Bienheureux Robert d'Arbrissel († 1116)
Moine, fondateur de Fontevraud
Robert d’Arbrissel, né vers 1047 dans le village d’Arbrissel (actuel département d'Ille-et-Vilaine) dans le diocèse de Rennes en Bretagne et mort au Prieuré d'Orsan (Cher), probablement autour de 1117, est un ermite et moine breton.
Prêcheur itinérant, reconnu par le pape Urbain II, il suit une pratique érémitique extrême.
Il est le fondateur des abbayes de Fontevraud et de la Roë et de l'ordre de Fontevraud.
Ses
exigences spirituelles et sa conduite lui créeront des difficultés
pendant toute sa vie et bloqueront les tentatives de canonisation au XVIIe siècle.
Les historiens contemporains se disputent encore sur le sens de son
action, le décrivant tour à tour comme un précurseur duféminisme, un
défenseur des pauvres, un réformateur exigeant.
Origine familiale et formation
Le père de Robert d’Arbrissel, un prêtre nommé Damalioch, était descendant probable des Bretons venus de Grande-Bretagne et installés aux lisières romanes de l’Armorique.
Robert,
dont la date d'ordination est inconnue, aurait succédé à son père dans
la charge de recteur d’Arbrissel et aurait comme lui vécu avec une femme
(ce n'est qu'au premier concile du Latran de 1123 que le mariage et le
concubinage des prêtres ont été interdits).
Compromis
dans l’élection jugée irrégulière de Sylvestre de la
Guerche comme évêque de Rennes en 1076 puis déposé en 1078, il s’exile
à Paris.
Il y suit les enseignements théologiques, peut-être d'Anselme de Laon.
Il y est reçu docteur en théologie et devient un ardent partisan de la réforme grégorienne, promue par le pape Grégoire VII.
Réformateur du diocèse de Rennes
L'église Notre-Dame d'Arbrissel - XIe et XIIe
Son évêque, Sylvestre de la Guerche, rétabli sur son siège en 1089, l'appelle auprès de lui pour le seconder dans son effort de moralisation du clergé breton et lui confère les dignités d'archiprêtre et d'official.
Dans ce nouveau rôle, il devient un exigeant opposant à la simonie, l'incontinence et les autres vices de son clergé.
Après
avoir travaillé pendant quatre ans à l'extirpation de ces désordres,
Robert se voit exposé, avec la mort de l'évêque en 1093, au ressentiment
des ecclésiastiques qu'il a humiliés.
Marbode,
successeur de la Guerche, qui apparemment n'aime pas autant que
celui-ci les réformateurs, le laisse partir pour Angers, où il va
enseigner la théologie.
Il s'y lie avec Geoffroy, abbé de Vendôme qui apprécie ses qualités intellectuelles et religieuses
Vie érémitique et fondation de l'abbaye de La Roë
Article détaillé : Abbaye de la Roë.
Vers 1095,
Robert d'Arbrissel fait siens les principes de pauvreté prônés
par Grégoire VII et, cédant à son goût pour la vie solitaire, va vivre
en ermite dans la forêt de Craon, en Anjou, à proximité de la Bretagne.
L'évêque d'Angers, Geoffroy de Mayenne, le reçoit en audience avec Renaud Ier de Craon, fils de Robert le Bourguignon, seigneur de Craon, et ses fils.
C'est là qu'a lieu la concession de sept masures dans la forêt où les chanoines peuvent s'établir.
Il est bientôt entouré d'une foule d'anachorètes attirés par la renommée de ses vertus et de la sainte austérité de sa vie.
D'ermites,
ils deviennent cénobites sous la direction de leur chef, qui leur donne
la règle des chanoines réguliers récemment réformée et refondue par
Yves de Chartres.
Sa
réputation de sainteté se répand et de nombreux clercs et laïcs le
rejoignent, ce qui conduit à créer des logements qui deviennent l’Abbaye
de la Roë.
Il les partage en trois colonies, se charge d'en gouverner une, et confie les autres à Vital de Savigny et Raoul de La Futaie.
À Craon il rencontre également d'autres ermites de la région comme saint Alleaume ou Bernard de Tiron.
Le prêcheur
Le 11
février 1096, le pape Urbain II, qui a lancé, un an auparavant, l’appel
à la première croisade, est à Angers, accompagné de nombreux
prélats, Hugues de Bourgogne, archevêque de Lyon, Amat
d’Oloron, archevêque de Bordeaux, Yves de Chartres, évêque de Chartres,
Hoël, évêque du Mans, et des plus nobles seigneurs de la région.
Robert
d'Arbrissel est aussi présent dans cette assemblée. Il a prêché la
veille devant le pape à la consécration de l'église Saint-Nicolas de
Craon.
Urbain II apprécie tellement ses sermons qu'il lui confère le titre de prédicateur apostolique, avec la permission de prêcher per universum mundum.
En 1100, Robert assiste au concile de Poitiers en compagnie de Bernard de Tiron.
Fondation de l'abbaye et de l'ordre de Fontevraud
En 1096, Robert d'Arbrissel reçoit du pape Urbain II en visite à Angers, une mission de prédication.
Devenu
prédicateur itinérant, Robert d'Arbrissel se voit bientôt suivi par une
foule nombreuse, d'hommes et de femmes de différentes classes sociales.
« Sa parole avait la suavité du miel, un charme divin sortait de ses
lèvres et captivait les âmes ». Séduits, ses auditeurs se mirent à le
suivre en grand nombre dans ses pérégrinations.
Il
s'installe entre 1099 et 1101, avec l'aide de Pierre II, évêque de
Poitiers, dans un vallon nommé Fons Ebraudi et y fonde avec ses
disciples une maison mixte, rompant avec les règles du monachisme
ordinaire.
En
période de réforme grégorienne, l'attitude de Robert lui attire les
foudres de la hiérarchie religieuse : la cohabitation d'hommes et de
femmes dans un même lieu passe mal, et Robert scandalise quand il dort
au milieu des femmes.
Cette
proximité entre les sexes voulue par Robert s'explique par la pratique
par l'ermite du syneisaktisme, pratique ascétique qui consiste en la
cohabitation chaste de personnes de sexe différent afin de surmonter les
tentations charnelles.
Il commence à organiser la vie communautaire en fixant son groupe. Les fondations du monastère sont entreprises aussitôt.
Le premier protecteur est le seigneur de Montsoreau, dont le château est tout proche.
Le rayonnement du fondateur, apparaissant comme un féministe avant la lettre, y attire de nombreuses femmes nobles.
Ermengarde d'Anjou est un des premiers membres de la famille comtale angevine à prendre l'abbaye en considération.
Fille de Foulque le Réchin, elle fait ratifier par son frère, Foulque V, ses dons à l'abbaye de Fontevraud.
Elle s'y retire vers 1112 et ne quitte l'abbaye qu'en 1118.
Il
s'agit d'un monastère double et non mixte, c'est-à-dire que Robert
s'engage à ce qu'à aucun moment il n'y ait de contact entre un moine et
une moniale.
Il
répartit ses adeptes en quatre lieux distincts : le Grand-Moustier avec
les contemplatives, des moniales de chœur, Sainte-Marie Madeleine avec
des sœurs converses, des femmes ayant vécu dans le siècle,
Saint-Jean-l'Habit pour les moines et Saint-Lazare pour les sœurs qui
soigneront les lépreux qui seront, eux, hébergés à l'extérieur.
Les
contemplatives se consacrent à l'office divin (prières) les sœurs
converses et les moines au travail à leur profit (seuls les moines
pourront dire la messe).
La fondation rencontre un grand succès. On atteindra très vite 300 moniales de chœur.
Cependant,
Robert, qui dirige l'ensemble mais sans prendre le titre d'abbé,
continue de fréquenter les différents lieux du monastère et notamment,
s'entretient en privé avec les femmes.
Il
pratique à ces occasions le syneisaktisme, pratique ascétique que lui
reproche dans sa lettre Geoffroy, abbé de la Trinité de Vendôme, vers
1106-1107.
Retour à la prédication
Lorsqu'il
croit que son établissement peut se passer de lui, il reprend son
premier emploi de prédicateur ambulant, parcourt la France, exhortant
les riches à la charité, les pauvres à l'humilité, les femmes à la
continence, et les hommes à l'amour de Dieu.
Il assiste, en 1104, au concile de Beaugency, et prend place parmi les prélats.
L'évêque
de Poitiers est si satisfait de sa doctrine et des lois qu'il donne à
ses disciples, qu'il sollicite auprès du Saint-Siège les bulles de
confirmation ; et, en les délivrant, le pape Pascal II déclare qu'il
prend cet ordre sous sa protection spéciale.
Dernières missions
En 1115, sentant sa fin proche, Robert d'Arbrissel fixe les statuts de Fontevraud avec les moniales.
Il convoque les évêques et les abbés afin de pouvoir faire nommer et
reconnaître la nomination d'une abbesse à la tête de l'abbaye.
La décision est avalisée et la même année est nommée une jeune femme d'origine noble, Pétronille de Chemillé.
La
même année, il fait donner à son ami Géraud de Salles, les terres pour
fonder l'abbaye de Cadouin, en présence du duc d'Anjou Foulque V et de
personnalités angevines et poitevines.
C'est
au milieu de ses travaux apostoliques que Robert tombe malade ; il est
obligé de s'arrêter au prieuré d'Orsan, diocèse de Bourges dans
le Berry.
Il y meurt le 25 février 1116, léguant son cœur à Orsan et son corps à Fontevraud.
L'archevêque
de Bourges, son clergé, la noblesse des environs et une foule de laïcs,
accompagnent son corps jusqu'à l'abbaye de Fontevraud, où on lui fait
des obsèques solennelles.
Lui
qui avant demandé à être inhumé dans la boue du cimetière commun fut
enterré près du Maître-autel de l'Église abbatiale de Fontevraud, un
lieu peu propice à la dévotion populaire.
Le
20 octobre 1847, ses restes furent remis à la communauté des Dames
fontevristes de Chemillé. (Archives de Maine-et-Loire, 1 Y 79)
Postérité
Il est rare qu'une congrégation religieuse se retienne d'honorer celui qui fut son fondateur.
C'est pourtant ce que fit l'ordre de Fontevraud avec Robert d'Arbrissel.
Après sa mort, sa mémoire fut maintenue dans un oubli intentionnel.
Son tombeau et son épitaphe
Gravure du XVIIIe siècle, évoquant le gisant disparu de Robert d'Arbrissel à l'abbaye de Fontevraud
En 1655, Jeanne-Baptiste de Bourbon, abbesse de Fontevraud, fille légitimée d'Henri IV et de Charlotte des Essarts, comtesse de Romorantin, sœur naturelle de Louis XIII, dernière abbesse de la famille des Bourbon, fit placer les restes de Robert dans un superbe tombeau de marbre, sur lequel on lisait l'épitaphe qu'Hildebert, évêque du Mans, avait faite en son honneur, et dont voici quelques vers :
« Attrivit
lorica laïus, silis arida fauces, Dura famés stomacbum, lumina cura
vigil. Induisit raro requiem sibi, rarius eseam. Gultura pascebat
graraiue, corda Deo. Legibus est subjecta carq dominas rationis ; Et
sapor unus ei, sed sapor ille Deus. »
L'œuvre est du sculpteur Gervais I Delabarre, poursuivi par Pierre Biardeau.
Tentatives de canonisation
Ses audaces dérangèrent et bloquèrent sa canonisation.
Il est tout de même fêté avec le titre de «bienheureux» le 25 février.
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