Bienheureux Urbain V
Pape (198ème) de 1362 à 1370 († 1370)

Guillaume
de Grimoard (né en 1310 à Grizac, Lozère et décédé en 1370 à Avignon)
devint le sixième pape à Avignon sous le nom d’Urbain V.
Originaire
des pays de la langue d’oc, comme ses prédécesseurs, natif
du Gévaudan dans une famille liée à celle des Sabran, il commença à
vivre et à étudier à proximité de la vallée du Rhône.
Elzéar, un de ses oncles, était alors prieur de la chartreuse de Bonpas, près d’Avignon.
Profès de
l’ordre de Saint-Benoît, comme Benoît XII et Clément VI, il fut
rapidement chargé des plus prestigieuses abbayes bénédictines de France
et de Provence. Mais là s’arrête le parallèle avec ses devanciers.
Ni évêque, ni cardinal, il n’a jamais entretenu de relations suivies avec la Curie.
Il fut donc totalement étranger aux querelles de clans de l’Antique et Sacré Collège des cardinaux.
De
plus, sa carrière ne doit rien à l’administration royale française, et
ses missions diplomatiques l’ont rendu très proche de l’Italie ;
proximité qui entraîna une tentative avortée de retour de la papauté
vers Rome.
Il
est à l'origine de nombreux développements architecturaux, de missions
dans le monde entier et, avec la Guerre de Cent Ans, a eu à participer
et arbitrer plusieurs conflits.

Gisant d'Urbain V
Urbain V est le seul des pontifes avignonnais à avoir été porté sur les autels avec le titre de bienheureux.
Béatifié en 1870, sous Pie IX, il est considéré comme saint dans le
nouveau calendrier liturgique publié par Paul VI, sans avoir été
formellement canonisé.
Biographie
De sa naissance au conclave
Naissance et enfance

Le château de Grizac
Fils
aîné de Guillaume II de Grimoard, seigneur de Grizac, et d'Amphélise
(ou Élise) de Sabran, dame de Montferrand, près de La Canourgue, dans
la baronnie de Canilhac, le futur pape Urbain V portait le même
patronyme que son père.
Il
naît en 1310 au château familial de Grizac, situé sur la commune
du Pont-de-Montvert près de Mende. Ce château a été construit peu avant
sa naissance par son père, chevalier-paysan.
Il avait deux frères : Étienne, et Anglic, futur religieux à l'abbaye de Saint-Ruf de Valence et cardinal.
Ce dernier qui a survécu dix-huit ans à Urbain V, meurt le 14 avril 1388 et est enterré à l'église de Saint-Ruf de Valence.
Le futur pape avait également une sœur, Delphine qui épousa Guillaume de Monyaut.
Guillaume
de Grimoard fut baptisé en 1310, avec pour parrain Elzéar de Sabran,
frère (ou cousin) d’Amphélise, comte d’Ariano et régent duroyaume de
Naples, dont il proclama lui-même la sainteté le 15 avril 1369.

Les restes du château de Montferrand où serait née sa mère

Les armes des Montferrand
Élève brillant, il quitta le domicile familial vers l'âge de douze ans pour aller étudier à Montpellier.
Sa
mère lui dit alors : « Mon fils, je ne te comprends pas, mais Dieu,
lui, te comprend ». Il se rendit ensuite à Toulouse parfaire ses études.
Le moine
Après
des études de droit, il entra en 1335 dans l'ordre
des bénédictins au prieuré du monastère de Chirac (qui devint plus tard
le Monastier), où son oncle maternel Anglic — probablement le parrain de
son jeune frère — était prieur.
Ce
monastère, à quelques lieues de Mende, près des bourgs de Chirac et
de Marvejols dépendait de la congrégation victorine de Marseille. Son
noviciat achevé, il se rendit à Marseille, où il fit sa profession
monastique, puis retourna au Monastier où il reçut l'ordination
sacerdotale.
Il
partit ensuite à l'université de Montpellier, où il enseigna et devint
un spécialiste renommé du droit. Il fut reçu docteur en 1342.
Il se trouvait toujours dans cette ville lorsque se propagea la terrible peste noire de 1348.
Pierre d'Aigrefeuille, venant d'être nommé évêque de Clermont, le prit comme vicaire général.
Une fois transféré à Uzès, l'évêque garda Guillaume de Grimoard à ses côtés.
Demeuré moine noir mais rattaché à Cluny, il fut nommé prieur au diocèse d'Auxerre.
Le 13 février 1352,
le pape Clément VI le plaça à la tête de l’abbaye Saint-Germain
d'Auxerre puis Innocent VI le nomma abbé de Saint-Victor, la
prestigieuse abbaye marseillaise, le 2 février 1361, après le décès
d'Étienne de Clapier.
Dans
toutes ses charges, il était dit « moult sainct homme et de belle vie,
grand clerc et qui moult avait travaillé pour l’Église ».
Le diplomate
Conseiller écouté des papes Clément VI et Innocent VI, il se vit confier plusieurs missions diplomatiques en Italie.
Giovanni Visconti, imprudemment nommé archevêque de Milan par Clément VI, voulait se rendre maître de Bologne.
Après
une campagne militaire qui se solda par la défaite des armées
pontificales, le pape fit appel à Guillaume de Grimoard qu'il chargea
des négociations.
Le 6 septembre 1352 il prit au nom du pape possession de Bologne pour la céder ensuite à Visconti contre un paiement annuel.
Guillaume de Grimoard se vit confier une mission analogue par Innocent VI auprès de Bernabo Visconti le neveu de Giovanni.
Moins
d'un an après sa nomination à la tête de Saint-Victor, il reçut
le 10 juin 1362 mandat du pape pour de se rendre de toute urgence
à Naples.
En effet le prince Louis de Tarente, second époux de la reine Jeanne, comtesse de Provence, venait de décéder.
Le pape lui demanda de se rendre auprès d'elle pour porter à la jeune veuve de trente-six ans ses instructions.
Le 27 juin 1362 il prit le chemin de l'Italie.
Le pape
Élection

Urbain V, huile sur bois de Simone de Filippo dit de Crocefissi
(vers 1375) Pinacothèque de Bologne
Innocent VI s'éteignit le 13 septembre 1362.
Après
une neuvaine en l’honneur du pontife défunt, pour procéder à sa
succession le conclave ouvrit ses assises le 22 septembre 1362.
Au premier tour, avec une majorité de quinze voix, le cardinal Hugues Roger fut élu.
Mais le frère de Clément VI refusa cette charge.
Le
second tour vit alors onze voix se porter sur Raymond de Canillac,
autre illustre membre du clan des Roger de Beaufort. C’était
insuffisant.
Le choix d'un prélat étranger au Sacré Collège s'imposa, et le 28 septembre Guillaume de Grimoard fut élu.
Sa
candidature avait été proposée et soutenue par le cardinal Guillaume
d’Aigrefeuille, sur les conseils de son frère Pierre, l’évêque d’Uzès.
Pour l'avertir, à Naples, des courriers partirent dans le plus grand secret de peur que les Italiens ne le retiennent.
L'abbé
de Saint-Victor prit immédiatement la mer, arriva à Marseille le 27
octobre, et rejoignit seul Avignon, où il arriva alors que la Durance et
le Rhône étaient en crue.
Il fut d'abord consacré évêque car il était simplement prêtre, puis
couronné pape le 6 novembre, dans la chapelle du Palais Vieux, par
Étienne-Audouin Aubert, cardinal d’Ostie et neveu du pontife défunt.
Six
jours plus tard, le souverain pontife nomma son frère Anglic, vicaire
général du diocèse d’Avignon, et Aymar d'Aigrefeuille devint Maréchal de
la Cour pontificale.
Il
est considéré comme le premier des papes humanistes et fut
particulièrement attaché à la nature, il aurait déclaré à son arrivée
au palais des papes : « Mais je n'ai même pas un bout de jardin pour
voir grandir quelques fruitiers, manger ma salade et cueillir un
raisin ».
Ce
fut peut-être suite à cette phrase, ou à son manque de jardins tels
qu'il les avait connus dans ses Cévennes natales, qu'il entreprit durant
son pontificat de coûteux travaux d'extension des jardins.
Celui qui jouxtait le palais des papes d'Avignon est toujours nommé « Jardin d'Urbain V».
Le roi de France auprès du pape

Anonyme vers 1350, Portrait de Jean II le Bon, musée du Louvre
Le 16 novembre 1362, Jean
II le Bon arriva à Villeneuve-lès-Avignon, à la tête d’un fort
détachement armé sous le commandement du Maréchal Boucicaut.
Quatre
jours plus tard, le roi passa le pont Saint-Bénézet pour entrer dans
Avignon. Tous les cardinaux étaient là pour l’escorter jusqu’au palais
des papes et « le reçut le dit pape Urbain honorablement en consistoire
et le détint avec luy à disner».
Dès
le 26 novembre 1362, le Souverain Pontife, en présence du roi de
France, présida la translation des cendres de son prédécesseur Innocent
VI dans la chapelle de la Trinité de l'église de la Chartreuse du
Val-de-Bénédiction de Villeneuve-lès-Avignon.
Le
roi Jean était venu d’abord solliciter le Souverain Pontife pour
l’aider à payer sa rançon et ensuite l’entretenir de son désir d’unir
son fils Philippe le Hardi à la reine Jeanne.
Si
le pape acceptait d’ouvrir les caisses de la « Révérende Chambre
Apostolique », il lui fit savoir que la souveraine de Naples était déjà
promise mais qu’il allait plaider en faveur du jeune duc de Bourgogne.
Le
roi de France décida alors de séjourner jusqu’au printemps sur les
bords du Rhône. Il passa son temps entre Villeneuve-lès-Avignon, où il
fit commencer la construction du fort Saint-André, son château de
Roquemaure et la cité des papes.
Urbain V, à le voir aussi désœuvré, lui proposa de prendre le commandement d'une croisade.
L'idée
d'Urbain était excellente : elle permettait de se débarrasser des
compagnies qui saignaient le Royaume de France et la cité des papes.
Le moment était propice puisque Amurat Ier, le sultan des Turcs ottomans, après un an de siège, venait de conquérir Andrinople dont il voulait faire sa capitale.
Le basileus Jean V Paléologue, qui avait vainement fait appel à Louis Ier de Hongrie pour contrer cette avancée, avait dû rendre hommage à l’Infidèle.
Le
4 décembre 1362, face à l’urgence des affaires de Castille, Urbain V
envoya en légation Guillaume d’Aigrefeuille, le cardinal de Saragosse,
auprès de Pierre Ier de Castille, dit Pierre le Cruel.
Ce
dernier venait de tuer son épouse, la sœur de la Dauphine. La Cour de
France, outrée par ce meurtre, décida de soutenir Henri de Transtamare,
son demi-frère, comme prétendant au trône de Castille.
La venue en Haute Provence de Transtamare n’inspira aucune confiance.
En
janvier 1363, Urbain V fit commencer les travaux de fortifications de
l’abbaye Saint-Victor de Marseille, tandis que Guillaume de la
Garde, archevêque d’Arles, entreprit de faire renforcer les défenses de
l’église de Sainte-Marie de Ratis.
Le 17 avril 1363,
Urbain V, après avoir été informé de la victoire de Solaro remportée
sur les Visconti, annonça son intention de retourner à Rome.
Quant à Jean le Bon, il dut revenir sur terre et quitter ses rêves de « croiserie ».
Le
roi avait appris que Charles le Mauvais et son parent, Jean III de
Grailly, Captal de Buch, s’agitaient et levaient des troupes tant
en Normandie qu’en Navarre.
Le 3 mai, le monarque décida de rejoindre son château de Vincennes.
Pendant
ce temps, escorté par Juan Fernandez de Heredia, le pape était reçu
dans la capitale du Comtat Venaissin par le recteur Philippe de
Cabassolle, l’évêque Jean Roger de Beaufort et les syndics
de Carpentras.
Le
Saint Père notifia officiellement que le 16 mai dernier, Jaime de
Majorque avait débarqué à Naples à la tête d’une flottille de sept
galères et que son mariage avec la souveraine avait été officiellement
célébré.
Puis
averti que les Grandes Compagnies descendaient en masse vers
le Languedoc par la vallée du Rhône, le 25 mai, il lança un vibrant
appel à leurs capitaines afin qu’ils se croisent. L’échec fut total et
le pape les excommunia.
Conflit entre les comtes de Foix et d’Armagnac
Entre temps le pape eut à régler un conflit entre Gaston Fébus, comte de Foix, et Jean Ier, comte d’Armagnac, qui se disputaient la suprématie féodale dans le sud de la France.
Dès
le 3 décembre 1362, il écrivit aux deux comtes pour leur demander
d’accepter la médiation de son légat Pierre de Clermont, l'évêque de
Cambrai, qu’il leur envoyait.
Ce
fut lettre morte, puisque le 5 décembre, en milieu d’après-midi, leurs
troupes s’affrontèrent à Launac, au nord-ouest de Toulouse, aux limites
des comtés de Fezensaguet et de L’Isle Jourdain, loin des domaines
respectifs des deux comtes.
Ce fut Gaston de Foix qui remporta la victoire et fit prisonnier son rival.
Le 19 décembre, averti de cette bataille et de son issue, Urbain V leur demanda de négocier.
Le lendemain, le pape chargea Pierre de Clermont de demander à Gaston Fébus de ne pas abuser de sa victoire.
Et le 29 décembre, il envoya un bref à Béatrix, comtesse d’Armagnac, pour l’engager à prendre patience.
Elle ne pouvait rien faire d’autre.
Le traité de paix entre Gaston Fébus et Jean Ier, ne fut signé, en l’église Saint-Volusien de Foix, que le 14 avril 1363.
Le
comte de Foix, avec les rançons obtenues, devint dès lors le feu
dataire le plus riche du midi de la France et allait pouvoir continuer à
tenir la balance égale entre les rois d’Angleterre et de France pour sa
vicomté de Béarn.
Croisade d’Alexandrie
L’appel
à se croiser lancé conjointement par le pape et le roi de France avait
motivé quelques monarques de la chrétienté. Le premier à répondre
fut Valdemar IV Atterdag, roi duDanemark.
Le second fut Pierre Ier de
Lusignan, roi de Chypre. À la mi-mars 1363, il quitta Gênes et se
dirigea vers Avignon en passant par la route du front de mer. Il arriva
dans la cité des papes le 29 mars 1363.
Jean
II ayant appris par Urbain V « que messire Pierre de Lusignan, roi de
Chypre et de Jérusalem, devait venir en Avignon et avait passé mer, si
dit le roi de France qu’il attendroit sa venue, car moult grand désir
avoit de lui voir, pour les biens qu’il en avoit ouï recorder et la
guerre qu’il avoit faite aux Sarrasins, car voirement avoit le roi de
Chypre pris nouvellement la forte cité de Satalie », l’attendit à
Avignon avec le Maréchal Jean Ier le Meingre, dit "Boucicaut", pour prendre la croix.
Deux jours après, le vendredi saint, Urbain V renouvelait son solennel appel à tous les rois et princes chrétiens.
Il désignait Jean le Bon comme Capitaine général de la croiserie et le cardinal de Périgord comme son légat.
Lors
d’un banquet, Urbain V plaça le roi Jean à son côté. Comme celui-ci
priait le roi de Chypre de s’asseoir près de lui, Pierre de Lusignan lui
dit : « Très cher Sire, il ne m’appartient pas de seoir jouxte vous,
qui estes le plus noble roy des crestiens, car, au regart de vous, je ne
suis qu’ung vostre chevalier».
Le 31 mai, Pierre Ier de
Lusignan quitta Avignon et remonta vers l’Europe du Nord pour
convaincre d’autres princes chrétiens de Flandre et du Brabant de se
joindre à eux.
Il fut de retour à Avignon le 22 juillet, accompagné de Jean le Bon.
Les deux rois s’installèrent dans la « noble maison de Saint-Ouen ».
Le roi de Chypre avait peu à peu convaincu le roi de France de changer l’objectif de leur « croiserie ».
Le
port d’Alexandrie fut dès lors préféré à Andrinople et le Souverain
Pontife, lui-même, donna son aval à la défense des saintes affaires du
roi Pierre.
À
l’approche de l’hiver, on parlait toujours du « saint voyage » quand
Jean II apprit que son fils Louis, prisonnier sur parole des Anglais
à Calais, avait fui.
Il dut quitter de toute urgence l’Hôtel du Dauphin à Villeneuve-lès-Avignon.
Le 14 novembre, le roi de France fit étape dans la ville du Saint-Esprit et regagna les pays de langue d’Oïl.
Le 1er décembre 1363 une vague de froid s’abattit sur tout le pays.
Jean le Bon fut surpris par ce froid glacial à Amiens où il avait réuni les États Généraux de langue d’Oïl.
À leur clôture, le roi annonça qu’il allait retourner en Angleterre se constituer prisonnier en lieu et place de son fils Louis.
La défection du roi de France n’empêcha point cette « croiserie » d’avoir lieu.
Elle ne fut que retardée jusqu’en 1365.
Cette année-là, le 30 juin, d’Avignon, Urbain V écrivit au roi de Chypre, pour hâter son départ de Venise vers l’Égypte.
Il venait d’embarquer avec ses troupes vers Rhodes et Alexandrie. Aux
côtés du roi se trouvaient, entre autres, Jean de la Rivière, chancelier
du roi de France, Philippe de Mézières, chancelier du roi de Chypre, le
vicomte de Turenne, Guillaume III Roger de Beaufort, et Gantonnet
d'Abzac, neveu du patriarche de Nicosie.
Avec eux, près de huit mille croisés étaient prêts à aller combattre les Infidèles à Alexandrie.
Le port égyptien fut pris le 10 octobre et ses installations portuaires consciencieusement pillées durant une semaine.
Ce que ne savait pas Urbain V qui, le 15 octobre, écrit àMarco Cornaro, le doge de la Sérénissime.
Dans sa lettre, il se plaignit des difficultés qu’éprouvaient les croisés pour se rendre de Venise à Chypre ou Rhodes.
An de grâce 1364 : froid, criquets, peste, routiers et Charles le Mauvais

Les
mois de janvier, février et mars 1364 furent extrêmement froids. Le
Rhône fut pris par la glace et les charrettes pouvaient le traverser.
Ces grandes gelées, qui détruisirent oliviers et vignes, compromirent toute récolte d’olives et de vin.
L’été fut marqué par un événement inattendu dans la région d’Arles et d’Avignon.
Dès la fin juillet, le sirocco apporta une nuée de sauterelles en Provence et en Italie.
Le nuage était si grand que le ciel en fut obscurci et que les insectes dévastèrent les céréales et les vignes.
Et à la fin août, il y eut la peste à Avignon.
Fuyant le « mal contagieux » qui ravageait la cité papale, Urbain V se réfugia à Carpentras.
Pour
accélérer les travaux de fortifications de la ville, il fit donner
jusqu’à cinq sous par jour aux ouvriers qui travaillaient sur les
remparts.
Le Comtat Venaissin n’était pas seul menacé par les Grandes Compagnies.
Le 21 novembre 1364,
au nom d’Urbain V, Philippe de Cabassolle, patriarche de Jérusalem,
adressa une lettre à l’official de Sisteron et au prieur des dominicains
de la Baume, les informant des exactions commises par les routiers.
Le pape ordonna aux ecclésiastiques de contribuer aux charges nécessaires à la défense du pays.
Alors que sévissaient les premiers froids, deux personnalités arrivèrent dans la cité des papes.
La
première fut Charles le Mauvais qui avait voulu s'opposer militairement
au couronnement de Charles V et dont les troupes venaient d'être
écrasées à Cocherel et, le 24 novembre 1364, Urbain V put
informer Charles V que son beau-frère de Navarre, réfugié à Avignon, se
disait prêt à traiter.
La seconde fut le cardinal Pierre Roger de Beaufort. À la demande du pape, il venait de quitter l’Italie pour rejoindre Avignon.
L’affaire de la « Vinea Vespalis »
Ce
fut après le passage des criquets qu’Anglic de Grimoard et Jean
Pellegrin, le jardinier pontifical, firent planter une immense
« muscadière », aux portes d’Avignon, à Champfleury, sur l’emplacement
du cimetière des pestiférés de 1348.
Le pape ne jugea pas cela suffisant. Il fallait pourvoir immédiatement à l’approvisionnement du palais épiscopal de son frère.
Dans Avignon, une vigne avait été épargnée par le froid et les criquets. Elle avait pour nom « Vinea Vespalis » et appartenait aux chanoines du diocèse.
Le 11 juillet 1364,
de Pont-de-Sorgues, où il s’était installé, Urbain V autorisa son frère
Anglic de Grimoard, après conseil du Chapitre de son Église et
nonobstant une ordonnance impériale, à disposer à sa volonté, à Avignon,
de ce vignoble.
Au
début de l’année 1365, Anglic de Grimoard donna procuration à Isnard
Garin et à Sicard du Fresne pour modifier le privilège de l’évêque
d’Avignon et de son Église sur la « Vinea Vespalis ».
Le 25 mars 1365, Sicard du Fresne, en tant que procureur épiscopal, désigna trois juifs pour estimer ce vignoble.
Enfin le 10 juillet, par bulle, le pape autorisa son frère à exempter ses feudataires des charges de la « Vinea Vespalis ».
Pour
résumer, le Souverain Pontife avait dépossédé de ses vignes le chapitre
capitulaire d’Avignon pour les octroyer à son frère cadet.
Visite de l’empereur Charles IV de Luxembourg au pape

Le 25 mai 1365,
l’empereur Charles IV de Luxembourg, à la tête d’un somptueux cortège
et d’une imposante armée, descendit la vallée du Rhône.
Il vint en Provence pour se faire sacrer roi des deux Bourgognes en la cathédrale Saint-Trophime d’Arles.
Depuis Dijon, il était accompagné par le duc de Bourgogne.
Le 23 mai, Charles de Luxembourg s’arrêta à Montélimar, et arriva à Avignon le lendemain de l’Ascension.
Il était escorté par Guillaume de Melun, archevêque de Sens, Pierre
Aycelin de Montaigut, évêque de Nevers, Guillaume de Dormans, chancelier
du Dauphiné, et Raoul de Loupy, gouverneur de la même province.
L’empereur
et Philippe le Hardi proposaient au pape que les Grandes Compagnies,
qui s’étaient installées dans la vallée du Rhône et menaçaient Avignon,
soient dirigées vers la Hongrie, sous la conduite de
l’Archiprêtre Arnaud de Cervole, pour soutenir la lutte de Louis Iercontre l’envahisseur turc.
Le pape accueillit avec enthousiasme cette proposition. L’empereur s’installa avec sa suite dans Tour Campane.
Le
lendemain de la Pentecôte, couronne en tête et sceptre en main,
l’empereur assista à la messe pontificale. Le jour suivant, le 2 juin,
il quitta la cité papale pour Arles où il fut couronné roi pour la
vigile de saint Boniface.
L’empereur revint à Avignon le 6 juin et en repartit trois jours plus tard.
Il
avait obtenu du pape, suite à la mort de Ludovic de la Torre,
patriarche d’Aquilée, la nomination comme nouveau patriarche du suève
Marquand de Randeck, évêque d’Augsbourg, homme possédant une grande
expérience des armes.
Le pape et Avignon menacés par Bertrand du Guesclin
En
France le désordre le plus total régnait. Les Routiers démobilisés
erraient à travers le territoire, vivant sur le pays traversé où ils
pillaient et trucidaient. Par une bulle de 27 février 1364, Urbain V,
qui les avait déjà excommuniés, accorda une indulgence plénière à ceux
qui engageraient la lutte contre eux.
Après
la paix de Guérande, les Bretons démobilisés après des années de guerre
de succession les pillages et les meurtres perpétrés par les Grandes
Compagnies devinrent plus qu’inquiétants.
La
bulle pontificale du 25 mai 1365, faisant obligation aux Capitaines des
routiers de se croiser avec leurs troupes pour aller guerroyer contre
les Infidèles, resta sans effet.
Le
cardinal de Beaufort proposa au pape de lancer l’excommunication contre
ces routiers. Espérant toujours dans la promesse de l’empereur et du
duc de Bourgogne, Urbain V préféra n’en brandir que les foudres.

Bulle en plomb du pape Urbain V, (1362-1370), diamètre 40 mm
Entre
temps, le pape, par lettre bullée, avait convoqué le concile des trois
provinces ecclésiastiques de Provence : Arles, Aix et Embrun.
Le lieu choisi fut Apt où Raimond Savini, le prince-évêque de la ville,
avec sa vie fastueuse et le relâchement de ses mœurs, était le parfait
exemple de la dérive de l’Église romaine.
Le 4 mai 1365,
le troisième dimanche après Pâques, le concile commença à tenir ses
assises au couvent des cordeliers. Urbain V se déplaça lui-même à Apt,
le 22 octobre 1365.
Il se rendit sur le tombeau d’Elzéar de Sabran, accompagné des seuls
cardinaux Pierre Roger de Beaufort et Hugues de Saint-Martial. Le pape
voulait bénir le vitrail de la cathédrale Sainte-Anne où il était
représenté avec son parrain. Ce vitrail était l’œuvre du maître verrier
Audibert Chacharelli.
Puis
le Souverain Pontife se rendit à Marseille, pour bénir cette fois les
fortifications de l’abbaye Saint-Victor et consacrer le nouvel autel.
L’évêque Guillaume
Sudre l’informa alors que Bertrand du Guesclin avait pris la tête des
routiers et rassemblait une « Longue Route » en Bourgogne pour descendre
la vallée du Rhône.
Les promesses de Charles IV et de Philippe le Hardi n’avaient pas été tenues.
Le pape demanda aux édiles marseillais de lui envoyer cent cinquante arbalétriers.
Mais le 12 novembre 1366, alors que les Grandes Compagnies campaient devant Avignon, il attendait toujours ces renforts.
Les
Grandes Compagnies menées par le « Dogue Noir » étaient sur la rive
droite du Rhône où elles furent rejointes par les troupes d’Henri de
Transtamare.

Gros d'argent à l'effigie d'Urbain V

Florin d'or à l'effigie d'Urbain V
Le maréchal d’Audreheim, aide de camp de Bertrand du Guesclin, obtint une audience.
Au
cours de celle-ci, il demanda au pape l’absolution des péchés que les
routiers allaient commettre en Castille au service d’Henri de
Transtamare et 200 000 francs.
Cette
somme fut négociée et réduite de moitié. Mais le 13 novembre 1365, le
Trésorier du Comtat imposa les communes du Venaissin de 540 florins
forts pour payer les gens d’armes protégeant Avignon et fit lever, en
janvier 1366, une taille exceptionnelle de 5 000 florins destinée à
couvrir la part pontificale achetant le départ des Routiers.
Le
23 novembre, Urbain V écrivit d’ailleurs au cardinal Raymond de
Canillac pour s’en justifier : « D’innombrables gens d’armes, appelés
compagnons, sortant du royaume de France et partant en guerre,
disaient-ils, contre les infidèles, avaient envahi la Sénéchaussée de
Beaucaire et menaçaient d’entrer en ennemi dans le Venaissin, ce qui
leur était facile, si les habitants de ce comté ne leur versaient pas un
subside. Pour éviter de très graves périls et de très gros dommages,
nous avons donné mission d’emprunter, au nom des dits habitants, la
somme de 5 000 florins d’or et de la remettre à ces Routiers, ainsi que
l’on déjà fait les habitants des pays voisins ».
Aussi
le 17 novembre, pour faire déguerpir les Grandes Compagnies, Urbain V,
au nom de la ville d’Avignon, emprunta 17 000 florins aux banquiers de
la cité des papes.
Trois
jours plus tard, par bulle, il charge Philippe de Cabassolle, Recteur
du Comtat, de recouvrir 30 000 florins auprès du clergé provençal.
La
rançon put être remise au Breton le 22 novembre et le souverain pontife
y joignit son absolution. La cité des papes était sauve.
Dès
que la « Longue Route » des Grandes Compagnies eut quitté les rives du
Rhône, une somptueuse ambassade envoyée par la Seigneurie de Florence se
présenta devant Avignon.
Parmi
les émissaires se trouvait Boccace. Les Florentins étaient à Avignon
afin d’implorer le pardon pontifical pour avoir traité avec John
Hawkwood et sa Compagnie de Saint-Georges.
Projet de retour à Rome
Depuis 1360, une nouvelle constitution avait été établie à Rome. Appliquée et défendue par une milice populaire, la « Felix Societas Balestriorum et Pavesotarum »,
dont les capitaines étaient membres du gouvernement, elle avait chassé
les nobles, rétabli l'ordre et tenu à distance les « compagnies
d'aventure ».
Aussi quand le 22 mai 1363, Urbain V, reçut une délégation d'ambassadeurs romains, il leur avait déclaré :
« Notre
retour à Rome, nous le souhaitons et nous ne tarderons pas à
l'effectuer, si des empêchements de la plus haute importance ne nous
retenaient ici. Mais nous l'espérons, le Très Haut lèvera les
obstacles. »
En
effet, en Italie même, la situation évoluait. Le 2 mars 1364, le légat
Androin de la Roche signait avec Barnabò Visconti un traité lui
rachetant Bologne pour 500 000 florins alors que le Grand Sénéchal de
Naples, Nicola Acciajuoli, traitait pour 100 000.
Au
printemps 1364, le cardinal Gil Albernoz, qui n’était plus légat
qu’en Toscane, souhaitait rentrer. Urbain V refusa tout en lui confiant
la légation du Royaume de Naples et de la Trinacrie. Dès sa prise de
fonction, le cardinal d’Espagne nomma son neveu Gomez Albernoz Capitaine
Général et Réformateur de Justice du Royaume.
Après
ce traité, le retour prévisible à Rome n’enthousiasmait que modérément
la Cour pontificale qui avait vite oubliée Bertrand du Guesclin et ses
Grandes Compagnies.
À tel point qu’Urbain V décida de frapper un grand coup en menaçant
d’excommunication Jean de Bussières, abbé de Cîteaux, s’il continuait à
approvisionner la Cour pontificale d’Avignon en Clos Vougeot. Le bruit
courait, en effet, que les cardinaux se refusaient d’aller à Rome où ils
ne retrouveraient pas un tel cru.
En
juin 1364, Urbain V put donc écrire à l’empereur Charles IV : « Non
seulement nous avons le désir mais encore la ferme détermination de
visiter la cité des Apôtres ».
Pour
préparer son installation, le pape adressa un bref à l'évêque
d'Orvieto, le 13 novembre 1365, afin de remettre en culture les jardins
du Vatican, planter des vignes et des fruitiers et faire réparer le mur
de clôture.
À
la même époque, il écrivit au cardinal Albornoz pour qu'il protège son
architecte Gaucelin de Pradalhe qu'il envoyait à Rome afin de faire
toutes les restaurations nécessaire à sa venue et à celle des cardinaux.
Mais il fallut pourtant encore attendre pour que la situation dans la péninsule devînt favorable.
À la fin de l’été 1366, à Avignon, il était de plus en plus question du retour à Rome.
Le
pape avait à nouveau écrit dans ce sens à l’empereur,
le 14 septembre 1366, ainsi qu’au roi de France Charles V et à Marco
Cornero, le Doge de la Sérénissime.
Un jour après, il avait informé de sa décision Galeazzo Visconti,
tandis que le peuple de Rome, le 19 septembre, apprit la nouvelle du
haut des chaires de toutes ses églises.
Deux
victoires militaires confortèrent la décision pontificale. Celle
d’Ugolino de Montemarte, Capitaine du cardinal Gil Albernoz qui, le 22
septembre, battit la Compagnie de Saint-Georges de John Hawkwood
l’obligeant à s’enfuir du Patrimoine de Saint-Pierre. Puis celle de
Gomez Albernoz, à la fin du mois, qui écrasa les troupes d’Ambrogio, le
bâtard de Visconti, sur la Terre d’Otrante. Mais l’automne passe et
l’hiver arrive sans que le convoi pontifical ne se forme à Marseille.
Dernière visite à Montpellier

Avant
son départ pour Rome, le pape voulut revoir une dernière fois son
Université de Montpellier. Au début janvier 1367, il en prit la route,
suivi des cardinaux de Boulogne, de Canillac, de Tarragone et de
Saragosse.
Il fut accueilli à Castelnau-le-Lez par le clergé sous la conduite de Pierre de la Jugie, archevêque de Narbonne.
À
partir de là, le cortège pontifical fut escorté par les officiers du
roi de France et du roi de Navarre ainsi que par les consuls de la
ville.
Ceux-ci
abritaient le pape sous un dais à huit bâtons garni de vingt-quatre
clochettes d’argent et orné d’écussons aux armoiries pontificales et à
celles de Montpellier.
À l’entrée de la ville, Urbain V fut accueilli par Louis Ier d’Anjou. Le cortège pontifical, après un arrêt à l’Hôtel de la Ville se dirigea vers l’église de Notre-Dame des Tables.
Puis
après une collation, le pape visita l’église de Saint-Germain en
construction. Il apostropha l’architecte en ces termes : « J’avais mandé
de bâtir une église et vous n’avez fait qu’une chapelle ».
Le 30
janvier, en présence du pape, l’archevêque Pierre de la Jugie célébra
la première messe en l’église Saint-Germain sur l’autel où avait été
placé un tabernacle d’argent dans lequel était enchâssée une image de la
Vierge en argent doré offerte par le pape.
Le 14
février, Urbain V dédicaça la nouvelle église Saint-Germain dont il
consacra le maître-autel à Notre-Dame, à Notre-Seigneur et à saint
Benoît.
Dans
les absidioles, à droite un autel est dédicacé à saint Blaise et à
gauche à saint Germain. Cette cérémonie fut suivie d’une messe chantée
pontificalement.
Puis du 15 février au 7 mars, le pape désigna de nouveaux évêques à Cahors, Maguelone et Nîmes.
Le 8 mars 1367, il quitta Montpellier pour retourner à Avignon escorté
par les consuls et les notables de la ville. Il était maintenant prêt à
partir pour Rome.
Retour à Rome


avait coutume de posséder deux soleils
qui éclairaient l'une et l'autre route
celle de la terre et celle de Dieu
Dante
Bibliothèque Nationale, f° 18, Ms italien 81

Fresque de Johannes Rosenrod, dans l'église de Tensta (Upland), datée de 1437, représentant Brigitte de Suède et Urbain V

Urbain V avait, bien avant son élection, considéré que le pape devait siéger à Rome et non ailleurs.
Au
cours de ce printemps 1367, le mercenaire John Hawkwood et sa compagnie
de Saint-Georges, passés du côté pontifical, défirent les troupes à la
solde de Pérouse.
Ce qui permit au cardinal Gil Albornoz d’enlever à cette cité les villes d’Assise, Nocera et Galdo, « terres d’Église ».
Un calme relatif étant apparu en Italie à la suite de ses succès militaires, le pape estima pouvoir s'installer à Rome.
Cela imposa un déplacement complet de la cour avec ses services, ses archives et son approvisionnement.
Le
temps du départ pontifical approchant, le roi Charles, opposé par
principe au retour à Rome, fit une dernière tentative en envoyant une
ambassade conduite par le comte d’Étampes.
Après avoir descendu la Saône et le Rhône, elle fut reçue par Urbain V le 22 avril 1367.
Le pape notifia aux Français que son départ aurait lieu dans une semaine.
Le
chancelier de l'Université de Paris se lance alors, dans la salle du
consistoire, dans un dialogue non improvisé dans lequel il mit en scène
le roi et le pape.
« Seigneur, où allez-vous ?
- Je vais à Rome.
- Pour vous faire crucifier une seconde fois ? »
Le 30 avril, tenant sa promesse, en dépit de ces pressions, le pape quitta Avignon pour retourner à Rome.
Son cortège s’arrêta d'abord à Pont-de-Sorgues où il coucha deux nuits au château pontifical.
Urbain V quitta cette cité le 1er mai 1367, pour passer la Durance à Bonpas et coucher à Noves.
De là, le 2 mai, il se dirigea avec toute sa Cour vers le port de Marseille.
Il fit étape à Orgon, le lendemain, puis entra à Aix-en-Provence, le 4 mai.
Deux
jours plus tard, le cortège pontifical arriva au grand port où
l’attendaient les galères venues de Naples, de Rhodes, de Gênes,
d’Ancône et de Pise.
Le 6 mai 1367,
en attendant de s'embarquer, le pape consacra cardinal un jeune homme
de vingt-huit ans, Guillaume d'Aigrefeuille, homonyme de son oncle.
La flotte quitta Marseille le 19 mai 1367. En tête du convoi se
trouvait le Grand Maître de l’Hôpital, Raymond Béranger, sur sa célèbre
galère noire.
Urbain V, en compagnie des cardinaux Pierre Roger de
Beaufort et Guillaume de la Jugie, était monté sur une galère
vénitienne, envoyée par le doge Marco Cornero.
Il était protégé par cinq galères rouges des Chevaliers de Rhodes.
Le 25 mai, la galère pontificale fit escale à Gênes.
Puis le 2 juin, le convoi relâcha à Porto-Pisano.
Le
pape fut accueilli le 3 juin à Corneto par Albornoz, cardinal-évêque de
Sabine, qui le conduisit ensuite à Viterbe au milieu d'une foule
enthousiaste. Albornoz ne survit guère à ce jour de gloire et mourut
deux mois plus tard le 24 août 1367.
Le
pape arrivait à Orvieto où il fut salué par Nicola Orsini, comte de
Nola et Recteur de la cité, qu’accompagnait Nicola Spinelli da
Giovinazzo, le Garde des Sceaux du royaume de Naples.
L’entrée triomphale d’Urbain V dans Rome ne se fit que le 16 octobre.
Nicolas
d'Este, marquis de Ferrari, ouvrait le cortège à la tête de mille
cavaliers. Amédée VI de Savoie tenait la bride du cheval du pape et
derrière lui, à cheval, Rudolphe de Camerino tenait l'étendard de
l'Église déployé au-dessus de la tête d'Urbain.
Le
pape et ses cardinaux étaient aussi accompagnés par Nicola Spinelli et
Nicola Orsini. Ce dernier, en cette occasion, avait été nommé Recteur du
Patrimoine. En dépit de la satisfaction d’avoir atteint son but, la
différence avec Avignon était trop criante et Urbain V ressentit comme
un malaise. Les cardinaux maugréaient.
Le seul à afficher une joie sans détour fut Pétrarque. Il en fit part à son ami Francisco Bruni :
« Jamais
mes paroles n’ont égalé ce que je pense de ce pontife. Je lui ai fait
des reproches que je croyais justes, mais je ne l’ai pas loué comme je
voulais. Mon style a été vaincu par ses mérites. Ce n’est point l’homme
que je célèbre, c’est cette vertu que j’aime et que j’admire avec
étonnement. »
Une des premières personnes à demander audience au pape fut Brigitte Birgersdotter, comtesse de Suède.
Urbain V ne put que lui accorder l’entrevue demandée.
Mais
pour diminuer la rudesse prévisible de cet entretien, il sollicita la
présence à ses côtés du cardinal de Beaufort plus armé que lui, par son
séjour italien, pour répliquer à cette religieuse.
En
fait, elle venait réclamer au pape la reconnaissance pontificale pour
l’ordre du Saint-Sauveur qu’elle avait fondé en 1346, deux ans après la
mort de son mari.
Il
promit à la Birgersdotter de l’autoriser à fonder deux monastères
distincts, pour les femmes et les hommes, à Vadstena, suivant la règle
de saint Augustin.
Le 1er janvier, Pierre Ier de Lusignan, Capitaine Général de la croisade en Égypte était arrivé à Rome qui lui avait réservé un accueil triomphant.
Ce
fut au cours de l’audience que lui accorda Urbain V que le roi de
Chypre annonça officiellement la victoire des chrétiens sur les
infidèles d’Alexandrie. Le pape exulta.
Puis le 17 mars, se fut au tour de la Reine Jeanne de se rendre à Rome auprès du pape.
Et
pour Lætare, le quatrième dimanche de Carême, tandis que Nicola
Spinelli était armé chevalier par le roi de Chypre, Urbain V avait remis
la rose d'or à Jeanne de Naples, distinction attribuée pour la première
fois à une femme.
Le
pape lui dit : « Je te donne, ma chère fille, cette rose à la couleur
pleine de joie, au parfum exaltant et dont la forme est l’image même de
la félicité. »
Certains
prirent pour un geste de galanterie ecclésiastique cet acte politique
qui marquait le soutien pontifical à la reine-comtesse dont les États de
Provence étaient menacés par le frère du roi de France.
Aux membres du Sacré et Antique Collège qui s’étonnaient de cette
distinction remise à une Dame et qui vantaient les mérites de roi de
Chypre, victorieux en croisade, Urbain V répliqua : « On n’avait jamais
vu non plus l’abbé de Marseille devenir pape ! »
Louis d’Anjou et Bertrand du Guesclin attaquent la Provence

le « Dogue Noir de Brocéliande »,
excommunié par Urbain V
Profitant
du départ du pape, Louis d’Anjou, dont les sénéchaussées étaient
infestées par les Compagnies de routiers, décida de les regrouper.
Sur
la rive droite du Rhône, les plus avertis craignirent que le frère du
roi de France utilisât ces soudards à des fins toutes personnelles.
C’était le sentiment de Philippe de Cabassolle, le recteur du Comtat Venaissin.
Averti
du passage dans les différents diocèses languedociens d’une multitude
de gens d’armes, le 11 juillet 1367, il annonça au pape la menace que
faisaient peser ces « societates » sur les frontières occidentales du Comtat et de la Provence.
Le
recteur, inquiet, ordonna à Pons Bernard, Capitaine de Carpentras, de
fermer les portes des remparts de sa ville et d’élever des murs de
terres du château de Serres jusqu’à la Porte d’Orange.
Urbain
V, qui passait l’été à Viterbe dans la forteresse construite par le
cardinal Albernoz, prit cette menace très au sérieux.
Face
à la volonté évidente de Louis d’Anjou d’envahir la Provence et
d’occuper le Comtat, le pape demanda aux Provençaux de rester fidèles à
la reine Jeanne par une lettre bullée datée du 30 juillet.
Au
fil des jours, la menace se précisa. Vers la mi-septembre, sur ordre de
l’Angevin, les capitaines des routiers firent mouvement vers la vallée
du Rhône.
Enfin le 25 septembre, Olivier de Mauny et ses troupes s'installèrent à Beaucaire en compagnie du duc.
Ils s’y cantonnaient dans l’attente de la venue de Bertrand du Guesclin, toujours prisonnier du Prince Noir à Bordeaux.
L’affaire
fut jugée si grave à Rome que le 27 septembre 1367, une bulle d’Urbain V
excommunia tous ceux qui apporteraient aide aux routiers.
D’autant
que le pape jugeant Raymond d’Agoult incapable comme sénéchal de
Provence, se sentit obligé, le 11 décembre, de donner son sentiment à la
comtesse-reine : « Nous croyons qu’il conviendra à ton honneur et état
et nous te suggérons d’un conseil paternel ». Il lui proposa de le
remplacer par Guillaume Augier de Forcalquier, le sire de Viens.
Des
bruits de mauvais augures traversèrent le Rhône. Dans la sénéchaussée
de Beaucaire la rumeur courait que, le 7 février précédent, Bertrand du
Guesclin, de passage à Montpellier, avait regroupé tous ses Capitaines
routiers.
Ce
fut là qu’il apprit que le duc d’Anjou et son cousin Olivier de Mauny
l’espéraient à Nîmes. Le Breton décida de les rejoindre en compagnie du
maréchal Arnould d'Audrehem.
Il fallait se préparer à la guerre.
Elle
fut déclenchée le 26 février 1368 quand Louis d’Anjou donna ordre aux
troupes placées sous le commandement de du Guesclin d’envahir la
Provence.
Le Sénéchal de Beaucaire, Amiel des Baux, organise leur passage sur l’autre rive du Rhône grâce à des ponts de barques.
La
réaction de Raymond d’Agoult, sénéchal de Provence, se faisant
attendre, personne ne fut surpris d’apprendre que, le
samedi 4 mars 1368, Bertrand du Guesclin avait mis le siège
devant Tarascon.
Au
cours de celui-ci, Béranger de Raymond, chevalier d’Avignon, fut tué,
tandis que Louis de Trian, vicomte de Tallard, Bernard d’Anduze,
seigneur de la Voulte, et Foulques d’Agoult, furent fait prisonniers.
Avant
qu’ils ne menacent Avignon, Philippe de Cabassolle fit immédiatement
entamer des négociations préliminaires avec les Capitaines de Louis
d’Anjou.
Un accord fut passé le 23 mars.
Pour
détourner les Bretons de la cité pontificale, les Avignonnais avaient
accepté de leur payer 37 000 florins avec la promesse d’en verser
immédiatement 5 000.
Pour
recouvrir cette créance, Bertrand du Guesclin, dès le lendemain,
délégua Janequin le Clerc, son procureur anglais, auprès du banquier
avignonnais, André de Tis, mandant de Michel de Baroncelli qui avançait
la somme.
Mais dans le même temps les Sociétés à la solde du duc d’Anjou mirent pieds dans le comté de Provence.

Le 3 avril, le pape dépêcha un émissaire au roi Charles V.
Il
était chargé de lui remettre des lettres dénonçant l’agression de son
frère contre la Provence, comté de leur parente Jeanne de Naples, ainsi
que le scandale de cette invasion sans cause, sans prétexte et sans
déclaration de guerre.
Pour bien se faire comprendre Urbain V menaçait même le roi de France
d’une réplique menée par une coalition contre la Sénéchaussée de
Beaucaire et le Dauphiné.
Deux
jours plus tard, le Doge de Gênes reçut un bref pontifical lui
enjoignant de ne pas soutenir les attaques dirigées de la France contre
la Provence.
Le
Sénéchal Raymond d’Agoult, qui avait enfin levé des troupes, se porta
au secours de Tarascon et d'Arles, assiégées depuis le 23 mars par
messire Bertrand.
Au
cours de ce siège, Guiraud de Simiane, Arnaud de Villeneuve et Isnard
de Glandevès, seigneur de Cuers, furent faits prisonniers.
La rencontre des deux armées eut lieu devant cette cité le 11 avril.
Luquet
de Girardières, le lieutenant du sénéchal, se heurta au « Dogue Noir »,
qui à la tête de ses troupes attaque la cavalerie provençale.
L’affrontement se solda par la déroute des troupes fidèles à la reine
Jeanne.
La débâcle des nobles provençaux imposait de mettre en place des mesures rapides pour éviter le désastre.
Les
États de Provence se réunirent d’urgence le 21 avril,
à Aix-en-Provence, et chargèrent Louis de Trian, libéré après rançon, de
prendre la défense de la capitale du comté. Pendant ce temps, une bulle
pontificale, datée du 18 avril, porta condamnation des Avignonnais qui
ravitaillaient les Bretons assiégeant Tarascon.
Tandis que le 27 du même mois, Urbain V se vit obligé de rassurer par lettre la reine Jeanne.
Le pape lui confirma qu’il ne se laisserait jamais abuser par les
mensonges de ses adversaires et l’exhortait à secourir et aider ses très
fidèles provençaux.
Ce
ne fut pas pour inquiéter les Français et les Bretons. Leur seul
problème, pour l’instant, était de transférer de nouveaux renforts sur
la rive provençale du Rhône, le pont de barques mis en place par Amiel
des Baux ayant cédé.
Il fut réglé le 20 mai, Louis d’Anjou ayant débauché Rainier Grimaldi,
seigneur de Monaco, qui remonta le Rhône pour assurer le passage des
derniers routiers de du Guesclin. Deux jours plus tard Tarascon
capitula.
L’incapacité
du sénéchal de Provence ayant miné la confiance, même dans le Comtat,
il fallut une bulle pontificale, datée du 26 mai, pour remettre les
esprits en place. Urbain V ordonna à tous les nobles comtadins de suivre
à la lettre les directives données par le recteur Philippe de
Cabassolle.
Bataille de Céreste et révolte des Laborieux
Face
à une telle agression, toute la Provence s'inquiéta. Le 5 juin 1368, le
Conseil de Ville de Sisteron, instruit des sévices de Bertrand du
Guesclin, décida de suivre l’exemple des cités voisines qui fermèrent
leurs portes « en criant que le diable venait ».
Le
Conseil statua que tous ceux qui refuseraient de monter la garde aux
remparts ou qui abandonneraient leur poste sans qu’ils en aient eu
l’ordre seraient passibles d’une amende de 100 marcs d’argent ou
auraient une main ou un pied coupé.
Le 12 juin, le sénéchal de Provence se dit informé que « Bertrandus de Cliquino » - comprendre Bertrand du Guesclin - se dirigeait avec ses compagnies vers Barjols, Flayosc et Draguignan.
Mais le mercredi 5 juillet, elles se trouvaient devant Aix défendue par le vicomte de Tallard.
Et
pendant que les Bretons mettaient le siège avec leurs machines de
guerre, Raymond d’Agoult, fils du sénéchal, en profitait pour faire
attaquer Aigues-Mortes afin de bloquer les arrières français.
L’archevêque
d’Arles, Guillaume de la Garde, s’étant ouvertement déclaré pour Louis
d’Anjou, fut mis en accusation pour trahison et crime. Le sénéchal donna
ordre à son lieutenant Luquet de Girardières de se saisir du temporel
de l’archevêque.

La Tour de l'Hôpital, vestige des remparts d'Apt qui firent reculer Mosenhor Bertran de Cliquin
Les
Bretons, tout en continuant à ravager la province convoitée par le
frère du roi, envisageaient une jonction avec les troupes de Grimaldi à
Nice.
Certaines
compagnies se dirigèrent déjà vers la côte. De plus on disait
qu’Olivier du Guesclin, le frère de Bertrand, s'en allait vers les
Baronnies pour s’installer dans cette région où s’entremêlaient les
terres adjacentes dauphinoises et provençales. Il installa, en effet,
ses troupes dans les fiefs baronniards de la maison des Baux.
Confirmation
fut donnée le 18 juillet 1368 quand Raymond d’Agoult leva quatre cent
lances, la fine fleur de la noblesse provençale, pour traverser
le Luberon et rejoindre la vallée du Calavon. Les Bretons avaient évité
d’attaquer Apt car la ville était trop bien protégée par ses remparts et
ses bouches à feu, trente bombardes garnies « per lo passage de
Mosenhor Bertran de Cliquin ».
Immédiatement les lances du Sénéchal se lancèrent à la poursuite de cette « Longue Route ».
Arrivée en vue du village de Céreste, l’avant-garde du sénéchal traversa le village et se trouva face aux Routiers.
Les
cavaliers provençaux se lancèrent à l’attaque. Ils furent secoués,
malmenés, bousculés et taillés en pièces aux cris de « Notre-Dame
Guesclin » ! Ce fut à nouveau une cuisante défaite.
Le 9
août, Raymond, le prince d’Orange, mit sa ville en état d’alerte. Le 20
août, Perrin de Savoie et le Bâtard de Comminges, qui avaient quitté
les Baronnies où se cantonnait Olivier du Guesclin, traversaient le
fleuve au pont du Saint-Esprit. Ils avaient averti le Prince d’Orange
qu’ils ne feraient que passer sur ses terres.
Ce qui ne les avaient point empêché de mettre à sac le village de Sainte-Cécile dans la vallée de l’Aigues.

Paysans massacrant un noble

Nobles massacrant des paysans révoltés
Le passage des Sociétés de « Mosenhor de Cliquin »
avait laissé le pays exsangue. Tout avait été ravagé. Des villages,
hameaux, bastides et écarts avaient été mis à sac, brûlés ou vidés de
leurs provisions. Dans le Comtat, les impositions pontificales qui
arrivaient à la suite de ces exactions et pillages provoquaient une
émotion qui se mua bien vite en rébellion armée des « Laborieux ».
C’était
tout un peuple qui s’insurgeait. La répression des nobles provençaux
fut terrible. Dans chaque hameau et village nombre de paysans furent
pendus pour l’exemple, d’autres enterrés vifs, enfin certains furent
tout bonnement broyés sous des meules de moulins. Leurs femmes et leurs
filles furent violées.
À Montefiascone,
les nouvelles des évènements de Provence firent l’effet d’une
catastrophe. Bien que coincé entre sa sympathie pour la cause française
et son écœurement face aux exactions commises par le frère du roi en
Provence, Urbain V ne balança point. Une bulle datée du 1er septembre 1368 excommunia
Bertrand du Guesclin et sa clique. Elle fut totalement occultée en
France. Immédiatement Charles V fit intervenir les cardinaux du parti
français pour la faire annuler. Urbain V ne céda pas et
l’excommunication fut rendue publique le 14 septembre.
Croisade contre les Visconti et réception à Rome de deux empereurs

Barnabò Visconti contre lequel Urbain V prêcha la croisade
Au printemps 1368, Charles IV de Luxembourg quitta Prague, sa capitale, et entreprit sa dernière calata,
cette visite si redoutée des cités de la péninsule. Officiellement, il
arrivait pour le couronnement d’Élisabeth de Poméranie, sa quatrième
épouse, mais surtout pour tenter de reprendre en main la situation en
Toscane.
Craignant
peu l’empereur, au cours du mois d’avril, Barnabò Visconti et Can
Signorio, seigneur de Vérone, avaient envahi la région deMantoue. Le 30
mai, Urbain V décréta Visconti coupable de révolte contre l’Église et
prêcha la croisade contre lui. Le pape avait alors espoir que Charles de
Luxembourg en prît la tête.
L'empereur
arrivé d’ailleurs à Padoue le 17 mai 1368. Le 12 juin, il s’installa à
Figheruola où il fut rejoint par le cardinal Anglic de Grimoard à la
tête des troupes pontificales puis par celles de la reine
Jeanne. Pétrarque, lui-même quitta Arqua pour se rendre à Udine auprès
de Charles IV, et participer à la guerre que l’Empire allait faire aux
Visconti. Urbain V nomma son frère Anglic légat à la place du
cardinal Androin de la Roche. Mais le 27 août 1368, pour se débarrasser
de l’affaire milanaise, l’empereur conclut une trêve avec Barnabò
Visconti.
C'est
encore à Montefiascone que le pape apprit les nouveaux ravages causés
par les condottieres italiens. Barnabò Visconti s'était retourné contre
la Toscane qu'il avait dévastée et désolée, son gendre John Hawkwood –
le Faucon des Bois – avait pillé et mis à sac Ravenne. Urbain V
n’appréciait ni ce pays qui lui était étranger sinon étrange, ni les
Italiens avec leurs combinaziones. Il le fit savoir à son frère
Anglic, qui venait de le rejoindre. Choqué, autant par la vie qui lui
était faite en Italie que par la volonté française de mettre la main sur
la Provence en son absence, il lui fit part de son intention de
retourner à Avignon et de lui confier la direction des États pontificaux
italiens.
Ce
fut sans doute pourquoi, le 22 septembre 1368, quand il désigna les
nouveaux membres du Sacré et Antique Collège, sur les huit incardinés,
un seul était d’origine italienne. Le tollé à Rome fut général. Ces
aigres récriminations prennent un ton plus feutré quand l’empereur
germanique arriva avec toute sa suite. Urbain V le reçut dans la
résidence d’été à la mi-octobre et agréa la demande de Charles pour
couronner son épouse impératrice. Le 21 octobre, les deux Vicaires du
Christ rejoignirent ensemble Rome pour la cérémonie du sacre. Elle
déroula ses fastes le 1er novembre. Puis l’empereur fit négocier une nouvelle trêve avec les Visconti jusqu’au début du mois de mai 1369.
Le 15 avril 1369,
profitant de l'accalmie, Urbain V proclame saint son parrain Elzéar de
Sabran en la basilique Saint-Pierre de Rome, en présence de Louis de
Sabran, sénateur de Rome.

Urbain V recevant à Rome Jean V Paléologue, empereur de Constantinople
À
la fin avril, la trêve avec Milan ne fut pas prorogée. Le pape et les
Visconti étaient à nouveau en « grande discorde et guerre ». Et la
Compagnie de Saint-Georges de John Hawkwood recommença à ravager les
États pontificaux. Ce fut pourtant le moment que choisit Jean V
Paléologue, empereur de Constantinople, pour se rendre en Italie auprès
du pape. Le besoin urgent d’une aide des chrétiens d’Occident aux
chrétiens d’Orient face aux Turcs l’avait poussé à abjurer sa foi. Il le
proclama solennellement le 18 octobre 1369 dans l’église du
Saint-Esprit à Rome mettant théoriquement fin au schisme. Cette
initiative isolée eut peu de succès dans ce qui restait de son empire et
les « armées franques » n’étant pas venues à son aide la grande union
des chrétiens n’eut jamais lieu.
Ayant
passé l’hiver à Rome, Urbain V rejoignit ensuite sa résidence au début
de l’été 1370. Au cours de celui-ci, le pape apprit la révolte
de Pérouse. Inquiet, il choisit de quitter Montefiascone pour se
réfugier à Viterbe. À son tour la ville fut menacée par les Pérugins
venus l’assiéger avec la Compagnie de Saint-Georges. Le 4 août,
les Napolitains firent céder Pérouse qui avait reçu le renfort des
Milanais, des Florentins, des Romains et des Vénitiens.
Retour à Avignon et décès
Le pape, lassé, prit alors la décision publique de retourner en Avignon.
Informée, Brigitte Birgersdotter lui jeta un sort : « S’il retourne au
pays où il a été élu pape, il recevra rapidement un coup ou une gifle
tels que ses dents se serreront et grinceront. Sa vue sera obscurcie, il
pâlira et tout son corps en frémira (...) ». Ce que lui promettait la
comtesse suédoise lui sembla peu à côté de ce qu’il subissait en Italie.
Le 26 juin 1370, dans une bulle datée de Montefiascone, Urbain V
informa les Romains de son retour en Avignon :

Livrée cardinalice d'Anglic de Grimoard où mourut Urbain V

l'abbaye où repose Urbain V
« Nous
ne doutons pas, chers fils de Rome, qu’après vous être réjouis de notre
présence, vos cœurs ne s’attristent en apprenant l’éloignement de votre
père. Vous craignez que les Pontifes romains, nos successeurs, ne
renoncent à venir à Rome, en voyant qu’au lieu d’y fixer notre séjour,
comme vous l’espériez, nous y sommes resté fort peu de temps. Cet
évènement, nous le déplorons ; mais, pour votre consolation, pour
l’instruction de ceux qui vivent aujourd’hui ou qui viendront après
nous, nous affirmons à nos successeurs, au monde, à la postérité que
nous n’avons pas été troublé pendant les trois ans passés au milieu de
vous. En nous proposant de passer la mer avec l’aide du Seigneur, nous
avons la pensée d’être utile à l’Église universelle et au pays ou nous
allons. Notre cœur reste au milieu de vous. Éloigné, nous vous
soutiendrons comme si vous nous étiez présents. C’est pourquoi nous vous
prions, nous vous ordonnons de vous consoler de notre départ, ainsi que
des hommes pleins de force et de sagesse. Gardez la paix et la
concorde, faites en sorte que notre ville persévère dans ces bons
sentiments et s’améliore même, afin que, si nous ou nos successeurs
avons la pensée de revenir à Rome pour de justes raisons, nous n’en
soyons pas détournés par les troubles qui pourraient y régner. »
La
reine Jeanne donna immédiatement mission à Nicola Spinelli, le nouveau
sénéchal de Provence, de préparer le retour pontifical. À sa demande,
parti de Marseille, Estève Brandis accostait le 5 septembre à Corneto
avec ses trente-quatre galères. Urbain V, épuisé par la vie que lui
avaient faite les Italiens depuis son arrivée, rembarquait vers la
Provence. Le 16 septembre, le pontife arriva au Vieux Port et rejoignit
Avignon, par petites étapes, onze jours plus tard.
Urbain
V, épuisé, pour se reposer, décida de se rendre à Châteauneuf où les
vendanges battaient son plein. Puis à la fin septembre, un peu remis, le
pape fit une visite à Carpentras où il fut reçu par l’évêque Jean Roger
de Beaufort et le recteur Philippe de Cabassolle.
Une
de ses premières décisions fut de nommer un nouveau recteur du Comtat
en la personne d'Étienne Aubert abbé de Saint-Allyre. Puis il voulut
mettre un terme à la lutte frontalière qui perdurait entre les troupes
provençales et celles du Dauphiné alliées aux Bretons d’Olivier du
Guesclin. Pour cela, il monnaya une trêve. Elle fut signée
le 19 décembre 1370 entre Nicola Spinelli, sénéchal de Provence, et
Amiel des Baux, sénéchal de Beaucaire. La « Longue Route » des Bretons
quitta la région.
Le
jour même de la signature de la trêve, le pape, tourmenté par la
maladie de la pierre, s’éteignit à Avignon dans la Livrée de son frère.
Il fut d'abord inhumé à Notre-Dame des Doms à Avignon. Ayant souhaité
que son corps soit enseveli à la manière des pauvres à même la terre,
puis réduit en cendres et que ses ossements soient portés à l'église
abbatiale de Marseille, le 31 mai 1372, sous la direction de son frère,
le cardinal Anglicus, ses restes furent exhumés du tombeau de la
cathédrale avignonnaise et transférés à Saint-Victor. Le 4 juin 1372, sa
dépouille fut accueillie par l'abbé Étienne Aubert, Recteur du Comtat,
et le cardinal Guy de Boulogne prononça son éloge funèbre. Dans
l'abbaye, son tombeau de style gothique flamboyant, aujourd'hui disparu,
fut commandé par Grégoire XI et exécuté par le lapidaire Joglarii. À
Montpellier une cérémonie grandiose en sa mémoire eut lieu la même année
à la veille de Noël.
Ses réalisations
Réalisations architecturales
Guillaume
de Grimoard fut un homme d'étude surtout préoccupé de développer la
culture et la science tant des étudiants que des moines qui lui avaient
été confiés « pour assurer leur foi orthodoxe et donner un intérêt
profond à leur vie ». Devenu pape, il enrichit considérablement la
bibliothèque pontificale qui contient un grand nombre d'ouvrages
d'histoire du droit, de théologie et de philosophie.
Sa déclaration d'intention sur la nécessité du savoir et de la connaissance nous est connue :
« Je
souhaite que les hommes instruits abondent dans l'Église de Dieu. Tous
ceux que je fais élever et que je soutiens ne seront pas
ecclésiastiques, j'en conviens. Beaucoup se feront religieux ou
séculiers, les autres resterons dans le monde et deviendront père de
famille. Eh bien ! quel que soit l'état qu'ils embrasseront, dussent-ils
même exercer des professions à travaux manuels, il leur sera toujours
utile d'avoir étudié. »
Urbain V, si préoccupé des intérêts spirituels, se montra très généreux pour financer de nombreux travaux.
Il
profite de sa position pour favoriser l'enseignement par la fondation
de plusieurs « studia », sortes de maison d'études supérieures destinées
à préparer les jeunes gens aux universités notamment
à Trets, Manosque, Saint-Germain-de-Calberte, Saint-Roman-de-Codières,
etc.
Il
œuvra à la création de plusieurs collèges universitaires
(Orange, Cracovie en 1364, Vienne en 1365), d'une école de musique
à Toulouse. Mais ce fut surtout l'université de Montpellier, fortement
ébranlée par les pestes et le passage des routiers, qui bénéficia de sa
mansuétude.
En Avignon et en Comtat Venaissin
Urbain V fit réaliser des jardins jouxtant le palais des papes et construire la Roma,
une longue galerie à un étage, perpendiculairement à la Tour des Anges.
Pour cette réalisation, l'architecte fut Bertrand Nogayrol et le pape
fit décorer cette galerie, de nos jours disparue, par Matteo Giovanetti,
noté Matthieu Janet dans les registres pontificaux.
De
plus il donna une nouvelle impulsion au vignoble de Châteauneuf, qui
faisait partie de l'État d'Avignon, en ordonnant qu’y fut planté du
raisin muscat.
Article détaillé : Vins des papes d'Avignon.
Sous
son pontificat, en 1363, l'enceinte sud-ouest de Malaucène fut remise
en état. Une inscription signale cette restauration au-dessus de la
« Porte Chaberlain » :
« L'an
de Notre Seigneur 1363, sous le pontificat de Noutre Seigneur le pape
Urbain, cette porte fut faite par ordre des seigneurs Philippe, Recteur,
et Jean, Capitaine du Comté Venaissin, et par les soins de Guillaume
Chaberlain. »
En Gévaudan


Très
proche de ses origines gévaudanaises, et il eut à cœur, tout au long de
sa vie pontificale, de favoriser son pays. Ceci se traduisit par un
enrichissement particulièrement de la région cévenole en édifices
religieux et en voies d'accès. C'est ainsi qu'il fit édifier une église
à Salmon-sur-le-Lot, une église paroissiale à Grizac son village natal,
des embellissements au prieuré de Chirac et un pont à Quézac sur lequel
fut construite une chapelle. Sur ses ordres furent fondées les églises
collégiales de Quézac, en 1365, et de Bédouès, en 1363. Cette dernière,
où il a été baptisé, fut fortifiée, pour accueillir le tombeau de ses
parents.
S'étant
réservé l'évêché de Mende pour des raisons économique, il en affecta
les revenus à la construction de la cathédrale Notre-Dame et
Saint-Privat, en remplacement de la cathédrale primitive. La cathédrale
précédente ne fut pas détruite, mais plutôt magnifiée.
Enseignement
Yves
Renouard, analysant son action apostolique et universitaire a
expliqué : « Sa bonté et son désir de diffuser la science se manifeste
par ses générosités à l'endroit de bon nombre d'abbayes dont celle du
Mont-Cassin et des principales Universités : il aime à fonder, auprès de
celles-ci, des collèges qui accueilleront des étudiants pauvres ». Ce
fut dans ce cadre que, afin d'aider ses jeunes compatriotes, il fonda
àMontpellier, en 1360, le collège des Douze-Médecins, placé sous
l'invocation de Saint-Matthieu, pour des étudiants en médecine issus du
Gévaudan. Cet attachement à la médecine s'explique, en partie, par son
amitié avec l'un des pères de la chirurgie, Guy de Chauliac. Puis
en1364, il fonda le collège des SS. Benoît et Germain, destiné à
accueillir les étudiants en théologie, droit canon et arts libéraux.
Il
fonda la faculté de théologie de Padoue, un collège à Bologne et
réforma les statuts des universités de Paris, d'Orléans et de Toulouse.
Afin d'aider à l'instruction des jeunes de son pays (le Gévaudan), il fonda à Saint-Germain-de-Calberte un « studium »,
sorte de séminaire avant l'heure, entièrement réservé aux moines. Les
étudiants devaient ensuite se rendre à Avignon pour y passer leur
examen. Il fit restaurer le prieuré de Grizac, situé sur la paroisse de
Bédouès, et cette seigneurie se vit, de plus, exemptée de tout impôt
devenant ainsi une terre franche. Ce privilège, conservé jusqu'au xviiie siècle, fut accordé par le roi Charles V, en remerciement au pape.
Missions
Il
favorisa les missions des îles Canaries, et redressa le premier évêché
de Pékin, nommé alors Khanbalik érigé par Jean XXII, où il envoya
Guillaume de Prato accompagné de douze frères mineurs. C'est aussi à
Urbain V que l'on doit l'envoi de missionnaires
en Dalmatie, Moldavie,Valachie, Bulgarie, Crête, Arménie, Scythie, Russie, Scandinavie et Afrique
du Nord.
Économie
Avignon
fut un grand centre de consommation qui fit vivre l'agriculture dans
les régions proches et est un partenaire important du commerce européen.
Urbain V créa donc des officiers spécialisés dans les régions (par
exemple Languedoc ou Bourgogne) missionnés pour négocier et ramener tel
ou tel produit ou denrée. Ils visitaient les centres de productions,
étaient assidus aux foires. Cette pratique permit d'économiser sur les
marges des marchands qui convoyaient habituellement les produits jusqu'à
Avignon.
En 1363,
à Avignon, Francesco, fils de Marco Datini, un toscan originaire
de Prato, en dépit de l'annonce du départ d'Urbain V, jugea opportun de
développer son affaire de négoce. Il s’associa avec Niccoli di Bernardo
pour vendre, auprès de la Cour pontificale, des articles venus des
villes lombardes et toscanes. Son succès commercial fut tel qu'en moins
de deux décennies, il devint le plus grand et le plus riche marchand
d'Europe occidentale.
La
même année, le pape donna licence au maître confiturier Auseta de
s'installer à Apt. Deux ans plus tard, en 1365, quand il se rendit sur
le tombeau de son parrain Elzéar de Sabran, le confiturier aptésien lui
offrit des « fruits confits au raisiné ». C'est la première mention de
la fabrication des « confitures sèches » dans la cité provençale.
En
date du 18 mars 1368, de Rome, Urbain V rendit publique un bulle pour
préserver l'activité économique d'Avignon après son départ. Afin
d'éviter toute récession, il chargea ses cardinaux Raymond de
Canillac et Jean de Blauzac, en accord avec le recteur Philippe de
Cabassolle, d'accorder libertés et privilèges aux artisans. Les premiers
cités étaient les marchands et négociants en laine, qui devaient être
exemptés de taille, les seconds, les meuniers, qui avaient le droit
d'installer des moulins sur les berges de la Sorgue et de la Durance. Ce
que ne put empêcher le pape fut la crise de surproduction des vins en
pays d'Apt. Les volumes que lui et ses cardinaux faisaient venir étaient
tels que le départ d'Avignon d'Urbain V puis de Grégoire XI provoqua un
marasme économique jusqu'en juin 1396.
Sa béatification


Gravure de son tombeau marseillais
Avant
son départ pour Rome, Grégoire XI, pour atténuer la peine des
Provençaux et des Comtadins, avait profité de son séjour en l’abbaye de
Saint-Victor pour ordonner une enquête sur la « fama et sanctitate »
de son prédécesseur. Durant des mois, les notaires pontificaux
recueillirent des milliers d’attestations décrivant par le menu les
miracles et les guérisons attribués à Urbain V. Cette enquête fut
interrompue en 1379, pour être reprise en 1390 sur ordre de Clément VII,
le premier pape avignonnais du Grand Schisme.
Les premières demandes
Entre 1372 et 1376, Louis
d’Anjou, décida de financer de ses propres deniers les frais de procès
en canonisation de son beau-père Charles de Blois. Sur sa lancée, il fit
instruire celui du défunt pape Urbain V et de Delphine, « la femme de
saint Elzéar, comte d’Ariano ». Un nouveau procès en canonisation fut
demandé par Valdemar IV de Danemark et promis par le pape Grégoire
XI dès 1375. Mais la crise du Grand Schisme qui secoua l'église
catholique eut tôt fait de le stopper. Ainsi c'est seulement
le 10 mars 1870 qu'il fut déclaré bienheureux par le pape Pie IX.
Les demandes modernes
Au XXe siècle, une association, « Les Amis du Bienheureux Urbain V », s'est constituée pour promouvoir la cause de sa canonisation.
Urbain
V est considéré comme saint dans le nouveau calendrier liturgique
publié par Paul VI, à la date du 19 décembre, sans avoir été
formellement canonisé.
Les faits marquants de son pontificat
Le 22 septembre 1362, les vingt cardinaux du Sacré Collège entrèrent en conclave.
En 1363,
Urbain V s'attribua le choix et la nomination des évêques ayant un
revenu de plus de 200 florins et de tous les abbés dont le revenu
excédait 100 florins.
Le 18 septembre 1366,
Urbain V nomma pour la première fois en consistoire des cardinaux.
Cette promotion en comprit trois : Anglic de Grimoard, son
frère, Guillaume Sudre et Marco de Viterbe.
Le 12 mai 1367,
avant son départ pour Rome, Urbain V décida pour la seconde fois de
remettre le chapeau de cardinal. Il y eut un seul promu :Guillaume
d'Aigrefeuille le Jeune qui devint cardinal-prêtre de Saint-Étienne au
Mont-Cœlius.
Le 22 septembre 1368,
Urbain V, lors de sa troisième promotion de cardinaux, désigna :
Arnaldo Bernardi (ou Bertrandi), Philippe de Cabassolle, Simon Langham,
Bernard du Bosquet, Jean de Dormans, Étienne de Poissy (ou Paris),
Pierre de Chinac (ou de Bagnac) et Francesco Thebaldeschi.
Le 7 juin 1370,
Urbain V procéda à sa quatrième et ultime nomination de cardinaux.
Cette promotion n’en compta que deux : Pierre d’Estaing et Pietro
Corsini.
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