Bienheureux Urbain II
Pape (157ème) de 1088 à 1099 († 1099)
Eudes de Châtillon ou Odon de Lagery, né à Châtillon-sur-Marne ou à Lagery en 1042, mort à Rome le 29 juillet 1099, 157e pape sous le nom d'Urbain II (1088–1099).
C'est un bienheureux pour l'Église catholique romaine, célébré le 29 juillet.
Il est à l'origine de la première croisade en lançant, le 27 novembre 1095, l'appel de Clermont qui en sera le déclencheur.
Biographie
Premières années
Né
dans la noblesse champenoise en 1042, dans la Marne, Eudes est élève
à Reims de l'écolâtre Bruno, futur fondateur des Chartreux, appelé aussi
Brunon de Cologne.
Il reçoit la formation de moine bénédictin, il devient d'abord chanoine puis archidiacre à Reims.
Il se fait ensuite moine à l'abbaye de Cluny en 1067, dont il devient
le grand prieur vers 1073, sous l'abbatiat d'Hugues de Semur.
Il y reste une dizaine d'années, et se forme à la politique ecclésiastique européenne, y forge ses convictions.
À
la recherche de moines clunisiens pour mener sa réforme, Grégoire
VII le fait venir à Rome en 1079-1080 et le nomme cardinal-évêque
d'Ostie.
Il devient un conseiller intime du pape, et soutient la réforme grégorienne.
Celle-ci,
lancée par Nicolas II et Alexandre II voire par Léon IX, vise à rendre
indépendante la papauté des pouvoirs temporels (l'opposé des pouvoirs
spirituels).
L'Église
se retrouve ainsi en confrontation avec l'Empereur. L'affrontement
atteint son paroxysme avec Grégoire VII, chassé de Rome et remplacé par
un antipape, Clément III.
Eudes
est nommé légat en France et en Allemagne, dans le but de démettre
Clément III, et rencontre Henri IV à cette fin en 1080, en vain.
Il
préside plusieurs synodes, dont celui de Quedlinburg (1085) qui
condamne les partisans de l'empereur Henri IV et de l'antipape Clément
III, c'est-à-dire Guibert de Ravenne.
Pape sous le nom d'Urbain II
Successeur de Grégoire VII
Au terme du bref pontificat de Victor III, successeur de Grégoire VII, Eudes convoque les évêques partisans de la Réforme grégorienne à Terracina, dans le Latium : Rome est aux mains des partisans de Clément III.
Là,
il est élu pape puis consacré le 12 mars 1088 sous le nom d'Urbain II.
Son premier acte est d'affirmer solennellement sa fidélité à l'œuvre de
Grégoire VII ; il renouvelle les condamnations de ce dernier en matière
de discipline ecclésiastique : simonie (trafic de biens
spirituels), nicolaïsme (« incontinence » du clergé) ou encore
investiture des clercs par les laïcs.
En
revanche, il se montre plus souple que Grégoire, notamment sur les cas
de clercs ordonnés par des évêques simoniaques ou schismatiques : il
considère leur ordination comme valide, s'attirant ainsi les critiques
de théologiens comme Bonizo de Sutri, Deusdedit ou Bruno de Segni.
Pour rendre plus souples les condamnations, il applique la doctrine de la dispense selon Yves de Chartres.
Il ménage Guillaume II d'Angleterre en conflit avec Anselme,
l'archevêque de Cantorbéry qui veut assurer l'indépendance de l'Église
vis-à-vis du roi.
Dans
la même logique, il conforte la papauté en faisant des royaumes
hispaniques et de la Sicile des États vassaux du Saint-Siège.
Urbain II continue à s'appuyer sur l'Ordre de Cluny et les souverains.
Sa position est difficile. Il ne peut rentrer à Rome, occupée par Clément III.
Il
séjourne alors durant 8 mois à Troina, en Sicile, sous la protection
du Normand Roger de Hauteville, qui est en train d'achever la reconquête
de l'île sur les Musulmans (1061-1091).
Il retourne à Rome fin 1088/début 1089 sous escorte normande mais est chassé par Henri IV l'année suivante.
Par sa politique modérée en France et en Angleterre, il crée un parti romain en sa faveur, isole l'empereur.
Il doit affronter personnellement le schisme du parti impérial, dont il triomphe avec l'aide de Conrad, fils d'Henri IV.
En 1093, Urbain II peut regagner Rome.
Il achète la reddition du palais du Latran l'année suivante, et fait
tomber le château Saint-Ange en 1098, parachevant ainsi sa reconquête de
la ville.
Sa politique devient alors plus rigoureuse.
L'exemption, qui place les abbayes sous la responsabilité directe du
pape, largement pratiquée, concerne tous les établissements clunisiens.
Les chanoines réguliers sont créés, les légats réutilisés, les primats instaurés.
Il préside les conciles de Plaisance et de Clermont en 1095.
Pendant le premier, il invalide toutes les ordinations effectuées par Guibert de Ravenne après sa condamnation.
Il
condamne également les thèses de Bérenger de Tours qui affirme, contre
la thèse de la transsubstantiation, le caractère symbolique de la
présence du Christ dans l'eucharistie.
Enfin, répondant à l'appel de l'empereur byzantin Alexis Ier Comnène, il exhorte les chrétiens d'Occident à défendre ceux d'Orient.
La réforme grégorienne porte ses fruits. L'Église est indépendante et Clément III est isolé.
Les valeurs de l'Église s'affirment complètement dans la société féodale.
L'action des rois est influencée par le serment du sacre: maintenir la justice, défendre les faibles.
Les
pillages, guerres privées sont combattues par la Paix de Dieu avec des
ligues pour la paix, des forces de polices organisées par les évêques.
Urbain II consacre la Trêve de Dieu au concile de Clermont en 1095, qui suspend la guerre aux temps consacrés.
Le Concile de Clermont
Article détaillé : Concile de Clermont (1095).
À
Clermont, du 18 au 26 novembre 1095, avec 13 archevêques et 225
évêques, Urbain II préside un concile dont il nous reste quelques
fragments des canons (c'est-à-dire des prescriptions du concile).
Il y réitère la condamnation de l'investiture laïque, et interdit aux clercs de rendre hommage à un laïc, même au roi.
Il proclame solennellement la trêve de Dieu ou paix de Dieu, déjà annoncée dans des synodes précédents.
C'est
aussi à cette occasion qu'il renouvelle l'excommunication prononcée par
l'évêque Hugues de Lyon contre le roi de France Philippe Ier, pour son remariage avec Bertrade de Montfort.
Enfin,
le 27 novembre, il lance l'appel de Clermont qui causera la première
croisade, conçue par lui comme un moyen d'unifier la chrétienté
occidentale sous l'autorité pontificale.
Plus
tard, il fixera le début de la croisade au 15 août 1096 et pour en
assurer la direction spirituelle, il nomma Adhémar de Monteil, évêque
du Puy, le commandement militaire revenant à Raymond IV de Toulouse.
Parallèlement, il encourage la Reconquista ou reconquête de l'Espagne occupée par les Maures.
Cet appel apparaît en contradiction avec les valeurs ancestrales de l'Église.
C'est en réalité l'aboutissement d'une réflexion de l'Église sur la guerre et l'existence de causes « justes ».
Ce concile s'inscrit aussi dans la continuation de la Réforme grégorienne et l'émancipation du pouvoir religieux sur les laïcs.
Les thèmes du concile et de l'appel seront relayés par des prédicateurs
comme Pierre l'Ermite permettant le succès de la croisade.
Mort et postérité
Urbain II meurt le 29 juillet 1099, peu après la conquête de la ville de Jérusalem (15 juillet).
Il est béatifié le 14 juillet 1881 par Léon XIII.
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