre du riche, le savant de l'ignorant, l'âme ardente de celle qui est paresseuse. Saint Jean Chrysostome répond aussi à ceux qui s'étonnent de ce qu'un semeur jette ses graines ailleurs que dans de la bonne terre, car cela prouve que les changements sont possibles. Il ne faut pas comparer la semence matérielle, mais la comparer à la Parole divine qui apporte la conversion : si les changements « ne sont point arrivés dans toutes les âmes, ce n'est point la faute du laboureur, mais de ceux qui n'ont pas voulu se changer. Il a accompli avec un soin entier ce qui dépendait de lui. » Cette parabole illustre donc pour le Grec la nécessité du changement et de la responsabilité. En effet la parabole ne dit pas que la semence s'est desséchée à cause du trop grand soleil (c'est-à-dire l'exposition à la tentation au mal), mais parce qu'elle n'a pas de racine. De même pour la semence tombée dans les buissons d'épines, la faute ne revient pas aux buissons (qui symbolisent la vie mondaine et l'attrait des richesses), mais à celui qui les laisse croître. Si on coupe les tiges des buissons, on peut s'en servir utilement et laisser la bonne terre s'installer. C'est ainsi que Jésus ne parle pas des richesses en général, mais de la « duperie » des richesses. Et l'auteur d'ajouter : « N'accusons point les choses en elles-mêmes, mais l'abus que nous en faisons et la corruption de notre esprit. » Il estime donc que cette parabole marque trois étapes de l'évolution spirituelle, la bonne terre étant promise à tous, si l'on renonce à l'« esclavage » des plaisirs, pour l'exercice de la vertu, seul gage de la liberté. L'auteur termine en citant comme exemple les excès de la goinfrerie.
Les sens de l'Écriture
Cette
parabole fournit l'occasion à St Augustin, au deuxième paragraphe de
son sermon LXXIII, d'expliquer la nécessité inhérente au texte biblique
d'une lecture spirituelle de celui-ci :
« Vous
savez qu’il a été parlé hier de trois endroits où ne profite point la
semence ; le chemin, les pierres et les épines. Voilà l’ivraie, c’est
dans une autre parabole un autre nom donné à la même chose. Car,
lorsqu’il est question de similitudes et non du sens propre, on
n’exprime que la ressemblance de la vérité, et non la vérité même. Je
n’ignore point que quelques-uns savent cela ; mais nous parlons pour
tous. Ainsi donc dans les choses sensibles un chemin est un chemin, un
endroit pierreux est un endroit pierreux et des épines sont des épines ;
il n’y faut voir que cela, car les mots sont pris ici dans leur sens
propre. Mais dans les paraboles et les comparaisons, un même objet peut
être désigné par des noms différents, et c’est ce qui m’a permis de vous
dire que le chemin dont il est parlé dans l’Évangile, ainsi que
l’endroit pierreux et l’endroit couvert d’épines désignent les mauvais
chrétiens, désignés aussi par l’ivraie. Le Christ ne porte-t-il pas à la
fois les noms d’agneau et de lion ? S’il s’agit de troupeaux et
d’animaux sauvages, on ne doit voir dans l’agneau qu’un agneau et dans
le lion qu’un lion ; mais le Christ est l’un et l’autre. Dans la
première acception, c’est le sens propre : c’est le sens figuré dans
celle-ci. Il arrive même que dans ce sens figuré les êtres les plus
opposés portent le même nom. Qu’y a-t-il de plus opposé entre eux que le
Christ et le démon ? Le Christ et le démon, néanmoins, sont appelés
l’un et l’autre lion. Au Christ est donné ce nom : « Le lion de la tribu
de Juda a vaincu. » Au démon également : « Ne savez-vous que votre
ennemi, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous,
cherchant à dévorer. » Ce nom désigne ainsi le Christ et le diable : le
Christ, à cause de sa force, le diable à cause de sa férocité ; le
Christ à cause de ses victoires, le diable à cause de ses ravages. Ce
même démon est encore représenté comme un reptile, c’est l’antique
serpent : s’ensuit-il que notre Pasteur nous ordonne d’imiter ce serpent
quand il nous dit : « Soyez simples comme des colombes et rusés comme
des serpents » ? »
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